Le mois de saint Joseph
25 mars
Source : Livre "Mois de Saint Joseph : composé de trois neuvaines et un triduum pour tous les jours du mois de mars" par Alexis Lefebvre
VINGT-CINQUIÈME JOUR
SAINT JOSEPH PROTECTEUR SPÉCIAL DES MALADES
J'ai
invoqué le Père de mon Seigneur, de mon Dieu, afin qu'il ne me délaisse
pas au jour de la tribulation, et sans secours. (Eccl. II, 14.)
Il
nous semble que ce beau texte peut directement être appliqué à saint
Joseph, père nourricier et gardien de Jésus Notre-Seigneur, Patrem
Domini, et le protecteur de tous ceux qui ont recours à lui, dans la
tribulation : Je l'ai invoqué dans la souffrance, dit le Sage : Invocavi
in die tribulationis, et, ajoute-t-il aussitôt avec un sentiment de
reconnaissance, vous m'avez délivré de la mort, vous m'avez sauvé de
tous mes ennemis : Et liberasti me de perditione, et eripuisti me de
tempore iniquo (Eccl. LI, 16).
Il
serait difficile de trouver deux versets dans le Testament divin, qui
renferment aussi bien toute la pensée de l'exercice de ce jour ; car
nous allons considérer Joseph comme le protecteur des chrétiens dans la
maladie, au jour des tribulations et de la douleur.
C'est
alors surtout qu'il faut à l'homme un appui, un secours ; mais il le
trouvera dans la protection de saint Joseph : c'est lui qui le délivrera
de la mort, et le prémunira contre les dangers de cette lutte suprême.
Il n'abandonnera jamais sans consolation, sine adjutorio, le malade qui a recours à lui, mais il le préservera du mal et le fera triompher de tous ses ennemis : de perditione, et de tempore iniquo.
Deux
pensées : I. Considérer ce qu'il faut à ceux qui souffrent, aux
malades. — II. Prouver qu'ils le trouveront toujours par l'intercession
de saint Joseph.
I.
La maladie est certainement un don de Dieu, comme la santé, et, même
dans un sens, plus que la santé, puisque c'est l'action directe du
Seigneur qui trouble ainsi pour un temps l'harmonie de nos facultés ;
c'est sa main qui touche à ces ressorts admirables de la vie, et qui
peut-être va les briser pour toujours. Mais si la maladie est un don du
ciel, elle est aussi une épreuve terrible, et il y a beaucoup d'hommes
qui succombent dans cette lutte.
Nous
allons voir d'abord quels sont les dangers, qui alors environnent et
menacent les âmes, et de quelles grâces toutes particulières on a besoin
pour en triompher.
Un peu de réflexion suffira pour nous éclairer sur tous ces points ; l'expérience d'ailleurs nous en aurait bientôt instruits.
1°
Le premier danger, c'est le découragement. On se laisse facilement
abattre. Il y a entre l'âme et le corps une si parfaite union, une
dépendance si grande, qu'elle s'afflige de ses souffrances, et perd ses
forces en même temps que lui et dans la même proportion.
Quelquefois,
c'est l'excès de la douleur qui l'énerve ou l'irrite, et, plus souvent,
c'est la durée de la maladie qui l'attriste ou la désespère.
Ceux
qui n'ont jamais souffert, ou qui n'ont que bien rarement été malades
dans le cours de la vie, sont encore plus exposés que les autres, et se
laissent plus facilement décourager à cette épreuve. S'ils parviennent à
triompher de ce premier danger, il est bien rare qu'ils ne succombent
pas au second, dont nous allons parler.
Le
deuxième danger pour une âme, dans la maladie, c'est la tristesse ;
elle en a tué beaucoup, dit la sainte Écriture : Multos enirn occidit
tristitia (Eccl. xxx, 25) ; mais c'est surtout au jour de la
souffrance... Il est certain que le chagrin nuit singulièrement à la
santé, contrarie, empêche l'efficacité des remèdes, et que souvent il a
causé la mort, contre toutes les prévisions des hommes de la science.
