Le mois des âmes du purgatoire : 5 novembre

Le mois des âmes du purgatoire : 5 novembre

Le mois des âmes du purgatoire : 5 novembre

Source : Livre "Mois des âmes du purgatoire ou méditations, prières et exemples pour le mois de novembre"

V JOUR
Séparation entière. Isolement des saintes âmes du purgatoire.
Vanités des vanités, tout n'est que vanité, hors aimer Dieu et le servir lui seul.

Ier Point. Quel ne doit pas être l'étonnement, la surprise d'une âme que la mort vient de séparer de son corps et de jeter dans les profondeurs de l'éternité ; quel changement ne s'opère-t-il pas en elle au moment où le regard divin du souverain Juge, en s'arrêtant sur elle, porte la lumière jusque dans ses plus intimes profondeurs. Cette lumière qui la pénètre, qui l'investit de toutes parts, dissipe toutes les ombres, fait évanouir toutes les illusions, rectifie toutes les appréciations, redresse tous les jugements erronés, et lui montre la vérité dans sa divine et éternelle splendeur.
Quels mystères doivent alors se dévoiler aux yeux éblouis de cette âme, qu'un seul pas, mais un pas sur lequel il lui est impossible de revenir, sépare seulement de la terre. Toutes ces vérités qu'elle a crues, qu'elle n'a fait qu'entrevoir à la pâle lumière du flambeau de la foi, lui sont manifestées dans toute leur majestueuse beauté. Tous ces mystères divins qu'il adorait sans les comprendre lui sont dévoilés, et son œil peut en contempler les divines et insondables profondeurs. Un seul instant a suffi pour éclairer cette âme et pour lui donner une science et les connaissances surnaturelles, que les docteurs et les théologiens les plus érudits ne parviendront jamais à acquérir ici-bas, malgré leurs longues et laborieuses études.

Et cependant, je ne parle pas ici de cette lumière de gloire qui ravit les élus et les plonge dans d'immortelles extases, mais seulement de celle dont Dieu éclaire toute âme qui entre dans l'éternité, lumière qui force chacune d'elles à reconnaître l'équité de l'arrêt qu'il a prononcé sur elle et à adorer sa justice, alors même que cette justice condamne, soit aux peines éternelles de l'enfer, soit aux peines temporelles du purgatoire. Ce n'est que de ces saintes âmes élues par Dieu, et qui ont reçu de la bouche du souverain Juge l'assurance de leur bonheur éternel, mais qui ; avant d'entrer en possession de ce bonheur, doivent encore subir une douloureuse expiation, dont la rigueur et la durée est toujours proportionnée à la grièveté de leurs fautes, ce n'est que de ces âmes, dis-je, que nous avons à nous occuper.
Représentons-nous donc l'état d'une de ces âmes qui vient d'entrer dans le lieu de son expiation. Il n'y a qu'un instant, une minute, une seconde qu'elle a quitté cette terre où elle avait peut-être miré toutes ses espérances, fait tant de rêves de bonheur, où elle s'était laissée séduire par tant d'illusions, et déjà son arrêt est fixé pour l'éternité. Des parents, des amis en pleurs entourent encore sa dépouille mortelle, des larmes bien sincères coulent peut-être sur ces restes inanimés, et déjà toutes les choses terrestres ont pris fin pour elle, tous ses liens sont brisés, toutes ses espérances temporelles détruites, et si ses affections ne sont pas évanouies, elles ont au moins complètement changé de nature.

