Le mois de saint Joseph
11 mars
Source : Livre "Mois de Saint Joseph : composé de trois neuvaines et un triduum pour tous les jours du mois de mars" par Alexis Lefebvre
ONZIÈME JOUR
L'ESPÉRANCE
Le Seigneur est bon : heureux l'homme qui met en lui son espérance. (Ps. XXXIII, 9.)
Le
juste vit de la foi, et l'homme vit d'espérance ; aussi l'ennemi de
Dieu et l'ennemi de l'homme cherche-t-il avant tout à nous ravir ce bien
suprême qui nous rattache au ciel par l'ardeur des plus saints désirs,
et qui nous unit à Dieu par la foi et la charité même, car cette vertu
d'espérance tient à ses deux sœurs par des liens éternels ; la foi
n'étant après tout que la substance de ce que nous devons espérer et
posséder dans les siècles des siècles : fides est
sperandarumsubstantielrerum (Hebr. xi, 1).
Nous
pouvons assurer que l'espérance a été une des vertus caractéristiques
de saint Joseph, et l'on pourrait faire un beau panégyrique de ce grand
saint, en développant seulement cette proposition : Dieu a mis sa
confiance en Joseph, et Joseph a mis toute sa confiance en Dieu ; et
parcourant les principaux mystères de la vie mortelle de Notre-Seigneur
Jésus-Christ, et les relations de Joseph son père nourricier avec ce
Dieu homme jusqu'à sa mort, on ferait admirer les prodiges que cette
vertu a opérés en lui. Mais, pour ne rappeler ici qu'un seul mystère,
lisez le récit de la fuite de la Sainte Famille en Égypte, et vous
verrez s'il est possible à un homme de porter plus loin l'espérance...
C'est la perfection même de la confiance et de l'abandon.
Nous suivrons le plan ordinaire. I. Nous dirons ce que c'est que l'espérance. II. Nous verrons si nous en avons encore.
I.
L'espérance est un désir, une aspiration du cœur vers un bien qu'on
croit pouvoir atteindre, et posséder un jour ; un désir plein de
confiance : on pourrait même définir l'espérance en général : la foi du
désir.
L'espérance
chrétienne, la seule dont nous voulons parler ici, est une vertu qui
nous fait désirer, demander et attendre avec confiance le ciel, et les
grâces pour y arriver.
Mais
ici encore, pour bien comprendre la nature de cette vertu, nous allons
en méditer l'acte ou la formule telle que l'Église l'apprend à ses
enfants : Mon Dieu j'espère avec une ferme confiance que vous me
donnerez, etc. . où nous voyons : 1° L'objet, le terme du désir, ou ce
qu'on espère ; c'est la grâce de Dieu aujourd'hui, et demain, Dieu même
au ciel ; 2° le motif ou la raison, c'est encore Dieu, Dieu seul ; ses
attributs de puissance et de bonté ; 3° les conditions de notre part,
pour arriver à la possession de ce bien infini ; c'est la fidélité à la
loi, aux commandements du Seigneur.
—
Voilà donc l'espérance chrétienne, la vraie vertu d'espérance. Elle
exclut, d'une part, la présomption qui anéantirait les conditions des
divines promesses ; et, d'autre part, elle bannit les craintes, les
défiances les découragements, les désespoirs ; sentiments plus coupables
encore qui vont jusqu'à détruire les motifs de notre confiance, et
outragent par conséquent les plus beaux attributs du Seigneur, sa
puissance et sa bonté infinies.
Or,
si les actes de cette vertu glorifient Dieu, ils sont bien nécessaires à
la vie de l'homme. Le chrétien peut triompher de tout par la force et
la douceur de la sainte espérance.
Dans
l'ordre naturel même et le gouvernement du monde, l'espérance a une
force vive à laquelle rien ne saurait résister ; et tant qu'on espère,
on peut tout : le malade peut guérir, le soldat peut vaincre. C'est la
lumière et la vie du cœur, c'est la fleur des ruines, l'espérance !
Mais où est-elle, si ce n'est en Dieu seul ? Tu es, Domine, spes mea (Ps. xc, 9).
—
Jésus-Christ seul l'a donnée au monde ; toutes les autres religions
n'en ont pas même l'ombre, et c'est pour cela que celle de Jésus-Christ
seule est divine, car par cette vertu, elle prévient le mal suprême de
cette vie et le malheur éternel de l'autre : le désespoir dans le mal et
dans la haine. « Oui, elle est divine, ô mon fils, la religion qui a
fait de l'espérance une vertu. » Cette parole, inspirée par le Génie du
christianisme, a retenti dans tous les cœurs et les a consolés.
Rien,
absolument rien ne saurait ébranler l'espérance chrétienne ni diminuer
la confiance des enfants du ciel, parce qu'elle repose en Dieu seul, et
sur ses premiers et plus essentiels attributs, comme nous le dirons tout
à l'heure, dans l'examen pratique de cette vertu.
Nos
faiblesses et nos péchés ne doivent pas altérer en nous le sentiment
d'espérance, puisque même, dans ce cas, Dieu peut encore et veut
toujours nous sauver. Tant qu'il n'aura pas été dépouillé de sa
puissance et de sa miséricorde, nous pouvons, nous devons espérer en
lui, et tant que nous espérerons, il ne pourra nous laisser périr ; il
nous donnera le pardon, il nous donnera le ciel.
Méditez
plutôt ces paroles étonnantes de la sainte vérité... La miséricorde
prévient celui qui espère en Dieu : Qui sperat in Domino, miserieordia
prseveniet eum... La miséricorde le suivra : subsequetur... la
miséricorde l'environnera de toutes parts : circumdabit... la
miséricorde enfin reposera encore sur sa tête comme une couronne ! Qui
coronat te in misericordia... et elle ne s'écartera pas un instant, de
peur qu'il ne puisse échapper et périr... et non recedet... (Ps. xxn,
xxxi, Lvm, Lxxxv),... etc.
Peut-il
donc y avoir dans la vie du chrétien un jour où il cesse d'espérer,
quand il est sûr de sauver son âme et d'aller au ciel, tant qu'il espère
!
Mais,
hélas ! c'est précisément à cause des avantages immenses de cette
vertu, que l'ennemi de notre salut s'efforce de nous la ravir, et il le
fait avec tant de perfidie, qu'il y en a bien peu qui résistent et qui
sachent garder l'espérance dans leur cœur.
Nous en serons convaincus si nous voulons examiner notre âme avec attention, dans la seconde partie de cet exercice.
II. Ubi est spes tua? (Tob. vi, 2) : Où en est donc votre espérance ? qu'est-elle devenue ?
—
Ah ! si je pouvais sauver quelques âmes et les empêcher d'être
précipitées dans l'abîme du désespoir, en leur montrant comment leur
ennemi s'efforce de les entraîner ! que je serais heureux ! c'est la
grâce que je demande en ce moment au bon saint Joseph pour tous ceux
qui, un jour, liront cette page.
Mais
imaginezvous que le démon perfide a quelquefois ravi aux enfants de
Dieu ce précieux trésor de l'espérance, avant même qu'ils se soient
aperçus de ses attaques.
Ce n'est presque jamais directement que ce cruel parvient à ce but horrible, mais par la ruse et le mensonge.
Il
ne nous arrache pas l'espérance du cœur ; mais, si je puis me servir de
cette expression, il la soutire et l'enlève ; on ne s'en aperçoit que
quand on n'en a vraiment plus !... Le perfide réussit presque tou jours à
jeter, même les élus, dans une sorte d'hérésie pratique sur ce point,
et dans la plus fatale des erreurs. Il finit par leur faire croire
qu'ils ont commis trop de péchés pour être jamais sauvés.
Or
voici comme il procède ordinairement. Il commence par la tristesse, qui
seule a suffi pour tuer bien des âmes : multos occidit trislitia (Eccl.
xxx, 27). Puis il abat, il décourage par de vains prétextes et des
craintes exagérées de la justice céleste, et, de là au désespoir même,
il n'y a qu'un pas ! Il nous persuade bientôt que Dieu ne nous aime
plus, parce que nous l'avons offensé. Mais c'est évidemment un mensonge
de l'enfer, et, si vous vous obstinez à le croire, si vous le répétez
sans cesse, je vous assure que c'est une hérésie véritable.
