Le mois de saint Joseph
23 mars
Source : Livre "Mois de Saint Joseph : composé de trois neuvaines et un triduum pour tous les jours du mois de mars" par Alexis Lefebvre
VINGT-TROISIÈME JOUR
SAINT JOSEPH PROTECTEUR SPÉCIAL DE LA FAMILLE
Invoquez-le, priez, afin qu'il dirige vos voies dans la vérité,
(Eccl. XXXVII. 19.)
Nous
allons terminer le beau sujet de la protection de saint Joseph sur la
famille chrétienne, par une question bien importante, et d'où dépend,
pour presque tous les hommes, le bonheur de la vie présente et le
bonheur même de la vie future ou de l'éternité ; c'est la vocation des
enfants.
Oui,
il y a un jour où il faut se décider pour un état, pour une carrière,
un jour où il faut songer à s'établir, comme on dit, dans le monde.
Je
sais bien que la plupart des jeunes gens marchent un peu à l'aventure
et ne pensent guère à consulter le ciel. Mais ces âmes ne
s'exposent-elles pas à ne pas entrer dans la voie de la vérité, et dès
lors ne doivent-elles pas se perdre ? Il est donc bien nécessaire d'être
conduit, et que nous ayons quelqu'un pour nous diriger... ut dirigat in
veritate viam tuam.
Or
nous avons d'abord pour guides, deux anges de Dieu ; l'ange des cieux,
cet ami du berceau, qui a protégé notre innocence, et qui souvent a
versé sur nous des larmes amères... et puis l'ange des autels, le prêtre
du Seigneur, qui nous a nourris dans notre enfance du lait de la pure
vérité, et plus tard du pain sacré des forts, dans un jour de bien doux
et pieux souvenir ; mais nous n'entendons plus depuis longtemps la voix
du premier ange ; et ils sont bien rares les chrétiens qui consultent le
second, le voyant, l'homme de Dieu, avant de se décider dans la
circonstance d'une vocation.
Il
reste donc à ce jeune homme un autre conseil, c'est la direction de ses
parents, d'un père, d'une mère ; et il est juste qu'il interroge les
auteurs de ses jours : ceux-ci ont grâce pour diriger les pas de celui
qui va entrerdans la vie. Mais d'abord, combien peu consultent leurs
parents dans ces projets d'avenir. On se contente de leur demander, on
leur arrache quelquefois un consentement nécessaire aux yeux de la loi,
et l'on s'engage, sans savoir où l'on va. Pour d'autres, ce sont les
parents eux-mêmes qui manquent à leur devoir, et qui laissent,
disent-ils, à leurs enfants la liberté de faire ce qu'ils veulent, et
ils prétendent ainsi s'affranchir de toute responsabilité.
Eh
bien, je conjure le lecteur pieux de se souvenir de ce que nous allons
dire et affirmer ici, avec la plus grande certitude, c'est que, dans ces
circonstances importantes, et dans le choix d'un état de vie, c'est
surtout à saint Joseph que les enfants de Dieu doivent s'adresser. Il
sera toujours une lumière, un guide sûr, un protecteur fidèle : adjutor
et protector. Si vous le priez bien, il dirigera vos pas dans la vérité :
... Deprecare... ut dirigat in veritate viam tuam.
Il
n'y a en effet, à proprement parler, que deux chemins, deux grandes
divisions dans la vie : le mariage et le célibat... Divinement
prédestiné à ces deux vocations, ayant toujours vécu de la manière la
plus parfaite dans ces deux conditions, du mariage et de la virginité,
Joseph a mérité d'être le modèle et le protecteur de tous les chrétiens
et leur guide dans le choix d'un état ; c'est à lui qu'il faut recourir
pour connaître notre vocation et pour répondre aux desseins de Dieu sur
nous.
I. Commençons par la vocation la plus ordinaire, le saint état de mariage.
Nous en avons parlé dans un autre exercice, mais il nous reste encore bien des réflexions utiles à faire.
D'abord,
il ne faut pas entrer dans cette vie, sans avoir imploré la protection
de ce grand saint, qui appellera toujours sur ceux qui l'invoquent avec
confiance les bénédictions du ciel : benedictio desuper, c'est-à-dire
les bénédictions de foi, d'espérance et d'amour...
