Le mois de saint Joseph
1er mars
Source : Livre "Mois de Saint Joseph : composé de trois neuvaines et un triduum pour tous les jours du mois de mars" par Alexis Lefebvre
PREMIÈRE NEUVAINE
TROIS TITRES. - TROIS MYSTÈRES. TROIS VERTUS
PREMIER JOUR
JOSEPH PÈRE NOURRICIER DE JÉSUS-CHRIST
Celui qui est le gardien de son Seigneur sera glorifié.
(Prov. XXVII, 18)
De
tous les titres de saint Joseph, le plus beau, le plus glorieux sans
contredit est d'avoir été le gardien, le père nourricier de Jésus, de
son Dieu... C'est le principe même de toute la puissance et la preuve
des mérites exceptionnels de ce grand saint.
Cette
méditation renfermera deux parties : I. Quelques réflexions sur ce
titre de saint Joseph ; II. Et sur les conséquences que nous pouvons en
tirer.
I. N'est-il pas vrai que plus on approche du trône et de la personne sacrée des rois, plus on est
élevé, plus on a de crédit, de puissance même et d'autorité ? N'est-il
pas vrai encore que plus ce trône est brillant, plus ce roi ou cet
empereur a lui-même de sujets et son empire d'étendue, plus aussi il y a
de gloire à le servir, à entrer dans ses conseils, à partager sa
puissance ? Ainsi un soldat a moins d'honneurs qu'un général ou qu'un
ministre...
Mais
si ces relations avec le pouvoir deviennent encore plus intimes et plus
familières, si ce n'étaient plus seulement des rapports de dépendance
et de soumission, si c'étaient par exemple, des liens d'affection, comme
il en existe entre des personnes de même famille qui, ne s'étant jamais
quittées, ont toujours conservé ces sentiments naturels et si doux,
n'est-il pas vrai que la puissance augmenterait encore avec la tendresse
? ainsi un ami, un parent, un frère : le frère d'un roi est prince et
peut tout sur son cœur, il touche de bien près au trône.
Mais
si enfin ces rapports, demeurant toujours aussi tendres et affectueux,
allaient jusqu'à demander, exiger de la part de celui qui a l'autorité,
plutôt un caractère de reconnaissance et même de soumission, n'est-il
pas vrai que le pouvoir et le crédit prendraient encore des proportions
plus grandes ? Ainsi, un père
qui aurait abdiqué en faveur de son fils ; une mère surtout, une mère ;
car si on ne refuse rien à un fidèle serviteur, à un ami d'enfance, à un
frère, on peut encore moins refuser à son père, à sa mère, à celle dont
on a reçu le bienfait de la vie.
Ces
réflexions si simples, et qui nous montrent quel pouvoir la sainte
Vierge doit avoir dans les cieux, peuvent, dans une juste proportion,
s'appliquer aussi à Joseph qui, sur la terre, pendant toutes les années
de l'enfance et de la vie cachée de Jésus, avait avec ce Dieu des
relations si intimes et si familières, que c'était l'Enfant-Dieu
lui-même qui devait obéir et qui obéissait réellement à cet homme juste ;
et c'était Joseph qui le nourrissait, le gardait et le protégeait
: autos Domini sui.
Si
on ambitionne l'honneur de servir les rois de la terre, si on recherche
avec tant d'ardeur la gloire des charges qui attachent à leurs
personnes, les fonctions qui approchent de leur trône, que sera-ce
d'être appelé à servir le Roi immortel de la gloire, le Dieu
tout-puissant du ciel et de la terre ? que sera-ce surtout de pouvoir
lui parler chaque jour avec tendresse et familiarité ? que sera-ce
enfin, de lui commander avec une autorité réelle et incontestable ?...
Ce fut la destinée et le glorieux privilège de saint Joseph ! et seul,
entre tous les hommes, il a été choisi pour ces sublimes fonctions
: custos Domini sui.
Mais
remarquez bien, mon cher lecteur, qu'il ne s'agit pas ici d'un vain
titre, d'une stérile attribution. Il a été réellement et de fait le
gardien de son Dieu ; il l'a nourri, protégé, sauvé aux jours de sa vie
mortelle. Ses services étaient non-seulement utiles, mais nécessaires au
divin Jésus, pendant toutes les premières années de son enfance.
