Le mois de saint Joseph
9 mars
Source : Livre "Mois de Saint Joseph : composé de trois neuvaines et un triduum pour tous les jours du mois de mars" par Alexis Lefebvre
NEUVIEME JOUR
L'OBEISSANCE
- Troisième vertu -
L'homme obéissant parlera de victoires. (Prov. XXI. 28)
Ces
réflexions sont bien vraies ; mais pourtant si un Dieu lui-même a pu se
faire obéissant, s'il a voulu apprendre à obéir dans la douleur, comme
dit saint Paul, et si, de fait, ce Dieu a obéi jusqu'à la mort, pourquoi
saint Joseph ne le pourrait-il pas aussi ? Ah ! sans nul doute il l'a
fait, et nous pouvons assurer qu'il a pratiqué cette vertu de la manière
la plus parfaite, surtout dans le mystère de la fuite en Egypte, comme
nous l'avons vu au quatrième jour de cette semaine, lorsqu'il se soumit à
la parole de l'ange : Fuge in jEgyptum... et consurgens secessit in
Aigtjptum (Matth. 11,13,14); l'ange lui dit : Fuyez en Egypte ; et se
levant aussitôt, il partit pour l'Egypte. Peut-on concevoir une
obéissance plus prompte et plus aveugle ?
Nous
allons étudier cette vertu comme les autres : 1° dans sa nature ou ses
caractères les plus essentiels ; et puis II° dans la pratique même, ou
l'exercice de ses actes.
I.
Commençons par le point de doctrine, et disons d'abord la nature de
l'obéissance : Est libéra abdicatio propris e voluntatis,
—
pro Deo (S. Th. d'Aq.), c'est le renoncement libre et volontaire à sa
propre volonté, la soumission à la volonté d'un autre, mais en vue de
Dieu : pro Deo; ce motif constitue l'essence de la vertu religieuse
d'obéissance, bien supérieure à la vertu morale et humaine de soumission
et de dépendance, qui ne laisse pas d'être aussi bien nécessaire, pour
l'ordre et le bonheur de la société en général et de la famille en
particulier ; mais enfin, autre est l'obéissance de l'esclave et du
soldat, autre celle des enfants de Dieu et des religieux parfaits.
Qu'elle
est belle, pourtant, l'obéissance du brave soldat, a qui son capitaine
dit : Marche !... et qui court à la mort ! Quel malheur que, parmi tant
de héros, il y en ait si peu qui obéissent : pro Deo, pour Dieu !...
Sans perdre leur croix d'honneur sur la terre, et il n'y en a pas beau,
coup à qui on la donne ; ils seraient sûrs d'avoir une belle couronne
dans les cieux ; comme l'intrépide soldat du Christ, à qui on dit aussi :
pars, va... sur cette terre étrangère qui dévore ses habitants, va
porter l'Évangile et montrer la Croix à ces peuples sauvages qui ont tué
et mangé tes frères... et il obéit, il part dans l'espérance de mourir
comme eux : pro Deo !
Il
faut distinguer l'obéissance intérieure ou de volonté, de l'obéissance
purement extérieure ou d'action. Celle-ci est absolument nécessaire,
mais elle est moins parfaite ; celle-là est supérieure et bien plus
sainte. Mais quand, à la soumission de volonté on ajoute l'obéissance de
jugement, c'est-à-dire quand on conforme non seulement son action et sa
volonté, mais encore ses pensées et ses sentiments à la volonté et au
jugement de celui qui commande au nom de Dieu , c'est alors que
l'obéissance est toute divine, et qu'elle devient un holocauste parfait.
Pour
comprendre l'excellence et les avantages de cette vertu, vous
considérerez que c'est par elle que l'homme s'immole en effet et se
sacrifie généreusement à Dieu.
C'est
le véritable, le parfait holocauste, puisque la victime est entièrement
consumée, en donnant et perdant en quelque sorte toute son âme à la
gloire de Dieu : pro Deo ! en renonçant à son libre arbitre, à sa
pensée, à son entendement même, pour ne plus voir, penser et vouloir
enfin que par la volonté, le jugement de ses supérieurs, qui lui parlent
au nom de celui de qui vient toute autorité : pro Deo !
Mais,
il faut bien le dire aussi, plus ce sacrifice est grand et glorieux aux
yeux du Seigneur tout puissant, plus il est doux à l'âme qui s'immole.
