Le mois de saint Joseph
3 mars
Source : Livre "Mois de Saint Joseph : composé de trois neuvaines et un triduum pour tous les jours du mois de mars" par Alexis Lefebvre
TROISIÈME JOUR
JOSEPH ENFANT DE PROGRÈS
— TROISIÈME TITRE —
Joseph, mon fils, c'est un enfant de progrès, il grandira toujours.
(Gen. XLIX 22.)
Le
patriarche Jacob, à l'heure de la mort, fit venir ses enfants et
petits-enfants, et levant la main sur leur tête, il les bénit tous avec
les tribus de leur nom. Chaque parole était, dans la bouche du saint
vieillard, une prière touchante, et ensemble une prophétie solennelle.
Lorsque ce fut le tour de Joseph, car il les appela tous par leur nom,
il s'arrêta un instant, et d'une voix émue il prononça ces mois : « Pour
Joseph mon fils bien-aimé, ce sera un enfant de progrès, il ne cessera
de grandir
: Filius accrescens Joseph, filius accrescens et decorus aspectu; sa
gloire, sa beauté doivent toujours s'élever et briller d'un éclat plus doux et plus grand aux yeux du monde.
Ces
paroles inspirées rappelaient toute l'histoire du patriarche Joseph,
son fils, premier ministre de Pharaon, roi d'Egypte, et renfermaient
l'éloge prophétique de Joseph l'époux de Marie, le père nourricier de
Jésus, Notre Sauveur. L'un par sa haute sagesse n'avait cessé de grandir
en puissance et de s'élever dans la gloire, aux yeux du roi et de son
peuple, qu'il avait sauvé de la mort et des horreurs de la famine ;
l'autre par sa fidélité, sa justice, et la perfection de toutes ses
vertus, a mérité non-seulement de grandir en sainteté devant Dieu, mais
aussi de voir la gloire de son culte croître et s'élever dans tous les
siècles, et son amour dans tous les cœurs : filius accrescens Joseph.
Cette
interprétation ne peut paraître étrange ni arbitraire ; les saints
Docteurs ont appliqué dans ce sens les textes sacrés de la Genèse à
saint Joseph, et l'Église même, dans l'office de sa fête, en nous
rappelant l'histoire de ce saint patriarche, nous indique assez
clairement qu'elle le regarde comme la figure du chaste époux de la
Vierge immaculée.
Il y aura deux points dans cette méditation. I. Saint Joseph n'a pas cessé un instant de s'élever à la perfection. II. La gloire extérieure de son culte n'a pas cessé de grandir jusqu'à nos jours.
I. Et d'abord progrès de saint Joseph dans la sainteté.
Commençons par rappeler ici deux principes de la théologie dogmatique et morale :
- le premier, c'est que la grâce croît dans un cœur en proportion de la fidélité avec laquelle on y répond.
-
Le second, non moins incontestable, c'est que Dieu donne toujours sa
grâce proportionnée à la vocation ou à la destinée des âmes,
c'est-à-dire en rapport avec les obligations qu'il leur impose, et avec
le ministère auquel il les appelle ; en un mot, il y a
des grâces d'état, et ces dons de Dieu sont plus ou moins abondants,
selon que les devoirs sont ou deviennent plus ou moins difficiles et
importants.
Ces
principes bien compris, je dis d'abord que saint Joseph, appelé à cette
dignité incomparable de Père nourricier de Jésus et d'Époux de la
sainte Vierge, a dû recevoir du ciel des grâces extraordinaires, des
dons nécessairement supérieurs à tout ce que nous pouvons concevoir, si
nous exceptons toujours la Vierge fidèle, sa glorieuse épouse, dont les
titres sont encore bien plus élevés, puisqu'elle est réellement la Mère
de Dieu.
J'ajoute
que, par sa fidélité à tant de faveurs, saint Joseph a grandi sans
cesse, et qu'il a fait monter son cœur, par tous ces degrés de sainteté,
à la perfection même de la
justice... Ascensiones in corde suo disposuit (Ps. Lxxxiii, 6).
Pour
juger plus facilement de ces progrès immenses, le pieux lecteur pourra
partager la vie de saint Joseph en trois époques principales : avant son
mariage, depuis ce jour jusqu'à la naissance de Jésus-Christ, et enfln
sa vie de Nazareth jusqu'à sa mort bienheureuse.
Avant
son mariage avec la sainte Vierge, un mot de l'Evangile suffit : Il
était juste, et par ses vertus, il a mérité d'être choisi
: cum esset justus (Matth. i, 19). C'est la raison même du choix de Dieu
et de cette glorieuse élection. Le ciel ne pouvait prendre qu'un homme
digne de cette mission, le plus digne même, c'est-à-dire le plus saint.
A
dater de ce jour, dès que saint Joseph devenu l'époux de Marie commença
à vivre avec elle, à prier avec elle, qui pourra comprendre les
merveilles de la grâce dans ce cœur fidèle ?
Témoin des vertus de la reine des Anges, et chaque jour éclairé, nourri de sa parole sainte, quels
progrès il dut faire dans la perfection ! L'Évangile n'en dit aussi
qu'un seul mot, mais il suffit encore pour révéler ces prodiges de la
grâce aux âmes réfléchies. Joseph alors, quand un doute terrible vint un
instant troubler son esprit, mérita par sa prudence et son humilité,
d'apprendre les secrets de Dieu même, de la bouche des anges.
Mais c'est surtout depuis la naissance de Jésus à Bethléem, que saint Joseph a grandi, et qu'il est devenu saint.
Toutes
les vertus de foi, d'espérance, d'amour ; la justice, la prudence, la
force ; les dons les plus parfaits de l'Esprit Saint et les fruits les
plus doux de grâces pour la vie éternelle, tous les biens du ciel, en un
mot, vinrent à Nazareth avec l'Enfant-Dieu. Joseph en fut comblé, ainsi
que la vierge Marie, et sous les yeux du Seigneur qu'il pouvait appeler
aussi son enfant, il s'élevait à la plus haute sainteté. Tous les jours
il approchait davantage de cette perfection infinie qu'il pouvait
contempler tous les jours.
Ouvrez
les saints Évangiles et vous pourrez, pour ainsi dire, suivre ces
progrès admirables dans la série des mystères de la sainte enfance de
Jésus, et jusqu'à la mort de ce bienheureux patriarche.
Quelle obéissance, à la fuite en Egypte
! quel amour, quel dévouement, quelle tendresse, quand avec la Vierge
mère, il revient à Jérusalem chercher l'Enfant qu'il croyait perdu !
Pendant les années de sa vie cachée à Nazareth, quelle ardeur pour le
travail, quelle pureté d'intention dans toutes les actions ordinaires de
chaque jour ! Et quand vint pour ce juste du Seigneur l'heure de
mourir, quelle résignation, quelle confiance et quel saint abandon !
Mais
ce qu'il importe essentiellement de remarquer ici, c'est qu'il a fallu à
Joseph une fidélité d'autant plus grande que sa vertu a nécessairement
rencontré plus d'obstacles, jusque dans la nature même de ses relations
incessantes avec le Dieu Sauveur. Pour ne parler que du danger de se
familiariser avec cette position si exceptionnelle, qui ne sait que, par
suite de l'habitude, un fatal esprit de routine se glisse trop souvent
dans les cœurs qui sont plus près de Dieu ?
Les
saints mystères, les plus touchantes merveilles de la grâce cessent de
frapper ceux qui vivent toujours environnés de ces faveurs
: Assididtate vilescunt... dit saint Augustin.
L'habitude
où l'on est de voir ces grandes choses finit par diminuer l'admiration,
le respect : c'est comme pour le spectacle de la nature auquel on est
accoutumé dès l'enfance ; la beauté de l'aurore, l'éclat du soleil en
son midi, les fleurs qu'il jette sur la terre, en se levant ou en se
couchant, tout cela ne nous touche plus, ni la douce clarté de l'astre
des nuits, ni ces milliers d'étoiles suspendues à la voûte des cieux ;
nous restons indifférents à la vue de toutes ces merveilles, qui n'ont
plus rien de nouveau pour nous.
