Le mois des âmes du purgatoire : 15 novembre

Le mois des âmes du purgatoire : 15 novembre

Le mois des âmes du purgatoire : 15 novembre

Source : Livre "Mois des âmes du purgatoire ou méditations, prières et exemples pour le mois de novembre"

XVe JOUR
Quatrième motif. Notre intérêt personnel.

Ier Point. Quoique la charité doive être pure et désintéressée dans ses motifs, il ne nous est pas défendu cependant d'avoir aussi en vue votre intérêt spirituel, et nous devons même chercher à enrichir notre âme et à assurer son salut par tous les moyens en notre pouvoir. 0r, entre tous les moyens que la bonté de Dieu a mis à notre disposition, je dis que la charité envers les âmes du purgatoire est un des plus efficaces, et que cette charité que nous exerçons envers elle nous est utile à nous-même et a pour nous d'immenses avantages.
Le premier de ces avantages est qu'en vertu de la communion des saints, les âmes du purgatoire peuvent nous faire participer aux mérites qu'elles ont acquis pendant leur vie. Les mérites des saints sont, nous le savons, la récompense due aux bonnes œuvres qu'ils ont faites dans la grâce de Dieu, et conformément à son adorable volonté ; la partie satisfactoire et déprécatoire de ces mérites est surabondante en beaucoup de saints, et c'est cette surabondance qui est reversible, et qui, unie aux mérites infinis du Sauveur, entre dans le trésor où l'Eglise, notre mère, puise sans cesse sans l'épuiser jamais, pour suppléer à l'indigence spirituelle d'un grand nombre de ses enfants.

Les mérites de Jésus-Christ sont à eux seuls, il est vrai, suffisants pour nous enrichir tous, puisqu'ils sont infinis. Il est également vrai que les mérites des saints et les nôtres puisent toute leur valeur à cette source divine ; mais, dit un pieux auteur, « Dieu, selon l'expression sublime de Poëleman, ramasse les miettes qui tombent de la table mystique de sa famille, pour ne pas les laisser périr, et soit par condescendance pour nous, soit pour glorifier son fils, il réunit nos mérites à ses mérites pour en composer le trésor incomparable de l'Église, et le partager entre ceux de ses enfants qui en ont besoin (1)(1) Un religieux de N.-D. de la Trappe. »
Qui n'admirerait ici l'ineffable bonté de notre Père céleste et l'admirable économie de sa divine miséricorde, qui établit entre ses nombreux enfants des rapports si doux de fraternité qui les lient les uns aux autres, et qui veut que tout soit commun entre eux, les biens comme les peines, afin qu'ils accomplissent ce précepte du grand Apôtre : « Portez les fardeaux les uns des autres. »
Or, parmi les âmes souffrantes du purgatoire, plusieurs, quoique passant pour un temps par le creuset de l'expiation, ont acquis beaucoup plus de mérites qu'il ne leur en fallait pour assurer leur salut. Mais pourquoi, dira-t-on peut-être, des âmes si saintes et si riches se trouvent-elles en purgatoire ? Parce que, répondrons-nous, Dieu nous juge tels que nous sommes au moment de la mort, et qu'alors, comme pendant notre vie, l'abondance et même la surabondance des mérites ne nous dispense en aucune manière de la satisfaction exigée pour une faute actuelle, ainsi les âmes dont nous parlons ont porté au tribunal de Dieu quelques légères fautes que la mort ne leur laisse pas le temps d'expier, et ces fautes, quelque légères qu'elles aient été, leur ont fermé momentanément les portes du ciel, et les retiennent dans le lieu de l'expiation jusqu'à ce qu'elles en soient entièrement purifiées.

