Le mois de saint Joseph
21 mars
Source : Livre "Mois de Saint Joseph : composé de trois neuvaines et un triduum pour tous les jours du mois de mars" par Alexis Lefebvre
VINGT ET UNIÈME JOUR
SAINT JOSEPH PROTECTEUR SPÉCIAL DE LA FAMILLE
Quel est, pensez-vous, l'économe sage et prudent que le Seigneur a chargé du soin de sa famille ?
(Luc. XII 42.)
Ici
encore, nous donnons à la parole sainte une interprétation libre ; et
nous appliquons ce texte au sujet de nos méditations, pendant ce mois
béni de saint Joseph ; nous le faisons sans crainte, autorisé que nous
sommes par l'exemple des saints Docteurs et de l'Église même, qui cite
ce mot de l'Évangile dans l'office de notre bon et puissant protecteur.
Sans doute que le Seigneur a dû choisir l'homme le plus digne de cette
haute mission, le plus juste, le plus saint en un mot : Quis putas?...
C'est Joseph, prédestiné à cette gloire d'être l'époux de la mère d'un
Dieu, et le gardien, le père nourricier de ce Dieu-homme ; Joseph
réellement préposé chef et maître dans la sainte Famille : quem
constituit Dominus supra familiam suam.
Or,
si c'est en vertu de la puissance et de la bonté de ce glorieux
patriarche que tous les âges et les toutes conditions peuvent espérer en
lui, c'est surtout en raison de ce titre nouveau, que saint Joseph doit
être regardé comme le protecteur de toutes les familles chrétiennes. Et
c'est le sujet qui va nous occuper au moins pendant trois jours, parce
que nous devons y trouver une abondante nourriture de grâces.
La
famille se compose de quatre éléments : le père, la mère, l'enfant et
le serviteur ; eh bien, nous allons voir que saint Joseph est le
protecteur de tous, et que tous peuvent également l'invoquer avec
confiance.
Pour
prouver cette proposition, il nous suffira de dire quelques mots sur
les devoirs et sur les vertus de ces quatre membres qui constituent la
famille et qui forment une maison ; et puis, de montrer dans Joseph le
modèle et le patron des uns et de autres ; l'ami, le protecteur de tous
et de chacun en particulier.
I. Le père.
—
C'est le chef, le maître : saint Joseph l'a été d'office à Nazareth, il
l'a été au choix de Dieu, par l'élection du ciel. Il l'a été surtout
par son cœur ; il a toujours rempli cette mission avec fidélité, avec
prudence à Bethléem, en Egypte, à Nazareth, enfin partout : fidelis
dispensator et prudens...
Or
nous savons que Dieu, dans la gloire, honore ses élus en leur donnant
le pouvoir d'accorder des grâces analogues à celles qui ont le plus
éclaté en eux pendant le cours de leur vie mortelle : avec quelle
confiance donc un père de famille ne pourra-t-il pas invoquer le secours
et la protection de saint Joseph, qui seul a mérité cette gloire d'être
le père, le maître de la famille sainte !... Supra fumiliam suam.
Le
père a l'autorité, la force du commandement. Cette force ne peut avoir
d'autre source que la puissance même de Dieu, ni d'autre base que la
vertu ; et ses fruits précieux pour tous sont l'ordre et le travail.
Joseph a été choisi, parce qu'il était juste, c'est-à-dire saint : cum
esset justus. Qu'on le sache bien, sans l'exemple des vertus solides, le
père ne peut plus avoir de puissance ; il perd, non ses droits, qui
sont sacrés, mais son autorité, puisqu'on le voit lui-même mépriser un
pouvoir supérieur, la loi de son Dieu, qui est la source éternelle d'où
découle et procède toute paternité dans les cieux et sur la terre : ex
quo omnis paternitas in cœlis et in terra (Eph. ni, 13.)
Si
donc le père, infidèle et imprudent, vient à oublier ce devoir
essentiel, tout manque à la fois, tout tombe autour de lui. La mère n'a
plus qu'à verser des larmes ; les enfants ne tardent pas à se moquer de
tout ce qu'on leur dira ; ils vont briser et secouer le joug, et les
serviteurs ne manqueront pas de se révolter, et de voir un ennemi dans
leur maître. Le trouble commence à s'introduire, le désordre va bientôt
régner dans la maison entière, et les cœurs seront divisés...
Au
contraire, là où le père de famille, s'efforçant d'imiter les vertus de
saint Joseph, ne cesse de l'invoquer comme son protecteur, on voit
descendre la paix du ciel, et toutes les grâces ornent le foyer
domestique. Les vertus naissent dans le travail de tous, et l'ordre en
fait la force et le charme.
II. La mère.
— C'est d'elle surtout que semble dépendre le bonheur de la famille. C'est la femme, dit un vieux proverbe, qui fait la maison.