Eh
bien, c'était un danger pour saint Joseph. Sans une grâce toute
spéciale, et sans une grande fidélité à cette grâce, il pouvait
s'habituer aussi à voir un Dieu si près de lui, un Dieu si caché, si
anéanti. Quelle vertu il fallait pour le reconnaître et l'adorer dans ce
pauvre enfant qu'il avait sauvé aux premiers jours de sa vie, dans ce
petit apprenti auquel il apprenait à travailler, ou dans cet ouvrier
qu'il voyait manger et dormir, comme les autres enfants des hommes !...
Mais bien loin d'avoir laissé cette foi diminuer dans son âme, et
l'amour s'éteindre dans son cœur, il n'a cessé, je le répète, de faire
des progrès dans toutes ces belles vertus, jusqu'à la mort.
C'est
pour cela, et nous aurons souvent l'occasion de le dire, que l'on
invoque dans l'Église saint Joseph comme le protecteur spécial de
la vie intérieure et des âmes qui vivent dans la pratique habituelle
des vertus chrétiennes, et plus particulièrement encore comme le patron
des prêtres de Jésus-Christ ; car leur vie, toute consacrée aux choses
divines, pourrait aussi les exposer à traiter trop familièrement les
mystères sacrés : or l'expérience a depuis longtemps appris qu'il n'y a
rien de plus opposé à la vraie piété et à la ferveur que cet esprit de
routine. Saint Joseph en préservera tous ceux qui recourent à lui, et
surtout les prêtres qui l'invoquent avec confiance.
II. Mais disons maintenant un mot de la prophétie renfermée dans le texte divin : Filius accrescens Joseph, filins accrescens.
Nous l'entendons ici du progrès singulier de la gloire de saint Joseph et de son culte extérieur au sein de l'Église.
Pour
tous ceux qui ont étudié les annales des siècles ecclésiastiques, cette
interprétation ne pourra manquer de paraître aussi juste que simple et
naturelle.
C'est
un fait incontestable que, pendant les premiers âges de la foi, et par
un dessein mystérieux du Seigneur, à peine si nous pouvons trouver
quelques souvenirs de ce culte des peuples pour notre saint patriarche,
et quelque trace de la dévotion des fidèles.
Les
SS. Pères même et les premiers docteurs semblent avoir voulu garder sur
le père nourricier de Jésus un silence relatif qui nous étonne, et
qu'il nous est impossible de ne pas regretter.
Quant
aux monuments de la tradition, il n'y a rien de plus que ce que
l'Évangile même rapporte ; on voit Joseph dans l'étable, on le voit dans
la fuite en Egypte et dans la petite maison de Nazareth... Voilà tout
pour les premiers âges. Ce n'est que bien plus tard qu'on a fait le
tableau de la mort de saint Joseph, qui depuis a été mille et mille fois
reproduit.
Quelques auteurs pieux, comme le P. Lallemant et Patrignani, ont voulu donner une raison de ce divin conseil.
Les
motifs qu'ils ont trouvés pour justifier en quelque sorte la Providence
de Dieu dans ce fait, ne paraissent pas dénués de fondement, et peuvent
édifier la piété, en nous portant à la reconnaissance, nous qui sommes
témoins de l'exaltation progressive de la gloire de notre grand saint.
Ils
disent donc d'abord, et Bossuet paraît approuver aussi cette
explication, que les esprits des nouveaux convertis à la foi n'étaient
pas encore capables de comprendre une parole aussi sainte ; qu'ils
auraient été portés à confondre la gloire de Joseph avec celle de
l'incomparable Vierge mère de Dieu, et qu'on aurait craint de les
exposer à croire que Joseph était réellement le père de Jésus.