On
peut affirmer que, dans les mêmes circonstances, dans la même maladie,
avec les mêmes remèdes, là où un sujet qui se laisse aller à la
tristesse et s'abandonne à la mélancolie, succombera ; un autre qui aura
conservé la paix, la joie de son caractère, triomphera facilement.
Nous
le voyons tous les jours, nous prêtres de l'Église, que notre ministère
appelle, comme les médecins, auprès du lit de la douleur, et il n'est
pas rare que notre présence, qui donne toujours la paix et cause une
joie véritable au malade, lui rende aussi la santé et la vie.
Je
n'ajouterai plus qu'un seul mot sur ce danger : l'expérience même nous a
révélé que c'était surtout dans les maladies intérieures, que l'âme
était plus portée à s'attrister.
Quand
la cause du mal est secrète, et que les plaies sont cachées, on
s'affecte plus facilement, on se décourage bien plus que dans le cas où
l'on peut en suivre la marche, ou constater les progrès de la guérison.
C'est
donc alors qu'il faut lutter avec plus d'énergie et de constance ;
alors aussi que les personnes, qui sont auprès des malades, doivent
faire tous leurs efforts pour les consoler et les égayer par des paroles
pleines d'affection, par de pieux et joyeux propos, et même par la vue
des fleurs, en un mot, par tout ce qui peut distraire et réjouir l'âme ;
c'est le conseil des saints.
Le
troisième danger, c'est l'impatience, qui va quelquefois, dans un
pauvre malade, jusqu'à la plainte et le murmure, soit contre le mal,
soit contre ceux qui le soignent, soit même contre Dieu.
Le
lecteur intelligent comprendra bien que nous ne voulons pas ici
condamner les gémissements arrachés par la douleur, ni défendre ou
interdire même les cris à ceux qui souffrent.
Loin
de nous cette pensée ; non-seulement il n'y a pas de faute à exhaler
ainsi ses plaintes, mais il faut plutôt engager les malades à ne pas se
contraindre, puisque c'est un véritable soulagement et qu'il n'y a rien
là de contraire à la vertu de soumission, de résignation parfaite à la
divine volonté.
J'ai
souvent prié moi-même de pauvres enfants de ne pas se gêner devant moi ;
je les engageais doucement à se plaindre dans le moment de leurs
crises, et quand les douleurs devenaient plus cruelles et plus aiguës ;
mais je tâchais que leurs cris devinssent une sorte de prière ; je leur
suggérais de dire : 0 mon Dieu... ayez pitié de moi... oh ! que je
souffre !...
Par
ce moyen, non-seulement vous préviendrez les impatiences, mais vous
adoucirez la souffrance et vous ramènerez peu à peu le malade à la
pratique des vertus les plus nécessaires dans ces jours d'épreuves.
2° Mais quelles sont donc les grâces nécessaires dans ces circonstances ?
La
raison et la foi nous apprennent que dans l'état de maladie, le
chrétien a surtout besoin de deux grâces bien spéciales : la force et la
confiance.
Nous
verrons en effet que tout peut se résumer en ces deux mots ; car si la
force donne la patience au pauvre malade, la confiance lui donnera
l'amour, et même la joie ; d'où je conclus de suite que ces deux vertus
suffiront toujours, pour lui faire éviter les dangers dont nous venons
de parler.
Commençons par la vertu de force.
Elle
vient de Dieu, de Dieu seul : tu es, Deus, fortitudo mea ; et le
premier effet de cette grâce dans une âme sera de la prémunir contre les
faiblesses et les langueurs du découragement, de la préserver des excès
de la tristesse. Mais le fruit principal de cette belle vertu est la
patience, d'après saint Thomas d'Aquin... La force, dit-il, souffre avec
un grand calme et sans se plaindre : sustinet ; elle garde la paix dans le cœur au milieu des plus atroces douleurs, et elle triomphe du mal par la patience même : sustinet et aggreditur.
Mais c'est par la prière seulement que l'on peut obtenir du Ciel cette grâce de force, ce don de l'Esprit-Saint.