La séparation de cette âme est entière, sa solitude absolue. Pour elle il n'y a plus rien, plus de parents, plus d'amis, plus de serviteurs, plus de richesses, plus d'honneurs, plus de plaisirs, plus de patrie, plus de monde, plus de corps, plus de temps, plus rien enfin, plus qu'elle-même et Dieu seul, Dieu, l'unique et souverain bien, mais qu'elle entrevoit seulement de loin, qui l'attire à lui et se soustrait en même temps à l'ardeur de ses désirs, Dieu, enfin, qu'elle ne pourra posséder que lorsque les flammes qui la consument auront effacé en elle jusqu'aux dernières traces du péché. Quel dénuement, quelle solitude, quelle amère séparation !
En vain cette pauvre âme cherche autour d'elle et appelle avec des larmes ses enfants, ses parents si tendres, si dévoués, qui naguère l'entouraient de leur sollicitude, de leurs soins empressés ; ils ne l'entendent plus, une distance immense, une barrière infranchissable la sépare d'eux, et tout entiers à leur douleur, peut-être ne songent-ils pas même à la rendre profitable à l'âme de celui qu'ils pleurent en offrant pour elle à Dieu l'amertume de leurs regrets et de leurs larmes.
Que doit penser alors cette âme de toutes les affections de la terre ? quel cas doit-elle faire de toutes les choses périssables d'ici-bas ? De quel œil voit-elle ce qu'elle appelait il y a quelques jours des biens, biens qui lui paraissaient si désirables et qu'elle poursuivait avec tant d'ardeur ? Quel cas l'âme de ce riche fait-elle maintenant de ses riches hôtels, de ses terres, de ses vastes propriétés, de ses magnifiques ameublements, de ses somptueux équipages ? De tout cela, que lui reste-t-il ? Plus rien que le regret d'avoir attaché son cœur à ces biens périssables et peut-être à subir la longue expiation que cette attache force la justice de Dieu à lui faire subir.

Que pense également l'âme de ce savant, qui s'est consumée dans l'étude des sciences, qui a usé sa vie dans de laborieuses et pénibles recherches, que pense-t-il de ses connaissances, de la réputation qu'elles lui avaient acquise, des emplois honorables qu'elles lui avaient valu ? Que pense l'âme de cette jeune personne si vaine de sa beauté, de ses agréments, si empressée à les relever encore par toutes les frivolités de la vanité, par toutes les excentricités de la mode, par tous les raffinements d'un luxe effréné et ruineux ? La première de ces âmes reconnaît en gémissant, que la seule connaissance vraiment utile était celle de Dieu et d'elle-même, la seule science nécessaire, celle qui fait les saints. L'autre séparée de ce corps qui était son idole et qui n'a plus à attendre que la corruption du tombeau, regrette amèrement son aveuglement, ses vanités, ces folies qui ont attiré sur elle de si redoutables, de si terribles châtiments. La vie du temps, à chacune de ces âmes, ne parait plus qu'un songe, que le réveil de l'éternité a fait évanouir. En ouvrant les yeux à la véritable lumière à laquelle elles ne peuvent plus se soustraire, elles s'écrient : Vanité des vanités, tout n'est que vanité, hors aimer Dieu et le servir lui seul.
2° Point. Ce que les saintes âmes du purgatoire ont une peine extrême à comprendre, c'est que le monde, les biens périssables de la terre, les jouissances matérielles aient pu les fasciner, les aveugler, au point de leur faire préférer ces fantômes fugitifs à Dieu, à sa grâce, à son amour, au bonheur du ciel. Combien n'y en a-t-il pas parmi elles pour lesquelles tout cela n'était que des choses secondaires dont elles ne s'occupaient jamais sérieusement, et qui eussent volontiers consenti à rester toujours sur la terre pour y jouir des biens de la vie présente, si on leur en avait assuré la possession, et cela sans donner aucun regret à ceux de la vie future. Ces âmes sauvées par un effet de l'infinie miséricorde, voient maintenant leur déplorable illusion. Cette vue les plonge dans la stupeur, dans l'étonnement le plus profond, et leur inspire de trop tardifs, mais bien amers regrets. Oh ! si nous pouvions voir les choses au point de vue où elles les voient en ce moment, nous ne nous laisserions ni fasciner, ni séduire par l'appât trompeur de ces biens périssables dont la mort nous dépouille si vite. Nous serions sages de la sagesse dont parle le pieux auteur de l'Imitation, lorsqu'il dit : « Le suprême degré de la sagesse, c'est de tendre au royaume des cieux par le mépris des choses d'ici-bas. »

