Le mois de saint Joseph
18 mars
Source : Livre "Mois de Saint Joseph : composé de trois neuvaines et un triduum pour tous les jours du mois de mars" par Alexis Lefebvre
DIX-HUITIÈME JOUR
L'HUMILITÉ
Celui qui s'humilie, sera exalté.
(Luc. XIV, 11.)
Pour
le dernier jour de cette neuvaine, nous devons donc étudier la vertu
d'humilité, dans les exemples de saint Joseph, notre glorieux
protecteur. Mais, dans l'ordre des dons célestes, on peut dire que cette
vertu tient le premier rang, et qu'elle est peut-être la plus
excellente de toutes celles que nous avons admirées dans ce grand saint.
Ce n'est pas une vertu cardinale, puisqu'on n'en compte que quatre,
mais, s'il fallait la désigner par un nom particulier et qui pût, en
quelque manière indiquer ses fonctions dans l'œuvre de la sanctification
des âmes, il nous semble qu'on devrait l'appeler une vertu capitale ou
fondamentale, la plus essentielle de toutes enfin, Car les saints Pères
n'ont pas hésité sur ce point : caput virtutis humilitas, dit saint
Jean Chrysostome ; c'est la source et le fondement de la sainteté ; et
saint Basile enseigne qu'elle renferme le trésor le plus sûr de toutes
les perfections : tutissimus virtutum thesaurus.
Il
n'y a rien de plus admirable, et, j'oserais dire, de plus regrettable
que l'humilité de saint Joseph. Qu'a-t-il fait cet homme juste ?...
Qu'a-t-il dit ?... Nous ne savons presque rien de cette vie céleste.
Nous n'avons pas un mot de lui. Et cependant, nous pouvons croire qu'il
fut le plus saint, le plus parfait de tous les hommes, puisqu'il a été
choisi pour être l'époux de la sainte Vierge, et le père nourricier, le
gardien, et en quelque sorte le maître de son Dieu.
C'est
précisément, parce qu'il était le plus humble, qu'il a été appelé à
cette gloire. Quelle vie que celle de Nazareth ! Quels prodiges de
sainteté ! Et pas un mot ! On ne sait rien ; l'Évangile garde le silence
; mais aussi quelle perfection, quels mérites dans le ciel ! Jésus,
Marie, Joseph, cachés, inconnus et humiliés sur la terre, sont exaltés,
glorifiés ensemble dahs les cieux ; si vous méditer bien ces paroles,
elles seront une lumière pour votre àme : Qui se humiliat, exaltabituri
Il faut apprendre aujourd'hui I. à connaître, Il; à aimer, III; à pratiquer la vertu d'humilité.
I. Connaître : Qu'est-ce que l'humilité ?
C'est,
en un mot, le mépris de soi-même et plus simplement encore, c'est la
vérité. Ce mépris a pour raison la connaissance de notre misère, de
notre néant, et le souvenir de la grandeur même de Dieu. Lorsque l'ange
superbe a dit dans son cœur : je monterai, ascendam, et qu'il a voulu
prendre la place de ce grand Dieu, il a menti : in veritate non stetit
(Joan. vu, 44) ; et il a été aussitôt humilié, précipité de la gloire.
Au
contraire, quand la Vierge Marie a dit : Je suis la très-humble
servante du Seigneur : Ecce ancilla Domini (Luc. i, 38 ), elle a été
fidèle à la vérité, et elle a été exaltée, glorifiée : le Seigneur fait
aussitôt en elle de grandes choses ; elle a mérité de devenir la mère de
son Dieu.
Il y a une humilité d'esprit et une humilité de cœur.
La
première, c'est la pensée, la vue et même le sentiment de notre
faiblesse, de notre néant ; et il faudrait être aveugle ou insensé pour
ne pas voir, comprendre et sentir cela ; aussi bien n'est-ce pas la
vertu proprement dite, quoique ce soit déjà une grâce de Dieu, et elle
n'est pas donnée à tous.
La
seconde,l'humilité de cœur est l'acquiescement à cette vue, à ce
sentiment, intime de notre misère, et aussi aux justes conséquences de
cet état, c'est-à-dire, au mépris de nous-mêmes, qui nous fera rester à
notre place d'abord, et désirer même de nous abaisser. Pénétrée de cette
pensée et du sentiment vrai de sa faiblesse, de son néant, l'âme fidèle
n'aspire qu'à se soumettre aux autres ; elle obéit avec bonheur, elle
accepte en silence, avec joie, les humiliations, les mépris du monde ;
et nous verrons que ce sont là en effet les œuvres principales et les
degrés même de cette belle vertu.
Cette
définition de l'humilité suffit aussi pour apprendre à distinguer la
vraie vertu dela fausse : est Veritas. La vraie se tait, l'autre aime à
parler ; l'une se cache, l'autre veut paraître. Il y a des personnes qui
veulent absolument parler d'elles-mêmes, qu'on s'occupe d'elles ; elles
en diraient du mal plutôt que de se taire : c'est évidemment un orgueil
mal déguisé ; faites seulement semblant de les croire, et vous le
verrez bien, elles s'emporteront aussitôt : tandis que Marie, avec
humilité et reconnaissance, ne craint pas de dire : Fecit mihi magna qui
potens est..., et Respexit humilitatem ancills e sux (Luc. i) ; Le
Seigneur tout-puissant a fait en moi de grandes choses, etc. Voilà
l'humilité vraie, qui reconnaît d'une part son indignité, mais qui rend
grâces à Dieu de ses bienfaits.
Le
vice opposé à cette vertu est l'orgueil, et c'est le plus dangereux de
tous, puisqu'il détruit tout bien, et enfante mille iniquités dans le
cœur de l'homme : initium omhis pecccati superbia (Eccl. x, 15).
Autant
Dieu aime l'humilité, autant il déteste l'orgueil ; il a en horreur ces
pauvres superbes et il les jette dans la nuit, ou bien il les laisse
tomber dans la boue, c'està-dire qu'ils deviennent incrédules ou
libertins, impies ou de grands impudiques, le plus ordinairement même
ils sont l'un et l'autre... et toujours bien misérables, dit saint
Augustin : magna miseria homo superbus.
D'après
saint Thomas, les parties intégrales de l'humilité sont la simplicité,
la réserve, la retenue, la discrétion, la modestie ; l'orgueil au
contraire enfante dans une âme mille et mille misères, de vanité, de
présomption, d'arrogance, d'ambition, d'envie, de jalousie, de
mensonges, etc., etc., etc. Initium omnis peccati superbia.
Il
Pour apprendre à aimer cette vertu d'humilité, il suffira de la montrer
et de l'étudier dans le Cœur de Jésus, et de prouver combien il l'aime
dans le nôtre. Et d'abord, c'est toute la leçon de notre maître.
Apprenez de moi, dit-il, que je suis doux et humble de cœur. Toute sa
vie n'a été qu'un exemple d'humilité, d'anéantissement : humiliavit.., exinanivit semetipsum (Phil. n, 8).
— Méditez les mystères de sa vie cachée à Nazareth : erat subditus (Luc. n, 51). Il était soumis ; un Dieu, pauvre ouvrier pendant trente ans !
—
Méditez les mystères encore plus étonnants de la mort de ce Dieu sur
une croix ! Il a été outragé, flagellé, traité de fou, crucifié ; et il
se taisait !... Comment après de tels exemples un homme, un ver de terre
oserait-il s'élever et s'enfler d'orgueil ?... Comment pourrait-on ne
pas aimer à se cacher, à s'humilier avec Dieu et pour Dieu !... Ama nesciri et pro nihilo reputari (Imit.).
Voici
une autre considération moins élevée peut-être, mais plus directement
personnelle encore et dans nos intérêts les plus essentiels. Je veux
dire que l'humilité est la condition sine qua non de
notre salut, de notre bonheur, de notre gloire. Dieu même l'a dit, il
résiste aux superbes, mais il donne sa grâce aux cœurs humbles. Il ne
connaît que de loin ce qui est fier et orgueilleux. Toutes ces paroles
sont divines, et saint Augustin les interprétant, ajoute : Si vous vous
humiliez, Dieu descend jusqu'à vous ; si vous vous élevez, il s'enfuit
loin de vous, si loin qu'il ne vous verra et ne
vous entendra plus... Citons les textes, cela est trop important, pour
ne pas obliger le lecteur à y penser un peu sérieusement. Deus superbis résistif, humilibus autem dat gratiam (Jac. iv, 6). Deus alla a longe cognosdt (Ps. cxxxvn, 6). Humilias te, Deus descendit ad te; erigis te, et fugit a te (Saint Aug.).
Mais
la raison capitale en ce sujet, c'est la loi même et la règle de la
conduite de Dieu avec les hommes ; loi juste et éternelle, régle
générale et sans exception. Voici le texte de cette loi, la formule
étonnante de cette régle... qui se humiliat exaltabitur, ou, si vous aimez mieux : Deposuit potentes, et exaltavit humiles (Luc. i, 52) : encore plus simplement et avec plus de force : ea quse non sunt (I Cor. i, 28).
—
C'est-à-dire que Dieu glorifie ce qui est humble, que Dieu rejette ce
qui se croit capable, puissant, pour exalter ce qui est petit et faible ;
qu'il n'emploie que ce qui n'est rien, qu'il ne se sert jamais que de
ce qui n'est rien, qu'il ne travaille qu'avec et sur le néant : ea quse non sunt ! C'est la loi, la régle, la condition même ; loi sans exception, règle éternelle, condition nécessaire, essentielle : ea qux non sunt !
Si
vous voulez faire quelque chose de grand, et que Dieu daigne un jour se
servir de vous, humiliez-vous, abaissez-vous, anéantissez-vous,
commencez par n'être plus rien.Plus vous serez petit, anéanti, plus vous serez digne d'être associé à l'œuvre de Dieu. Dans toute l'histoire du monde, dans les annales des siècles, et dans tous les ordres des opérations divines, au livre de l'Ancien Testament comme dans le Nouveau, je vous défie de trouver une seule exception : eu qus e nonsunt... et exaltavit humiles. Rappelez-vous seulement quelques noms : Moïse, Samuel, David, Judith, Esther ; et plus près de Jésus : Marie, Joseph, les apôtres ; et encore plus près de nous : Geneviève, François d'Assise et de Borgia ; et nos derniers saints, un mendiant, une petite servante : Benoît-Joseph Labre,Germaine Cousin !
Plus
vous méditerez ces lois saintes, plus vous aimerez l'humilité, et plus
vous désirerez travailler à conquérir cette belle vertu.
III.
Pour arriver à la pratique de l'humilité vraie, de l'humilité du cœur,
il y a plusieurs moyens. Le premier, c'est la réflexion ; quoiqu'il
semble d'abord qu'elle ne peut nous conduire qu'à l'humilité d'esprit,
elle finit toujours par loucher aussi le fond de l'âme. Vous méditerez
seulement ces mots : Quis ut Demi... Quid est hotno ?... Tuquis es ?...
Quo vadis ?...Quidsuperbis, terra et cinis ?... Qui est semblable à Dieu
?... Qu'est-ce que l'homme ? Et vous, qui êtes-vous ?... où allez-vous
?... Cendre et poussière devant Dieu, malheureux pécheur aujourd'hui et
demain peut-être damné !.. De quoi pourriez-vons donc vous glorifier,
vous enorgueillir ? HumiHatio tua in medio tui (Mic. vi, 14). C'est
ainsi que vous trouverez dans votre sein la raison de vous humilier et
de vous anéantir, lors même que vous auriez été comblé des dons de Dieu,
car enfin, si vous avez tout reçu, de quel droit vous élèveriez-vous ?
Si vero accepisti, qaid gloriaris ? (I Cor. iv, 7).
Le
second moyen, c'est la prière. Ne soyez pa ? un pauvre honteux devant
Dieu ; ce sont les plus malheureux de tous, ceux qui cachent leur misère
et n'osent demander. Le Seigneur vous aurait en horreur : Pauperem
superbum odit (Eccl. xxv, 4). Priez, priez sans cesse, adressez-vous au
Cœur de Jésus : Jesu, mitis et humilis corde, fac cor meum secundum Cor
tuum... Au cœur de Marie, si douce et si humble : Mer omnes mitis, mites
fac et castos... Invoquez notre bon saint Joseph et les autres saints,
qui à son exemple ont excellé dans cette vertu.
Le
troisième moyen, c'est l'action, ou la vie pratique de l'humilité même.
Faites monter votre âme par les degrés admirables de cette vertu
jusqu'à la perfection.
Or,
voici les principaux degrés, d'après l'Ange de l'école, saint Thomas
d'Aquin : Avant tout éviter l'orgueil, la vanité, l'ambition,
l'amour-propre et ne point parler de soi-même.
Craindre Dieu, Se soumettre à sa volonté, obéir à sa loi, se plier aux ordres de ceux qui ont autorité sur nous.
— Souffrir les mépris sans murmures, en silence.
—
Aimer, rechercher les humiliations ; les goûter avec bonheur, s'en
rassasier avec joie : Tacitus pati, libenter ferre ! Ama nesciri et pro
nihilo reputari ; aimer à vivre dans l'oubli, se réjouir d'être regardé
comme rien ; c'est la perfection et le vrai bonheur.
0
malheur ! ô honte des esprits superbes, des cœurs orgueilleux ! Dieu
rejette et maudit ces animaux de gloire : oui, ils tomberont dans la
nuit ou dans la boue. Que dis-je? ils y ont été précipités... C'est là
toute la philosophie de l'histoire du monde : l'orgueil enfante le
libertinage, et l'impureté plonge le flambeau de la foi ou l'éteint dans
la fange.
0
bonheur ! ô gloire de l'humilité ! Dieu se révèle aux esprits humbles ;
Dieu se donne aux cœurs simples ; il les exaltera et les glorifiera
dans le ciel, en proportion même de leurs abaissements et de leurs
anéantissements sur la terre.
Vous
terminerez cet exercice par une prière fervente à Jésus, Marie, Joseph,
pour obtenir cette belle vertu, et souvent pendant le cours de cette
journée, vous répéterez cette oraison jaculatoire : O Cœur de Jésus,
etc.
Cœur
de Marie, abîme d'humilité, priez pour moi... O saint Joseph, méprisé
des hommes, mais si grand aux yeux de Dieu, priez, priez pour moi !
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