Ah
! si vous disiez que Dieu n'aime pas le péché, à la bonne heure ! Non,
certes, il ne l'aime pas, il le hait souverainement, il doit le haïr
toujours ; mais le pécheur, le pauvre pécheur, son enfant, il l'aime, il
ne peut s'empêcher de l'aimer, il ne veut pas sa mort ! C'est comme une
mère, elle n'aime pas la boue dans laquelle son enfant est tombé, non,
mais elle aime bien son enfant qui est tombé dans la boue, et, si ce
pauvre enfant crie et pleure en tombant, fût-ce même par sa faute,
est-ce qu'elle viendra pour l'écraser et le tuer ? Non, mille fois non !
elle accourt tout inquiète d'amour, elle le relève, elle essuie ses
larmes et le sang qui coule, elle le presse sur son cœur, elle paraît
l'aimer encore plus, parce qu'il pleure et qu'il souffre ! Et je vous
dis que plus un pécheur est coupable, plus le Seigneur aura pitié de lui
! Plus cet enfant est malheureux, plus il est aimé ; et s'il espère, il
est sauvé.
N'est-ce pas ce qu'il a voulu nous révéler par ces belles paraboles :
— du Bon Pasteur, qui court après sa brebis, et qui, triomphant d'amour, la rapporte au bercail ?
— et de l'Enfant prodigue, à qui son père pardonne aussitôt, et qu'il presse sur son cœur ?
N'est-ce
pas ce que le roi David a voulu exprimer par un des plus beaux textes
de ses prières sublimes : 0 mon Dieu, vous aurez pitié de moi, vous me
pardonnerez, car j'ai beaucoup péché... Propitiaberis peccato meo, multum estenim(?s. xxiv,
11) ; comme s'il disait qu'il est plus digne de la miséricorde, parce
qu'il est plus coupable, et qu'il espère, parce qu'il a été plus ingrat.
Voilà
pourtant la vérité, la parole de la foi. Mais le malheur, je le répète,
c'est que l'enfer nous attaque avec tant de perfidie, qu'on ne
s'aperçoit presque pas des ravages qu'il fait dans les âmes. Il y a peu
de chrétiens qui combattent pour conserver leur espérance ; c'est à
peine s'il y en a qui s'accusent de l'avoir perdue !Et vous qui lisez ces pages, rentrez ici en vous-même, et voyez donc si vous en avez encore un peu. Croyez-vous que Dieu vous a pardonné le passé d'abord, tout le passé ? Et pourquoi donc ces retours continuels, ces défiances et ces craintes ? Vous voulez avoir plus de mémoire que Dieu, qui a oublié tout cela !
— Aujourd'hui même comptez-vous sur la grâce du ciel, grâce qui vous est nécessaire dans l'épreuve ? Et pourquoi donc ce trouble et ces vaines inquiétudes ?
— Et pour demain, espérez-vous vraiment d'aller au ciel ? avez-vous cette confiance ? et pourquoi donc alors ces tristesses de cœur et ces découragements continuels ?
Je
connais des chrétiens, de bons chrétiens pourtant, mais hélas ! trop
souvent abattus et trompés par le démon de la défiance, qui disent comme
le malheureux Luther : Beau ciel ! je ne te verrai pas !... je ne te
verrai jamais !
—
Et il y a cependant une belle place pour eux au ciel ; ils iront
certainement, car le bon Dieu ne permettra pas qu'ils soient trompés
jusqu'à la fin par l'ennemi de sa gloire et de leur bonheur. Ils
retrouveront de l'espérance un jour et leur pardon.
Mais
qu'ils se hâtent de prier, qu'ils ne cessent d'implorer la miséricorde
qu'ils ont indignement blessée par ces sentiments de désespoir ; qu'ils
invoquent avec ferveur le secours de Marie immaculée, mère de la sainte
espérance, et la protection de saint Joseph, le plus touchant modèle de
cette douce vertu, et qu'ils espèrent enfin contre toute espérance :
contra spem, in spem (Rom., iv, 18).
Terminons
par une prière de toute confiance à Jésus, Marie, Joseph. Ego autem
semper sperabo (Ps. Lxx, 14) : Oui, Seigneur, j'espérerai toujours et
j'espérerai tout de votre miséricorde ; je veux espérer jusqu'à
l'abandon, et je ne serai pas confondu : In te, Domine, speravi, non
confundar in seternum (Ps. xxx, 2).
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