—
Elle en est la gloire et la force, la joie et la douceur, la vie même !
et l'espérance : vita dulcedo, spes !... Nous ne craignons pas
d'appliquer à l'épouse chrétienne et vertueuse ces paroles que l'Église
répète dans ses chants sacrés à la vierge Marie, à la sainte épouse de
Joseph. C'est la mère qui sauvera tout, le père même et l'enfant, les
serviteurs aussi.
Or
c'est dans la bonté, dans la douceur que Dieu a mis la force et la
puissance des mères. L'ordre en toutes choses, l'activité dans le
travail, une piété solide, et surtout aimable, voilà les grands moyens
qu'elles peuvent employer pour assurer la prospérité, la gloire de leur
maison.
— Le Saint-Esprit a révélé tous ces secrets dans le tableau admirable de la femme forte, au livre de la Sagesse.
C'est
là une des plus belles pages de nos livres sacrés, et ce texte si
simple et si sublime a déjà donné le sujet le plus fécond de bien des
livres composés pour l'instruction des mères chrétiennes. Il nous
suffira de prier ici le lecteur de lire et de méditer ce chapitre des
Écritures, que l'Église répète à la messe des saintes femmes : Mulierem
fortem, etc., et nous allons dire de suite pourquoi saint Joseph est le
protecteur des mères de famille.
Ah
! c'est qu'il a eu le bonheur incomparable de pouvoir étudier de près
cette vie sainte, de contempler ce divin tableau, de posséder enfin ce
trésor céleste dans la Vierge immaculée, sa fidèle épouse... Il la
voyait chaque jour prier avec tant de ferveur, travailler sans cesse
avec tant d'ardeur, et entretenir si bien l'ordre et la propreté dans
leur petite maison de Nazareth ! Il a vu ces prodiges de sainteté de la
plus humble et de la plus douce des vierges, et les tendresses et les
dévouements de la plus pure et de la plus sainte des épouses, et toutes
les vertus enfin de la mère d'un Dieu !... Vir ejus laudavit eo.m (Prov.
xxxi, 28).
Heureux
époux de Marie, il a connu cette gloire et cette félicité : c'est donc à
ce titre qu'il est, et qu'il sera toujours le patron, le protecteur des
mères chrétiennes. Il a trouvé la femme forte, et il obtiendra d'elle,
au nom de Jésus, toutes les grâces qu'on lui demandera à lui-même au nom
de Marie. — Adjutor et protector eorum est.
III. L'enfant.
—
Saint Augustin dit que l'enfant est un lien d'amour entre le père et la
mère : vinculum amoris. Il est la joie, la gloire, le vrai bonheur de
l'un et de l'autre, ou il devient leur honte, leur douleur et leur
désespoir. Tout dans la famille dépend de la conduite de l'enfant ; et
cependant ses devoirs les plus essentiels sont exprimés en un seul mot
de l'Évangile : la soumission, l'obéissance.
La
condition de la vie pour ses parents est nécessairement attachée à
l'accomplissement de ce précepte divin, que nous avons admirablement
paraphrasé dans le vieux style des commandements : Père et mère
honoreras... Loi sacrée, si oubliée, hélas ! si méprisée de nos jours !
et c'est la cause de tous les malheurs qui pèsent sur la société
entière, la cause de la ruine des plus riches maisons et de la chute des
plus nobles familles.
Les
enfants n'obéissent plus, et cette chaîne d'amour : vinculum amoris ;
ces liens si doux, qui devaient unir le père et la mère, se sont brisés
presque partout à la fois... et les cœurs divisés se désolent sans
espoir, et meurent dans la solitude des tombeaux.
Pères
et mères qui lisez ces choses, ne vous laissez pas abattre ni
décourager ; invoquez saint Joseph, et il deviendra le protecteur de vos
enfants, il les sauvera... Vous-mêmes, enfants qui êtes purs et fidèles
encore, implorez le secours de ce grand saint, il vous préservera
contre ce danger du siècle, cet amour effréné de la liberté, cette soif
d'indépendance dont nous avons parlé. Et vous aussi, vous enfin qui
auriez commencé à briser peut-être quelques anneaux de la chaîne
d'amour, vous qui déjà auriez blessé le cœur de vos parents par des
actes affectés d'insubordination et par la révolte de l'esprit, il est
temps encore : demandez à saint Joseph de vous délivrer de ce mal,
priez-le de guérir votre âme ; il vous obtiendra cette grâce, et vous
vivrez dans la joie, en voyant renaître l'espérance et le bonheur au
sein de la famille.
Serait-il
encore nécessaire maintenant de dire pourquoi saint Joseph, entre tous
les saints du ciel, doit être invoqué comme le protecteur des enfants ?