Il est encore dans le purgatoire des âmes pour lesquelles cette entière séparation a quelque chose de plus amer, de plus douloureux. Ce sont celles des personnes pieuses qui ont cherché ici-bas leur bonheur et leur consolation en Dieu, et dans toutes les choses qui se rapportaient à lui, retenus dans le lieu de l'expiation pour de légères fautes échappées à la fragilité humaine, et que la mort ne leur a pas laissé le temps d'expier. Ces saintes âmes souffrent d'autant plus qu'elles aiment Dieu davantage, leurs souffrances sont en quelque sorte proportionnées à leur amour. Déjà pendant leur vie elles étaient détachées des choses de la terre, séparées du monde au moins de cœur et d'affection ; leur bonheur, elles le cherchaient en Dieu, car le salut n'était pas pour elles une chose secondaire, mais leur unique, leur plus importante affaire, celle à laquelle se rapportaient, se subordonnaient toutes les autres. Ces âmes ne demandaient rien au monde, elles ne voulaient ni de son luxe, ni de ses plaisirs, ni des jouissances matérielles dont il est si avide. Elles cherchaient les leurs à des sources plus pures, dans la prière, dans la réception des sacrements, dans l'audition de la parole sainte, dans les pieuses lectures, et surtout dans la sainte communion, dans de fréquentes visites à Jésus dans le sacrement de son amour. Quelques pures que soient ces jouissances, en purgatoire, ces saintes âmes en sont privées comme de toutes les autres. Elles peuvent encore prier, c'est vrai, mais il ne leur est plus possible de se purifier dans le sacrement de pénitence. La voix paternelle de celui qui leur tenait la place de Dieu ne vient plus les consoler, relever leur courage, ni adoucir leurs peines par de douces et compatissantes paroles. Jésus, qu'elles aimaient tant à recevoir, qu'elles ont reçu si souvent dans son Eucharistie, cet hôte si bon, si condescendant du tabernacle, qui est venu à elles quand elles ne pouvaient plus aller à lui, qui les a visitées sur leur lit de douleur, consolées, fortifiées dans leur dernier combat, ne se montre plus ; elles l'appellent, elles le désirent en vain, il ne descend pas dans leur prison brûlante, il n'a cependant pas cessé de les aimer, mais le temps de sa miséricorde est passé, et, quoique à regret, il laisse sa justice s'appesantir sur ces âmes si aimées de son cœur, et avant de les couronner, cette justice exige qu'il n'y ait plus en elles un seul grain de cette poussière du péché qu'elles ont remporté de la terre.
Souvenons-nous que la figure du monde, qui s'est évanouie pour ces saintes âmes, passe maintenant devant nous, et s'évanouira bientôt pour nous aussi. Prenons garde qu'en passant elle nous séduise et nous égare ; ne nous laissons pas éblouir par ses charmes trompeurs, mais souvenons-nous de cette parole de l'Imitation : « Celui qui s'attache à la créature tombera avec elle ; mais celui qui s'attache à Jésus demeurera éternellement. » Rentrons en nous-mêmes, interrogeons notre conscience, et dans le silence du recueillement voyous si nous sommes détachés de toutes les choses dont la mort nous dépouillera un jour, et peut-être bientôt. Sommes-nous détachés de notre fortune ? Faisons-nous assez large la part des pauvres ? Ah ! soyons saintement prodigues pour eux. Souvenons-nous que nous prêtons à Dieu l'or que nous versons dans leur sein, nous ne lui prêtons pas sans intérêt; mais cette usure est la seule qu'il autorise, qu'il recommande, et c'est à la banque du Ciel qu'il nous remboursera éternellement le capital et les intérêts.
L'apôtre bien-aimé nous dit : « N'aimez point le monde, ni tout ce qui est du monde, car le monde est tout entier dans la corruption, et il n'y a en lui que concupiscence. » Ce conseil de l'apôtre, qui avait puisé sur le sein de Jésus la lumière et une divine sagesse, ne nous parait-il pas trop sévère ? Le goûtons-nous, et surtout y conformons-nous notre conduite ? Ah ! si cela était, pauvres âmes qui vous faites d'étranges illusions, vous n'auriez pas un goût si vif pour les sociétés et les divertissements du monde. Pourquoi, si vous n'aimez pas ce monde trompeur, craignez-vous tant de lui déplaire, pourquoi entretenez-vous avec ses partisans tant de relations inutiles, pourquoi enfin désirez-vous tant son estime et craignez-vous si fort d'encourir ses censures.
Sommes-nous enfin détachés de notre corps, ne l'aimons-nous pas avec dérèglement ? S'il en est ainsi, pourquoi tant de délicatesse et de sensualité ? Pourquoi tant d'horreur pour la souffrance et cette recherche continuelle du plaisir ? Pourquoi, surtout jeunes personnes, cet amour excessif des parures ? Pourquoi cette incessante attention à relever par tous les moyens en votre pouvoir l'éclat d'une beauté dont vous êtes si vaines, beauté que le temps ou la mort flétriront si vite, et dont bientôt il ne vous restera plus rien.
Reconnaissons humblement que notre cœur est encore tout plein d'attaches, humilions-nous-en devant Dieu, reconnaissons le néant de toutes ces choses qui le captivent et arrêtent ses aspirations vers les biens invisibles, et demandons à Dieu la force de rompre tous nos liens, et de nous détacher d'avance de toutes ces choses qui doivent nous échapper un jour, et dont la mort nous séparera bientôt violemment. N'aimons que Dieu, ne tenons qu'à lui, ne désirons que lui, c'est le moyen de vivre heureux et de mourir sans regret.

