Le mois de novembre consacré
au souvenir des âmes du purgatoire
25 novembre
Source : Livre "Le mois de novembre consacré au souvenir des âmes du purgatoire"
25ème jour
La pensée du purgatoire nous instruit
sur la grièveté du péché véniel.
La pensée du purgatoire doit
nous préserver d'une erreur bien commune parmi les chrétiens, et
cependant bien funeste et très-souvent la cause de la damnation
éternelle. Cette erreur consiste à n'attacher pour ainsi dire aucune
importance, ou du moins très-peu
d'importance, aux fautes légères, au péché véniel. On traite de
bagatelle ce qui cependant est une offense de Dieu aussi bien que le péché
mortel, quoique moindre ; et ce qui convient au péché mortel lui
convient aussi, mais d'une autre manière. Nous ne nous étendrons pas ici
pour prouver que souvent le peché, que nous appelons véniel, est mortel, puisque ce qui fait la différence du mortel et du véniel, en beaucoup d'occasions, c'est le plus ou moins de matière, l'attention et la connaissance plus ou moins grande, le consentement plus ou moins parfait. Supposons qu'en effet tous les péchés que
nous commettons soient véniels : est-ce une raison d'être parfaitement
tranquille et de dire : Ce n'est rien, c'est une petite faute que Dieu
pardonne aisément ? Chrétiens, qui tenez ce langage, je vous demanderai
d'abord : Croyez-vous encore à l'Évangile ? hé bien ! qu'y lisez-vous
? Celui qui méprise les petites fautes, dit le Sauveur, tombera peu à peu dans les grandes. Remarquez
qu'il ne dit pas celui qui les commet par hasard et par fragilité,
aucun saint n'est exempt de ces fautes ;
mais celui qui les méprise, c'est-à-dire celui qui les commet par
principe et par habitude. Vous ne connaissez donc point ces deux autres
textes de l'Ecriture sainte : Dieu a en horreur le pécheur et son péché. — Abstenez-vous de tout ce qui a l'apparence de péché. Ces
dernières paroles de l'apôtre saint Paul sont remarquables ; il veut
que nous évitions jusqu'à l'apparence du mal
; il n'est pas question pour lui de distinguer entre les grandes et les
petites offenses : il sait, et nous devons tous savoir, qu'il n'y a
rien de petit dans ce qui a rapport à un Dieu, si grand et si parfait,
et dans ce qui peut lui plaire, ou lui déplaire. Le premier et le plus grand de tous les préceptes est celui d'aimer Dieu. Or, est-il croyable
qu'on ait beaucoup d'amour pour Dieu, quand on consent librement à
l'offenser ? quelque légères qu'on suppose ces offenses, sont-elles
compatibles avec une sincère tendresse, avec un attachement réel ?
Non-seulement ce n'est pas avoir pour Dieu l'amour qu'il mérite que de
se permettre, de propos délibéré, une multitude de fautes, sous prétexte
qu'elles sont vénielles, ou réputées légères ; c'est de plus manquer au
respect qui lui est dû, et se rendre digne du même
reproche qu'il faisait autrefois au peuple d'Israël par un de ses
Prophètes : « Vous m'appelez tous les jours votre père, votre maître :
où est donc le respect, la crainte filiale que le titre
de père exige ? où est donc la soumission, l'obéissance entière et
parfaite qu'un maître a droit d'attendre de ses serviteurs ? »
Mais ne combattons aujourd'hui cette erreur que par la vue du purgatoire.
Nous y distinguons deux sortes d'habitants : les uns, après avoir péché mortellement dans le cours de leur vie, se sont convertis et ont reçu la grâce de la justification ou dans le sacrement de Pénitence, ou par la contrition parfaite avec le désir du Sacrement.
La peine éternelle leur a été remise, mais ils n'ont pas expié la peine
temporelle due à leurs péchés ; ils l'expient dans le purgatoire. Les autres expient des péchés
véniels non effacés, ou la peine temporelle due à ces péchés. Oh ! qui
pourrait comprendre les tourments qu'ils endurent ! Les saints Pères ne
sont-ils pas d'avis qu'il vaudrait mieux souffrir les plus cruelles
maladies, les douleurs les plus aiguës pendant des siècles que de passer un jour en purgatoire ? Et vous oseriez dire que le péché véniel est peu de chose ! Les peines du purgatoire nous prouvent au contraire le fondement de l'opinion des théologiens qui trouvent, jusqu'à un certain point, dans le péché véniel, les deux caractères d'insolence et d'ingratitude qu'on remarque dans le péché
mortel. De là l'embarras d'expliquer la différence qu'il y a entre l'un
et l'autre. En effet, il semblerait d'abord que toute offense de Dieu,
toute désobéissance à ses lois devrait exciter sa colère, son
indignation, sa haine et, par conséquent, être mortelle de sa nature.
