Le mois des âmes du purgatoire : 27 novembre

Le mois des âmes du purgatoire : 27 novembre

Le mois des âmes du purgatoire : 27 novembre

Source : Livre "Mois des âmes du purgatoire ou méditations, prières et exemples pour le mois de novembre"

XXVIIe JOUR
Oubli, indifférence des vivants pour les morts.
Voyez mon humiliation et ma peine et remettez moi tous mes péchés, ô mon Dieu ! Les afflictions de mon cœur se sont multipliées, tirez-moi de ma détresse. (Ps. 24, v. 7.) .
Ier Point. Une des peines les plus sensibles au cœur de l'homme c'est l'indifférence, l'oubli de ceux qu'il aime. Cette peine est pour lui comme un poids qui l'étouffe, qui l'écrase et qui voue sa vie à la tristesse, à la douleur et aux larmes. Chacun de nous veut vivre dans le cœur, dans la mémoire de ses proches et de ses amis, non seulement ici-bas, mais chacun espère encore y vivre après sa mort. Quel est le père, la mère, qui ne soient convaincus que leur souvenir ne s'effacera jamais du cœur de leurs enfants ? l'époux qui, en quittant la vie, n'espère vivre toujours dans la mémoire de son épouse, l'ami dans celle de son ami ? Entourés à leurs derniers moments des témoignages d'une affection, d'un dévouement dont ils ne sauraient mettre en doute la sincérité, ils croient à leur durée. Mais, hélas ! disons-le, cette durée est bien courte. Dans les premiers jours de ces tristes séparations, les regrets sont vifs, la douleur souvent plus violente que profonde, les larmes semblent intarissables ; puis les jours, les mois s'écoulent, et avec eux les regrets s'adoucissent, la douleur s'affaiblit, les larmes cessent de couler, la vie qui avait paru devoir être à jamais décolorée, dépourvue de toutes joies, apparaît peu à peu sous un aspect plus riant, elle reprend ses enchantements, ses plaisirs. Le souvenir du parent, dé l'ami tant pleuré, tant regretté, ne revient plus qu'à de rares intervalles, puis il disparaît tout à fait comme lui-même a disparu.

Je sais bien qu'il est des affections qui survivent à la mort, des souvenirs que le temps n'efface pas, des cœurs qui ne savent pas oublier. Je sais surtout que les affections qui sont ancrées en Dieu, et dont son amour est le principe et la fin, participent en quelque sorte à la nature de ce divin amour et sont immuables, immortelles comme lui. Ceux qui s'aiment ainsi peuvent être séparés par la mort, ils ne peuvent être désunis. Celui qui reste ici-bas, loin d'oublier l'ami, le parent qu'il pleure et qu'il regrette, le suit dans son éternité ; il le suit par ses prières, par ses bonnes œuvres, par son souvenir continuel qu'il porte devant Dieu ; enfin il sait encore lui prouver son dévouement et la constance de son amour par les sacrifices qu'il s'impose pour hâter son bonheur.
Mais, disons-le, cette constance d'affection est rare, elle ne se rencontre que dans les vrais chrétiens ; car dans le monde rien n'est stable, et il ne faut compter ni sur la constance des affections qu'on y rencontre, ni sur les protestations de dévouement qu'on y prodigue ; tout cela est plus ou moins sincère, mais rien de tout cela ne peut durer, parce qu'il n'y a là que des sentiments purement humains, et qui participent nécessairement à la légèreté, à l'inconstance de notre pauvre nature. Les amitiés les plus chaudes, en apparence les plus vraies, résistent rarement à l'épreuve d'une longue absence ; comment résisteraient-elles à celle de la mort ? Rien dans le monde ne s'oublie aussi vite que la mort. Pourquoi ? parce que c'est une pensée qui attriste, qui porte à des réflexions sérieuses, et pour ne pas s'attrister, pour ne pas être forcé de réfléchir, on éloigne cette pensée, et avec elle le souvenir de ceux qu'on prétendait aimer et sur lesquels la tombe s'est refermée.