Non-seulement ce glaive de l'obéissance ne blesse pas les cœurs fidèles
et soumis, mais il les remplit de la paix du ciel ; et la paix surpasse
tous les autres dons de la grâce. Quelle sécurité, quel bonheur ! mais
aussi quelle force et quelles victoires !... vir obediens loquetur
victoriam (Prov. xxi, 28).
C'est
lui, c'est cet homme obéissant qui pourra parler de ses victoires ; car
il triomphe de l'esprit du monde et de l'orgueil, il triomphe de
l'enfer et de ses perfidies ; il triomphe de lui-même et de ses propres
passions ; il triomphe en quelque sorte de Dieu même, qui ne refusera
jamais sa grâce aux cœurs humbles, tandis qu'il résiste aux esprits
orgueilleux et insoumis : Deus superbis resistit, humilibus autem dat
gratiam (Jac.iv, 6).
Vous
ne vous étonnerez donc pas d'entendre la sainte Écriture et les
Docteurs les plus célèbres, faire de cette vertu d'obéissance l'éloge le
plus magnifique. Elle vaut mieux que toutes les victimes, dit Samuel,
le grand prêtre de Dieu, à Saûl, roi prévaricateur : Melior est
obedientia quam mttims e (I Reg. xv, 22).
Et
saint Grégoire assure que l'obéissance seule peut enrichir une âme de
toutes les vertus et y garder ce trésor précieux : Obedientia sola est
quse virtutes cseteras menti inserit, insertasque custodit.
Il
est évident que, pour nous procurer tous ces avantages, il faut que
l'obéissance ait bien des qualités surnaturelles ; il faut qu'elle soit
humble , prompte, entière, aveugle même.
—
Humble, puisque c'est à Dieu que vous devez vous soumettre, et
qu'est-ce que l'homme devant ce Dieu, tout-puissant et éternel ?
—
Prompte, car si vous tardez, vous préférez votre volonté à celle du
Seigneur, et peut-être qu'il ne sera plus temps de faire ce qui vous a
été commandé, lorsque vous voudrez enfin obéir.
—
Entière, c'est-à-dire qu'il faut vous conformer absolument à tout ce
qui vous a été prescrit, non-seulement pour l'exécution même de la
chose, mais pour les circonstances du temps, du lieu et de la manière.
—
Aveugle enfin, sans discuter, sans chercher à pénétrer les motifs du
commandement, mais en soumettant votre volonté et vos pensées mêmes à
celles de votre supérieur.
En
un mot, il faut obéir comme Joseph, notre saint protecteur... Voyez :
l'ange lui dit : partez... fuge in AEgyptum, et à l'instant même, sans
raisonner, il se soumet à cet ordre qui devait cependant lui paraître si
peu conforme au jugement de la prudence humaine.
II.
Mais venons à l'étude pratique de la vertu d'obéissance. Ce serait une
erreur de croire que les religieux seuls sont obligés d'obéir. Tous les
hommes, tous les chrétiens doivent s'efforcer d'acquérir cette belle
vertu. Il est vrai que la perfection de ce sacrifice ne se trouve guère
que dans la sublime vocation à cet état incomparablement plus saint et
plus heureux. Là seulement, l'homme s'immole tout entier et meurt, pro Deo, devenant,
disent les régles et les constitutions de ces grands ordres, comme un
cadavre entre les mains de ses supérieurs, qui en font ce qu'ils veulent
: perinde ac cadaver, paroles
sublimes, que des ignorants n'ont pas su comprendre, ni traduire en bon
français, mais qui expriment admirablement l'état de ces heureuses
victimes d'amour : pro Deo.
— Comme si le soldat n'obéissait pas aussi, et de la même manière que les capucins et les jésuites !...
Mais,
nous disions que tous les hommes doivent obéir, malgré le désir
d'indépendance et de liberté qui entraîne les esprits à la révolte ; et
nous ajoutons que tous les chrétiens peuvent, en obéissant fidèlement, pro Deo, mériter
une récompense magnifique et une gloire immense dans les cieux. Tous
n'ont-ils pas des maîtres ? et des maîtres auxquels il faut bien
toujours obéir ?
Et
d'abord, tous doivent se soumettre à Dieu, obéir à sa loi sainte et aux
préceptes de l'Église, qui a reçu de lui le pouvoir et l'autorité. Vous
observerez donc les commandements du Seigneur votre Dieu, et vous
suivrez fidèlement les préceptes de l'Église voire mère.
