Le mois des âmes du purgatoire : 19 novembre

Le mois des âmes du purgatoire : 19 novembre

Le mois des âmes du purgatoire : 19 novembre

Source : Livre "Mois des âmes du purgatoire ou méditations, prières et exemples pour le mois de novembre"

XIXe JOUR
Suite du même sujet.
Donnez et on vous donnera.
On dit avec raison que la clef d'or exerce une bien grande puissance ici-bas ; car avec elle on peut ouvrir les portes de toutes les prisons, de toutes les villes, et trop souvent corrompre les volontés et perdre les âmes. Mais si avec de l'or on peut faire beaucoup de mal, on peut aussi faire beaucoup de bien et en l'offrant à Dieu par les œuvres de la charité, il peut devenir une clef assez puissante pour ouvrir même les portes des prisons où sa justice retient captives les saintes âmes que la mort a surprises avant qu'elles n'aient entièrement acquitté la dette qu'elles ont contractée envers elle.
Oui l'aumône est un des moyens les plus efficaces que nous puissions employer pour soulager les âmes du purgatoire ; mais pour qu'elle leur soit utile, il faut qu'elle soit faite avec les dispositions qui seules peuvent la rendre agréable à Dieu et lui donner de la valeur et du mérite à ses yeux. Il faut d'abord qu'elle soit faite en état de grâce, car tout ce qui vient d'un mort, dit l'Ecclésiastique, même la louange, est devant Dieu sans valeur (1).
(1) Eccl. 27, 20.

Ainsi, comme nous l'avons dit dans le chapitre précédent, le pécheur, en faisant l'aumône, attire sur lui la miséricorde de Dieu ; mais il ne mérite rien, et son action, quelque bonne qu'elle soit en elle-même, est une œuvre morte, n'étant pas vivifiée par la grâce ; et s'il en reçoit une récompense, ce ne peut être qu'une récompense temporelle que Dieu accorde très souvent aux vertus naturelles de ses ennemis.
Secondement il faut faire l'aumône pour Dieu, pour son amour et non pour soi. Si on la fait pour être vu, pour être loué, glorifié par les hommes, elle n'est plus alors qu'ostentation, que vanité, et n'a ni force ni vertu. Il ne faut pas la faire non plus uniquement par un sentiment de compassion naturelle qui nous émeut à la vue des misères de nos frères et nous porte à les secourir. Sans doute ce sentiment n'est pas répréhensible ; il est l'indice d'un bon cœur ; mais il faut le spiritualiser en y joignant l'intention de plaire à Dieu et en lui offrant même la jouissance qu'il a attachée à l'exercice de la charité.
Faites l'aumône avec ces dispositions, et vous serez comme cet ange dont saint Jean parle dans l'Apocalypse, qui tenait dans ses mains la clef de l'abîme ; cette clef dans votre main sera l'or, l'argent, le vêtement, le morceau de pain, le verre d'eau froide même que vous donnerez aux pauvres pour l'amour de Dieu ; avec elle vous ouvrirez les portes de l'abime, et vous y irez consoler les saintes âmes qui y gémissent.
Peut-être même Dieu vous accordera-t-il de faire davantage et se servira-t-il de vous pour délivrer quelques-unes de ces pauvres captives, comme ils se servit autrefois de son ange pour délivrer saint Pierre de la prison d'où il ne devait sortir que pour être conduit à la mort. La mort nous a séparés de parents, d'amis bien chers ; vous les regrettez, vous les pleurez encore, quoique bien des années aient passé sur le jour qui les enleva à votre tendresse. Mais souvenez-vous que si la justice de Dieu les retient encore dans le lieu de l'expiation, ils attendent de vous autre chose que des larmes et de stériles regrets. Prouvez-leur donc votre affection en venant à leur aide d'une manière efficace, et en les aidant à acquitter leurs dettes, et par vos prières, et par vos aumônes. Donnez un morceau de pain à ce pauvre qui a faim, donnez un breuvage rafraîchissant à celui que la fièvre dévore sur son misérable grabat, donnez à cet autre qui tremble de froid auprès de son âtre éteint un peu de bois pour réchauffer ses membres glacés, votre charité attendrira le cœur de Dieu, et peut-être aura-t-elle la force de fléchir sa justice et d'arracher des prisons où elles les retient les âmes que vous avez perdues et que vous pleurez.
Ici, les personnes peu fortunées, les pauvres s'affligeront peut-être en pensant qu'il n'appartient qu'aux riches de venir au secours de ceux qu'ils ont aimés par d'abondantes aumônes. Ce serait une erreur de le penser, car Dieu ne regarde pas à la quantité et à la qualité de ce que nous lui offrons, mais à l'intention que nous avons de lui être agréable et à l'amour avec lequel nous lui faisons notre don dans la personne du pauvre. Ainsi l'obole que l'indigent donnera à son frère plus indigent encore que lui, pèsera sans doute davantage devant Dieu que la poignée d'or que le riche jettera dans la bourse d'une quêteuse ou d'une sœur de charité, parce que l'un donne de son nécessaire, l'autre ne donne que son superflu, et lors même que la pureté de l'intention serait égale dans tous les deux, l'aumône du pauvre aurait toujours devant Dieu plus de mérite que celle du riche, parce que la privation qu'il s'impose pour la faire en double la valeur.


Cette vérité est confirmée par ce trait du saint Évangile. Un jour Jésus se tenait à la porte du temple de Jérusalem, et il considérait la foule des riches qui venaient déposer leurs offrandes dans le tronc. Une pauvre femme s'approcha et y jeta deux petites pièces de monnaie. Jésus s'adressant alors à ses disciples, leur dit : « En vérité, cette pauvre femme a donné plus que tous les autres, car tous les autres ont donné de leur abondance, et elle, elle a donné de son indigence, même tout ce qui lui restait pour vivre. »
Suivez donc le conseil que Tobie donnait à son fils. « Soyez miséricordieux, lui disait-il, autant que vous pouvez l'être. Si vous avez beaucoup, donnez beaucoup ; si vous avez peu, donnez peu, mais donnez de bon cœur. »
IIe Point. Ce ne sont pas toujours les personnes les plus favorisées des dons de la fortune qui distribuent de plus abondantes aumônes en faveur de leurs parents décédés. Et cependant c'est pour elles une injustice et une ingratitude de ne pas le faire. C'est une injustice, car les richesses dont elles jouissent, de qui les tiennent-elles ? à qui appartenaient-elles avant de leur appartenir ? A leurs parents , à leurs bienfaiteurs. La mort les a fait passer dans leurs mains, et aujourd'hui qu'ils sont dénués de tout, et dans l'impossibilité de faire les bonnes œuvres, les aumônes qu'ils ont peut-être négligé de faire pendant leur vie ; aujourd'hui que du fond de leurs brûlants cachots, ils demandent en gémissant à ceux auxquels ils ont laissé leur bien, de les secourir en en versant une faible partie dans le sein des pauvres, n'est-ce pas une injustice et une véritable cruauté de la part de ceux-là s'ils négligent de le faire ?


Ce n'est pas seulement une injustice, c'est encore une ingratitude. En effet, cette fortune dont jouit ce jeune homme, cette jeune personne, peut-être leur a-t-elle été acquise au prix des labeurs, des veilles, des sueurs d'un père qui s'oubliait pour leur assurer ce qu'on appelle dans le monde un heureux, un brillant avenir. Peut-être la doivent-ils encore à l'ordre, à l'économie d'une tendre mère qui, pour leur assurer plus d'aisance, s'est condamnée à toutes les privations, à tous les sacrifices : et maintenant ils jouissent de ces biens si péniblement acquis, ils les prodiguent pour satisfaire à tous les caprices du luxe et de la mode ; ils vivent dans les délices, sans penser que ceux auxquels ils doivent leur bien-être sont en proie à de continuelles souffrances, qu'ils pourraient adoucir et même faire cesser entièrement en donnant aux pauvres en leur nom une faible partie des sommes qu'ils dépensent en inutilités et en caprices.
Ah ! si Dieu permettait qu'ils entendissent les plaintes déchirantes de ceux qu'ils abandonnent ainsi, les supplications qu'ils leur adressent au milieu des flammes qui les dévorent, sans doute leurs cœurs seraient attendris, et ils rougiraient d'une ingratitude dont ils-ne se croient pas coupables, parce que les pensées de la foi ne leur sont pas habituelles, et qu'elles sont étouffées en eux par le bruit du monde, par ses plaisirs et les préoccupations des choses de la terre.


Prêtons-donc notre voix à ces âmes délaissées, oubliées peut-être de ceux qu'elles ont tant aimés, et puissent les plaintes que nous leur adressons en leur nom toucher leurs cœurs et les porter à les secourir.
Ne viendrez-vous pas à notre aide, ô vous que nous chérissons, que nous avons entourés pendant tant d'années des soins les plus tendres, de l'amour le plus généreux ; le plus dévoué. Vous, qui nous aimiez aussi et qui tant de fois avez protesté de votre reconnaissance et de votre dévouement, hélas ! la mort nous a-t-elle donc si vite effacés de votre souvenir ? N'avez-vous plus pour nous ni amour, ni reconnaissance, et notre pensée ne dit-elle donc plus rien à votre cœur, n'y fait-elle plus vibrer aucune fibre de tendresse ? 0 mon fils, souvenez-vous de votre père, de mes travaux, de mes sacrifices, de tout ce que j'ai fait pour vous amasser la fortune dont vous jouissez maintenant. C'est pour vous que je me suis consumé de veilles et de labeurs, j'ai tout fait pour vous assurer l'aisance, le bien-être, et vous m'oubliez, et vous me laissez en proie aux plus cruelles douleurs ; vous vivez dans les délices et je suis dans les tourments. Ingrat, n'est-ce pas de moi que vous tenez tous ces biens, toutes ces richesses que vous dissipez avec une aveugle prodigalité ? N'est-ce pas de moi que vous tenez ces maisons, ces terres dont vous employez les revenus à contenter vos désirs les plus insensés ? Ah ! si vous aviez employé à soulager les pauvres un peu de cet or que vous dissipez si follement, il y a longtemps, peut-être, que mes tourments auraient cessé ; mais, hélas ! vous m'oubliez ; le fils vit dans les plaisirs, le père est dans la douleur ; et pour calmer la douleur du père, le fils ne sacrifierait pas le moindre de ses plaisirs.


0 ma fille, s'écrie d'un autre côté une de ces âmes infortunées, toi que j'ai tant aimée, aie pitié de ta mère, souviens-toi des soins dont j'ai entouré ton enfance, de mon dévouement, de ma sollicitude pour éloigner de toi la plus légère souffrance, pour calmer tes moindres douleurs. Hélas ! tu ne songes qu'à satisfaire ta vanité, tu te couvres des plus riches vêtements, et ta mère est enveloppée de flammes qui la dévorent et qui la brûlent. Ingrate, tu sacrifies des sommes énormes pour contenter les caprices d'une vanité toujours croissante, d'un luxe ruineux, et tu crains de donner aux pauvres quelques pièces d'or pour ouvrir le ciel à ta mère. Mon Dieu, quel douloureux contraste ! Ma fille est couronnée de fleurs, et je suis plongée dans un abîme de feu ; et pour éteindre ce feu qui me dévore, ma fille ne sacrifierait-elle donc pas une seule des fleurs dont elle orne sa tête, une de ces bagatelles auxquelles elle attache plus de prix qu'au bonheur de sa mère.
Imprudents que nous avons été, disent encore ces pauvres âmes abandonnées, si nous vous avions moins aimés, si nous eussions été moins préoccupés de nos intérêts temporels, nous n'en serions pas réduits à implorer vainement votre pitié. Oh ! que nous eussions été plus sages de faire nous-mêmes d'abondantes aumônes, et de distribuer aux pauvres une partie des biens que nous vous avons laissés, aujourd'hui nous ne pouvons plus rien, nous comptions sur vous ; hélas ! nous sommes-nous donc trompés ?
Non, non, âmes suppliantes, vous ne serez pas trompées. Vos enfants, vos amis entendront vos justes plaintes, s'attendriront sur vos douleurs ; ils n'y sont insensibles que parce qu'elles ne frappent pas leurs yeux ; désormais ils ne seront plus ingrats, et par leur charité, par leurs aumônes, ils s'efforceront d'adoucir vos souffrances et d'y mettre un terme.

PRIÈRE.
Dieu de bonté et de clémence, qui avez donné à l'aumône le pouvoir de fléchir votre justice et d'attirer votre miséricorde sur nous et sur ceux que nous aimons, vous qui avez voulu qu'elle soit utile, non seulement aux vivants, mais encore aux morts, qu'elle puisse couvrir la multitude de nos péchés et acquitter les dettes de ceux que nous pleurons. Soyez béni, Seigneur, d'avoir mis en notre pouvoir un moyen si facile et si doux de leur venir en aide. Si jusqu'à présent nous-avons négligé de l'employer, nous rougissons de notre ingratitude, et nous prenons à vos pieds, ô mon Dieu, la ferme résolution de la réparer en donnant selon nos moyens. Si nous avons beaucoup, nous verserons dans le sein du pauvre d'abondantes aumônes. Si nous avons peu, nous donnerons peu, mais nous donnerons de bon cœur, avec joie et pour votre amour, nous nous estimerons heureux de nous imposer quelques privations pour augmenter la somme de nos aumônes, en pensant qu'elles seront d'autant plus agréables et utiles à nos chers trépassés, qu'au mérite de la charité se joindra celui du sacrifice. Daignez, ô mon Dieu, bénir ces résolutions, et nous accorder la grâce de les accomplir avec fidélité. Ainsi soit-il.

EXEMPLE.
Denis le Chartreux raconte avoir assisté à la mort d'un jeune novice de la Chartreuse de Ruremonde, qui, averti de songer à son éternité, manifesta une grande terreur.
Il regrettait surtout d'avoir négligé la récitation de deux psautiers dont il avait contracté l'obligation ; il craignait d'avoir à expier sa négligence par un long et rigoureux purgatoire. Denis releva sa confiance en lui promettant de s'acquitter lui-même de ce vœu en son nom.
Le novice mourut ; mais Denis, qui était supérieur de la communauté, se trouvant encombré d'affaires, oublia bientôt sa promesse. Dieu permit alors à l'âme du novice de venir lui rappeler son engagement.
Triste, désolée, elle lui apparut, lui disant avec un profond soupir : « Miserere mei. Mon Père, ayez enfin pitié de moi, je vous en conjure. » Denis, confus et ému, crut pouvoir rejeter son oubli involontaire sur la multiplicité de ses occupations : n'est pas, lui dit-il, non ce n'est pas avec préméditation que j'ai omis ces deux psautiers. » « Ah ! s'écria le novice en l'interrompant ; ah ! mon Père, si vous enduriez la millième partie de mes tourments, vous n'admettriez pas plus que moi d'excuses, aucune raison ne vous paraîtrait légitime, vous ne différeriez pas même d'une minute, personne ne sait ce que c'est que souffrir en purgatoire. » (Les Saintes Âmes du purg. connues, aimées et soulagées, par un religieux de Notre-Dame de la Trappe.)
PRATIQUE

Se priver de faire l'achat de quelque objet qui ferait plaisir, et en donner le prix aux pauvres en faveur des âmes du purgatoire.






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