PRIÈRE.
Brisez tous mes liens, ô mon Dieu ! créez en moi un cœur nouveau, un cœur pur, libre, détaché de tout, faites que j'aie le mérite de vous sacrifier librement, et par amour tous les biens dont la mort doit me séparer un jour. Je ne veux pas seulement, ô mon Dieu ! renoncer à ce qui serait mauvais ou dangereux dans les objets de mes affections ; mais je ne veux n'aimer qu'avec modération et sans attache, tout ce que vous me permettez d'aimer, je veux enfin n'user qu'avec une sage réserve des biens dont vous me permettez la jouissance, afin de les quitter un jour sans regret et sans peine. Saintes âmes du purgatoire, vous dont je désire si vivement hâter le bonheur; vous qui connaissez si bien le néant des biens périssables de la terre, et qui souffrez peut-être pour expier l'attache que vous y avez eue, daignez intercéder pour moi, et tandis que je demande à Dieu votre délivrance, demandez-lui pour moi la grâce d'être fidèle aux résolutions que la pensée de vos souffrances vient de m'inspirer. Ainsi soit-il.

EXEMPLE.
L'âme d'une pieuse dame morte à Luxembourg, commença à apparaître le jour de la Toussaint, à une jeune fille de grande vertu, et à lui demander des prières. Toutes les fois que celle-ci allait à l'église et qu'elle s'approchait de la sainte table, elle était suivie par cette âme, dont à l'élévation de l'hostie, le visage s'enflammait d'une ardeur qui la faisait ressembler à un Séraphin. Elle ne se laissait jamais voir hors de l'église : La jeune fille lui en demandant la raison, elle s'écria avec un profond soupir : « Ah ! tu ne sais pas quelle peine on souffre d'être éloigné de Dieu. Rien ne le saurait exprimer. Je suis portée vers Dieu par un ardent désir, une intolérable anxiété, un élan irrésistible, et, rester privée de lui, est pour moi une douleur si grande, qu'auprès d'elle l'intensité du feu qui me dévore n'est rien. Pour en adoucir la rigueur, le Seigneur m'a permis de venir dans cette église et de l'adorer au moins dans sa maison, sur la terre, jusqu'au jour où je le posséderai dans son céleste palais. Même sous les voiles des sacrés mystères sa présence me pénètre au point que je ne vis que pour lui ; que sera-ce quand je le verrai face à face dans le Ciel ? » Et elle priait, la jeune fille, de hâter cet heureux moment par ses suffrages ; ce qu'elle fit avec tant de ferveur, que le 10 décembre elle la vit plus resplendissante que le soleil s'envoler dans le sein de Dieu. (P. Jos. Eusèbe. Nirebmergius , DePulchr. Dei, lib. II, cap. H.)

PRATIQUE.
Faire à Dieu le sacrifice des choses pour lesquelles nous avons trop d'attache, et le lui offrir en faveur des saintes âmes du purgatoire.






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