Le mois de Marie l'Immaculée Conception
4 décembre
Source : Livre "Le mois de Marie de l'Immaculée conception" par A. Gratry
IVe MÉDITATION.
Mère de la divine grâce, priez pour nous !
Mère
de la divine grâce, priez pour nous ! Vous qui avez reçu toute grâce,
qui en avez conçu dans votre sein le principe et la source, et qui en
contenez en vous la plénitude pour la transmettre, ô Mère de grâce,
obtenez-nous de comprendre le mérite de votre maternité ; obtenez-nous
de l'imiter, afin que la grâce de Dieu ne tombe plus en vain sur nos
âmes et sur le monde, afin que nous cessions d'en repousser la
fécondité, comme les glaciers ou les déserts de sable repoussent la
fécondité du soleil.
Celui
qui fait la volonté de mon Père, dit le Sauveur, celui-là est mon
frère, ma sœur et ma Mère. Telle est la condition de la divine maternité
de l'âme à l'égard de la grâce, et la Vierge unique, qui a toujours
accompli parfaitement la volonté de Dieu, a mérité pour cela d'en
concevoir la plénitude, le principe et la source. Elle a été obéissante,
depuis le premier instant de sa vie, à toutes les inspirations de la
grâce les plus secrètes et les plus délicates. Elle a été obéissante,
pendant tout le cours de sa vie, en ne cessant de veiller, comme la plus
admirable des mères, sur le Sauveur enfant. Enfin elle a été
obéissante, on peut le dire, jusqu'à la mort, et jusqu'à la mort de la
croix, parce qu'elle a souffert, en présence de son Fils crucifie, tout
ce qu'il a souffert lui-même, et qu'elle a voulu avec Dieu toutes ces
souffrances, les siennes et celles du Christ.
Oui,
pour ce qui est de la grâce en elle-même, Dieu la donne et la répand,
comme son soleil, sur les bons et sur les méchants ; mais les bons
obéissent et agissent en vertu de la grâce, et leurs âmes prennent
quelques-uns des caractères de la divine maternité, pour concevoir et
développer la grâce ; les autres demeurent stériles.
C'est
toute la vie chrétienne et toute la question des progrès de chaque âme
et du monde. Dieu commence ; mais l'homme doit suivre et obéir, agir,
souffrir, pour mériter en quelque chose d'entrer dans la sainte
maternité de la grâce.
Dans
l'histoire de la vie des âmes, les premiers temps sont les temps des
miracles et des grandes joies ; les derniers temps doivent être ceux des
fortes et austères vertus. Les premiers temps sont ceux de la vie
mercenaire où Dieu donne tout, où l'homme rend peu ; les derniers temps
sont ceux de la vie sacrifiée, où l'homme, plus avancé, cherche à rendre
à Dieu davantage. L'âme qui ne veut connaître que le temps des miracles
et des joies est une âme qui ne persévère point et qui n'avance jamais.
Il
semble que d'abord, quand une âme est née à la grâce, Dieu se charge de
la porter comme une mère son enfant nouveau-né ; il fait lui-même pour
elle ses mouvements, remplit sa jeunesse d'une sainte joie et d'une
surabondance de forces. Mais l'homme, comme l'enfant prodigue, épuise vite
ce trésor, qui va toujours en décroissant jusqu'à je ne sais quelle
époque fatale de tiédeur et de relâchement ; et, au moment où l'homme
doit commencer à rendre compte, à agir par lui-même, à marcher, comme un
enfant qui sait enfin marcher, à revenir à Dieu par sa volonté libre et
à travers le sacrifice, c'est alors qu'il commence à sentir sa
faiblesse, sa pauvreté, son impuissance dans la lutte et en face du
péché. C'est alors que les âmes qui paraissaient données à Dieu, mais
qui, au milieu de ses grâces incessantes, vivaient encore dans la chair
et le sang, et qui ne cherchaient Dieu qu'avec réserve et avec ruse,
c'est alors que ces âmes tombent tout à fait, et, par une catastrophe
épouvantable, après avoir paru s'élever jusqu'au ciel, roulent dans la
fange terrestre comme Salomon, et finissent par la chair, selon la
parole de saint Paul, après avoir commencé par l'esprit (galat.,III, 3).
C'est ce que dit l'Écriture sainte : « Les hommes de sang et de ruse ne
traverseront pas la moitié de leurs jours» (Ps., LIV, 24). C'est-à-dire
que, souvent, après un printemps magnifique, chargé de fleurs et
de promesses, l'âme n'arrive pas à la saison féconde où elle devait
porter son fruit et donner à Dieu sa moisson. Sous ces promesses, et à
la racine de ces arbres chargés de fleurs, les vers poursuivaient leur
travail ; d'invisibles légions d'insectes se mêlaient aux fleurs et aux
germes ; les orages terrestres brisaient, abattaient, foudroyaient
l'espérance de l'année, et l'année, après avoir été comblée dans son
printemps des plus riches dons du Ciel, finit dans la stérilité.
Ainsi
le foyer de concupiscence, d'orgueil, de sensualité, que nous apportons
en naissant, poursuit son œuvre, souvent au milieu des plus admirables
dons de la grâce et des plus fortes inspirations de Dieu ; et si
l'homme, par la plus sévère vigilance, la plus prudente et la plus
humble obéissance, la lutte violente, le sacrifice sanglant qui donne à
Dieu comme Dieu se donne ; si l'homme, en proportion de la grandeur des
dons reçus, ne veut pas à son tour se donner, se sacrifier et
s'humilier, l'âme aussi aura ses foudroyants orages et ses feux
dévorants, ses lèpres cachées, ses légions
d'ennemis invisibles, qui sauront la ruiner tout entière à mesure
qu'elle ira dans la vie, et l'amener stérile et vide au tribunal de
Dieu.
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vous, Mère de la grâce et Mère des âmes, en qui nulle concupiscence n'a
jamais pu se développer et n'a jamais eu sa racine, priez pour nous, et
protégez nos âmes contre l'affreuse malédiction de la stérilité finale.
Vous, parfaite coopératrice à toute grâce, faites que l'effort de
l'homme réponde, selon notre faiblesse, à l'effort de Dieu pour nous
sauver ; faites que le côté humain du salut ne manque pas au côté divin,
et que, quand le temps vient pour une âme d'agir avec Dieu, après Dieu,
de lui répondre, de lui rendre, et de porter les fruits qu'il a semés
et qu'il a vivifiés, l'âme soit trouvée féconde et ne soit pas maudite
comme le figuier stérile où Jésus a cherché des fruits sans en trouver.
Pour
moi, ô Mère de grâce, je veux commencer maintenant à agir et à souffrir
pour échapper à la malédiction de la stérilité finale. Je comprends
enfin que Dieu m'excite en tout temps par sa grâce et cherche à me tirer
de mon sommeil et de ma léthargie. Que de fois il m'a dit comme au
paralytique : « Levez-vous et marchez ! » Mais je n'ai pas marché.
Chaque jour il cherche à me tirer de mon sommeil, mais je continue à
dormir. De même que, chaque matin, le père du monde éveille les hommes,
les tire du sommeil corporel, et leur ordonne de se lever pour commencer
l'œuvre du jour, de même pour la vie de mon âme : « Veillez et priez ;
levez-vous et marchez ; prenez la croix et suivez-moi ; » telles sont
les paroles que j'entends. C'est la voix de Celui que saint Augustin
nomme « Père du réveil. » Mais qui s'éveille à la vie véritable et qui
se donne à la divine activité ? Qui sait marcher avec persévérance ? Qui
veut porter sa croix ? Je le veux aujourd'hui, ô Mère de grâce ! J'ai
assez longtemps hésité, et je me suis assez longtemps roulé dans mon
sommeil. L'heure s'avance ! Le jour que Dieu me donne à passer sur cette terre serait perdu si je ne me levais maintenant.
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