Le mois des âmes du purgatoire : 30 novembre

Le mois des âmes du purgatoire : 30 novembre

Le mois des âmes du purgatoire : 30 novembre

Source : Livre "Mois des âmes du purgatoire ou méditations, prières et exemples pour le mois de novembre"

XXXe jour
Avantages que nous pouvons retirer de la pensée du purgatoire, et de la charité que nous aurons pour les saintes âmes qui y sont retenues.
La crainte est le commencement de la Sagesse.

ler Point. La pensée du purgatoire ramène tout naturellement à notre esprit celle de la mort, et par là même elle ne peut que nous être utile et nous inspirer de sages et salutaires réflexions. « Pensez à vos fins dernières, et vous ne pécherez jamais. »
En effet, quel frein plus salutaire l'homme peut-il opposer à ses passions que la pensée de la mort qui peut le surprendre à tous les instants, celle du jugement redoutable qui doit la suivre, celle de l'enfer où un seul péché mortel peut le précipiter ; la pensée du ciel qu'il peut perdre, mais qu'il peut gagner s'il le veut sincèrement ; celle du purgatoire enfin, où les âmes expient par de si cruelles souffrances les fautes légères qu'on se permet si aisément et dont on fait si peu de cas dans le monde.
Notre intention n'est pas de nous occuper, dans cette méditation, des avantages qui résultent pour l'âme de la pensée approfondie des fins dernières, nous nous bornerons à faire comprendre ceux qu'elle peut retirer du souvenir fréquent du purgatoire.

Le premier avantage que nous y trouvons est de nous inspirer une crainte salutaire des fautes légères et de nous donner une haute idée de la sainteté de Dieu, qui ne peut souffrir l'ombre même du péché, et de sa justice, qui lui inflige de si terribles châtiments.
Comment en effet ne pas concevoir une crainte salutaire du péché véniel, à la pensée de ces gouffres embrasés, de ces brasiers ardents, sans cesse attisés par la miséricordieuse justice de Dieu, au milieu desquels des âmes saintes, et dont la place est assurée dans le ciel, endurent pour expier des fautes légères, pour acquitter quelques restes de dettes, des souffrances auxquelles ne peuvent être comparées aucune de celles qui nous sont connues sur la terre ? Ah ! au souvenir de ce terrible lieu d'expiation, de ce purgatoire que saint Augustin, saint Thomas et d'autres docteurs appellent un enfer, moins le désespoir et la durée, un enfer raccourci, l'âme se forme une juste idée de la malice du péché véniel, elle en conçoit de l'horreur, elle veille sur elle pour ne pas le commettre, et elle évite avec soin ces mille petites fautes qu'elle ne pensait même pas à se reprocher.
Oui, nous ne craignons pas de le dire, la pensée habituelle du purgatoire retrancherait de la vie des personnes pieuses une multitude de fautes légères. Si cette pensée leur était familière, les prières seraient faites avec plus d'attention, les sacrements reçus avec plus de foi et des dispositions plus parfaites, les devoirs plus religieusement et plus soigneusement accomplis, le support du prochain paraîtrait moins pénible, et la charité ne serait pas aussi souvent blessée.

Qui oserait se permettre une légère médisance, une parole de mépris ou de moquerie, un murmure contre les supérieurs, une impatience, un léger mensonge, une pensée ou une parole d'amour propre ou de vanité, si l'on pensait qu'il faudra, si toutes ces fautes ne sont pas expiées en ce monde, en faire dans l'autre une si terrible pénitence.
Si cette pensée venait quelquefois à l'esprit de ces femmes du monde qui font une idole de leur corps, qui ne songent qu'à le parer et à faire ressortir les avantages naturels dont elles sont douées, par tous les raffinements de la vanité et du luxe le plus effrené ; si elles voulaient s'arrêter quelquefois à cette pensée et y réfléchir sérieusement, comme à une vérité qui n'en est pas moins réelle, parce qu'elles l'éloignent de leur souvenir, et qui les regarde comme elle regarde la religieuse au fond de son cloître, nous ne craignons pas de dire que les futilités dont elles s'occupent perdraient bientôt l'importance qu'elles ont à leurs yeux, et qu'on ne les verrait pas si à l'affût des caprices de la mode, si empressées à s'y conformer dans tout ce qu'elles ont de plus bizarre et de plus ridicule ; elles ne perdraient plus à leur toilette un temps si précieux, en pensant qu'un jour Dieu leur demandera un compte sévère de ce temps qu'elles devraient employer à leur salut et qu'elles dissipent si follement dans l'oisiveté, la dissipation et le plaisir. Oui, si elles pensaient aux terribles expiations qui seront imposées à leurs vanités, à leur amour de la parure, à leur mollesse, à leur sensualité, leur vie, nous n'en doutons pas, deviendrait bientôt plus en harmonie avec leur titre de chrétienne et la gravité des devoirs qu'il impose, et en s'occupant moins de la parure de leur corps, elles s'occuperaient davantage de celle de leur âme, et par la pratique des vertus, elles s'efforceraient d'acquérir cette beauté qui est à l'abri des outrages du temps, qui ne se flétrit pas, et qui seule attire les regards de Dieu et a du prix à ses yeux.