Ils
ajoutent que, dans ses divins conseils sur le gouvernement de son
Église, le Seigneur a voulu réserver certaines grâces de choix et plus
en rapport avec les besoins des époques diverses qu'elle devait
traverser ; et, comme il a donné au siècle d'indifférence la révélation
des trésors cachés dans son Cœur adorable, ainsi, dans un temps où les
liens de la famille semblent se relâcher, dans un temps où l'autorité
paternelle est moins respectée, il a voulu que nous puissions trouver,
avec la dévotion à saint Joseph et dans l'étude de ses vertus, un
secours qui préserverait ses enfants de ce danger, et un exemple qui
pourrait les sauver de ce malheur.
Toujours
est-il que nous avons le privilége de cette grâce réservée ; et le
culte de saint Joseph, qui avait déjà bien grandi du temps de sainte
Térèse, comme le prouve la tendre dévotion de cette sainte, n'a pas
cessé de faire des progrès dans les cœurs.
La lumière cachée pendant bien des siècles a soudain éclaté sur nous, et elle brille de l'éclat le plus doux.
Il est évident qu'un courant de grâces extraordinaires entraîne
les cœurs vers les autels de ce grand saint ; et tous les jours le ciel
se plaît à manifester sa puissance par des bienfaits nouveaux. Il
approuve donc par des miracles nombreux et éclatants la dévotion des
peuples envers le chaste époux de la Vierge fidèle, et partout désormais
où l'on consacrera un autel à Marie, on s'empressera d'en élever un au
bon saint Joseph.
Tous
les enfants de l'Église catholique se réjouissent de pouvoir assister à
ce triomphe glorieux, et de voir la progression miraculeusement rapide
du culte de ce grand saint. Ils sont deux fois certains de ne pas se
tromper dans ce sentiment qui entraîne les âmes fidèles ; car Dieu seul a
pu donner aux cœurs ce mouvement universel de confiance et d'amour ;
et, s'il y avait là une erreur, c'est Dieu même qui en serait l'auteur,
puisqu'il semblerait l'avoir autorisée par tant de prodiges obtenus
chaque jour à l'autel de Joseph.
Mais,
si à cette voix imposante du ciel, et au témoignage sûr et
incontestable des miracles, nous ajoutons la parole du pontife suprême
qui gouverne l'Église de Jésus-Christ, quel doute pourrait-il'encore
rester dans l'esprit ?
Or, du haut de la chaire sacrée, non-seulement
le saint-père l'immortel Pie IX a vu, constaté ce progrès de la
dévotion à saint Joseph, mais il l'a encouragé de tout son pouvoir, il
l'a approuvé en comblant de grâces et de priviléges nombreux les
associations érigées en son honneur et les autels consacrés à sa gloire.
0
mon Dieu, que je serais heureux si, par ce petit livre, je pouvais
aussi contribuer à faire connaître, aimer et glorifier ce bon saint
Joseph ! si je pouvais augmenter son amour dans les cœurs et porter
quelques âmes fidèles à imiter ses vertus ! C'est la seule grâce que
j'aie demandée à Jésus, à Marie, à Joseph !
Pour vous, mon cher lecteur, vous ferez, en terminant cet exercice une réflexion et une prière.
Cette
réflexion de l'Imitation vous humiliera peut-être ; mais il faut la
méditer devant Dieu : ne pas avancer dans la voie de la perfection, dans
la route du ciel, c'est reculer, et s'exposer à se perdre. Courage donc
et confiance ! saint Joseph sera votre guide et votre protecteur.
La prière.
Vous lui demanderez son secours, en récitant avec dévotion ou l'Ave Joseph, ou l'oraison même de sa fête :
Sanctissimae Genitricis tux sponsi, quxmmus Domine, meritis adjuvemur ; ut, quod possibilitas nostra non obtinet, ejus nobis intercessionedonetur.
Seigneur,
je vous en prie, venez à mon aide, par les mérites et l'intercession du
chaste époux de votre très-sainte Mère, et accordez-nous de faire ce
que, sans cette grâce, nous ne pourrions jamais espérer.
Ainsi soit-il.
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