Ainsi la raison, guidée par les lumières de la foi, nous porterait
plutôt à augmenter l'énormité du péché véniel, qu'à la diminuer ; et le purgatoire, en nous découvrant les supplices réservés au péché véniel, nous apprend qu'ils ne diffèrent des supplices
de l'enfer, réservés au péché mortel, que par leur durée.
Écouterons-nous donc encore notre amour-propre, qui voudrait nous
persuader que le péché véniel n'est rien d'important, et que Dieu ne peut, ni ne doit s'en tenir offensé ?
La vue du purgatoire ne nous prouvet-elle pas d'une manière certaine que le plus léger des péchés
renferme toujours un fond de malignité très-odieux en lui-même ; odieux
à un tel degré que toutes les bonnes œuvres de l'âme qui l'a commis,
que dis-je ? que toutes les bonnes œuvres que pourraient faire toutes
les créatures, ne plairaient pas tant à Dieu, ne le glorifieraient pas tant que ce seul péché véniel lui déplaît et le déshonore : tellement odieux que s'il ne fallait qu'un péché véniel, fût-ce le plus
léger, pour tirer de l'enfer tous les démons et tous les damnés, il
faudrait les abandonner à leur malheureux sort, plutôt que de commettre
un simple péché véniel. Voilà ce que tous les Saints ont pensé et
enseigné. Aussi avec quelle douleur, avec quelles larmes abondantes ne
s'accusaient-ils pas dans le sacré tribunal de la réconciliation, même des fautes
les plus légères, échappées à la fragilité humaine ! Ayant sous les
yeux la satisfaction exigée par la justice divine dans le purgatoire, avec quelle rigueur ne se punissaient-ils pas des plus
petites fautes ! Ils auraient mieux aimé souffrir toutes les
humiliations, tous les outrages, tous les supplices imaginables, que de
commettre, de propos délibéré, le moindre
péché véniel. C'est qu'ils savaient combien il déplaît à Dieu, combien
il s'en tient offensé ! Et peut-on douter, en effet, de l'énormité du péché véniel aux yeux de Dieu, non-seulement lorsqu'on promène des regards attentifs sur les supplices du purgatoire,
mais même lorsqu'on réfléchit sur la manière terrible dont il l'a si
souvent puni ? Les saints Livres nous offrent mille exemples de la
vengeance éclatante que le Seigneur a tirée des fautes
les plus dignes de pardon en apparence. Citons-en quelques-uns ; ils
sont propres à détruire en nous toute espèce de doute, d'incrédulité sur
la peine due à ce que nous appelons faute légère, notre esprit ne
pouvant comprendre l'infinie justice du Dieu trois fois saint. Méditons ces divers traits et tremblons. Un Israélite est surpris ramassant un peu de bois le jour du sabbat. Ce péché nous paraît sans doute bien léger. On consulte le Seigneur ; il ordonne que ce malheureux soit lapidé.
Osa, voyant l'arche du Seigneur
au moment d'être renversée, y porte la main pour la soutenir. Nous
serions tentés de louer son zèle ; mais ce zèle paraît au Seigneur,
indiscret ou trop peu respectueux : il frappe Osa, et l'étend mort au
pied de l'arche sainte.
Les Philistins renvoient cette même arche du Seigneur aux Israélites, à qui ils l'avaient enlevée. Dès qu'elle arrive au pays des Bethsamites, ce bon peuple, ravi de revoir le gage précieux de la protection du Seigneur,
se livre au plaisir de la contempler. Cette joie ne semble-t-elle pas
juste ? Ne provenait-elle pas d'un principe louable ? On peut, il est
vrai, reprocher aux Bethsamites une curiosité trop libre et trop hardie ;
c'en est assez : l'arrêt de mort est prononcé et exécuté contre une
grande partie du peuple et des chefs.