La pensée du purgatoire a pour second avantage d'inspirer l'esprit de pénitence et de mortification. En effet, cette pensée nous rappelle que si la justice divine est rigoureuse, elle n'est pas aveugle, qu'elle ne punit pas deux fois les mêmes fautes, et que si nous les expions en ce monde, nous ne les expierons pas dans l'autre. Elle nous rappelle également que si elle est justice inflexible, inexorable dans le purgatoire, nous pouvons aisément la fléchir et la désarmer tant que nous sommes sur la terre. L'âme, à ce souvenir, se sent remplie du désir d'échapper par la pénitence à ce feu terrible du purgatoire, qui ne peut exercer son action que sur les péchés qui n'auront pas été expiés. Si nous expions les nôtres par la pénitence, il n'aura plus rien à désirer en nous.
Dieu, dans sa bonté, veut qu'une dette contractée par un délit volontaire puisse être acquittée par une satisfaction volontaire. Il ne nous châtie dans l'autre vie que parce que nous n'avons pas eu le courage de venger sur nous en celle-ci nos propres faiblesses. Il est donc de notre intérêt de chercher à prévenir ses jugements et sa justice par la pénitence ; quelle que soit celle que nous nous imposerons, elle sera toujours plus douce que le purgatoire. La main de Dieu est plus lourde que la nôtre. Cette pensée remplit l'âme d'un saint courage pour embrasser généreusement la mortification et la pénitence. Elle se dit à elle-même : Je veux enfin régler des comptes ouverts depuis si longtemps avec Dieu ; je veux profiter du temps que me laisse sa miséricorde pour satisfaire à sa justice ; je veux acquitter des dettes qu'il m'est si facile de solder avec un peu de générosité et d'amour. Je le puis, je le dois et je le veux.

