Le mois des âmes du purgatoire : 29 novembre

Le mois des âmes du purgatoire : 29 novembre

Le mois des âmes du purgatoire : 29 novembre

Source : Livre "Mois des âmes du purgatoire ou méditations, prières et exemples pour le mois de novembre"

XXIXe JOUR
Ne pas différer d'accomplir les dernières volontés des défunts.
Si nous avons négligé tes œuvres de miséricorde envers les morts qui ont eu confiance en nous, donnons leur une juste compensation et redoublons-les par notre ferveur.

Ier Point. Si quelque chose oblige sur la terre et doit être respecté, ce sont il me semble les dernières volontés des morts. Tout le monde convient de cette vérité, elle est dans toutes les bouches, et chacun dit : « Les dernières volontés des mourants sont sacrées. »
Et cependant, nous le disons en gémissant, il est très-peu de personnes qui les respectent, et dont la conduite ne soit pas à cet égard en désaccord avec les discours.
Dans les siècles de foi, alors que la religion était en honneur, que les familles étaient chrétiennes et l'autorité des parents reconnue et respectée, leurs dernières volontés l'étaient aussi, et leurs enfants, habitués à l'obéissance, se faisaient un devoir de leur obéir après leur mort, comme ils leur avaient obéi pendant leur vie.
Mais dans notre siècle de progrès, de liberté, d'indépendance, il n'en est plus ainsi. Comment ces jeunes gens, qui ont secoué le joug de la religion, souvent dès leur enfance, qui veulent à tout prix être indépendants, c'est-à-dire être libres de se livrer sans contrainte à toute la fougue de leurs passions, qui ne reconnaissaient pas même l'autorité de Dieu, reconnaîtraient-ils celle de leurs parents ?
Hélas ! habitués dès l'enfance à la méconnaître, à la mépriser , leur voix n'est pas plus écoutée que celle de Dieu, et après leur mort leurs dernières volontés ne sont pas plus sacrées, pas plus respectées par ces enfants dénaturés, qu'elles ne le furent pendant leur vie.

Ce n'est plus que dans les familles chrétiennes, où avec la foi se sont conservés l'amour et le respect des parents, qu'après leur mort les enfants regardent comme un devoir sacré d'accomplir leurs dernières volontés, et regarderaient comme une injustice qui les rendraient coupables devant Dieu de ne pas le faire. En cela, ils ont raison, car les legs faits par les morts obligent en conscience leurs héritiers ; c'est pour eux une dette sacrée, qu'ils ne peuvent sans injustice se refuser d'acquitter.
Le concile de Trente recommande aux Évêques de veiller attentivement à l'accomplissement des legs pieux faits par les fidèles défunts, et un autre concile, approuvé par saint Léon-le-Grand, ordonne de refuser les portes de l'église comme à des infidèles, à ceux qui s'approprient les dons faits par les morts, ou qui diffèrent de les remettre aux ministres sacrés.
D'autres conciles vont jusqu'à priver de la communion ecclésiastique ceux qui se rendent coupables du même péché. Des lois si sévères nous font assez comprendre à quel point on se rend coupable, en privant les défunts des suffrages qu'ils ont voulu s'assurer, en inscrivant dans leur testament leurs dernières volontés.