Le
pieux lecteur l'aura bien compris et son cœur a répondu à cette
question : Joseph n'a-t-il pas eu pour fils le divin Enfant Jésus, son
Dieu ? Et que nous dit le saint Évangile de cet enfant béni de la Vierge
? Une seule chose !... erat subditus ; il était obéissant, il était
soumis... Voilà le lien d'amour entre Marie et Joseph, vinculum amoris !
Mais aussi quelle paix ! quel bonheur dans cette petite maison de
Nazareth !... Tout s'y faisait doucement avec ce lien d'amour ; la
prière et le travail. L'Enfant obéissait toujours : au premier mot de sa
mère, il s'endormait dans son berceau... erat subditus... ou bien il
travaillait sous les ordres de Joseph... erat subditus... et la paix du
ciel habitait dans tous les cœurs.
Voilà
pourquoi Joseph, si heureux de cette vie de Nazareth, Joseph, qui a
prodigué à l'Enfant Jésus ses plus douces caresses, quand il le portait
dans ses bras, et qui a vu grandir cet enfant plein de grâces sous ses
yeux, Joseph qui l'a vu travailler sous ses ordres, et toujours si doux
et si obéissant, aime à orner l'âme des petits enfants des vertus qu'il a
admirées dans le sien. Il a pitié des parents qui pleurent sur les
désordres d'un fils unique... Il prie avec un sentiment profond de
compassion ; le souvenir de son bonheur le rend encore plus sensible à
la peine des autres... Invoquez-le donc, et priez avec confiance :
adjutor et protector eorum est.
IV. Le serviteur.
—
Les serviteurs sont aussi de la famille, et les anciens auteurs ne se
contentaient pas de leur donner le nom de domestiques, domestici, ce qui
voudrait dire seulement qu'ils appartiennent à la maison, qu'ils en
font partie, mais bien familiales, pour faire comprendre qu'on doit les
regarder comme des membres de la famille et les aimer.
Il
n'y avait pas de domestique, ni de servante dans la maison de Joseph.
La vierge Marie, la fille de David, la reine des cieux en remplissait
les fonctions ; Joseph, son glorieux époux, et, plus tard, l'Enfant-Dieu
lui-même, l'aidaient dans cet humble travail... Spectacle digne de Dieu
et de ses anges ! Le Père céleste abaissait sur cette sainte maison ses
regards d'éternelle complaisance, et Jésus sauvait le monde par ses
anéantissements.
Mais,
si Joseph était trop pauvre pour avoir un seul domestique ou une petite
servante, à Nazareth, comment pourra-t-il être le protecteur spécial de
ceux ou de celles qui vivent dans cette condition ? Il me semble que
c'est précisément pour cette raison qu'on pourra l'invoquer : les
maîtres, pour avoir de bons et fidèles serviteurs, et les domestiques
aussi, pour avoir de bonnes places, comme ils disent, c'est-à-dire de
bons maîtres.
Si
on a de la peine à trouver aujourd'hui les vertus essentielles dans
ceux qui servent, ne serait-ce pas parce qu'il est bien rare de
rencontrer aussi les qualités nécessaires dans ceux qui commandent ?
— Sans doute.
—
Eh bien, la dévotion à saint Joseph assurerait le bonheur de tous,
parce que les uns et les autres trouveraient, dans son exemple et dans
sa protection, l'amour des vertus et le trésor des grâces propres à la
situation de chacun.
Les
maîtres seront doux, humbles, patients ; les serviteurs, soumis, pieux
et fidèles ; tous se sanctifieront par la pratique des devoirs de leur
état ; et la pratique de ces vertus d'intérieur contribuera
singulièrement au bonheur et à la gloire même de la famille chrétienne.
Il est en effet honorable à une maison et heureux pour tous ceux qui
l'habitent, d'avoir de bons serviteurs et depuis longues années attachés
à la famille. C'est une consolation, une grande sécurité pour les pères
et mères, une joie véritable pour les petits enfants, que le changement
étonne au contraire, et afflige souvent bien plus qu'on ne pourrait le
croire.
Je
dirai, en finissant, que j'ai vu mille exemples de la protection de
saint Joseph, et de la bonté avec laquelle il répond aux prières qu'on
lui adresse dans les familles...
J'ai
vu des pères convertis ; la santé de plus d'une mère miraculeusement
rétablie ; des enfants surtout sauvés de toutes les passions du monde.
J'ai vu des familles dans l'embarras trouver des domestiques excellents,
et j'ai vu de pauvres servantes, injustement renvoyées d'une maison, en
trouver aussitôt une meilleure, par l'intercession de saint Joseph.
J'ai exposé les raisons, je puis affirmer le fait. Souvenez-vous-en, mon
cher lecteur, et, toutes les fois que vous aurez besoin de
quelques-unes de ces grâces spéciales, invoquez saint Joseph avec
confiance, il sera votre protecteur.
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