Le mois de saint Joseph
30 mars
Source : Livre "Mois de Saint Joseph : composé de trois neuvaines et un triduum pour tous les jours du mois de mars" par Alexis Lefebvre
TRENTIÈME JOUR
LA MORT DE SAINT JOSEPH
(Troisième jour du Triduum).
La mort des saints est précieuse aux yeux du Seigneur. (Ps. CXV, 15.)
La
mort du juste est le soir d'un beau jour ; la mort des saints est
l'aurore de la vie, de la véritable vie... La mort de tous les justes,
la mort de tous les saints, est précieuse aux yeux du Seigneur, mais
surtout celle de son juste, justus meus ; et celle surtout de ses
saints, sanctorum ejus, car si l'un vit de la foi, les autres ont vécu
de son amour. Justus meus ex fide vivit, Pretiosa in conspectu Dommi
mors sanctorum ejus.
Or,
qui jamais a pu se dire, et qui a jamais été plus réellement le juste
de Dieu que saint Joseph ? qui a jamais été plus positivement le saint
de Dieu, que celui qui a toute sa vie appartenu à Dieu, et à qui ce Dieu
même a vraiment appartenu, tant qu'il est resté sur la terre ? Qui
jamais a pu dire comme Joseph : Mon Dieu et mon Fils ? Et à qui Dieu
a-t-il jamais dit : Mon Père ? Entre tous les enfants des hommes, seul
Joseph a eu cette gloire !
Pretiosa
plane, oui, précieuse est la mort des justes et des saints, tanquam
finis laborum, dit saint Bernard, tanquam victorise consummatio, tanquam
vitse janua ; car c'est pour eux la fin des épreuves, la consommation
de la victoire, la porte de la vie ; paroles qui, appliquées à saint
Joseph, semblent renfermer une vérité frappante et aussi une sorte de
contradiction, puisque la mort qui donne la vie, le ciel et Dieu même
aux autres saints, devait le priver lui, de son Dieu et du ciel qu'il
possédait sur la terre. Mais en même temps, quelle douce paix et quelle
espérance ! quel bonheur et quel triomphe !
Nous reviendrons nécessairement sur ces deux pensées, pendant le cours de cet exercice : car elles disent tout au cœur fidèle.
Notre
méditation renfermera deux parties. I. Rien de plus beau, de plus doux,
de plus glorieux que la mort de saint Joseph. II. Rien de plus doux
aussi que la mort de ses fidèles serviteurs et de ses enfants.
I.
Et d'abord, rien de plus beau que la mort de saint Joseph, je dis au
jugement de la foi ; car qu'est-ce que le monde appelle une belle mort,
une mort glorieuse ?
C'est,
par exemple, celle d'un général qui vient de remporter une victoire et
que l'on ensevelit dans son triomphe ; celle d'un héros, qui, sans
crainte, affronte le danger, et qui, en sauvant le drapeau de la patrie,
tombe couvert de blessures et expire avec joie ;
—
celle du soldat intrépide qui monte le premier sur la brèche, y plante
son étendard, et meurt après avoir décidé la prise d'une ville ennemie ;
—
celle du brave capitaine, qui, plutôt que delivrer aux ennemis le
vaisseau qu'il commande, après avoir assuré la vie de sa troupe, le fait
sauter ou le consume dans la flamme, et reste seul debout sur le pont
jusqu'au dernier moment.
Voilà
de belles morts, des morts glorieuses et qui suffisent pour illustrer
un nom sur la terre, mais dont peut-être il ne sera pas question dans
l'éternité, et dont les anges n'auront pas même entendu parler.
Aux yeux de Dieu voici de belles morts :
—Si
un juste plein de mérites, arrivé à la fin de sa course, souffre
courageusement les douleurs de la maladie, et puis va prendre sa
couronne d'immortalité avec amour et avec bonheur ; c'est la mort la
plus ordinaire de nos saints, vraiment une belle mort !
—
Si un pieux enfant de la terre, un ange exilé ici-bas, et brûlant du
désir de voir et d'aimer Dieu au ciel, demande à mourir, pour y aller,
un beau jour de fête à Marie, et l'obtient ; s'il quitte le monde sans
regrets, avec espérance, avec joie ; c'est une belle mort ! la mort de
Stanislas !
—
Si un apôtre de JésusChrist, après de longs travaux et de grandes
souffrances, au lieu de se réjouir à la pensée du ciel, qui lui montre
une couronne, se plaint à Dieu et lui demande à travailler et à souffrir
encore, et meurt en exhalant ce désir, en poussant ce cri de zèle :
Amplius ! Encore plus ! c'est la mort de Xavier, une belle mort !
—
Si surtout un apôtre, un conquérant d'âmes, ou un saint pontife donne
sa vie pour le salut de ses frères et pour la gloire de son Dieu, si
cette victime de la charité ou de la foi est calme au milieu des
tourments, et meurt avec joie dans les flammes, ou sous la dent des
tigres et des lions, c'est la mort de nos martyrs ; oh ! oui, vraiment,
voilà une belle, une sainte mort ; une mort glorieuse. On en parlera
dans l'Église de Dieu et dans ciel.
Eh bien, la mort de saint Joseph est incomparablement plus belle que tout ce que nous pouvons dire ou imaginer.
Après
avoir fidèlement servi Jésus et Marie, il vit arriver avec calme le
ternie de sa vie mortelle, dans la petite maison de Nazareth, où il
avait passé des jours si heureux... Et c'est là qu'il rendit le dernier
soupir, sous les yeux de Marie, sa fidèle épouse, qui priait et pleurait
auprès de lui ; et dans les bras de Jésus, qui, après l'avoir béni, lui
montrait les cieux. Au-dessus de la couche de son dernier repos, les
anges l'attendaient avec une couronne, et chantaient en chœurs
harmonieux : Beati qui in Domino moriuntur !... (Ap. XIV, 13) : Heureux
ceux qui meurent dans le Seigneur !
Comprenez combien la présence d'une telle épouse et d'un tel fils dut rendre douce et heureuse la mort de ce saint patriarche.
Il expirait sous les yeux et dans les bras de la vie !
Qui
jamais, s'écrie saint Bernard, pourra dire les délices pures, les
consolations ineffables, les bienheureuses et douces espérances, les
flammes d'amour que durent mettre en ce moment dans le cœur de Joseph,
les paroles que lui faisaient entendre tour à tour Jésus, le Fils de
Dieu, son enfant, et Marie sa très-sainte épouse ! Quantas
consolationes, promissions, illuminationes, inflammationes et xlernornm
bonorum revelationes accepit in transite suo , à sanctissima sponsa sua,
et dulcissimo Filio Dei, Jesu !
Et cependant, quelle différence entre la mort de Joseph et celle des autres saints !
Je
ne veux pas me contredire, mais il est impossible de ne pas voir que le
mystère de la mort de saint Joseph, avec ces douceurs incomparables,
renferme aussi des douleurs réelles, immenses, inconnues à tous les
autres amis de Dieu, à tous ses élus.
Car
enfin pour ceux-ci, comme nous l'avons déjà indiqué plus haut, la mort,
c'est la fin de l'exil, c'est le repos dans la patrie ; la mort, c'est
la vie qui commence, le paradis qui s'ouvre, c'est Dieu qui vient et qui
les appelle ! Au contraire, pour Joseph, qui vivait avec Jésus, qui le
voyait tous les jours et qui ne cessait d'entendre sa voix si douce et
tant aimée ; pour Joseph qui, à Nazareth, avait trouvé le ciel et
possédait son Dieu. Cœlum erat dormis Ma, dit l'abbé Rupert, la mort
allait réellement le séparer de Jésus, et le jeter dans une sorte
d'exil, au moins pendant quelques années...
Mourir,
et laisser sur la terre Jésus et Marie, ah ! ce devait être pour le
cœur fidèle et généreux de Joseph une peine bien amère, une séparation
d'autant plus cruelle, qu'il les savait l'un et l'autre destinés à
beaucoup de souffrances ; mais se soumettre à cette mort, sans se
plaindre, l'accepter avec amour et avec confiance, dire à Jésus et à
Marie ce dernier adieu, sans répandre une larme... c'est une gloire et
un mérite au-dessus de tout ce qu'on pourra jamais concevoir ; c'est la
plus belle, la plus sainte de toutes les morts.
Et
la plus douce, je le répète, malgré tant de sacrifices ; car la
présence de Jésus et de Marie, leurs paroles saintes lui furent en ce
moment d'une ineffable consolation. Non-seulement donc il n'y eut pas
l'ombre d'agonie ou de crainte, mais son dernier regard paisible et
suave d'espérance fut pour le ciel ; son dernier soupir fut un sourire
d'amour, parce que sa vie avait toujours été pure ; et son âme, remplie
de la grâce du Saint-Esprit, ne cessa pas un seul instant de goûter la
paix et la joie. Il s'endormit doucement dans les bras de Jésus qui le
bénissait, et sous le regard de Marie qui priait pour lui et ne pouvait
retenir ses larmes : Beati qui in Domino moriuntur ; Heureux, mille fois
heureux ceux qui meurent dans le Seigneur, et c'est la grâce que nous
pouvons et devons tous espérer de notre saint patron.
II.
Rien de plus doux, en effet, et en même temps de plus saint que la mort
des serviteurs et des amis de saint Joseph ; c'est-à-dire qu'ils
meurent dans la paix et dans l'amour.