Pour
vous en convaincre, lorsque vous méditerez ces grands mystères de la
vie cachée de notre Sauveur, il vous suffira de faire une simple
hypothèse dont la pensée seule vous fera frémir : Supposez un instant
que Joseph ne soit pas à Bethléem, pour protéger la Mère et l'Enfant,
quand Marie, ayant vainement cherché une petite place dans les
hôtelleries, fut obligée d'aller se réfugier dans une étable, et qu'elle
y enfanta Jésus ; supposez que Joseph ne soit pas là, quand il fallut
partir la nuit, et fuir en Égypte pour éviter la mort de ce petit Enfant
que l'Impie Hérode voulait immoler à son ambition; supposez que dans
cette terre d'exil, et plus tard même à Nazareth, supposez que Joseph ne
soit pas là, pour travailler et gagner le pain de chaque jour... Que
seraient devenus et la Mère et l'Enfant ?... qui les aurait protégés,
sauvés, nourris ? — N'est-il pas réellement le gardien, le père
?... Custos Domini sui.
Que
si déjà c'est une gloire d'avoir mérité d'être ainsi choisi, seul entre
tous les hommes, c'en est une plus grande encore d'avoir répondu
parfaitement à cette élection divine. Joseph l'a mérité par la sainteté
et la justice de son cœur, il y a répondu par la fidélité admirable avec
laquelle il a rempli une si haute mission.
L'Évangile
parle peu des vertus de Joseph ; il ne dit qu'un mot de sa sainteté,
mais ce mot suffit, il dit tout : cum esset justus (Matth. I, 19) ; il
était juste aux yeux de Dieu, qui voit des taches même dans ses anges ;
il vivait donc de foi, car le juste de Dieu n'a pas d'autre vie
: justus autem meus ex fi.devivit (Rom. I, 17). Au milieu des enfants
d'Israël, il s'élevait comme le palmier, et ses fleurs embaumaient le
ciel, et ses fruits abondants couvraient la
terre... Justus ut palma florebit (Ps. xci, 13). Dieu même le préparait
et le rendait ainsi digne des honneurs dont il allait le combler, en le
désignant pour époux à Marie, la Vierge immaculée, ce trésor caché dans
son temple, Marie prédestinée pour être la mère d'un Dieu. Voilà pour la grâce d'élection.
Mais
la gloire de saint Joseph, avons-nous dit, ce n'est pas tant d'avoir
été choisi et appelé, c'est d'avoir si parfaitement répondu aux desseins
de Dieu.
Il a en effet montré, dans l'exercice de sa charge, toutes les vertus que demandait cette sublime vocation.
Ce
Dieu tout-puissant, Père éternel, au jour de l'élection sainte et des
premiers mystères de la vie de Jésus, semble avoir dit à Joseph, comme
la fille de Pharaon à la mère du petit enfant Moïse
: Accipe pnerum istutn, et nutri mihi, ego dabo tibi mercedem tuam: (
Exod. Ii, 9) : Prenez cet enfant, gardez-le, nourrissez-le pour moi, et
je vous donnerai votre récompense... Et il le prit, il le garda, il le
nourrit ; mais avec quelle prudence et quel dévouement, avec quel
courage et quelle tendresse !
Rappelez-vous
l'histoire de la naissance de Jésus dans l'étable, et surtout le
mystère de la fuite en Égypte, vous y verrez briller à la fois toutes
ces admirables vertus. Il a donc été fidèle dans sa garde, il a mérité
la récompense promise, et cette récompense ne pouvait être que Dieu
même, qui s'est chargé de le glorifier
: ero merces tua magna n'imis... Custos Domini sut glorificabitur.
II.
Il nous reste à tirer de ces pieuses considérations quelques
conséquences utiles à l'âme de nos lecteurs ; car enfin tous ces
exercices du Mois de saint Joseph ne peuvent avoir qu'un but, celui de
nous apprendre à imiter les vertus de ce grand saint.