Quelles sont les personnes du monde qui au bout d'un certain temps songent encore à prier pour les âmes des parents ou des amis qu'elles ont perdus ? Au moment de leur mort on se laisse absorber par une douleur qui n'a rien de chrétien et on ne prie pas. C'est à peine si l'on songe à faire célébrer quelques messes pour l'âme qui vient d'entrer dans son éternité. Quand au bout d'un an revient l'anniversaire de la mort d'un parent, un service est encore célébré pour le repos de son âme, puis tout est fini, et la pauvre âme, désormais abandonnée, n'a plus à attendre aucun secours de ceux qu'elle a tant aimés.
Et puis dans le monde on se rassure si facilement sur le sort des morts, qu'il ne vient pas même à la pensée d'un grand nombre de personnes que ceux qu'ils ont perdus puissent avoir besoin de prières. Il suffit qu'à ses derniers moments un mourant n'ait pas refusé les secours de la religion, qu'il se soit réconcilié avec Dieu, qu'il ait manifesté quelques sentiments de foi et de repentir, pour qu'on soit complétement rassuré sur son sort, et qu'on dise, quels qu'aient été ses antécédents : « Il est bienheureux, il ne souffre plus, il a fait la mort d'un saint, maintenant il est au ciel. »
Ce langage qui si souvent a attristé nos oreilles, et plus encore notre cœur, parce que nous en pressentions les tristes conséquences, prouve une grande ignorance dans ceux qui le tiennent ou une fausse et présomptueuse confiance en la miséricorde de Dieu. Sans doute on a raison de compter sur la miséricorde divine et pour soi et pour les autres, et de ne désespérer du salut d'aucune âme, quelles qu'aient pu être sa vie et ses erreurs, mais en croyant à l'infinie miséricorde de Dieu, il ne faut pas nier sa justice. Il est vrai que l'infinie bonté du Seigneur pardonne au pécheur en quelque temps qu'il revienne à lui ; fut-ce à la dernière heure du jour, il lui remet la peine éternelle due à ses égarements ; mais il est également vrai que sa justice exige qu'il subisse une peine temporelle, soit en ce monde, soit en l'autre, pour l'expiation de ses fautes, et si la mort ne lui laisse pas le temps de faire cette expiation ici-bas , il doit nécessairement la subir dans l'éternité. Et si les âmes les plus pures, les plus innocentes, le sont rarement assez pour aller droit au ciel, si presque toutes doivent passer par les flammes du purgatoire pour y laisser l'imperceptible poussière qu'elles emportent de notre terre de péché, n'est-ce pas une absurdité de se flatter qu'un pécheur qui, pendant de longues années, a avalé l'iniquité comme l'eau, qui, revenu a sa dernière heure sincèrement à Dieu, nous le croyons, mais qui n'a eu le temps de faire aucune pénitence, jouira d'un privilège à peine accordé aux âmes les plus saintes et sera mis immédiatement après sa mort en possession du bonheur éternel ? Le penser et le croire serait nier la justice de Dieu.
Cette illusion devient funeste aux pauvres âmes sur le sort desquelles on se rassure si imprudemment ; car n'ayant plus aucune inquiétude pour elles, leurs proches négligent de prier pour elles et de travailler à les secourir les secourir. A quoi bon prier pour des âmes qu'on croit au ciel ? Hélas ! elles eu sont bien loin encore, et dans leur prison brûlante elles déplorent l'illusion qui les prive des secours qu'elles avaient droit d'attendre de leurs parents et de leurs amis.
IIe Point. Gardons-nous de partager la fausse confiance dont nous venons de parler, et prions pour tous ceux que nous voyons sortir de ce monde, qu'ils soient justes ou pécheurs ! Prions même pour les âmes les plus saintes, car nul ne connaît les jugements de Dieu ; il ne faut souvent qu'une légère faute pour retenir une âme sur la route du ciel. Le Seigneur demandera beaucoup à celui à qui il a beaucoup donné ; d'ailleurs, si l'âme pour laquelle vous priez n'a pas besoin de vos prières, Dieu les appliquera à d'autres qui en ont besoin, et le mérite de votre acte de charité vous restera.