La religion, comme la justice, commandent donc l'exécution des legs pieux, et ceux qui y manquent en s'appropriant les fonds ou les revenus qui y sont affectés, se rendent coupables de fraude et d'un vol sacrilège. Si ce sont des messes à faire acquitter pour leurs parents ou ceux dont ils héritent, en y manquant, ils privent ces pauvres âmes du soulagement qu'elles en auraient reçu, se constituent en quelque sorte leurs bourreaux, et deviennent responsables de leurs souffrances devant Dieu. Si ce sont des sommes destinées à être distribuées en aumônes, qui ne sait qu'en les retenant, en ne les employant pas à cet usage, ils s'attribuent un bien qui ne leur appartient pas, et se rendent coupables d'une véritable injustice ? Malheur à ceux qui s'engraissent de la substance du pauvre ! Ils croient la dévorer impunément, et ils ne s'aperçoivent pas qu'elle devient pour eux un poison mortel.
Peut-être cette somme léguée aux pauvres était-elle, dans l'intention du testateur, destinée à réparer quelque injustice, qu'il n'était peut-être plus en son pouvoir de réparer autrement ; ses héritiers la retiennent, et par là privent cette âme du bénéfice de l'aumône ; car l'aumône qui rachète nos péchés, rachète aussi ceux des âmes qui souffrent (l). « C'est elle, disait l'ange à Tobie, qui arrache à la mort, qui purifie l'âme ; c'est elle qui ouvre les portes de la miséricorde et de la vie (2). »
Et qui pense aujourd'hui dans le monde à se faire un scrupule de ne pas accomplir les legs pieux faits par les morts ? Quels sont ceux qui croient manquer en cela de justice et de probité ?
Hélas ! on ne pense plus qu'à augmenter sa fortune, ses revenus, pour accroître la somme de ses jouissances matérielles, et on voit des héritiers avides empressés de s'enrichir des dépouilles de ceux qui meurent, se disputer sur des tombes à peine fermées, des biens que bientôt ils laisseront à leur tour à d'autres héritiers aussi avides qu'eux. Mais quant aux legs pieux, de tels hommes ne se mettent guère en peine de les accomplir. Des messes ? Mais à quoi bon ? Les morts n'en ont pas besoin. A leurs yeux le testateur était un fanatique ; ou ils rient de ses idées arriérées si peu en harmonie avec les progrès de notre siècle de lumières, et les messes ne sont pas acquittées. Quant aux aumônes, pourquoi leur imposer une charge si arbitraire, ne sont-ils pas libres de faire de leur héritage ce que bon leur semble, et de donner aux pauvres ce qu'il leur plaira. D'ailleurs, ont-ils plus qu'il ne faut pour subvenir aux exigences de leur position ? et les aumônes ne sont pas acquittées non plus. Cependant de tels hommes se vantent d'avoir de l'honneur, de la probité ; ils passent partout le front haut, et se vantent hautement de n'avoir jamais fait de tort à personne. N'en font-ils donc pas ainsi un bien réel, à ces pauvres âmes auxquelles ils doivent peut-être tous les avantages dont ils jouissent, et qu'ils privent des secours qu'ils leurs doivent, non pas seulement par reconnaissance, mais par justice ? N'en font-ils pas aux pauvres, en retenant à leur profit les aumônes qui leur étaient destinées ? Ah ! si le monde les absout de cette injustice, s'il ne la stigmatise pas de son mépris, Dieu ne les absoudra pas aussi facilement, qu'ils le sachent bien, et le jour viendra où il leur demandera un compte rigoureux de ces injustices qu'ils ne songent pas même à se reprocher.

IIe Point. C'est donc un devoir, et un devoir de justice pour chacun, d'accomplir les dernières volontés des morts. d'acquitter les fondations, legs mentionnés dans leur testament ; et non-seulement on doit les acquitter, mais on doit le faire au plus tôt afin de ne pas priver ces âmes du soulagement que leur obtiendront, soit les messes qui seront célébrées pour elles, soit les prières des pauvres qu'on doit toujours engager, en leur remettant les aumônes qui leur ont été allouées, à prier pour leurs bienfaiteurs. Si on comprenait bien ce que sont ces terribles expiations du purgatoire, loin de différer de faire ce qui peut les adoucir, chacun s'empresserait d'apporter de prompts et efficaces secours à ces saintes âmes si dignes de notre compassion, et dont plusieurs doivent par tant de titres être si chères à chacun de nous.
Pensez, enfants ingrats qui négligez d'accomplir les dernières volontés de vos parents, aux affreuses douleurs auxquelles vous les condamnez. Souvenez-vous que l'âme pour laquelle nous implorons votre pitié est celle de ce père qui vous a tant aimés. Quel fruit retire-t-il aujourd'hui de son travail, des fatigues, des sacrifices qu'il s'est imposés pour vous ? Hélas ! il a travaillé, il s'est dévoué en vain à votre bonheur ; vous l'oubliez, il souffre, il endure d'intolérables douleurs, et vous, insensibles à ses maux, vous l'abandonnez lâchement, ne pensant qu'à jouir, qu'à dissiper dans de coupables plaisirs les biens qu'il vous a laissés. Cette âme, c'est celle de votre mère, de cette mère dont vous étiez l'idole, et qui, pour vous établir plus richement, s'est montrée parcimonieuse envers les pauvres et ne leur a pas fait une part assez large de ses biens. Hélas ! elle souffre, elle gémit au milieu de flammes dévorantes, et sa fille la délaisse et s'abandonne à toutes les folles joies de ce monde.
Cependant ces âmes avaient exprimé leurs volontés dernières ; elles avaient réclamé votre souvenir, vos prières. Elles avaient reçu vos promesses, elles y comptaient et elles en attendent en vain l'accomplissement. Hélas ! les promesses sont déjà oubliées, les dernières volontés n'ont pas été et ne seront jamais accomplies. Pourquoi ? Parce que, pour le faire, il faudrait peut-être s'imposer quelques privations, se priver d'acheter un objet inutile, une parure, un bijou, une futilité. Pourquoi encore ? Parce que la cupidité retient, parce qu'on craint de s'appauvrir, parce que, loin de trouver qu'on a, trop, alors même qu'on regorge de richesses, on trouve encore qu'on n'en a pas assez.
Oh ! que les personnes qui ont été assez imprudentes pour confier à des héritiers sans foi et sans religion le soin d'accomplir leurs dernières volontés expient chèrement leur imprudence, et qu'elles eussent été plus sages de faire elles-mêmes ce qu'elles ont laissé à d'autres le soin de faire pour elles. Ne les imitons pas et assurons-nous nous-mêmes les secours que nous voulons avoir après notre mort. Déposons entre des mains sûres les sommes que nous destinons à faire célébrer des messes pour le repos de notre âme ; faisons-en de même pour celles que nous voulons être employées en aumônes et en bonnes œuvres. C'est le seul moyen d'être sûrs que nos volontés dernières seront accomplies, à moins que nous n'ayons le bonheur d'appartenir à une de ces familles chrétiennes qui, avec la foi, ont conservé le respect dû aux dernières volontés des morts.
Quant à ceux qui ne se font nul scrupule de les enfreindre et de retenir à leur profit ce qui était destiné à d'autres, et qui, par conséquent, ne leur appartient pas, qu'ils se souviennent qu'ils péchent en agissant comme ils le font, qu'ils sont obligés, en conscience, à acquitter les legs de ceux dont les biens ont passé entre leurs mains. S'ils ne le font pas, cette obligation existera pour leurs héritiers comme elle existe pour eux-mêmes, et ceux-là à leur tour pécheraient en ne la remplissant pas, à moins qu'ils ne soient dans une impossibilité réelle de le faire. C'est là une dette qui passe du père au fils et qui ne s'éteindra qu'après avoir été acquittée.