Ezéchias reçoit une ambassade du roi
de Babylone. Pour témoigner aux envoyés sa satisfaction et leur faire
honneur, il leur montre tous ses trésors. Il est probable qu'il entra un
peu d'ostentation, ou de vaine complaisance dans cette action ; que
l'œil de Dieu, auquel rien n'échappe des plus
secrètes pensées, aperçut ici quelque tache d'amour-propre. Mais qui
de nous se croirait fort coupable, s'il était tombé en pareille faute ? Cependant Dieu lui envoie le prophète Isaïe pour lui déclarer, de sa part, que tous les trésors qu'il vient d'exposer aux regards des ambassadeurs étrangers, seront transportés dans leur ville ; et que ses propres enfants deviendront les esclaves du tyran de Babylone.
Un prophète ayant reçu ordre du Seigneur
de faire sa route sans se détourner ni s'arrêter nulle part, est
engagé, chemin faisant, par un autre prophète, à prendre chez lui
quelque nourriture. Celui-ci feint qu'un Ange lui a donné commission de
l'inviter et de le conduire dans sa
maison. Trompé par ce discours non suspect, il se rend à l'invitation.
Qui ne croirait que Dieu lui pardonnera une désobéissance presque
involontaire ? Écoutez-en la punition : à peine s'est-il remis en route
qu'un lion sort de la forêt et l'étrangle.
Des enfants rencontrent le prophète Elisée, dont le front chauve les frappe ; ils crient après lui et l'insultent. Ce sont des enfants,
et il semble que l'âge doit excuser ou diminuer leur faute. Cependant
deux ours fondent sur eux tout à coup et en dévorent quarante-deux.
Tels sont quelques-uns des exemples rapportés par l'Écriture sainte : peuvent-ils nous laisser le moindre doute sur la sévérité avec laquelle Dieu punit le péché véniel ? Et, s'il ne le punit pas en cette vie, ne le fera-t-il
pas dans l'autre ? Remarquez que ces exemples visibles de la justice
divine n'ont eu lieu que pour un seul péché véniel ; qu'en sera-t-il
donc de la punition de ces péchés que nous multiplions pour ainsi dire à
l'infini ? Ne devons-nous pas dire, avec l'Évangile
: Si on traite ainsi le bois vert, que fera-t-on du bois sec ? Descendez un instant en esprit dans le lieu d'expiation, dans le purgatoire ; et demandez à ces âmes,
qui sur la terre méprisaient ces petites fautes, ce qu'elles souffrent
dans les flammes expiatrices et qu'elles souffriront peut-être encore
longtemps pour ces prétendus riens, qu'elles reconnaissent, mais hélas !
trop tard, avoir été autant d'offenses contre Dieu, dont la justice
exige une sévère satisfaction.
RÉSOLUTION.
Il n'est pas trop tard pour nous de réfléchir sur la grièveté du moindre péché.
En nous faisant un devoir de secourir les âmes du purgatoire, le premier fruit de cette dévotion sera de nous instruire sur l'offense que nous faisons à Dieu en commettant la plus petite faute.
En conséquence nous regarderons le péché le plus léger comme un très-grand mal, et nous l'éviterons avec le plus grand soin.
"Celui qui craint Dieu, ne néglige rien." (Eccl.)
"Peut-on appeler léger, un péché qu'on ne peut commettre sans quelque mépris de Dieu." (S. Eucher.)
PRIÈRE.
Vierge
sainte, conçue sans péché, c'est à vos pieds que je me jette
aujourd'hui : je compte avec confiance sur votre protection pour obtenir
la grâce de concevoir la plus grande horreur du péché ;
qu'en méditant sans cesse la manière terrible dont Dieu le punit dans le purgatoire, j'en reconnaisse la grièveté, et que je l'évite avec le plus grand soin.
O Marie ! ô ma mère ! protégez-moi et secourez les âmes du purgatoire.
Ainsi soit-il.
Indulgence applicable aux morts. —
100 jours d'indulgence, une fois par jour, et trois fois les Jeudis et
tous les jours de l'octave de la Fête-Dieu, pour ceux qui récitent avec
dévotion et un cœur contrit l'oraison jaculatoire suivante, en
l'honneur du Saint Sacrement.
Que le très-saint et très-divin Sacrement soit loué et béni dans tous les moments.
Indulgence plénière pour ceux qui l'auront récitée chaque jour pendant un mois, le jour, à leur choix, où , s'étant confessés et ayant communié, ils prieront pour les besoins de l'Église.
Enfin
100 jours pour ceux qui la réciteront à l'élévation de la sainte messe à
laquelle on assiste ; ou au son de la cloche qui indique que l'on donne
la bénédiction du saint Sacrement dans quelque église.
(Rescrits du 24 Mai 1776. — 30 Juin 1818. — 7 Décembre 1819.)
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