Si
on lui adresse de temps en temps cette petite prière : Notam fac mihi,
viam, in qua ambulem (Ps. Cxlii, 98) : Faites-moi connaître la route que
je dois prendre ; il éclairera les cœurs et dirigera toutes les
démarches dans la vérité même de Dieu, dans l'ordre de sa volonté sainte
et pour le bonheur de ses enfants.
Qu'on n'oublie donc pas de prier, avant le mariage.
Il faudra bien moins encore y manquer le jour même et à l'autel où l'on recevra ce grand sacrement de l'Église.
Dans
plusieurs pays catholiques, c'est à la chapelle de Saint-Joseph que se
célèbre ordinairement la messe solennelle des noces, et cet usage
commence à s'établir parmi nous.
Je
vous conseillerai au moins de ne pas sortir de l'église sans avoir été
faire une prière à ce sanctuaire vénéré. Comme après le baptême des
petits enfants, on va les consacrer à la vierge Marie, allez, jeunes
époux, demander la protection spéciale de saint Joseph, et il vous
bénira.
Une fois engagé dans ce saint état de mariage, que les chrétiens ne cessent d'invoquer ce puissant protecteur.
— Il y a des devoirs sacrés à remplir : avec son secours, ils y seront fidèles.
— Il y a des dangers : avec son appui, ils sauront les éviter ;
—
il y a surtout des peines : avec son aide, ils en seront préservés, ou
du moins jamais ils ne seront abattus... Qu'ils imitent les vertus de ce
glorieux patriarche, et ils seront bénis ; Jésus viendra visiter leur
demeure et y habiter par sa grâce.
II.
Mais je me suis proposé de parler plutôt aujourd'hui de la vocation au
célibat, à la virginité, et c'est avec bonheur que j'entre dans ce sujet
de la protection spéciale de saint Joseph sur ceux que le Seigneur
daigne appeler à cette vie plus parfaite, et plus particulièrement
encore sur les familles religieuses des disciples de Jésus ou de ses
chastes et fidèles épouses.
Joseph est le protecteur de tous ces asiles sacrés de la perfection : protectorpotentiae,lirmamentum virtutis...
Il
l'est de droit, puisqu'il a donné au monde le sublime exemple des trois
grandes vertus de pauvreté, de chasteté, d'obéissance dont on fait vœu
dans ces saintes maisons... Mais aussi il l'est de fait, puisque tous
les ordres religieux, sans exception, l'ont reconnu et invoqué comme
leur premier patron, et leur père
Or
cette protection de saint Joseph se manifeste particulièrement en trois
circonstances que nous allons étudier : dans le principe même de la
vocation ; dans le progrès, et enfin dans la consommation de ce grand
travail de la perfection évangélique. Oui, c'est vous, ô Joseph, qui
protégez ces âmes d'élite dans le tabernacle sacré, dans l'arche sainte
où elles vivent avec Dieu : protège eos in tabernaculo (Ps. xxx, 21).
1°
Et d'abord, pour le principe de cette élection divine ; aux yeux de
tous les maîtres de la vie spirituelle, c'est déjà un signe certain de
vocation religieuse, que d'avoir une tendre dévotion à saint Joseph.
Jamais on ne manque d'interroger un novice sur ce point, comme sur sa
piété envers la très-sainte Vierge.
C'est
à lui que, dans les maisons de noviciat, on s'adresse par de ferventes
prières et des neuvaines, pour obtenir des sujets, et faire naître de
belles vocations dans les âmes. Nous connaissons des monastères qui se
sont relevés et renouvelés par cette pieuse industrie. Il était
impossible de ne pas reconnaître la merveilleuse intervention de ce
grand saint, et le miracle paraissait encore plus évident aux yeux de
ceux qui, par office, remontaient à l'origine de ces vocations dans les
nouveaux candidats.
Aussi
partout dans ces maisons saintes de probation, et dans les noviciats
des ordres religieux, on ne cesse d'implorer le secours et la protection
de saint Joseph. Son image y est vénérée dans tous les lieux et offices
de la communauté, avec celle de la Vierge immaculée.