Ces saintes âmes, que la justice de Dieu retient ainsi loin de lui, ne perdent rien des mérites qu'elles ont acquis sur la terre ; ils sont entrés dans le trésor de l'Église, et comme nous l'avons dit, sont réversibles sur ceux de ses enfants qui en ont besoin, et si nous aidons ces saintes âmes par nos prières et nos bonnes œuvres, elles peuvent à leur tour nous témoigner leur reconnaissance et nous aider, en obtenant de Dieu que la surabondance de leurs mérites nous soit appliquée.
Comme les saints glorifiés, les âmes du purgatoire ne peuvent plus mériter ; mais comme eux elles ont le pouvoir de faire valoir les mérites acquis pendant leur vie en notre faveur. Saint Chrysostome le prouve en disant : « Les élus présentent au Seigneur » leurs membres mutilés, leurs corps meurtris pour la défense de la foi, leurs macérations, leurs jeûnes, etc., etc., et deviennent tout-puissants devant le roi des cieux.
De même qu'un vieux soldat qui, pour obtenir un grade de son prince, lui montre son corps écharpé, les nombreuses blessures reçues à son service, sûr de voir sa requête favorablement accueillie. Saint Augustin, saint Jérôme s'expriment comme saint Chrysostome, d'où nous pouvons conclure que les âmes du purgatoire étant saintes comme celles qui jouissent de la gloire du ciel, peuvent prier comme elle, quoique leur bonheur soit encore différé, et comme elles, elles peuvent être exaucées en vertu de leurs mérites antécédents.

L'expiation que subissent ces saintes âmes n'ôte rien à l'amour que Dieu a pour elles, elle ne diminuera en aucune manière la gloire dont elles jouiront dans le ciel, car si la justice divine exige son paiement jusqu'à la dernière obole, elle paiera également et avec une incomparable libéralité, tout ce qu'elle a bien voulu promettre aux moindres bonnes œuvres faites en état de grâce.

IIe Point. Il y a dans le purgatoire, comme nous venons de le dire, des âmes bien riches en vertu, bien riches en mérites ; il y en a même qui, en quittant le lieu de l'expiation, iront prendre place parmi le chœur des brûlants séraphins. L'amour que ces saintes âmes ont pour Dieu est si vif, le désir qu'elles éprouvent de s'unir à lui si ardent, que pour prix de leur délivrance, elles céderaient volontiers tous ces mérites, fruits de leurs labeurs et de leurs peines. Elles ne peuvent pas en être dépouillées ; mais avec quelle reconnaissance ne demanderont-elles pas à Dieu d'en appliquer la surabondance à ceux qui par leur prière ou leurs œuvres satisfactoires auront hâté le moment de leur délivrance.
Et Dieu, qui aime ces saintes âmes plus encore qu'elles ne l'aiment elles-mêmes, qui désire leur délivrance avec une ardeur qui surpasse la leur, s'associera en quelque sorte à leur reconnaissance, et se plaira à exaucer les prières qu'elles lui offriront en faveur de leur bienfaiteur. Lorsqu'un bon père voit un de ses enfants malade et en proie à de cruelles souffrances, si cet enfant lui adresse une prière en faveur de ses frères, qui se pressent autour de son lit de douleur, l'entourant à l'envi des témoignages de leur compatissante affection en s'efforçant de le soulager, ce père, dans la crainte de contrister par un refus son enfant qui souffre, lui accordera tout ce qu'il lui demande, alors même que ses autres enfants lui auraient donné quelques sujets de plaintes et qu'il ne se sentit pas disposé dans le moment à leur accorder aucune faveur. De même Dieu, touché des souffrances de ces saintes âmes, qu'il ne châtie qu'à regret, ne les contristera pas par un refus, il se plaira au contraire à leur prouver qu'elles n'ont rien perdu de son amour en exauçant les prières qu'elles lui adressent en faveur de ceux de leurs frères qui, touchés de leurs souffrances, s'efforcent de les soulager, et il leur accordera ce qu'elles lui demandent pour eux, nonobstant leur indignité et leurs infidélités personnelles.

Dieu, dit un pieux auteur, le leur doit en quelque sorte afin de montrer qu'il les châtie parce qu'il est juste, qu'il les exauce parce qu'il est bon ; comme une consolation, pour leur prouver qu'elles ont à sa tendresse les mêmes titres que tous ses enfants, comme un bien commun. Notre-Seigneur ayant promis d'ouvrir à ceux qui frapperaient à là porte de sa miséricorde, si les âmes du purgatoire étaient seules exceptées de cette promesse générale, elles seraient traitées en enfants déshérités. 