Or,
nous aussi, nous devons garder Jésus dans notre cœur, nous devons le
secourir et le protéger... .Il nous a été réellement confié, lorsque,
par la grâce des sacrements, il a commencé à vivre en nous.
1° Nous devons le garder, le protéger : comment ?
C'est
l'Apôtre qui va nous l'apprendre : sa vie n'est-elle pas menacée à
chaque instant ? Un cruel ennemi, le plus vil usurpateur n'a-t-il pas
juré de lui donner la mort ? et dans combien de cœurs ne parvient-il pas
à le crucifier chaque jour
?... Rursumcriicifigentes in semetipsis filium Dei (Hebr. vi, G). C'est
donc le péché qui est son ennemi, le vrai bourreau qui lui donne la mort
; et, si nous sommes fidèles, si nous fuyons à la vue du danger, si
nous résistons avec courage aux mauvaises suggestions de cet ennemi
perfide, si nous ne lui permettons pas d'entrer dans notre cœur, nous y
garderons Jésus, nous sauverons ses jours, comme Joseph fidèle à la voix
des anges, l'a sauvé de la fureur d'Hérode. Priez donc saint Joseph, imitez-le dans les tentations.
2° Nous devons aussi nourrir Jésus dans notre cœur. Comment ?
Mais
par les sacrifices de l'amour, c'est-à-dire en faisant pour lui tous
les petits sacrifices qu'il nous demande ; car c'est l'honorer et le
nourrir de la substance même de notre âme, d'après la parole admirable
de l'Écriture sainte : Honora Dominum de tua substantia (Prov. m, 9). Il
faut donc nous vaincre, et nous sacrifier à l'amour.
Mais
ne craignez pas, il suffira de bien peu pour nourrir ce divin Enfant,
surtout au commencement de sa vie en nous ; il ne demande, pour ainsi
dire, que ce qu'il nous donne, il se contente de notre bonne volonté. Ne
lui refusez pas au moins ces petits efforts, et surtout pendant le
cours de ce mois, ne laissez passer aucun jour sans donner à Jésus cette
nourriture sacrée, et il grandira, il se fortifiera en vous jusqu'à la
plénitude de sa vie divine.
Or,
voici les conditions mêmes et la loi de ce progrès de la grâce en nous :
Dieu y grandira à proportion que nous diminuerons nous-mêmes :
oportet illum crescere, me autem minai (Joan. m, 30).
Méditez cette parole de l'ange de Jésus, et croyez que c'est une des plus profondes et des plus
mystérieuses de l'Évangile. Si vous vous humiliez, Jésus s'élève et
grandit en vous. Si vous vous abaissez encore, si vous vous anéantissez,
si vous mourez par le sacrifice et l'holocauste, Jésus grandit et
s'élève encore ; il vit, il règne pleinement en vous, il devient la
vraie vie de votre âme ; mais si vous refusez de le nourrir, si
le moi vit toujours en vous, ce Dieu bientôt ne pourra plus y demeurer,
il cessera d'y vivre ; il y mourra !
Or,
je le répète, il n'est pas difficile de donner à Dieu cette nourriture
mystérieuse qui entretient sa vie, et le fait grandir dans une âme. Les
plus petits sacrifices suffisent pour cela : réprimer la vaine curiosité
d'un regard, retenir une parole inutile sur nos lèvres ; lui offrir une
légère mortification dans un repas, se lever exactement à l'heure,
etc.. c'est assez pour contenter l'amour de Notre-Seigneur et ravir son
cœur, en assurant sa vie en nous.
Prenez
donc cette résolution aujourd'hui même, et jusqu'à la fin du mois
gardez bien Jésus dans votre cœur, nourrissez-le par les sacrifices
d'amour qu'il vous demandera ; offrez-lui, par les mains de saint
Joseph, ces petites victoires que vous remporterez sur vous-même, vous
serez aussi un jour glorifié avec lui dans les cieux ; le Dieu que vous
aurez honoré, nourri de votre substance sur la terre, vous remplira de
sa vérité, de sa lumière, de sa vie immortelle dans la pairie de
l'éternité.
Amen !
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