Pour
connaître une vocation, pour l'affermir, si elle venait à chanceler,
pour fortifier une volonté inconstante dans un si saint projet, pour
assurer à une âme la grâce de la fidélité ou de la persévérance dans une
si noble et si généreuse entreprise, dans ce glorieux sacrifice, c'est à
saint Joseph que l'on a recours ; c'est lui que l'on invoque avec
ardeur et toujours avec fruit.
On
comprend bien en effet que l'enfer, jaloux de ce bonheur et de cette
gloire, doit faire de grands efforts pour arrêter ces âmes ardentes, et
leur livrer de rudes combats.
C'est
surtout à la veille du sacrifice, avant le jour d'immolation par les
vœux, qu'il cherche à effrayer les cœurs, en troublant l'imagination par
la vue de mille croix. C'est comme l'heure de l'agonie terrible... On
en a vu trembler, regarder en arrière et reculer. Sans doute qu'ils
n'étaient pas propres au royaume de Dieu...
Mais
la victoire est accordée à ceux qui invoquent en ce moment le glorieux
saint Joseph, et le triomphe de l'amour est assuré à ses fidèles
serviteurs.
Il
faudrait, pour prouver toutes ces propositions, parcourir les archives
des ordres religieux, les annales des plus célèbres monastères ; et le
lecteur serait singulièrement édifié de ces faits merveilleux.
Mais
ce travail nous entraînerait trop loin, et il nous suffira d'indiquer
seulement la vie de sainte Thérèse de Jésus, l'illustre mère du Carmel.
2°
Saint Joseph est encore le protecteur spécial de la vocation
religieuse, dans le progrès de cette vie plus parfaite. L'action
constante de la grâce est bien nécessaire pour avancer dans ces voies
sublimes, mais elle est admirablement sensible pour les âmes, qui ont
mis leur confiance en ce grand saint.
Hâtons-nous
de dire qu'il y a pour ces élus deux sortes de luttes à soutenir, deux
sortes de victoires à remporter, pour arriver au terme, c'est-à-dire à
la conquête des cieux. D'abord, le travail intérieur de la
sanctification de leur âme, par la victoire sur eux-mêmes, et puis, le
travail extérieur du zèle pour la conversion des autres, et pour la
propagation de la foi. C'est saint Joseph qui les protégera dans ces
combats mystérieux, et qui les fera triompher.
Commençons
par la lutte intérieure de l'âme consacrée à Dieu. Elle va rencontrer
bien des ennemis, elle en est tout environnée ; jusque dans son propre
cœur, elle doit en trouver de redoutables, sans parler même des attaques
qui viennent du dehors et de l'enfer jaloux. Je ne veux signaler ici
que deux de ces dangers principaux, en indiquant immédiatement, comme
moyen de se prémunir et de vaincre, la dévotion à saint Joseph.
Ainsi,
contre l'esprit de dissipation et de légèreté que l'on aurait pu
apporter du monde dans ces saints asiles, ou qui parvient quelquefois à
s'y glisser ; contre la faiblesse et l'inconstance de la volonté, que
l'on remarque surtout à cet âge d'une vocation, qui doit être encore
éprouvée, il faut absolument chercher un remède et donner des armes qui
promettent la victoire. Quels remèdes et quelles armes ?
Il
suffira d'invoquer saint Joseph, et il inspirera aussitôt le goût,
l'amour du silence, du recueillement, de l'oraison, et les âmes seront
bientôt initiées aux plus intimes secrets de la vie spirituelle et
intérieure.
Ainsi,
contre le danger de se familiariser avec les choses saintes, contre cet
esprit de routine qui conduit en peu de temps à la tiédeur, il faudra
bien encore chercher et trouver quelque remède, et s'efforcer de
prémunir ceux que la vie régulière, commune et uniforme de la religion
exposerait bientôt à l'ennui, au dégoût et aux défaillances même de la
piété.
Ce
remède, on le trouvera toujours dans la prière et la dévotion à saint
Joseph, qui, loin de se familiariser à la présence de son Dieu à
Nazareth, ne cessait de faire des progrès dans la ferveur de sa foi.
C'est
lui qui protége les religieux et les épouses de Jésus-Christ contre
cette tentation, ou qui leur donne la victoire ; c'est lui qui conserve
et augmente l'ardeur des saints désirs et la ferveur de l'amour dans les
âmes consacrées à Dieu.