Le malade devra donc surtout recourir au Seigneur, et lui demander avec humilité,
— ou de diminuer des souffrances qu'il ne peut plus supporter,
—
ou d'augmenter sa force et sa patience, afin qu'il puisse encore
souffrir davantage pour sa gloire et pour son amour. Les saints amis de
Dieu nous ont laissé la pensée, et, pour ainsi dire, la formule même de
cette prière, pour le temps de la maladie.
La
seconde et la plus précieuse grâce aux jours de la souffrance, c'est la
confiance ; et, pour nous en rendre la pratique plus facile et plus
douce, il faut nous rappeler que Dieu est notre Père, qu'il ne peut rien
nous arriver sans son ordre ou sans sa permission, que toujours il se
propose de tirer le bien du mal pour ceux qu'il aime. Touchée de ces belles vérités de la foi, et déjà pleine d'amour pour son Dieu, l'âme fidèle, non-seulement évitera les murmures et les désespoirs, mais elle s'abandonnera pleinement à la conduite de son Père céleste : parfaitement soumise à sa volonté sainte, elle goûtera la paix, elle souffrira avec espérance ; que dis-je, avec une sorte de joie, et dans ce sentiment elle dira, comme le grand artisan de la gloire de Dieu par ses douleurs, le prophète Job : Àrtifex glorix Dei, Job (Tert.) : Oui, quand il me tuerait, j'espérerais en lui, et je l'aimerais : Etiam si occideret me, in ipso sperabo (Job xiu, 15).
— Ainsi la confiance adoucira toutes nos douleurs, et l'amour nous rendra les croix et la mort même infiniment aimables.
Mais,
hâtons-nous de le dire, c'est surtout à la puissante intercession de
saint Joseph que nous devrons ces grâces ; c'est lui qui est le
protecteur des malades ; et nous allons le méditer dans la seconde
partie de cet exercice.
II.
Deux faits principaux révèlent la protection de saint Joseph dans cette
épreuve : sa puissance s'exerce directement contre la maladie, et en
faveur des malades. Il combat le mal ; il guérit et sauve ceux qui en
sont atteints.
1°
Pour la maladie d'abord, ou bien il en préserve ses fidèles serviteurs,
ou bien il en adoucit les rigueurs pour ceux qui I invoquent ; deux
faveurs singulières dont nous allons donner les preuves en peu de mots.
Il
préserve. Je pourrais citer ici un grand nombre de miracles
authentiques, la plupart rapportés parle pieux et savant P. Patrignani ;
entre autres ce qui arriva en 1658, pour la ville de Lyon, qui a été
préservée de la peste par un vœu solennel fait en l'honneur de saint
Joseph. La ville.de la sainte Vierge a été sauvée de la mort par
l'intercession de son glorieux époux.
j'aime
mieux signaler un fait plus récent, et de nos jours. Je me garderai de
le qualifier : on n'y verra pas un miracle, si on veut, mais on ne
pourra s'empêcher au moins d'y reconnaître la preuve d'une protection
admirable de ce grand Saint, sur ceux qui l'invoquent.
Depuis
la fondation de l'Association de la Bonne-Mort dans notre Église,
Association dont il est le protecteur spécial, déjà deux fois le
choléra-morbus a fait invasion sur la ville de Paris, et il a frappé
bien des victimes, mais il semble que ce fléau ne puisse atteindre aucun
des membres de cette pieuse confrérie, puisque, de fait, à peine si
nous avons eu quelques décès à déplorer ; ce n'est pas un sur dix mille !
Il
adoucit singulièrement les souffrances de la maladie pour ceux qui ont
recours à lui avec confiance, par les grâces célestes d'espérance et
d'amour, et par les vertus de force et de patience qu'il leur obtient.
C'est
encore un fait dont nous avons été plus d'une fois témoin, et on en
peut lire la preuve touchante dans les Annales de l'Association dont
j'ai déjà parlé.
Elles
contiennent le récit simple et authentique de la mort de ces pieux et
fidèles serviteurs de saint Joseph, et on y voit à chaque page des
marques sensibles de la protection de ce grand Saint. Son nom seul,
répété avec celui de Jésus et de Marie, a paru charmer les plus cruelles
douleurs, diminuer les horreurs de la mort, et quelquefois même guérir
soudain la maladie et dissiper tout danger.
2° Pour les malades.
—
Oui, souvent ce bon saint les a guéris, quand on lui a demandé cette
grâce, et qu'elle pouvait être utile à ceux qui sollicitaient cette
faveur.
Vous en trouverez mille exemples dans le livre déjà cité de Patrignani, et dans celui du P. Lallemant.
—
On publie depuis plusieurs années un journal qui recueille avec soin
les récits des miracles opérés par notre glorieux Protecteur, et parmi
ces prodiges, on remarque souvent des guérisons inexplicables aux yeux
de la science.
Pour
ce qui nous concerne personnellement, nous pourrions produire ici,
comme dans l'exercice du jour précédent, une foule de lettres des
associés de la Bonne-Mort, qui attesteraient la puissance de saint
Joseph et sa bonté.
Ces
documents précieux, je l'ai dit, sont conservés avec soin dans nos
archives, et seront peut-être un jour publiés pour l'édification de
tous, et pour la gloire de saint Joseph.
Il
m'est pourtant impossible de ne pas dire en un mot ce qui se passait au
Jésus, pendant la neuvaine de 1866... Mais je le répète, sans prétendre
qualifier ce fait, sans assurer qu'il y a là un miracle. Nous ne sommes
pas juge, mais simple témoin.
Le
troisième jour, dans une réunion très-nombreuse de l'Association, le
Directeur parlait de la confiance avec laquelle il faut invoquer saint
Joseph ; il venait de dire qu'aux pieds de sa statue on pourrait obtenir
des miracles, quand on voudrait, qu'il n'y avait qu'à prier et espérer.
En ce moment, une personne présente fixe ses regards sur l'image de
notre glorieux et puissant Protecteur, et elle disait en elle-même :
Nous allons bien voir si cest vrai, u bon saint Joseph, guérissez-moi !
Et à l'instant, elle fut guérie d'une maladie terrible qui, de l'avis
des plus habiles médecins, devait la conduire en peu de temps au
tombeau.
Rien
de plus simple et en même temps de plus touchant, que la lettre par
laquelle le lendemain, cette personne, nommée Elisabeth Valentin,
rendait compte de cette guérison.
Et
l'année suivante, à la date du même jour, le troisième de la neuvaine
du Patronage, elle en écrivait une seconde au Directeur de
l'Association, pour le prier de remercier encore saint Joseph, et elle
assurait que, depuis le jour où elle avait été si bien guérie, elle
n'avait pas ressenti la moindre atteinte de ce mal cruel.
Il
nous resterait encore à dire comment saint Joseph secourt les malades
eux-mêmes jusqu'à la fin, et quelles grâces il leur obtient du Ciel ;
grâces bien autrement précieuses que la guérison du corps, puisque la
vie de l'âme en dépend, et son salut éternel ; c'est la grâce décisive
d'une bonne et sainte mort.
Oui,
qu'elle soit subite ou non, elle ne peut jamais être que très-précieuse
aux yeux de Dieu, pour les serviteurs fidèles de saint Joseph...
Mais,
c'est là une question trop importante, pour ne pas lui réserver un jour
tout entier de méditation, et nous allons garder ce sujet pour
l'exercice de demain, où nous devons considérer saint Joseph comme le
protecteur spécial des mourants.
Nous
terminerons cette lecture par une prière fervente à saint Joseph, pour
tous les malades, principalement pour ceux qui ont le plus grand besoin
de son secours, et qui ont eu pour lui une plus tendre dévotion.
On
trouvera à la fin de ce livre beaucoup de prières ; il y en a pour
toutes les intentions ; celle des malades nous a paru une des plus
belles, et, si nous prions pour eux, nous pouvons espérer qu'un jour
aussi on priera pour nous.
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