Dans
le même ordre d'autorité divine, vous devez obéir au père de votre âme,
à votre directeur, persuadé qu'il ne peut se tromper, puisqu'il vous
parle au nom de Dieu même. C'est lui qui vous fait connaître vos devoirs
d'état, lui qui fixe et approuve la régle de votre vie, qui détermine
le temps que vous devez consacrer à la prière, au travail.
Sans la soumission à cet ordre, vos années s'écouleraient toutes stériles et sans mérite pour l'éternité.
Le
chrétien fidèle mettra toujours le devoir de cette obéissance divine
au-dessus de tout, car, selon la parole de l'Apôtre, il faut plutôt
obéir à Dieu qu'aux hommes : Obedire oportet Deo, magis quam hominibus (Act. v, 29).
Et
maintenant, pour rendre cet exercice encore plus sérieux et plus
pratique à tous, en nous adressant aux diverses classes de lecteurs,
nous dirons simplement, avec l'apôtre saint Paul : O vous, qui que vous
soyez, obéissez à ceux qui ont autorité sur vous, soyez soumis à vos
supérieurs ! subditi estote, obedite prsepositis veslris (Hebr. xm, 17).
Vous
qui régnez sur la terre, princes et rois qui gouvernez les nations,
soyez soumis au Roi des rois, au Dieu puissant du ciel ; il est votre
créateur.
Et vous qui faites des lois, obéissez à la loi du Seigneur, il est votre maître.
Et
vous, peuples, obéissez aux rois, aux empereurs qui portent la
couronne, ils sont l'image de Dieu ; et même, s'ils étaient infidèles,
obéissez-leur toujours ; obéissez tant qu'ils ne commandent rien
d'opposé à la loi du Seigneur, Dieu tout-puissant et éternel, qui est
leur maître, et le seul souverain de tous : obedite prsepositis vestris.
Puis,
venant aux conditions particulières, et aux classes plus spéciales dont
la réunion compose les sociétés humaines, nous dirons encore, avec le
grand Docteur des gentils :
Femmes
chrétiennes, soyez soumises, obéissez à vos maris, comme à Jésus-Christ
même : Muliei'es, subditse estote viris (Col. m, 18).
Enfants, obéissez à vos parents : Filii, obedite... parentibus vestris (Eph. vi, 1).
Et
vous, serviteurs, soyez fidèles, obéissez avec crainte, mais aussi avec
amour, et surtout obéissez dans la simplicité de votre cœur, et pour la
gloire de Dieu : Obedite in simplicitate cor dis vestri, sicut Christo (
Ibid. ).
Et
vous aussi, pauvres ouvriers, simples artisans, hommes de peine, comme
on dit, mais si souvent hommes de mérite, obéissez aussi à vos maîtres, à
vos patrons ; faites ce que l'on vous commande, et faites-le comme on
le veut... obedite ; vous ferez toujours bien devant Dieu qui jugera
tous les hommes, et vous sauverez votre âme !
Et
vous enfin qui portez l'épée, pour la défense et lu gloire de la
patrie, soldats, obéissez à vos chefs, honorez-les, respectez-les,
gardez leurs ordres et la discipline : obedite; obéissez, s'il le faut,
jusqu'à la mort, et donnez votre sang, mais que ce soit pro Deo ! pour
Dieu, afin que tous vous ayez droit à la victoire et à la récompense
promise.
0 gloire ! ô bonheur de cette vertu ! Oui, heureux, mille fois heureux, celui qui n'a qu'à obéir !
Dans
cette condition, on est plus près de Dieu ; dans cet état, on peut
mener une vie plus semblable à celle de Jésus-Christ sur la terre ; et,
quelle paix, quelles consolations à l'heure de la mort ! Quels trésors
immenses de gloire dans le ciel, puisque l'obéissance seule vaut mieux
que toutes les vertus, dit saint Augustin : Una obedientia plus valet
quam omnes virtutes ; et qu'aux yeux du Seigneur, elle vaut mieux que
toutes les victimes : Melior est obedientia quam victimx (Reg.).
Vous terminerez encore cet exercice par trois colloques :
Le
premier, à Jésus obéissant, non-seulement à Joseph à Nazareth, mais aux
bourreaux du Calvaire, et obéissant jusqu'à la mort de la croix.
Le second, à Marie, la plus humble servante du Seigneur et sa mère glorieuse.
Le
troisième, à saint Joseph, notre saint protecteur qui, après avoir obéi
si fidèlement aux ordres du Seigneur, a eu seul la gloire de commander
au Fils de Dieu et à la Vierge immaculée, mère de Jésus. Vous demanderez
à Jésus, Marie, Joseph, la belle vertu d'obéissance.
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