Et
maintenant, pour les luttes extérieures, ou l'action du zèle, pour ces
grands travaux des apôtres ; nous ne pouvons nous empêcher de le publier
avec la plupart des disciples de Jésus-Christ, et tous ces soldats
intrépides qui appartiennent aux différents corps de l'armée de la foi,
c'est encore saint Joseph qui est comme leur chef et leur glorieux
patron.
Il prépare les belles conquêtes, il soutient au milieu des combats, il assure tous les triomphes de la grâce.
Demandez-leur,
et ils vous diront qu'avec le nom de Jésus et de Marie, partout ils ont
porté le nom de Joseph ; que c'est lui qu'ils donnent pour protecteur à
leurs saintes missions ; et le premier nom qu'ils s'empressent
d'imposer aux nouveaux catéchumènes.
Lisez
les annales des grands ordres, de saint Dominique, de saint François
d'Assise, de saint Ignace de Loyola. Lisez les lettres pieuses et
édifiantes que la Propagation de la foi publie chaque année, chaque
mois, et vous trouverez mille traits qui attestent la vérité de ces
observations. Oui, saint Joseph est le protecteur des apôtres, le modèle
de tous les religieux. C'est lui qui les sauve, et, par eux, il sauve
des milliers d'âmes : adjutor etprotector eorum est.
3°
Mais c'est surtout dans la consommation de ce grand travail de la
perfection que notre saint patron fait éclater sa puissance. Joseph,
selon l'expression des divines Écritures, n'a pas cessé de faire des
progrès dans la sainteté : Filius accrescens Joseph... filius accrescens
(Gen. Xlix, 22). C'est donc lui qui apprend aux anges de la terre à
s'élever par degrés, à monter dans les sentiers de la justice parfaite :
ascetisiones in corde... disposuit (ps.lxxxhi,6).
On
a remarqué que plus une âme est intérieure, plus elle aime ce grand
saint, et découvre de trésors dans la méditation de sa vie si humble et
si peu connue des personnes du monde. Il suffira de rappeler ici encore
le nom de Thérèse de Jésus et ses révélations sublimes.
La
persévérance dans la vie religieuse jusqu'à la fin, c'est-à-dire
jusqu'à la mort précieuse des saints, est encore une grâce toute
particulière que, dans le cloître, on demande, et qu'on obtient par
l'intercession de saint Joseph. Sans doute on peut l'espérer, comme le
fruit de tant de sacrifices ; Jésus-Christ même a promis à ceux qui
renonceraient pour son amour aux biens de la terre, le centuple ici-bas
et la vie éternelle ; il a promis, il a donné le ciel aux pauvres
d'esprit et de cœur, à ceux qui sont purs, à ceux qui ont faim et soif
de la justice, et par conséquent, ses disciples et ses épouses fidèles
peuvent et doivent espérer cette grâce de la persévérance finale et une
sainte mort..
Mais,
ne l'oublions pas, cette grâce ne peut être méritée que par la prière :
suppliciter mereri potest ; la prière surtout à la vierge Marie et au
glorieux saint Joseph.
Aussi
l'image sacrée de notre saint patron est-elle toujours placée sous les
yeux de ceux qui souffrent et qui meurent dans ces bienheureuses
solitudes.
Elle
orne toutes les cellules des infirmeries religieuses, et quand la
dernière heure approche, quand déjà les ombres de la mort descendent,
quand vient à commencer la lutte suprême de l'agonie, il y a trois noms
que l'on se hâte de faire répéter au mourant, et ces trois noms le
consolent, le fortifient, et vont conduire doucement son âme au ciel :
Jésus! Marie ! Joseph !... Jésus, ô mon sauveur ! Marie, ô ma tendre
mère !... Joseph,ô mon saint protecteur !... je vous donne mon cœur ; je
vous donne ma vie !... — Cette invocation n'a jamais manqué de rendre
la force et la joie même de l'espérance à ces élus du ciel.
Pour
vous, mon cher lecteur, que Dieu n'a pas appelé à cette vie de
sacrifice et toute de perfection, efforcez-vous au moins de vous
sanctifier dans le monde et d'arriver à la sainteté de votre état. Tous
peuvent imiter saint Joseph ; et tous ceux qui espèrent en lui seront
protégés : protector est omnium sperantium in se, il ne laissera périr
aucun de ceux qui l'auront invoqué avec confiance.
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