Cette
proposition est bien consolante ; elle doit nous inspirer la plus
tendre dévotion et la confiance la plus entière en ce glorieux
protecteur.
Mais
il n'est pas difficile de la prouver : nous n'avons qu'à rappeler ici
la raison d'abord de cette protection puissante et spéciale de saint
Joseph, au moment de la mort, et la multitude des faits qui en
constatent l'exercice.
Et
d'abord, la raison ou la preuve de droit ; autrement pourquoi saint
Joseph a-t-il ce pouvoir extraordinaire, et pourquoi dans l'Eglise
l'invoque-t-on principalement comme le protecteur des chrétiens à
l'heure de la mort ?
C'est
précisément parce qu'il a eu le bonheur de mourir lui-même dans les
conditions les plus douces et les plus heureuses que l'on puisse
imaginer :
Dans les bras de Jésus, sous les yeux de Marie.
Et c'est la première raison que nous avons déjà bien méditée.
La
seconde, c'est parce qu'il a sauvé Jésus enfant de la mort la plus
cruelle, en le dérobant par la fuite à la fureur du roi Hérode.
Notre
confiance, appuyée sur ces deux motifs, ne peut se tromper, et la foi
même nous apprend à recourir à ce bon et puissant protecteur, lorsque
notre vie est en danger.
Il ne manquera jamais de prier, ou pour nous délivrer, ou pour nous obtenir une bonne, une sainte mort.
Aussi,
de fait, on n'a jamais imploré vainement son secours, à la vue des plus
grands périls, et tous ceux qui ont eu recours à sa protection ont reçu
des marques sensibles de sa puissance et de sa bonté.
Il
a sauvé la vie à plusieurs, en dirigeant lui-même leurs pas dans les
ténèbres et sur le penchant d'un précipice ; il a protégé les autres au
milieu des dangers d'un long voyage ou d'un exil lointain ; il a
préservé ceux-ci d'une mort certaine dans les combats meurtriers, et
arraché ceux-là aux horreurs de la peste ou de la famine. Lisez sainte
Thérèse, ouvrez Patrignani, et vous trouverez mille preuves de ces
faveurs singulières.
Mais
la spécialité de ce grand saint, si j'ose m'exprimer ainsi, la grâce
surtout qu'il aime à demander et qu'il obtient toujours pour ses fidèles
serviteurs, c'est une bonne mort.
Et
il faudrait raconter ici une foule de prodiges qui seraient autant de
preuves touchantes de cette vérité. Les livres en sont pleins. Dans le
courant de ce mois, et dans la Neuvaine des Patronages, nous avons
indiqué quelques-uns de ces ouvrages écrits en l'honneur de saint
Joseph, Patrignani surtout, et le P. Lallemant, et nos Annales de la
Bonne Mort ; vous y verrez à chaque page comment saint Joseph protège et
console à la mort ceux qui espèrent en lui, comment il les sauve, en
leur assurant une dernière et glorieuse victoire sur l'enfer. Souvent il
adoucit et abrége, toujours il sanctifie les heures de cette lutte
suprême par la grâce d'amour et par la miséricorde.
Nous
ne craignons donc pas de l'affirmer, comme la dévotion à la sainte
Vierge, celle de saint Joseph est un signe de salut, un gage de
prédestination, et nous appliquerons à ce grand saint la sentence de
saint Bernard. Il disait : « Le serviteur de Marie ne périra jamais ; »
nous dirons avec la même assurance : Le serviteur fidèle de Joseph ne
périra jamais, il ne mourra pas dans le péché ; saint Joseph ne le
laissera pas tomber dans l'enfer !...
Invoquez-le
donc avec confiance et ne cessez d'implorer son secours pour le moment
de la mort ; et puis, lorsque vous serez auprès des malades,
souvenez-vous de sa puissance merveilleuse à l'heure de l'agonie.
Répétez souvent à voix basse, tâchez de faire répéter quelquefois au
mourant cette douce invocation : Jésus, Marie, Joseph, je vous donne mon
cœur !... vous calmerez ses souffrances, vous consolerez ses douleurs,
vous pourrez lui assurer une belle victoire, et une sainte mort.
Vous
finirez cet exercice par une prière à saint Joseph, le Souvenez-vous,
que savent et répètent souvent tous ceux qui aiment ce grand saint, ou
bien la prière Ave Joseph, par laquelle nous allons terminer nous-même
cette méditation.
Je
vous salue, Joseph, comblé de grâces, Jésus et Marie sont avec vous,
vous êtes béni entre tous les hommes, et Jésus, le fruit de votre chaste
épouse est béni. Saint Joseph, père nourricier de Jésus-Christ, époux
de la Vierge immaculée, priez pour nous, qui avons recours à vous,
maintenant et à l'heure de notre mort.
Ainsi soit-il.
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