Le mois de saint Joseph
13 mars
Source : Livre "Mois de Saint Joseph : composé de trois neuvaines et un triduum pour tous les jours du mois de mars" par Alexis Lefebvre
TREIZIÈME JOUR
LA PRUDENCE
Celui qui garde la prudence, trouvera tous les biens. (Prov. un, 8.)
Après
les trois vertus théologales que nous avons étudiées dans le cœur de
saint Joseph, nous allons apprendre de lui à pratiquer celles que l'on
appelle ordinairement cardinales, parce qu'elles sont comme la base et
le principe de toute la perfection chrétienne.
Il
y en a quatre, et nous entrerons avec d'autant plus de bonheur dans la
méditation de ces sujets importants, qu'il est plus rare de les voir
traités, même dans les meilleurs livres de piété.
Saint
Joseph a été extrêmement prudent ; sa vie entière en serait la preuve
la plus touchante. Il nous suffira de rappeler ici seulement deux
circonstances, où il nous semble avoir atteint la plus haute perfection
de cette vertu.
La
première, ce fut au moment des doutes qui s'élevèrent dans son esprit,
et avant que le grand mystère de l'Incarnation lui eût été révélé.
Que
fait Joseph ? Il se tait. C'est le fait d'un homme sage et prudent, dit
la sainte Écriture : Vir prudens tacebit (Prov., xi, 12). Il attend, il
prie en silence, et la lumière du ciel est venue. L'Ange lui confia le
secret de Dieu. Répétons-le : Se taire, ne pas juger, attendre et prier,
c'est une preuve de haute sagesse et de prudence divine.
La
seconde circonstance n'est pas moins admirable, dans le mystère de la
fuite en Egypte. Ici la prudence se révèle dans la fidèle obéissance de
Joseph, malgré tous les vains prétextes que la raison semblait devoir
opposer à l'ordre que l'Ange du Seigneur venait de lui donner. A
l'instant même, il se lève et part avec l'Enfant et sa mère.
I.
Nous étudierons d'abord la nature de la prudence ; II, puis nous
apprendrons à pratiquer cette vertu, qui deviendra la régle de notre
vie.
I.
Il faut toujours commencer par définir la vertu dont nous avons à
parler ; et c'est encore saint Thomas d'Aquin, l'ange de l'école, qui
doit nous servir de maître et de guide : il dit en trois mots qu'elle
dirige sûrement toutes nos actions ; c'est la régle de notre conduite :
Recta agendorum ratio; et il explique aussitôt cette définition et
interprète sa pensée. La prudence, dit-il, nous montre la fin, la vraie
fin, et nous apprend à choisir et à prendre les moyens sûrs pour y
arriver. C'est elle qui indique et ce qu'il faut faire et ce qu'il faut
éviter. Ainsi, elle évite toujours les extrêmes et tout excès : elle
tient le juste milieu entre ces extrêmes, qui ne conduisent jamais au
but.
La
prudence, dit-il, ne marche pas seule : l'expérience, la
circonspection, la prévoyance, la docilité, dirigent toujours ses actes
et inspirent ses paroles ; ce sont comme ses compagnes fidèles. Mais
rien ne lui est plus opposé que la témérité d'abord, et la négligence
par défaut ; et puis par excès, la ruse ou l'astuce ainsi que la
prudence de la chair, comme dit l'Évangile, et la trop grande
sollicitude des choses temporelles et de l'avenir.
C'est
après avoir donné ces notions si précises sur la vertu de prudence, que
le Docteur angélique s'écrie avec saint Augustin : 0 mon Dieu ! combien
d'hommes passent pour sages et prudents sur la terre, et ne sont
vraiment que des insensés devant vous ! 0 quam multi prudentes dicuntur
plane insipientes coram Deo !...
Voyez
donc, ô mes frères, et vous, mon cher lecteur, examinez bien si vous
marchez avec précaution, et où vous allez : Videte Uaque, fratres,
quomodo caute ambuletis ; de peur qu'un jour vous ne soyez obligés de
dire : Insensés que nous étions ! nous nous sommes donc trompés 1 Ne
forte dicatis : Nos Insensati ! Ergo erravimus (Sap. v, 4, 6).
Résumons
en un seul mot toute cette doctrine et disons encore avec saint Thomas ,
que toute la prudence consiste à bien choisir la fin, et à prendre les
moyens pour y arriver : Recta judi- care, recta velle.
II.
Maintenant, pour apprendre à aimer et pratiquer cette vertu, sans
laquelle il ne peut y avoir de sécurité ni de bonheur, il nous faut
avant tout rappeler les grands principes des actes humains.
La
fin d'abord, la seule fin nécessaire, c'est Dieu, notre salut, notre
âme, notre éternité : Umm est necessarium (Luc. x, 42). Tout le reste
n'est rien, ne peut servir de rien : Quid prodest ? Comprenez-vous ? le
croyez-vous ? Eh bien ! jetez un regard sur le monde entier, et puis
examinez votre cœur...
Hélas
! combien d'insensés qui oublient, ou qui négligent absolument cette
fin, qui ne mettent l'affaire de leur salut, les intérêts de leur
éternité qu'en dernier lieu, après tout le reste ! Combien ne cherchent
que l'or de la terre, la gloire du monde et les plaisirs de cette vie
qui passe, et préfèrent la vanité à ce qui est éternel !... Plane
insipientes coram Deo ! Ce sont des insensés aux yeux de Dieu.
