Le mois des âmes du purgatoire : 1er novembre

Le mois des âmes du purgatoire : 1er novembre

Le mois des âmes du purgatoire : 1er novembre

Source : Livre "Mois des âmes du purgatoire ou méditations, prières et exemples pour le mois de novembre"

PRÉFACE
Le volume que nous présentons aujourd'hui à nos pieux lecteurs est le complément de notre ouvrage de la Communion des Saints, dont les deux premiers volumes ont été publiés l'année dernière.
Après avoir montré dans la première et dans la seconde partie de cet ouvrage comment nous étions unis aux Anges et aux Saints qui nous attendent dans l'éternelle patrie, nous montrons dans la troisième comment nous le sommes aux saintes âmes qui souffrent dans le purgatoire.
Les liens qui nous unissent à ces saintes âmes ne sont ni moins étroits, ni moins forts que ceux qui nous unissent aux anges et aux saints. Si dans les premiers nous avons des frères, des amis, des protecteurs qui nous aident dans nos besoins, qui nous consolent dans nos peines et dont nous implorons le secours dans les épreuves qui assombrissent notre vie, la protection dans les dangers qui nous menacent ; dans les âmes du purgatoire nous avons aussi des frères, des amis qui doivent nous être d'autant plus chers qu'ils sont souffrants et malheureux. Nous montrons comment nous pouvons, en vertu de la communion des Saints, être à notre tour leurs protecteurs, les secourir et leur venir en aide.

Tout en nous efforçant d'inspirer à nos lecteurs une tendre compassion pour ces âmes qui la méritent à tant de titres, nous nous sommes scrupuleusement attaché à ne rien avancer dans cet ouvrage qui ne soit exactement conforme à la doctrine de l'Église, à l'enseignement des Pères et des Docteurs sur le purgatoire, et pour atteindre ce but, nous avons puisé aux sources les plus pures en nous aidant pour la composition de cet ouvrage de ceux des auteurs qui nous offraient les garanties les plus sûres sous le rapport du dogme, et qui ont le mieux écrit sur le sujet que nous voulions traiter.
Nous avons divisé les méditations de chaque jour en deux points, afin que les personnes qui n'auraient pas le temps de lire la méditation toute entière puissent se borner à un seul point.

Nous devons à l'obligeante amitié du pieux auteur des Réflexions et Prières pour la communion, les prières de la messe, la Préparation et l'Action de grâces pour le jour de la commémoration des morts, ainsi que le Chemin de Croix en faveur des âmes du purgatoire dont il a bien voulu enrichir notre ouvrage.
Nous avons été aussi heureux que reconnaissant de les y insérer, bien sûr que nos lecteurs partageront notre joie, en retrouvant les pensées et les pieuses affections d'un auteur qui a su mériter leur sympathie et leur estime.
Daigne le Seigneur bénir notre travail et s'en servir pour procurer aux saintes âmes auxquelles nous nous intéressons si sincèrement, des suffrages plus abondants et un soulagement plus prompt et plus efficace.
Après avoir sollicité la charité de nos pieux lecteurs en faveur des âmes souffrantes du purgatoire, qu'il me soit permis en terminant de la réclamer aussi pour moi-même.
Dieu, par de longues et toujours croissantes infirmités, m'avertit que le jour n'est peut-être pas éloigné où j'aurai besoin pour moi-même des suffrages que j'ai demandés pour les autres.
J'ose donc les demander à mes chers lecteurs, et les prier de ne pas me refuser un souvenir devant Dieu, lorsque la mort aura brisé la plume à laquelle ils ont fait un si sympathique accueil et glacé le cœur aux sentiments duquel ils ont bien voulu s'associer si souvent pour aimer et bénir le Dieu de l'Eucharistie.
Qu'ils veuillent bien alors accorder à ma pauvre âme l'aumône d'une prière, d'une communion, et cette âme reconnaissante se souviendra éternellement de leur charité devant Dieu.

PREMIER JOUR.
Existence du Purgatoire.

Rien de souillé ne peut entrer dans le royaume des Cieux.
Ier Point. A peine le péché eut-il souillé de son souffle impur les délicieuses solitudes de l'Eden que la voix sévère du Créateur retentissant sous leurs frais ombrages, appela devant lui nos premiers parents et prononça contre eux ce terrible arrêt : " Vous êtes poussière et vous retournerez en poussière. "
Chassés du jardin de délices où ils avaient été créés, dépouillés de leur innocence et de tous les biens dont la libéralité du Créateur s'était plu à les combler, Adam et Ève durent arroser des larmes de leur repentir cette terre que chacun de leurs descendants devait également tremper de ses pleurs avant qu'elle ouvrit son sein pour recevoir sa dépouille mortelle.
Ils ne tardèrent pas à voir la mort frapper sa première victime, et l'innocent Abel tomber sous les coups du fratricide Caïn.
Dieu, en brisant leurs cœurs par cette poignante douleur, voulut qu'avant de retourner dans la poussière d'où il les avait tirés, ils comprissent par la grandeur du châtiment quelle avait été la grandeur de leur faute.
Depuis lors la mort n'a pas cessé de promener sa faux sur les enfants d'Adam ; depuis six mille ans toutes les générations humaines sont successivement tombées sous ses coups, et l'impitoyable moissonneuse ne coupe pas seulement les épis mûrs, elle coupe également ceux que n'a pas encore mûris le soleil de la vie. Si elle déracine le chêne couronné par la neige de nombreux hivers, elle fane également de son souffle glacé la fleur à peine éclose, elle appose son sceau sur la tête blonde de l'enfant comme sur le front chauve du vieillard, et éteint la flamme de la vie dans le sein de l'adolescent, du jeune homme, de la jeune fille, qui se promettent de longs jours et sourient à l'avenir avec toutes les riantes illusions de la jeunesse, comme elle l'éteint dans celui de l'homme fait qui déjà a trempé ses lèvres au calice amer des déceptions humaines. Sourde et aveugle, la mort ne voit rien, n'entend rien : insensible à nos gémissements, aux cris de notre douleur, elle nous arrache sans pitié les êtres chéris que nous lui disputons en vain et continue, sans plus d'égards pour le grand que pour le petit, pour le riche que pour le pauvre, à infliger à l'homme le châtiment auquel l'a condamné la justice divine.
Mais il est en nous une flamme immortelle, un souffle de vie que la mort ne peut pas éteindre ; son pouvoir ne s'étend que sur nos corps, nos âmes n'y sont pas assujetties ; elle peut rompre les liens qui la retiennent dans leur prison d'argile, mais elle ne peut les anéantir. Immortelles, indestructibles, elles survivent à la dissolution de ces corps, qui eux aussi ne resteront pas toujours sous l'empire de la mort, et à l'instant où les liens qui les unissent à eux sont brisés, elles entrent pleines de vie, mais d'une vie qui change de nature et de forme, dans les profondeurs de l'éternité.
Mais le sort de toutes ces âmes que chaque jour la mort jette par milliers dans le sein de l'éternité est-il le même pour toutes ? La vie nouvelle qui commence pour elles est-elle également pour toutes une vie exempte de toute espèce de peine et parfaitement heureuse ? C'est en vain que l'impie, que celui qui a intérêt à nier les châtiments de l'autre vie répond affirmativement à cette question.
La foi nous fait à nous chrétiens et enfants soumis de l'Église une réponse bien différente. Elle nous répond, il est vrai, que l'arrêt qui condamnait les malheureux enfants d'Adam à une mort éternelle a été effacé par le sang adorable du Rédempteur, que les portes du ciel qui nous avaient été fermées par le péché de notre premier père se sont rouvertes devant le glorieux vainqueur de la mort et de l'enfer, et que Jésus, Dieu et homme tout ensemble, en allant s'asseoir à la droite de son Père, a élevé dans sa personne divine l'humanité jusqu'au plus haut des cieux. Elle nous dit encore que par la grâce inestimable du saint baptême nous sommes devenus les enfants de Dieu, les frères, les cohéritiers de Jésus-Christ, et que tous "nous pouvons, si nous nous en rendons dignes par la sainteté de notre vie, partager un jour son héritage et son bonheur.
Cependant elle enseigne aussi que rien de souillé ne peut entrer dans le royaume des cieux et que Dieu, qui est la sainteté même, ne saurait admettre en sa présence l'âme dans laquelle il découvre la plus légère tache. Hélas ! s'il en est ainsi, le ciel resterait-t-il donc à jamais fermé à cette multitude d'âmes qui entrent dans l'éternité en grâce avec Dieu, c'est vrai, mais toutes souillées encore de cette poussière de la terre qui s'attache même aux âmes les plus justes et coupables de fautes légères dont elles n'ont pas fait en ce monde une pénitence suffisante ? La foi vient encore nous résoudre cette question et nous rassurer par ses lumières et ses divines consolations.
En effet, elle nous apprend, cette foi sainte dont les divins enseignements ont nourri notre enfance, qu'au moment où elle entre dans l'éternité, l'âme se trouve jetée au pied du tribunal redoutable du souverain juge, de ce juge qui sonde les replis les plus cachés du cœur de l'homme, dont rien ne peut mettre en défaut la divine perspicacité, ni fléchir l'inexorable justice, car le règne de la miséricorde est passé pour l'âme que Jésus a citée à son tribunal ; il n'est plus alors le Sauveur dont l'amour et la miséricorde ont enveloppé sa vie tout entière, mais le juge dont l'équité va lui demander compte de l'usage qu'elle a fait de ses grâces et des bienfaits dont il n'a cessé de la combler. Si l'âme qui paraît devant ce juste juge est exempte de toute souillure, Jésus se sent heureux, si je puis ainsi m'exprimer, d'exercer sa justice en la récompensant, et c'est avec une joie égale à l'amour qu'il a pour elle, qu'en lui décernant la couronne promise aux vainqueurs, il lui ouvre immédiatement les portes du ciel. Si cette âme au contraire parait devant lui coupable d'un seul péché mortel dont elle ne s'est pas repentie et qui ne lui a pas été remis par la grâce de l'absolution, l'arrêt de sa réprobation est prononcé à l'instant même ; il est irrévocable et reçoit à l'instant même sa terrible exécution. Mais si cette âme, sans être souillée de péchés mortels, parait à ce redoutable tribunal portant sur la robe de son innocence les souillures qu'y a laissées le péché véniel, péchés qui lui ont été remis quant à la coulpe, mais dont la peine lui reste à subir, soit qu'elle ait omis pendant sa vie d'en faire une pénitence suffisante, soit que la mort ne lui ait pas laissé le temps de la faire, Jésus, dans son infinie miséricorde, ne la repousse pas ; loin de là, il lui assure le ciel ; mais avant qu'elle puisse y entrer et être admise à jouir de son adorable présence, il faut qu'elle ait payé jusqu'à la dernière obole ce qu'elle doit à sa justice ; et le purgatoire, lieu de peine et d'expiation, lui ouvre alors ses brûlants abîmes. Là cette âme s'épure comme l'or dans le creuset, là la rouille et toutes les traces du péché doivent s'effacer sous l'action terrible de ces flammes vengeresses qu'ont allumées et qu'attisent à la fois la justice et la miséricorde divines.
La pensée du purgatoire est effrayante sans doute ; mais elle est aussi bien consolante. Hélas ! que serions-nous devenus si Dieu dans son infinie bonté n'avait trouvé le moyen de sauvegarder à la fois les droits de sa justice et ceux de sa miséricorde ?
Combien peu auraient pu espérer le ciel si sa sagesse n'avait placé le purgatoire comme un jalon entre le ciel et l'enfer ? Ah ! sans cette magnifique invention de la justice de Dieu, mais j'ose aussi le dire, de son amour et de sa tendre compassion pour les pécheurs, le ciel eût été privé de la plus grande partie de ses habitants, car il est bien restreint le nombre des âmes qui quittent cette vie assez saintes, assez pures pour entrer immédiatement en possession du bonheur éternel, et à l'exception des petits enfants qui meurent avant d'avoir atteint l'âge de raison et perdu l'innocence de leur baptême, sur plusieurs milliers d'âmes, combien en trouverait-on qui en quittant la vie soient exemptes des plus légères souillures et assez pures pour prendre leur vol vers la céleste patrie sans rien avoir à démêler avec la justice de Dieu ? Il en existe, je le sais ; mais, je le répète, le nombre en est plus restreint qu'on ne le croit généralement.
Mais l'existence de ce purgatoire, dont la pensée est si consolante pour notre faiblesse, est-elle certaine ? A cette question je réponds que l'Église a mis l'existence du purgatoire au nombre des dogmes de la foi, que l'Ancien et le Nouveau Testament attestent également cette vérité, et nous allons en apporter les preuves.

IIe Point. Le dogme du purgatoire repose avant tout sur les saintes Écritures. Ouvrons l'Ancien et le Nouveau Testament, nous voyons Judas Machabée prier avec tous ses soldats pour ceux qui ont été tués dans le combat. Puis il fait une collecte et l'envoie à Jérusalem pour faire offrir des sacrifices à la même intention ; car, ajoute le texte sacré, c'est une sainte et salutaire pensée de prier pour les morts afin qu'ils soient délivrés de leurs péchés.
Cet exemple nous prouve que déjà avant la venue de Jésus-Christ les Juifs croyaient qu'il y avait des péchés que Dieu pardonne dans l'autre vie et que les vivants pouvaient contribuer par leurs prières, par leurs aumônes, par leurs sacrifices, à en obtenir le pardon aux morts. On trouve même dans le rituel des Juifs une prière que le chef de famille devait faire pour la délivrance des morts avant de se mettre à table.
Jésus-Christ, pendant sa vie publique, confirme lui-même cette vérité par ses divins enseignements, et sans nommer le purgatoire, sans rien nous dire des peines qu'on y endure, il le désigne clairement et il nous fait assez comprendre qu'il y a dans l'autre vie un lieu de peines où le péché devra être expié lorsqu'il prononce ces paroles : « Réglez vos comptes avec votre adversaire pendant que vous êtes dans le chemin, car autrement votre adversaire vous remettra entre les mains du juge, et le juge vous livrera à son ministre, et le ministre vous enfermera dans une prison dont vous ne sortirez, je vous le déclare, que lorsque vous aurez payé votre dette jusqu'au dernier denier. »
Quel est cet adversaire avec lequel Jésus-Christ nous engage à régler nos comptes pendant le chemin, c'est-à-dire pendant la vie ? Cet adversaire, répond saint Augustin, c'est Dieu lui-même, l'adversaire, l'ennemi irréconciliable du péché et de nos mauvais penchants.
Quel est le juge auquel Dieu nous livrera si nous n'avons pas entièrement réglé nos comptes avec lui et satisfait à sa justice pendant notre vie ? Ce juge, c'est Jésus-Christ, son divin fils, que la sainte Écriture appelle le juge des vivants et des morts.
Quelle est la dette que nous devons payer jusqu'au dernier denier ? C'est la peine temporelle que nous avons encourue par le péché, peine qui dans le saint Évangile porte le nom même de dette.
Quelle est enfin cette prison dans laquelle le débiteur doit être si rigoureusement détenu ? C'est le purgatoire, d'où l'on ne peut sortir qu'après avoir entièrement satisfait à la justice de Dieu. Dans une autre circonstance notre adorable Sauveur dit encore : « Si quelqu'un parle contre le Fils de l'homme, son péché lui sera remis ; mais si quelqu'un parle contre le Saint-Esprit, son péché ne lui sera remis ni dans ce monde, ni dans l'autre. »
Alors, conclut saint Grégoire, il y a des péchés qui sont remis après la vie, car pourquoi Jésus-Christ aurait-il dit que le péché contre le Saint Esprit ne sera remis ni en ce monde ni en l'autre, s'il n'y avait aucun péché qui dût être remis dans l'autre monde ?
Mais quels sont les péchés que Dieu remet dans l'autre monde ? Ce ne sont pas sans doute les péchés graves, les péchés mortels, ce ne sont que les fautes légères et les restes du péché. « Les péchés graves, » dit encore saint Grégoire, ne seront jamais pardonnés dans l'autre vie. Car d'après l'Apôtre, pareils au bronze, au fer, au plomb, ces péchés ne  peuvent pas être purifiés par la flamme, Dieu ne pardonnera que les fautes légères qui ressemblent  au foin, au bois et à la paille que le feu peut assurément consumer. » « Les âmes qui sortent de cette vie avec des péchés mortels, ajoute Origène,  sont pesantes comme un plomb vil, elles tombent entraînées par leur propre poids au fond de l'abîme, et elles y resteront ensevelies à jamais, selon qu'il est écrit : Ils ont été engloutis comme le  plomb dans le fond d'une mer soulevée (1). »
Aux textes de la sainte Écriture, il faut joindre l'enseignement de l'Église, qui a fait du purgatoire un dogme de foi. Ce dogme a été proclamé par un grand nombre de conciles. Voici quels sont sur ce point de notre foi les décisions du concile de Trente contre les protestants. « Si quelqu'un dit qu'à tout  pécheur pénitent qui a reçu la grâce de la justification, la coulpe ou l'offense est tellement remise, et la peine éternelle tellement abolie, qu'il ne lui reste plus de peine temporelle à souffrir en ce monde ou en l'autre dans le purgatoire avant  d'entrer dans le royaume des cieux, qu'il soit  anathème. »
Et encore : « L'Église catholique instruite par le Saint-Esprit, ayant toujours enseigné selon les saintes Écritures et l'antique tradition des Pères, dans les saints conciles, et tout récemment dans ce concile général, qu'il y a un purgatoire, et que les âmes qui y sont détenues reçoivent du soulagement par les suffrages des fidèles et principalement par le sacrifice de l'autel toujours agréé de Dieu, le saint concile ordonne aux évêques d'avoir soin que la saine doctrine touchant le purgatoire soit enseignée et prêchée partout, afin que les fidèles y tiennent et la professent telle qu'elle nous a été transmise. (Session 25, décret du purgatoire.)
Les Pères et les Docteurs de l'Église, fidèles interprètes de la parole divine, ces témoins intègres de la foi, ces dépositaires incorruptibles de la saine doctrine, ces hommes enfin qui ont étonné le monde par la sainteté de leur vie autant que par l'étendue de leur connaissance et la profondeur de leur science, sont unanimes dans leur croyance au purgatoire et n'ont qu'une voix pour la proclamer. Saint Cyprien, au IIIe siècle, distingue trois états de l'homme après la mort. Celui des saints dans le ciel, celui des méchants dans l'enfer, et celui du purgatoire, où l'on est purifié dans le feu avant d'être admis au séjour de la gloire. Saint Augustin offre le saint sacrifice pour le repos de l'âme de sa mère.
Saint Ambroise s'écrie à la mort de son père : « 0 » mon père, je m'oublierais plutôt moi-même que de vous oublier jamais dans mes prières. Non, ni la mort, ni le temps ne pourra vous arracher de mon cœur. En parlant de l'empereur Théodose, il dit : « Je l'ai aimé comme mon fils sans cesser de le respecter comme mon maître, et c'est  pourquoi je ne cesserai jamais d'offrir pour lui mes vœux et mes prières. Je ne le quitterai plus jusqu'à ce que je l'aie introduit dans la région des vivants où ses mérites l'appellent. » Il nous serait facile de multiplier les citations ; pour ne pas être trop long nous nous bornerons à celles-là.
La raison elle-même proclame l'existence du purgatoire, sa voix nous parle connue l'Église et les Écritures. Elle nous dit d'abord que Dieu est saint, qu'il est la sainteté, la pureté même, et par conséquent que rien d'impur ne peut entrer dans son royaume, et qu'une âme, ne fut-elle souillée que d'une légère tache, est indigne de s'unir à lui tant qu'elle ne sera pas effacée. « Dieu, dit Job, a découvert des taches » jusque dans ses anges. Seigneur, s'écrie le Roi Prophète, qui habitera votre tabernacle et qui se reposera sur votre montagne sainte ? Celui-là seul  qui est sans péché et qui possède la perfection de la justice. »
Hélas! où la trouverons-nous dans ce monde cette perfection, cette sainteté sans tache, cette vertu sans défauts, elle n'y existe pas, et les âmes qui arrivent au degré de pureté que Dieu exige pour s'unir à elles immédiatement après leur mort sont réellement de rares, très rares exceptions.
La raison d'accord avec la foi, nous dit encore que Dieu est bon, infiniment bon, qu'il pardonne, mais elle nous dit aussi qu'il est juste et qu'il exige une réparation. La justice de Dieu ne peut pas plus laisser sans punition la plus légère faute, qu'elle ne peut laisser sans récompense le plus petit acte de vertu. Donc celui qui n'aura pas réparé ses fautes dans ce monde, les réparera infailliblement dans l'autre. Les satisfactions que nous n'aurons pas rendues à la justice de Dieu pendant cette vie, la justice de Dieu se les rendra elle-même après notre mort. Et où les rendra-t-elle ? Dans le purgatoire.
Enfin la raison nous dit que Dieu est miséricordieux, et que le purgatoire même est une preuve de son infinie miséricorde. « Dieu, dit Tertullien, se montre dans le purgatoire aussi miséricordieux qu'il est juste et qu'il est saint. Il punit les âmes, mais il les aime. Il voit en elles le reflet de sa grâce, le cachet de la prédestination, le signe de l'agneau, le sang de son Fils, la peine qu'il leur impose est une peine de miséricorde. 
Bénissons donc cette miséricorde de Dieu, qui par égard à la faiblesse de sa créature, a placé entre le ciel et l'enfer un lieu d'expiation, où l'âme peut encore effacer ses souillures, où malgré la rigueur des souffrances qu'elle endure, elle n'espère pas seulement, mais elle est assurée de posséder un jour le bonheur pour lequel elle a été créée. Mais bénissons surtout cette bonté qui nous établit comme médiateurs entre lui et ces âmes souffrantes, qui nous donne le pouvoir de lier les mains de sa justice, d'arrêter le bras qui les frappe, d'être encore utiles à ceux que nous avons aimés, et de les suivre par notre amour au delà même de la tombe.

PRIÈRE.
Enfants soumis de votre Église, nous croyons, ô mon Dieu, à l'existence du purgatoire comme à tous les dogmes qu'elle nous enseigne, nous adorons l'équité de vos jugements, même dans les rigueurs de votre justice ; nous y entrevoyons votre miséricorde, et nous bénissons la sagesse infinie qui a su concilier les droits de l'une et de l'autre. Oh ! qu'elle est belle, mon Dieu, notre foi ! qu'elle est consolante la doctrine de votre Église. Tandis que l'incrédulité ne voit rien au delà de la tombe, que le cœur desséché de l'hérésie voit dans la mort la rupture de tous rapports entre ceux qui s'en vont et ceux qui lui survivent, l'Église, comme une tendre mère, vient verser un baume consolateur sur les profondes blessures que la mort fait à nos cœurs en nous séparant de ceux que nous aimons. Elle élève nos pensées bien au-dessus de cette terre qui s'est ouverte et refermée sur la dépouille mortelle de ceux que nous pleurons, en présence des hideux trophées de la mort, elle nous rappelle à la pensée de notre glorieuse immortalité, et au milieu de nos larmes et de notre douleur, elle nous fait entendre des paroles d'espérance et d'amour. Elle nous dit que ceux dont la séparation déchire notre cœur ne sont pas perdus pour nous, qu'ils ont échangé une vie pleine de misère contre une vie qui ne doit plus finir, que séparés d'eux par la mort, nous leur sommes encore unis par la charité, que nous pouvons encore leur donner de nouveaux témoignages de notre amour en accélérant leur bonheur par nos prières, en acquittant nous-mêmes par des œuvres satisfactoires les dettes qu'ils ont contractées envers votre divine justice. Oui, ô mon Dieu, notre cœur avait besoin de croire que la mort n'interrompait pas nos rapports avec ceux dont elle nous sépare, que notre douleur et nos larmes unies à nos prières pouvaient plaider leur cause auprès de vous, que noue pouvions par nos suffrages et nos bonnes œuvres leur venir en aide et hâter l'instant de leur bonheur. Acceptez donc, Seigneur, l'humble hommage de notre reconnaissance, et soyez béni d'avoir placé dans un des articles de notre foi une de nos plus douces consolations.
EXEMPLE.
Dans le diocèse de Nocera, vint à mourir un jeune homme qui avait eu pour saint Bernardin de Sienne une dévotion singulière, et ce saint pour le récompenser obtint de lui rendre la vie. Mais avant il voulut bien lui faire connaître les mystères de l'autre monde, et le prenant avec lui il le conduisit dans les régions infernales. Là, dans les tourbillons d'une épaisse fumée et d'un feu dévorant, il lui fit voir une foule presque infinie de damnés, en proie à un éternel désespoir. Il le transporta ensuite au ciel, où, dans un ordre admirable, les chœurs des anges et les cohortes des saints jouissaient d'un bonheur au-dessus de tout ce qu'on peut imaginer. Enfin il lui montre la prison du purgatoire, où au milieu des flammes ardentes se purifiaient les âmes des trépassés jusqu'à ce qu'elles fussent dignes d'entrer dans la gloire du ciel. Ce ne fut pas sans être profondément touché qu'il vit ces âmes s'empresser autour de lui et le prier de retracer aux hommes, à son retour dans le monde, les affreux tourments qu'elles souffraient, et de les exciter à les soulager par des suffrages abondants. Il le fit au grand avantage de ces pauvres âmes, car rendu à la vie il parlait à tous du purgatoire : « Ton père, disait-il à l'un, est au milieu des flammes et attend les effets de ta piété filiale : ton fils, disait-il à un autre, se recommande à ton amour paternel : ton bienfaiteur, ingrat héritier, te demande l'exécution de ses legs pieux. Toutes ces âmes, en un mot, ont recours à votre foi, à votre charité, pour obtenir un prompt et généreux soulagement. Figurons-nous aujourd'hui entendre les mêmes exhortations, et donnons les preuves les plus manifestes de notre croyance au purgatoire. » (Le Mois des Âmes du purgatoire, par Francesco Vital.)

PRATIQUE.
Prouver notre foi au dogme du purgatoire par une tendre charité pour les saintes âmes qui en subissent les rigueurs et par la suite des fautes légères qui peuvent nous y conduire nous-mêmes.






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