Si tous les chrétiens écoutaient comme ils le doivent la triple voix de la religion, de la nature, de la reconnaissance, s'ils se rappelaient les obligations que leur impose ou la justice, ou leurs promesses, les suffrages descendraient dans le purgatoire comme une pluie assez abondante pour en éteindre les flammes. Mais l'oubli des morts est si général, l'indifférence pour leur sort au-delà de la tombe est si commune, que les âmes qui subissent les brûlantes ardeurs de ces flammes redoutables ne reçoivent pour la plupart qu'un faible soulagement. On pourrait comparer ce soulagement à la légère rosée du matin, qui dans l'été brûle les plantes plutôt qu'elle ne les rafraîchit. L'oubli, l'indifférence qui posent sur un si grand nombre dames du purgatoire aggrave encore leurs souffrances. Combien n'est-il pas triste pour elles de se sentir oubliées, abandonnées par ceux-là mêmes qu'elles ont comblés do leurs bienfaits, et qu'elles ont peut-être trop aimés !
Quel triste parallèle, dit saint Cyrille, on peut établir entre le purgatoire et la terre ! Dans cette profonde prison, les âmes souffrent au milieu du feu des tourments inexprimables, et sur la terre personne ne daigne y faire attention. Leur voix plaintive implore du secours et des consolations, et nulle oreille favorable ne s'ouvre à leurs prières. Elles réclament l'accomplissement des promesses qu'elles ont reçues, des legs qu'elles ont faits, et cet appel à la charité et à la justice n'est pas entendu. Elles se désolent et versent des larmes de douleur, et pas un cœur ne s'émeut, pas une âme ne s'attendrit et ne songe à ouvrir les portes de leurs brûlants cachots. Qui peut excuser tant de dureté et d'ingratitude chez des parents, des amis, chez des chrétiens surtout ?
Et que font ces saintes âmes en retour de tant de dureté ? Crient-elles vengeance contre les ingrats qui les oublient et les abandonnent ? Appellent-elles sur eux les châtiments du ciel, et excitent-elles par de justes plaintes la justice divine déjà irritée de leur inhumanité ? Non, non ; fidèles imitatrices du Dieu qui sur la croix priait pour ses bourreaux, elles prient pour ceux qui les délaissent et elles s'écrient : Pardon, miséricorde, ô mon Dieu, pour cet enfant, pour cet époux, pour ce frère, cet ami qui nous oublie et qui prolonge le martyre que nous endurons dans ces flammes dévorantes ! Ne nous vengez pas, ô mon Dieu, mais pardonnez-leur comme nous leur pardonnons.
Enfants, parents ingrats, dénaturés, si vous n'êtes pas touchés des souffrances de ces âmes qui devraient vous être si chères, soyez au moins touchés de leur charité, et de l'amour qu'elles vous conservent malgré votre ingratitude et votre coupable abandon ; que les sentiments de la foi et de la nature, en se réveillant dans vos cœurs, vous fassent rougir de votre dureté, et vous inspirent la généreuse pensée de la réparer en faisant désormais tous vos efforts pour venir au secours de ces âmes si longtemps délaissées.
Souvenez-vous que l'indifférence, la dureté envers les saintes âmes du purgatoire, ne resteront pas impunies. Dieu se fera leur vengeur, et il les châtiera comme il châtie la dureté envers les pauvres ; il permettra qu'on vous oublie, qu'on vous délaisse, comme vous aurez vous-même oublié et délaissé les autres ; qu'on soit indifférant, insensible à vos souffrances comme vous l'aurez été pour celles de vos frères. Le jour viendra, et peut-être n'est-il pas loin, où vous passerez à votre tour de l'empire de la miséricorde de Dieu sous celui de sa justice. Alors vous connaîtrez par expérience ce que sont ces terribles expiations du purgatoire, dont vous vous préoccupiez si peu et pour les autres et pour vous, et vous regretterez, mais trop tard, de n'avoir pas eu pour les âmes que vous avez négligé de secourir, la charité que vous souhaiteriez que les vivants eussent pour vous.
Si au contraire vous avez été compatissant, charitable pour ces saintes âmes, Dieu permettra qu'on le soit également pour vous, qu'on se serve pour vous de la mesure dont vous vous serez servi pour elles. Vous ne les avez pas oubliées, on ne vous oubliera pas non plus ; vous avez prié pour elles, on priera pour vous ; vous vous êtes chargé d'acquitter une partie de leur dette par des œuvres satisfactoires, d'autres, mus par la même charité, se chargeront d'acquitter une partie de la vôtre ; et en supposant que vous ne laissiez après vous sur la terre ni parents ni amis pour prier pour vous et vous procurer les secours que vous aurez vous-même procurés aux autres, Dieu saura bien y suppléer, soit en vous donnant une plus large part aux prières de son Église, soit en vous appliquant les messes et les prières qui lui sont offertes en faveur de tant d'âmes qui n'en ont plus besoin. La justice et la bonté du Seigneur ne permettront jamais qu'une âme qui pendant sa vie se sera montrée constamment compatissante et charitable pour les saintes âmes du purgatoire, soit un jour privée de secours et de consolations dans ce lieu de douloureuse expiation.
PRIÈRE.
Comment pourrais-je oublier, ô mon Dieu, ces âmes auxquelles vous aviez uni la mienne par les liens de l'affection ? Comment pourrais-je abandonner dans leurs cruelles souffrances ces êtres chéris qui m'ont donné pendant leur vie des preuves si multipliées d'une affection si tendre et si dévouée ? Ah ! puisque d'après le sentiment des saints et des docteurs de votre Église, les douleurs du purgatoire surpassent tous les tourments qu'on peut endurer ici-bas, comment mon cœur pourrait-il rester insensible, indifférent à ces terribles peines qu'endurent peut-être en ce moment les âmes de ceux que j'ai le plus aimés sur la terre ? Hélas ! je ne pouvais autrefois leur voir endurer la plus légère douleur sans mettre tout en œuvre pour les en délivrer ; je ne pouvais voir un nuage de tristesse obscurcir leur front sans chercher aussitôt à le dissiper par tous les efforts d'une inquiète tendresse ; leurs peines étaient mes peines, leur tristesse, leurs chagrins envahissaient mon âme, leurs larmes provoquaient les miennes, et aujourd'hui ! leurs tristes plaintes, leurs cruelles souffrances, leurs larmes brûlantes n'attendriraient plus mon cœur ? Non, non, mon Dieu, vous le savez, il n'en est pas, il n'en sera jamais ainsi. Les êtres chéris que vous avez enlevés à ma tendresse vivent toujours dans mon cœur. Ce cœur est tout plein de leur souvenir, chaque jour je le porte à vos pieds, et je m'oublierais plutôt moi-même avant de les oublier. La mort n'a pas éteint, elle n'a pas même affaibli l'amour que je leur avait voué, et cet amour, je veux le leur prouver toujours en ne cessant pas de prier pour eux, d'offrir en leur faveur des œuvres satisfactoires, en ne cessant jamais d'implorer pour eux votre infinie miséricorde. Daignez la répandre, ô mon Dieu, et sur ces âmes qui me sont si chères et sur moi-même, et nous réunir un jour au pied votre trône éternel. Ainsi soit-il.
EXEMPLE.
Un soir où le P. Joseph Anchieta, de la compagnie de Jésus, après la visite faite à un moribond, retournait très tard à son collège de Baja, il entendit des pleurs et des gémissements sortir du fond d'un étang près duquel il passait. Ces voix qui paraissaient humaines, effrayèrent son compagnon qui commença à trembler et se sentit couvert d'une sueur froide. Mais lui, le prenant par la main, l'attira plus près du bord, pour savoir ce que c'était, et plus ils approchaient de l'eau, plus il fut convaincu qu'il entendait des âmes du purgatoire. Alors plein d'étonnement et de compassion, il s'écria : « Dieu éternel, combien est grande votre puissance ! Et se mettant à genoux avec foi, il récita cinq Pater et cinq Ave en l'honneur des cinq plaies de Notre-Seigneur, pour obtenir le repos de ces âmes. Sa prière fut exaucée ; car ces plaintes lamentables cessèrent tout à coup et ne se firent plus jamais entendre.
Combien souvent les âmes du purgatoire font aussi parvenir leurs cris à notre oreille, soit par la voix des ministres de la religion, soit par les bienfaits ou les châtiments qui nous arrivent, soit par les remords de la conscience ou les inspirations de la grâce. Mais sommes-nous portés à leur accorder un prompt secours ? Si nous y avons manqué, qu'il n'en soit plus ainsi à l'avenir.
PRATIQUE.
Se faire un devoir de ne passer aucun jour sans prier pour les âmes du purgatoire, ne pas se rassurer trop vite sur le sort de ceux qu'on a perdus, et prier pour eux, quelles qu'aient pu être l'innocence et même la sainteté de leur vie.






Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire