Le mois de Marie l'Immaculée Conception
5 décembre
Source : Livre "Le mois de Marie de l'Immaculée conception" par A. Gratry
Ve MÉDITATION.
Secours des Chrétiens, priez pour nous !
Secours des chrétiens, priez pour nous ! Priez afin que les peuples chrétiens arrivent à leur destinée sur la terre !
L'humanité
n'a pas, plus que chaque homme, une destinée fatale, inévitable, dans
la sphère du bien et du mal. L'humanité est libre, elle peut choisir. Le
genre humain finira bien ou mal, comme il voudra. Il en est du monde
comme d'un homme. Tel homme passe des grâces et de la pureté de
l'enfance au feu d'une jeunesse dévorante, et il y brûle ses germes, dit
la sainte Écriture (job, XXXI, 12) ; puis il va de là s'endurcir dans
l'ambition et l'avidité de l'âge mûr, et puis s'éteindre dans les
ténèbres morales de l'égoïsme, dans une triste et vicieuse vieillesse.
Tel autre passe de l'âge simple et calme à l'ardeur vivifiante d'une
jeunesse pure et généreuse ; de là au travail fort d'une virilité
dévouée, et se repose ensuite, jusqu'à l'heure du départ, dans les beaux
jours d'automne d'une vieillesse digne et pleine : il finit, comme un
sage, dans la bonté, l'amour et la piété.
Le
genre humain, sur la terre, peut choisir entre ces deux voies. Le monde
peut finir comme un sage ou comme un insensé, comme un saint ou comme
un méchant : il finira comme il voudra.
Il
y a un plan idéal de l'histoire qui serait le meilleur, un plan que
Dieu préfère, mais que l'homme, par sa désobéissance, peut changer, de
même qu'il y a en Dieu tout le plan idéal de la vie de chaque homme.
Mais peu d'hommes accomplissent le plan de la céleste vocation. Il va,
dans ce plan divin, une suite de jours, de periodes et de progrès que
Dieu voudrait ; mais nous entendons l'Écriture sainte nous dire : «Les
hommes de mensonge et de sang ne remplissent pas la moitié de leurs
jours. » Ainsi du genre humain entier. Peut-être s'obstinera-t-il dans
la perversité, dans la chair et le sang ; le monde finira mal, et ne remplira pas la seconde moitié de l'histoire selon le plan que Dieu eût préféré.
De
même qu'il y a pour chaque homme un âge critique, au milieu de sa
virilité, de même il y a pour le monde un âge critique, au milieu de
l'histoire. « Au milieu de mes jours, dit le Prophète, je touche aux
portes de l'enfer » (Is., XXXVIII,10) « O Dieu, je suis votre œuvre
au milieu de mes années, vivifiez-moi » (habac, III, l). Telle est la
prière que le monde, aussi bien que chaque homme, doit adresser à Dieu
par celle qui est le secours des chrétiens, si nous voulons finir, sur
cette terre, par une récolte, et non par la stérilité.
Et
qu'est-ce que la grande crise au milieu de laquelle est aujourd'hui le
monde ? L'humanité a été préparée, ensemencée, pendant soixante siècles
bientôt, et maintenant ne serait-ce pas le temps de la moisson humaine,
visible sur la terre ? C'est là, peut-être, la question proposée, en ce
temps même où nous vivons, au choix du genre humain.
Assurément
les plus grandes paroles qui aient été prononcées sur le monde, paroles
que le Sauveur a dictées mot à mot, et qui sont et doivent être la
prière incessante de tout homme qui n'est pas insensé, les voici : «
Notre Père, qui êtes aux cieux, que votre règne arrive, que votre
volonté soit faite en la terre comme au ciel. » Qu'est ce à dire ?
C'est-à-dire qu'il est un règne de Dieu sur terre, pour la venue duquel
il faut prier ; un règne que la perversité humaine peut retarder ou
empêcher, et dans chaque âme, et dans le monde ; un règne qui est la
volonté de Dieu accomplie sur la terre comme elle est accomplie au ciel.
Il
est possible que tout dépende du choix libre du siècle même où nous
vivons. Si les hommes, en ce siècle, se partagent plus décidément pour
Dieu et contre Dieu ; si un trop grand nombre d'esprits s'enracinent
dans la haine et l'incrédulité ; si les chrétiens restent dans la
tiédeur, la faiblesse, et trop souvent dans le péché ; s'ils ne se
relèvent puissamment par quelque grand acte de foi, par quelque généreux
élan vers la lumière, par de plus fortes
habitudes d'espérance et de charité, il est possible que ces années
d'épreuve et de grâce soient les dernières, que le monde finisse mal,
et, par une rapide décadence, aille à la mort, avant que le règne de
Dieu n'ait grandi sur la terre et n'y ait vu mûrir ses fruits. Et qui
donc serait cause de cette mort prématurée du monde, si ce n'est l'homme
? Et qui peut la prévenir, si ce n'est l'homme, en répondant aux grâces
de Dieu ? Car la grâce de Dieu surabonde, mais notre coopération fait
défaut. La vie est donc entre nos mains : la voulons-nous ? Dieu s'est
donné, le saurons-nous recevoir ? S'il est un point unique sur lequel
doive porter tout l'effort du monde et de l'homme, c'est celui--ci :
recevoir Dieu, accueillir le Sauveur, et concevoir la grâce ou offerte
ou donnée. Mais ceci a déjà été fait par un enfant de l'humanité, la
Vierge Marie, Mère de Dieu, Mère de la Grâce, Mère du Sauveur. Par son
consentement libre Dieu est né dans le monde et s'est fait l'un de nous ;
par son consentement libre Jésus a été offert pour le salut du monde.