Nous avons donc plus à espérer, il semble, des âmes souffrantes que des saints déjà glorifiés, parce que notre charité leur est avantageuse, et que les saints n'en ont plus besoin dans le ciel (1). (1) Un religieux de N.-D. de la Trappe. 

Il est encore de notre intérêt d'exercer la miséricorde envers les âmes souffrantes du purgatoire, si nous voulons qu'on l'exerce un jour envers nous. Notre adorable Sauveur ne nous dit-il pas, dans l'Évangile, que nous serons traités comme nous aurons traité nos frères, qu'on se servira envers nous de la même mesure dont nous nous serons servi envers eux. Donc, si nous avons exercé la charité envers ces saintes âmes, on l'exercera un jour envers nous ; si nous avons été compatissants pour leurs souffrances, on le sera pour les nôtres ; miséricordieux pour elles, on le sera également pour nous, si nous avons été généreux envers elles jusqu'à leur céder les œuvres satisfactoires qui nous étaient nécessaires à nous-mêmes pour expier nos propres fautes, d'autres exerceront un jour envers nous la même générosité, et nous ferons la même cession. Et quand encore, après notre mort, nous serions oubliés, délaissés de tous, quand bien même personne ne se souviendrait plus de nous sur la terre, Dieu, dont la justice ne laisse rien sans récompense, se souviendrait de la charité dont nous aurons usé envers nos frères souffrants, il nous donnerait alors une part plus abondante aux suffrages que l'Église lui adresse chaque jour pour tous ses enfants décédés, il nous appliquerait soit quelques-unes des messes, soit les indulgences qui lui sont si souvent offertes en faveur d'âmes auxquelles elles ne sont plus applicables et qui n'en ont plus besoin.

Mais, si au contraire nous n'exerçons pas la charité envers ces saintes âmes, craignons qu'un jour on ne l'exerce pas envers nous, ou plutôt soyons certains que si nous les oublions, Dieu permettra qu'on nous oublie ; si nous les délaissons, il permettra qu'on vous délaisse. Si nous ne prions pas pour elles, que nous soyons sans compassion pour leurs souffrances, il permettra également qu'on ne prie pas pour nous et qu'on soit sans pitié pour nos douleurs. Et quand encore il n'en serait pas ainsi, quand nos parents et nos amis ne nous oublieraient pas, Dieu, par un juste châtiment de notre dureté envers nos frères, n'exaucerait pas les prières qui lui seraient adressées en notre faveur, et il nous laisserait payer jusqu'à la dernière obole la dette peut-être bien grande que nous avons contractée envers son inexorable justice.
N'oublions donc pas que nous aurons un jour, et peut-être bientôt besoin qu'on exerce envers nous la charité que nous pouvons maintenant exercer pour les autres. Nous sommes aujourd'hui pleins de force, de santé, de vie, nous nous promettons encore un long avenir ; et demain peut-être on nous cherchera en vain sur la terre, déjà la mort nous aura saisis de sa main glacée et jetés dans les profondeurs de l'éternité, et cela sans que nous ayons eu le temps de satisfaire à la justice de Dieu et de faire une pénitence suffisante pour l'expiation de nos péchés. Et quel est celui d'entre nous, alors même qu'il ne serait pas surpris par la mort, qui oserait se flatter d'être assez pur pour ne pas avoir à redouter les douloureuses expiations du purgatoire ? Hélas ! pour être passif de ces peines si redoutables, songeons qu'il ne faut être coupable que de quelques légères fautes. Ainsi, un léger sentiment d'impatience, une distraction volontaire dans la prière, une pensée d'amour-propre, de vanité, une parole peu charitable pour le prochain, toutes ces mille petites fautes qu'on se pardonne si facilement et qu'on s'habitue bien à tort à regarder comme des riens, seront cependant suffisantes pour nous fermer les portes du ciel, si notre âme s'en trouve souillée au moment de notre mort, et nécessiteront une expiation plus ou moins longue dans les flammes brûlantes du purgatoire. Il est donc de notre intérêt, et de notre intérêt le plus cher, d'user maintenant envers les autres de la charité dont nous désirons qu'on use alors envers nous, et d'exercer largement la miséricorde envers les saintes âmes du purgatoire, afin que celle de Dieu descende un jour sur nous dans toute son étendue.

PRIÈRE.
Comment pourrais-je, ô mon Dieu, ne pas exercer la miséricorde envers des âmes qui vous sont si chères, puisque j'ai tant besoin que vous l'exerciez envers moi. Ah ! Seigneur, je le sais, j'ai tout à craindre de votre justice, et je puis dire avec le saint roi pénitent : Si vous tenez, ô mon Dieu, un compte exact des iniquités, qui pourra subsister devant vous ? Je le confesse en gémissant, mes fautes sont grandes, elles sont innombrables ; j'ai péché par mes pensées, par mes paroles, par mes actions ; j'ai accumulé iniquité sur iniquité, faute sur faute, et je n'ai pas encore songé, Seigneur, à fléchir votre justice et à en faire une pénitence proportionnée à leur grandeur et à leur nombre. Mon repentir est profond, il est sincère, et j'espère, ô mon Dieu, que vous m'accorderez le pardon de tant d'offenses puisque vous avez promis de ne pas rejeter le cœur contrit et humilié ; mais je sais que si vous me remettez la peine éternelle due à mes fautes, vous ne me remettez pas la peine temporelle qui leur est encore due, et que votre justice exige que je la subisse, soit dans ce monde par les souffrances volontaire, soit dans le purgatoire par une pénitence que vous m'imposerez vous-même. Hélas ! Seigneur, je le sens, je m'épargne trop moi-même, et ma lâcheté est si grande que je suis bien loin de vous offrir une satisfaction proportionnée à mes fautes et que je n'ose me flatter d'éviter les terribles expiations du purgatoire ; mais je puis mériter par la charité que je veux exercer envers les saintes âmes qui les subissent maintenant, qu'elles soient un jour abrégées pour moi, et désormais je ne négligerai rien pour fléchir votre justice en leur faveur ; je serai charitable, généreux et miséricordieux pour elles, comme je souhaite qu'on le soit plus tard pour moi. Ainsi soit-il.

EXEMPLE.
« Dans ma jeunesse, dit saint Grégoire dans ses Dialogues, avant d'embrasser la vie religieuse, j'ai souvent entendu faire l'éloge des vertus de Paschase, diacre de l'Église romaine. Des personnes très honorables et qui l'ont parfaitement connu nous le dépeignaient comme un homme d'une admirable sainteté, tout entier aux œuvres de la charité, vrai père des pauvres et d'une abnégation absolue.
Le souverain Pontife étant mort, les suffrages des fidèles se partagèrent entre Symmaque et Laurent. Paschase prit parti pour celui-ci : cependant Symmaque fut élu pape à l'unanimité par les évêques et le peuple. Paschase se soumit mais sa soumission fut imparfaite, car il garda pour son ami une affection trop sensible. Les saints ont aussi leurs défauts. Il mourut sous le pontificat de Symmaque, et pendant la cérémonie des obsèques un possédé fut délivré miraculeusement par le seul attouchement de sa dalmatique.
Longtemps après, saint Germain, évêque de Capoue, allant dans les Abruzzes faire une saison d'eaux thermales, quel ne fut pas son étonnement de voir soudain le saint diacre qu'il avait toujours vénéré lui apparaître triste, abattu, souffrant. Tout hors de lui-même, il lui demanda comment un homme tel que lui se trouvait en cet état ?  Paschase lui répondit : Je suis envoyé ici pour faire pénitence et pour expier mon affection excessive envers Laurent ; mais je vous en conjure, ayez pitié de moi et priez pour moi. Si vous ne me voyez plus revenir ici, ce sera une preuve que vous avez été exaucé.
En effet le saint évêque pria avec ferveur et ne le revit plus, d'où il conclut qu'il avait été admis dans la gloire. {Les saintes Âmes du purg.connues, aimées et soulagées, par un religieux de N.-D. dela Trappe.)

PRATIQUE.
Nous exciter à la charité envers les saintes âmes du purgatoire en pensant que Dieu permettra que la mesure de ce que nous aurons fait pour elles soit la mesure de ce que l'on fera un jour pour nous.






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