Et qu'on ne croie pas que l'injustice commise par ceux qui n'accomplissent pas un devoir aussi sacré puisse rester impunie. Non certes, il n'en sera pas ainsi. Dieu la punit souvent même dès ce monde par des châtiments temporels, et s'il ne le fait pas, ceux qu'il lui réserve dans l'autre vie sont bien plus à craindre et bien plus redoutables. Quelle ne sera pas la longueur et la rigueur des peines qu'auront à endurer dans le purgatoire les âmes qui auront à se reprocher l'injustice dont nous parlons ? Ah ! c'est alors qu'elles comprendront la grandeur de leur faute, qu'elles la déploreront amèrement, et qu'elles désireront, mais trop tard, de pouvoir la réparer. Maintenant elles ont le pouvoir de le faire, et elles n'en ont pas la volonté ; alors, elles en auront la volonté, mais elles n'en auront plus le pouvoir, et, pendant des siècles peut-être, elles auront à expier au milieu de ces flammes terribles, sans cesse entretenues et activées par le souffle vengeur de la justice divine, leur malheureuse cupidité. Craignons ces redoutables châtiments, faisons tout ce gui est en notre pouvoir pour les éviter, et surtout observons religieusement les dernières volontés de nos parents et de nos amis, ne différons pas de les accomplir, et ne leur faisons pas attendre le soulagement qu'ils ont voulu s'assurer après leur mort. Ils ont compté sur nous, justifions leur confiance, et montrons-leur que nous n'en étions pas indignes.
PRIÈRE.
Ne permettez pas, ô mon Dieu ! qu'une indigne cupidité ou une coupable négligence nous fasse jamais manquer à nos devoirs de justice envers les morts.
Leurs droits sont sacrés, et leurs dernières volontés doivent également être sacrées pour nous.
Nous avons joui de leur affection pendant qu'ils étaient sur la terre, maintenant nous jouissons de leurs biens, de ces biens qu'ils ont acquis par leur travail, par leurs peines, et qu'ils ont été heureux de nous laisser, ne s'en réservant que la faible partie qu'ils ont confiée à notre loyauté, en la destinant à des œuvres de charité qui doivent servir au soulagement de leurs âmes. 
 Comment pourrions-nous avoir le triste courage de les en priver et de frustrer la confiance qu'ils ont mise en nous ?
Ah ! ce serait manquer à la fois et aux devoirs de la reconnaissance et à ceux de la justice, et encourir, ô mon Dieu, votre juste indignation.
Mais non, Seigneur, il n'en sera point ainsi ;
la confiance que nos chers défunts ont mise en nous ne sera point frustrée,
nous satisferons pleinement et consciencieusement à toutes les obligations qu'ils nous ont laissées ;
nous ne différerons pas d'accomplir leurs dernières volontés,
heureux si nous pouvons, par notre empressement, par nos prières, aider ces âmes si chères à acquitter au plus tôt la dette qu'elles ont contractée envers votre justice, et accélérer par nos suffrages et nos bonnes œuvres le moment de leur bonheur. Ainsi soit-il.
EXEMPLE.
Un brave soldat, qui jusqu'à sa vieillesse, avait humblement servi Charlemagne, fit appeler à son lit de mort un neveu, seul parent qui lui restât, et ne possédant que son cheval et son armure, le chargea de les vendre aussitôt après son décès, et d'en employer le prix pour le repos de son âme.
Le neveu s'y engagea ; mais après la mort de son oncle il oublia sa promesse. Le cheval était très-beau, et le neveu s'en étant servi pour quelques voyages, le trouva si excellent, qu'il remettait de jour en jour la vente. A mesure que le temps s'écoulait, sa conscience s'assoupissait, si bien que perdant de vue l'obligation que son oncle lui avait imposée, il considéra le cheval comme sa propriété.
Une voix lugubre vint le troubler pendant la nuit. C'était celle de son oncle qui lui reprochait sa négligence. « Pourquoi, lui disait-il, as-tu ainsi désobéi au commandement que je t'avais fait et violé ta solennelle promesse. Par ta faute, j'ai dû et je devrais encore souffrir de longs et cruels tourments dans le purgatoire, mais par la miséricorde de Dieu, m'en voici libre, et je vais dans le paradis jouir de la gloire éternelle. Pour toi, sache que ta conduite sera punie par une prompte mort, et qu'un châtiment tout particulier t'est réservé ; tu porteras la peine due à tes propres fautes, et tu souffriras à ma place toutes celles que je devrais encore souffrir pour satisfaire à la divine justice. » 
Le neveu fut accablé par cette menace, et voulant mettre ordre à sa conscience, il se hâta de remplir les dernières volontés de son oncle, puis fit tout ce qu'il put pour éviter la mort éternelle ; mais il ne put éviter la mort du corps qui lui avait été été annoncée, et qui l'enleva à peu de jours de là. L'ingratitude et l'injustice envers les morts sont détestées de Dieu, qui les punit dans ce monde et dans l'autre..
PRATIQUE.
Regarder comme un devoir sacré, et qui oblige en conscience, l'accomplissement des dernières volontés des défunts, et ne pas différer de s'acquitter de ce devoir.






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