IIe Point. Le troisième avantage que nous procure la pensée du purgatoire est de nous rendre plus patients, plus courageux à supporter les peines et les épreuves de la vie ; elle nous apprend à les envisager comme un moyen que Dieu nous fournit dans sa miséricorde pour suppléer à ce qui manque à notre pénitence et nous aider à éviter les terribles expiations du purgatoire. Heureuse l'âme qui comprendrait bien cette vérité ; elle ne recevrait pas seulement les croix que lui ménage la Providence avec résignation, mais avec reconnaissance et avec joie, elle les regarderait comme un bienfait signalé de la bonté du Seigneur, comme une monnaie précieuse avec laquelle elle peut chaque jour solder une partie de ses dettes, et quelles que soient ces souffrances, quelque longues, quelque pénibles qu'elles puissent paraître à la nature, elle les supporterait en paix et bénirait Dieu en pensant aux biens qui en résulteront pour elle, et aux mérites qu'elles peuvent lui faire acquérir. « Mais, dit Fénelon, la nature ne veut de purgatoire ni en ce monde ni en l'autre. Alors qu'arrive» t-il ? Par nos chicanes avec Dieu, nous rendons celui-ci tellement inutile, que tout est à recommencer après la mort, et nous en faisons deux au lieu d'un. Il faudrait être dès cette vie comme les âmes du purgatoire, paisibles, souples dans la main de Dieu pour se laisser détruire par le feu vengeur de l'amour (1) ».
La souffrance est un purgatoire de miséricorde en ce monde ; mais qui est-ce qui souffre comme les âmes que Dieu purifie par le feu de l'autre monde, sans se débattre sous sa main, avec un amour paisible qui grandit toujours. Tâchons de fonder ici-bas un purgatoire, comme nous fondons des hôpitaux avec la douleur (2). »
Oui, ne l'oublions pas, les peines, les souffrances de la vie sont un purgatoire, l'âme se purifie sous le pressoir de la croix comme elle se purifie sous l'action vengeresse des flammes allumées dans l'autre vie par la justice de Dieu. Mais souvenons-nous également que l'âme peut se souiller au lieu de se purifier dans ce purgatoire de miséricorde ; et elle le fait si, au lieu de se soumettre avec paix et résignation à la volonté du Seigneur, elle se révolte contre elle, se laisse aller à l'impatience et aux murmures. N'abusons donc pas de la grâce si précieuse de la souffrance, et ne faisons pas du moyen que Dieu, dans sa bonté, nous accorde pour expier nos fautes une occasion d'en commettre de nouvelles. Souffrons, comme les saintes âmes du purgatoire, avec paix, avec résignation, avec amour, et nos souffrances auront le double avantage de nous purifier et de nous faire acquérir d'innombrables mérites.
Le quatrième avantage que procure le souvenir habituel du purgatoire est d'entretenir l'âme qui s'en nourrit dans une ferveur continuelle. Il la rend plus vigilante sur elle-même, plus attentive à remplir avec fidélité tous ses devoirs envers Dieu, envers le prochain et envers elle-même ; plus soigneuse à bien faire ses plus petites actions, à purifier toutes ses intentions, à n'agir en tout que pour la gloire de Dieu et pour son amour. Enfin il lui fait éviter les plus légères imperfections, et cette seule pensée, combien de jours, de mois, d'années peut-être me faudra-t-il passer en purgatoire pour expier cette imperfection, cette petite faute que le monde traite de bagatelle, suffit pour la lui faire éviter ; car pour elle ce n'est pas une bagatelle que de passer des jours, des mois, des années au milieu de flammes dévorantes ; ce n'est pas surtout une bagatelle que de déplaire à Dieu et de rester longtemps séparé de lui après la mort.
Le cinquième avantage que nous retirons de la pensée du purgatoire c'est la charité qu'elle nous inspire pour les saintes âmes qui y sont détenues. Le cœur s'émeut à la pensée de leurs souffrances ; il se sent pénétré d'une tendre compassion pour elles, et de la compassion au désir, à la volonté de leur venir en aide, de se dévouer à leur soulagement, il n'y a qu'un pas. Alors on prie, on se mortifie en faveur de ces saintes âmes, on s'efforce de les soulager par tous les moyens que nous avons indiqués dans le cours de cet ouvrage ; leurs intérêts deviennent en quelque sorte ceux de l'âme qui se dévoue à elles ; leurs souffrances deviennent, si je puis ainsi parler, ses propres souffrances ; elle souffre avec elles de leur éloignement de Dieu, et elle éprouve une sainte impatience de leur ouvrir les portes de leur céleste patrie. C'est ainsi que sans y réfléchir peut-être, cette âme pratique la charité dans tout ce qu'elle a de plus parfait, de plus héroïque, et qu'en croyant ne travailler que pour les autres, elle s'enrichit elle-même d'abondants mérites. En acquittant les dettes des âmes auxquelles elle se dévoue, elle acquitte également les siennes ; car si la charité est la plus excellente de toutes les vertus, si devant Dieu elle supplée à toutes les autres, les âmes qui la pratiquent envers les morts, loin de rien perdre pour elles-mêmes, ne peuvent qu'y gagner ; car si Dieu récompensera un jour d'une manière si magnifique un verre d'eau froide donné à un pauvre en son nom, combien plus magnifique encore ne sera pas la récompense qu'il accordera à ceux qui se seront dévoués au soulagement d'âmes qui lui sont si chères, et auxquelles il désire si vivement s'unir pour jamais.
Nous le voyons, le souvenir habituel du purgatoire peut devenir pour nous une source abondante de biens spirituels ; ne l'éloignons donc pas de notre esprit, nourrissons-l'y au contraire avec soin, il contribuera d'une manière efficace à l'amendement de notre vie, à notre sanctification, et, espérons-le, il nous évitera de connaître un jour, par expérience, les terribles expiations dont nous nous serons occupés habituellement pendant notre vie, et que nous nous serons efforcés d'abréger pour nos frères. Ainsi soit-il.
PRIÈRE.
Ne permettez pas, ô mon Dieu ! que j'éloigne de mon esprit, par une fausse sensibilité, une pensée qui peut avoir des avantages si réels et pour moi et pour les autres.
Faites que loin de chercher à me soustraire à la crainte salutaire qu'inspire le souvenir de votre justice et des châtiments qu'elle inflige dans l'autre vie aux âmes qui ont paru devant votre redoutable tribunal, sans l'avoir entièrement satisfaite en ce monde, je l'entretienne et la nourrisse avec soin dans mon cœur, comme un puissant moyen de me faire éviter le péché, quelque léger qu'il puisse me paraître, et de me donner la volonté et le courage d'expier par la pénitence ceux que j'ai eu le malheur de commettre.
Accordez-moi encore, ô mon Dieu ! la grâce de recevoir désormais avec reconnaissance les peines qu'il vous plaira de m'envoyer, de les supporter non-seulement avec patience, avec résignation, mais avec joie et action de grâces, puisque, dans l'ordre de votre providence, elles doivent servir à me préserver des peines de l'autre vie, auxquelles toutes celles de la vie présente, quelque douloureuses qu'elles puissent être, ne peuvent pas se comparer.
0ui, mon Dieu, aidé de votre grâce, je veux souffrir à l'avenir avec joie, avec amour : je veux vous servir avec fidélité, avec ferveur ; je veux faire avec soin mes plus petites actions, agir en tout avec pureté d'intention, éviter les plus légères imperfections, non pas seulement par la crainte de vos châtiments, mais parce que je vous aime et que je crains de vous déplaire.
Je veux encore, ô mon Dieu ! redoubler de zèle pour le soulagement des saintes âmes qui nous sont si chères, et ne rien négliger à l'avenir pour leur venir en aide. Heureux si je puis par mon dévouement mettre un terme à leurs souffrances et leur ouvrir les portes du ciel. Ainsi soit-il.
EXEMPLE. 
Une jeune fille, nommée Gertrude, élevée dans une école de charité, avait appris dès ses plus tendres années à offrir toutes ses bonnes œuvres à l'intention des âmes du purgatoire. 
 Cette dévote pratique était si bien agréée dans le purgatoire et dans le ciel, que souvent le Sauveur se complût à lui désigner les âmes les plus souffrantes ; et celles-ci, délivrées par sa pieuse charité, se montraient à elles glorieuses pour la remercier, et lui promettaient de ne pas l'oublier au paradis.
Elle avait passé sa vie dans ce saint exercice, et pleine de confiance, elle voyait avec paix approcher la mort, quand l'infernal ennemi, qui de tout essaie de se faire un moyen de tenter les hommes, lui représenta qu'elle s'était dépouillée de tout le mérite satisfactoire de chacune de ses bonnes œuvres, et qu'elle allait tomber dans le purgatoire pour expier toutes ses fautes dans de longues souffrances.
Ce tourment d'esprit l'avait jetée dans une telle désolation, que son céleste époux daigna venir la consoler : « Pourquoi, Gertrude, es-tu si triste et si pensive, toi, qui naguère jouissais de la plus parfaite sérénité ?
— Ah ! Seigneur, répondit-elle, dans quelle déplorable situation je me trouve ! Voilà la mort qui s'approche, et je suis privée de la satisfaction de mes bonnes œuvres que j'ai appliquées aux morts ; avec quoi pourrai-je payer la dette que j'ai contractée envers la justice divine ? »
Alors le Seigneur reprit avec tendresse : « Ne crains pas, ô ma bien-aimée, car par ta charité, tu as au contraire augmenté la somme de tes mérites, et non-seulement tu en as assez pour expier tes légères fautes, mais tu as acquis un très-haut degré de gloire dans la béatitude éternelle. C'est ainsi que ma clémence reconnaîtra par une généreuse récompense ton dévouement pour les morts, et tu viendras bientôt la recevoir dans le paradis »
A ces mots, il disparut, et l'âme de Gertrude, délivrée de ses angoisses, fut enflammée d'une ferveur toute nouvelle et d'un désir plus ardent de secourir les défunts.
PRATIQUE.
S'occuper souvent de la pensée du purgatoire, y réfléchir sérieusement et prendre tous les moyens que cette pensée nous suggérera pour nous préserver de ces longues et douloureuses expiations.





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