—
Et vous, qui lisez ceci, que voulez-vous ? que désirez-vous ?
Qu'avez-vous fait jusqu'à ce jour ? Où allez-vous ? Êtes-vous même dans
le chemin qui conduit à la fin, à Dieu, au ciel ?
Mais,
parmi ceux qui prétendent vouloir se sauver et servir Dieu, combien n'y
a-t-il pas encore d'imprudents qui n'en prennent pas les moyens ?...
les moyens, dis-je, les plus sûrs et absolument nécessaires, comme la
prière et les sacrements ? Combien d'indifférents qui marchent au
hasard, sans savoir où ils vont, et qui finissent par se perdre ?...
Combien d'autres imprudents et téméraires à l'excès, qui ne cessent
d'aller au-devant des dangers et d'aimer le péril, où ils ont déjà
trouvé la mort ? Leur triste expérience ne leur a servi de rien, ils
vont périr !
Les
plus insensés de tous sont ceux qui, pensant réellement quelquefois à
leur fin, disent et répètent sans cesse qu'ils iront un jour, qu'ils ne
veulent pas se perdre, ni rester en route, mais qu'ils iront plus tard !
et ainsi ils remettent toujours à un lendemain que peut-être, que sans
doute ils n'auront jamais. Comme s'ils avaient fait un pacte avec la
mort, cette perfide qui trompe tout le monde, ils continuent à jouer
avec elle ! Mais il est impossible qu'ils arrivent ; ils n'ont pas une
chance sur mille, sur un million, puisqu'ils peuvent mourir tous les
jours, à toute heure, à chaque instant... Quelle présomption ! quelle
imprudence ! quelle folie ! et quel malheur ! Plane insipientes coram
Deo !
Nous
avons indiqué le mal, tâchons en quelques mots de le prévenir et
d'enseigner la sagesse. Nos conseils ont pour but d'apprendre d'abord ce
qu'il faut éviter pour ne pas manquer de prudence, et puis ce qu'il
faut faire pour arriver à la pratique de cette vertu.
1°
Avant tout, il faut éviter la présomption, et cette témérité fatale qui
emporte et perd la jeunesse principalement. Ainsi, la lecture des
livres dangereux, la fréquentation du monde, de ses vains spectacles, de
ses plaisirs profanes, et ces conversations légères, et ces regards qui
donnent la mort.
Comment
pouvoir espérer de vivre dans ce feu des passions ! c'est comme
impossible ! Mais enfin, si vous y êtes obligé, si vous ne pouvez en
sortir, au moins prenez garde, faites bien attention à nos derniers
conseils, et vous pourrez encore éviter de mourir.
2°
Il faut réfléchir, veiller et prier. — Réfléchir, sur votre fin
dernière et sur la vanité de tout ce monde : In omnibus respice fmem
(Imit. Vanitas vanitatum... Quid prodest ?... Unum est necessarium...
Répétez-vous souvent à vous-même quelques-unes de ces sentences divines:
0 vanité des vanités !... Qu'est-ce que cela auprès de l'éternité ?...
Une seule chose est nécessaire.
Veiller,
demander conseil, et ne pas vous fier à votre prudence : Ne innitaris
prudentise luse (Prov. in, 5). Vous défier toujours de votre faiblesse.
Mais
surtout il faut prier, car la lumière et la force viendront du ciel.
Vous ne pouvez rien sans la grâce, Notre-Seigneur lui-même a donné à ses
apôtres le grand conseil de la prudence parfaite dans ces deux mots :
Vigilateet orale... Veillez et priez, afin de ne pas succomber à la
tentation. N'allez pas au-devant du danger, car vous trouveriez la mort !
Pour
résumer et analyser toute cette méditation et en garder le souvenir
dans votre âme, vous penserez pendant ce jour à la parabole des Vierges
prudentes et des Vierges folles. Notre divin Maître n'a-t-il pas voulu
nous présenter dans cette histoire l'image du monde entier ?
Oui, sans doute... Seulement n'y a-t-il pas aujourd'hui bien plus d'âmes folles que d'âmes prudentes ?
Vous
gémirez sur le malheur de ces pauvres pécheurs qui restent dans
l'imprévoyance jusqu'au jour de la mort ; car il n'y aura pas moyen de
revenir. Vous examinerez si vous avez vous-même encore un peu d'huile
dans la lampe mystérieuse que nous devons tenir à la main, quand l'époux
viendra nous chercher. Mais soyez prêt, ne remettez pas même à demain,
puisque cette nuit vous pouvez être appelé ; pas d'imprudence ! Il faut
être prêt ; les vierges folles se préparaient, et la porte fut fermée
pour elles ; le céleste Époux refusa de les reconnaître : Clausa est
janua... Nescio vos (Math, xxv, 12).
Vous
terminerez l'exercice par une prière fervente à Marie, la Vierge
très-prudente, et à saint Joseph qui, par ses conseils, a été comme la
lumière de sa vie ; et vous demanderez à Dieu, par leur puissante
intercession, cette vertu de prudence qui vous portera non-seulement à
éviter le danger, en prenant toutes les précautions nécessaires, mais
qui vous engagera à travailler avec ardeur, pour vous amasser quelque
trésor au ciel et pour la vie éternelle.
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