Que faut-il donc ? Il faut que le monde
et chaque âme sache s'unir à la Coopératrice de la Rédemption, à celle
qui est le Secours des chrétiens, et la prenne pour modèle, pour guide,
pour reine, pour mère, afin de recevoir, avec elle et comme elle, le
Rédempteur, et d'établir son règne en la terre comme au ciel.
Que
ceux d'entre nos frères séparés qui ne comprennent pas assez ce qu'est
la Vierge et ce qu'elle signifie, et pourquoi l'Église catholique lui
adresse un culte d'amour toujours croissant, veuillent bien entendre
qu'elle est la libre coopératrice du salut, et qu'elle représente, avec
et après Jésus-Christ, la libre coopération de l'homme à Dieu. Elle, qui
a reçu Dieu pleinement, qui a toujours obéi, agi, souffert librement,
sciemment, parfaitement, pour le salut du monde, elle représente
l'effort humain dans l'œuvre du salut de l'homme. Elle représente la
raison et la liberté en présence de Dieu, prévenues et aidées de Dieu,
et disant à Dieu : « Me voici ! » Jésus-Christ, c'est l'Homme-Dieu ;
mais Marie, c'est l'humanité pure et simple en face de Dieu et de son
Christ, et voulant Dieu de toute sa force, de toute son âme et de tout
son esprit.
Donc,
s'il y a dans la religion un point d'où tout dépende, après
l'Homme-Dieu, c'est la Vierge et son culte réel ; car, Dieu voulant se
donner, c'est elle qui a voulu le recevoir ; et, Jésus-Christ voulant
continuer à se donner, c'est par la Vierge, par son culte, par son idée,
par son imitation, par son intercession, que nous voudrons aussi le
recevoir et accepter son règne. La Rédemption est faite, il la faut
appliquer. Donc, si le progrès du royaume de Dieu sur la terre est en
question, c'est surtout de notre côté. Il s'agit de savoir ce que sera
notre courage, notre ardeur, notre fidélité à suivre la Reine des
hommes, mère de la Grâce, coopératrice du salut et secours des
chrétiens. Si donc, parmi les divers caractères de la piété chrétienne,
il en est un plus efficace, plus fort, plus glorieux, plus noble, plus
viril que les autres, plus digne de l'homme dans la plénitude de sa
force, de sa raison et sa liberté, c'est celui qui s'attache le plus à
l'esprit de la Vierge, à la pratique de cet esprit,
lequel consiste à vouloir aider Dieu à force d'obéissance, de travail,
de courage, de sacrifices, afin de mériter l'accroissement de son règne
en nous et hors de nous.
Je
veux donc, ô mon Dieu, me livrer à ce pur esprit virginal, qui seul
sait vous concevoir et rendre l'âme divinement féconde. Je veux, comme
la Mère de la Grâce, aider Dieu. Je veux, afin d'imiter Jésus-Christ et
d'être aussi sa mère, coopérer, par le travail et par le sacrifice, à
mon salut et à celui dn monde, et, comme l'Écriture sainte le dit des
Machabées, qui, dans le saint enthousiasme de leur courage, ne voulurent
pas se sauver seuls, mais entreprirent de sauver le plus grand nombre
de leurs frères, je veux ne jamais oublier que l'humanité a besoin des
efforts de tous ses enfants, que l'extension du royaume de Dieu sur la
terre peut être arrêtée par mes crimes, et que, si l'issue de la lutte,
en ces années critiques du monde, est incertaine, chacun de nous peut quelque chose pour la défaite ou la victoire.
O
Marie, Reine des hommes, vous par qui Dieu est entré sur la terre, y a
pris corps ; vous que Dieu a créée sans tache afin que vous puissiez
répandre sur le monde la Lumière éternelle ; vous que Dieu a rendue
féconde eu vous préservant du péché ; vous que Dieu même a faite sa
coopératrice en vous maintenant absolument immaculée ; vous qui êtes,
avec l'humanité de Jésus-Christ, le côté humain du salut, parce que vous
avez dit : « Voici la servante du Seigneur, « qu'il me soit fait
suivant sa volonté ; » ô Reine du genre humain, Mère de la divine Grâce
et Secours des chrétiens, si nous sommes au milieu de la crise qui doit
juger et décider les destinées de l'humanité sur la terre, c'est
maintenant qu'il faut paraître et déployer toute la puissance que Dieu
vous a donnée.
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire