Le mois de Marie de l'Immaculée conception 13 décembre

Le mois de Marie de l'Immaculée conception
13 décembre

Le mois de Marie de l'Immaculée conception 13 décembre

Source : Livre "Le mois de Marie de l'Immaculée conception" par A. Gratry

XIIIe MÉDITATION. 

Reine du siècle, priez pour nous !
Reine du siècle, aidez-nous à poursuivre encore cette belle et fondamentale méditation.
Reine du siècle, priez pour le progrès du règne de Dieu sur terre.
« Notre terre a donné son fruit, » dit le texte sacré. Et ce fruit, comme l'entend l'Église, c'est le Verbe incarné. Cette terre, qui produisait des ronces et des épines, a produit le plus divin Fruit qu'il soit possible à Dieu lui-même de tirer de son œuvre, le Fruit parfait et accompli, le Fruit céleste, éternel, d'une valeur infinie, l'Homme Dieu !
Priez donc, ô sainte Mère de Dieu, pour cette terre qui a donné son fruit.
Priez pour que le règne de Dieu arrive, et que sa volonté soit faite en la terre comme au ciel.
Et n'est-ce pas là l'inspiration particulière que Dieu donne aujourd'hui au siècle où nous vivons ?

Le mauvais siècle lui-même, ô Reine du siècle saint, est bien forcé de ressentir à sa manière l'inspiration de Dieu, et il s'écrie plus haut encore que nous : « Oui, que le bien règne sur terre ! et que cette terre devienne le ciel ! » Mais il ajoute : « Qu'il n'y ait point d'autre ciel que cette terre ! » Ainsi, au lieu d'élever peu à peu notre terre vers le ciel, il retranche le ciel même, et laisse notre terre sans ressource, dans ses ténèbres et sa malédiction, avec la mort et le péché.

Mais l'Église de Dieu, l'humanité nouvelle, le siècle saint dont vous êtes reine, ô Mère de Dieu, l'Église qui reçoit en entier l'inspiration divine, l'Église montre d'abord à tous les hommes le ciel, le monde à venir, seul monde où il n'y aura plus ni mal ni mort, et où sera la vie, la lumière et l'amour, sans vicissitudes et sans fin. Ensuite elle dit aux hommes que, s'ils veulent être humbles et purs, aimer Dieu et s'aimer entre eux, s'ils veulent unir leur cœur, leur esprit et leur vie à l'Homme-Dieu, par leur conformité à la sainte Mère de Dieu, qui fait naître Dieu dans les âmes, ils entreront dans ce monde éternel ; qu'en outre ils béniront le monde présent, et l'inonderont de lumière et de biens, pour rendre plus facile le salut des siècles futurs.

Mais, de plus, l'Église catholique ne semble-telle pas animée de quelque grande et particulière espérance pour le temps même où nous vivons ? N'espère-t-elle pas quelque manifeste et prochain progrès du règne de Dieu sur terre ? Assurément ce n'est pas notre grande et patiente Église qui partagera jamais l'aveugle empressement, la puérile espérance des esprits orgueilleux et malades qui croient pouvoir transformer le monde au jour même où le monde voudra leur obéir. Ce n'est pas elle qui prendra pour une prophétie assurée les paroles de ce saint personnage qui a dit que lorsque le mystère de l'Immaculée Conception sera défini par l'Église comme dogme de foi ; quand la lumière de cette capitale vérité éclatera dans sa magnificence, ce sera l'heure du repos et de la paix du monde ; mais que jusqu'à ce temps il faut prier et pâtir, et consentir à voir le monde dans l'état de confusion où il est. » L'église, tout en honorant ce grand homme, ne propose nullement ces paroles ni cet espoir à la foi des fidèles ni à leur pieuse croyance.

Mais, par contre, nous est-il défendu de croire que le monde ne doit pas rester dans l'état de confusion où il est ? que l'homme doit ordonner le monde dans la justice et l'équité ? qu'il le doit gouverner dans la paix ? qu'un progrès de la sagesse chrétienne amènera ce progrès du monde ? que ce progrès de sagesse consistera dans une plus grande humilité, une plus grande pureté des âmes, c'est-à-dire une plus grande capacité de concevoir Dieu et de le faire naître dans les esprits et dans les cœurs ? En d'autres termes, ce progrès consisterait dans un culte plus lumineux, plus amoureux, plus vrai, d'imitation et de vénération pour la sainte Mère de Dieu. Et pourquoi ce progrès de la sagesse chrétienne ne serait-il pas aidé, lorsque les hommes voudront comprendre, par ce grand acte de l'Église qui définit, comme dogme de foi, l'incomparable grandeur et l'absolue pureté de la sainte Mère de Dieu, Mère de l'humanité nouvelle ? La connaissance de la Mère de Dieu rendue plus lumineuse, son culte devenu plus profond en esprit et en vérité, n'est-ce pas là un signe de la volonté actuelle de Dieu ? Ne voit-on pas que Dieu veut resserrer, en ce temps même, nos liens envers sa divine Mère, afin de pouvoir se donner davantage aux hommes par celle qui partout et toujours le donne au monde ?

Oui, l'Église catholique, représentée par son Chef visible, autour duquel se pressent, comme un seul homme, tous les successeurs des Apôtres, l'Église, en ce moment, paraît pleine de cette espérance. Et qui oserait le lui reprocher, ô mon Dieu ? Oh ! si l'on avait plus d'amour pour le représentant visible de Notre-Seigneur JésusChrist ; si l'on croyait plus fermement à l'Évangile ; si l'on croyait à ces paroles du Maître : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et je te donnerai les clefs du royaume du ciel ; » si l'on avait ces sentiments et cette lumière, pourrait-on ne pas regarder davantage cet homme que Jésus-Christ a placé au centre du monde, au centre de l'humanité nouvelle ? Pourrait-on ne pas méditer les démarches et les paroles qu'il adresse à l'Église comme son chef et comme son docteur ? N'y pourrait-on pas enfin découvrir la volonté actuelle de Dieu, le sens du mouvement que Dieu veut imprimer au monde ? L'Évangile dit bien que Caïphe prophétisa parce qu'il était grand-prêtre. Que sera-ce de celui qui est grand-prêtre de la nouvelle alliance, et qui adore le divin Roi que Caïphe crucifiait ?

Or voici que le Vicaire de Jésus-Christ, après avoir contemplé le monde (universum catholicum contemplantes orbem), comme le fit le Sauveur lorsque, dit l'Évangile, « il vit les hommes couchés par terre et comme foulés aux pieds, voici que, comme son Maître, le représentant du Seigneur déclare la profonde douleur qui l'accable à la vue des souffrances du monde, des guerres, des discordes civiles, des fléaux de la terre et de l'air, qui tuent les hommes et renversent les villes. » A cette vue, levant les yeux au ciel, il prie, et, s'adressant au monde entier, il dit à tous les hommes de prier et de supplier sans relâche (orare et obsecrare non desistimus ), en demandant à Dieu ceci : « de mettre fin aux guerres dans le monde entier, d'apaiser toutes les divisions entre les chefs des peuples, de donner aux peuples chrétiens la paix, le repos, la concorde, et de les délivrer de tous les maux qui les accablent, pour les combler de toute véritable prospérité. » Ces paroles sont tirées de cette épître œcuménique que le représentant visible du Seigneur adresse au monde pour exhorter les âmes au changement, à la pénitence, au pardon, aux œuvres saintes, et appeler les hommes à un tressaillement de joie dans l'espérance.

A peine le souverain Pontife a-t-il prononcé ces paroles que, consacrant la nouvelle basilique de Saint-Paul, il les répète et les amplifie. Il dit : « Ce que nous désirons avant tout dans cette solennité sainte, frères vénérables et fils chéris, c'est que tous, avec nous, en ce temps si critique pour l'Église et pour la république chrétienne, vous ne cessiez d'implorer, avec une ferme confiance, l'appui du grand Apôtre, afin que sa prière obtienne de Dieu la paix et le repos pour l'Église et pour la société ; que le mal soit vaincu ; que tous les peuples s'embrassent dans l'unité de la même foi ; que tous connaissent Notre-Seigneur Jésus-Christ ; que tous soient pénétrés du même amour ; que tous opèrent et méditent toujours toute vérité, toute pureté, toute justice, toute sainteté ; qu'ils marchent devant Dieu, toujours dignes de ses regards, toujours chargés du fruit des œuvres saintes, et qu'ils deviennent enfin les héritiers de la vie éternelle. »

Lorsqu'il plut au Sauveur de choisir, en ces jours critiques, pour son représentant visible, cet homme d'amour, dont l'amour est si peu compris, tous les peuples ont béni le premier mouvement de ce généreux cœur, inspiré par l'esprit de son Maître. Dès le premier moment de sa mission providentielle il a voulu un progrès du royaume de Dieu sur la terre ; il a cherché à opérer, dans l'humble patrimoine qu'il avait à régir, l'essai ou plutôt la figure de ce qu'il voulait pour le monde : l'ordre, la paix, l'union dans la justice et dans la vérité. Mais les siens ne l'ont pas compris. Ils ont d'abord déchiré sa robe en deux parts, les uns pour le rejeter en arrière, les autres pour le précipiter. Ensuite ils ont voulu le lapider. Mais, comme le Sauveur, il a passé au milieu d'eux ; car son heure n'était pas venue. Voyant alors qu'il ne pouvait accomplir pour une ville (Urbi) l'essai de sa mission réparatrice, il a levé les yeux au ciel, et, fixant ses regards sur l'Étoile du siècle saint, il a supplié Dieu d'agir lui-même et d'opérer pour le monde entier (Orbi!) la grande bénédiction qu'avait, pour un moment, refusée la ville aveuglée. Puis, insistant dans sa prière, et sachant bien que Dieu donne et bénit toujours, il a parlé à la Mère des hommes, la conjurant d'apprendre au monde à écouter, à recevoir, à obéir. Alors sans doute Dieu a dit à son représentant : Il faut rattacher le monde toujours plus étroitement à la Mère de l'homme-Dieu, et mon règne avancera sur terre. Et c'est là ce qui vient d'être fait.

Et par quels vœux, par quelles espérances le saint Pontife termine-t-il la lettre apostolique qui définit et proclame le dogme de l'Immaculée Conception ? Voici les grandes paroles qui manifestent solennellement la continuelle espérance du cœur de notre Père commun. « Oui, nous avons l'espoir certain, la confiance pleine, que la Bienheureuse Vierge voudra nous obtenir, par sa puissante intercession, que la sainte Eglise notre mère, triomphant de tous les obstacles, domptant toutes les erreurs, grandisse et se développe en tous lieux et chez toute nation ; qu'elle règne d'un Océan à l'autre et jusqu'aux extrémités de la terre ; qu'elle règne dans la paix, le calme, la liberté ; qu'elle règne pour que tout coupable ait son pardon et tout malade sa guérison ; que tout cœur abattu trouve la force, tout affligé son consolateur, tout opprimé son défenseur, et que tous les hommes qui se trompent, sortant de leurs ténèbres, rentrent dans la justice et dans la vérite, de sorte qu'il n'y ait plus qu'un seul troupeau et un seul pasteur. »

Oui, telles sont, pour ce siècle, les espérances de l'Église catholique et de son chef visible, Vicaire du Christ.

Et comment parle, aujourd'hui même, notre archevêque, l'archevêque de Paris ?
Animé des mêmes espérances, et à la suite du Vicaire du Christ, il s'écrie : « Levez les yeux ! Contemplez la moisson des âmes !... Voyez que de belles et saintes entreprises sont devenues possibles de nos jours, non-seulement autour de nous, et dans cette noble portion du champ de notre Père céleste où nous occupons une place, mais au loin et dans la vaste étendue du monde qui semble être entré dans une crise décisive pour la résurrection ou pour la ruine. Les peuples se rapprochent, l'Orient et l'Occident se touchent. Il semble que Dieu soulève le voile de l'avenir et laisse entrevoir les plus grandes choses pour l'humanité !..; « Unissons-nous étroitement pour l'œuvre de Dieu, pour le salut des âmes, et bientôt, par le concours des volontés et de tous les efforts, de magnifiques transformations s'opéreront dans le monde !... Alors l'Église, essuyant ses larmes, ouvrant son cœur aux plus belles espérances, verrait s'accomplir, pour la propagation de l'Évangile et le bonheur de l'humanité, des choses vraiment merveilleuses. Alors bien des montagnes de difficultés seraient aplanies, bien des abîmes seraient comblés, et les hommes d'attente et de désir pourraient entrevoir la réalisation du règne de Dieu sur la terre. »

Gloire à Dieu, telles sont aujourd'hui les espérances de nos pasteurs !
Et pourquoi ne pas espérer ? pourquoi toujours refuser de croire aux grandes choses et aux grandes nouveautés ? 0 mon Dieu, ne permettez pas que le monde tombe dans l'état de ces âmes qui ont renoncé au progrès et qui disent : Je reste ce que je suis. Si rien n'est plus détestable à vos yeux dans une âme, le supporterez-vous dans toute l'humanité ? Non, Seigneur. Vous nous avez enjoint de dire sans cesse : « QUE VOTRE RÈGNE ARRIVE, QUE VOTRE VOLONTÉ SOIT FAITE EN LA TERRE COMME AU CIEL. »

Donnez-nous l'indomptable espérance et l'indomptable volonté d'accomplir, sous votre inspiration et sous votre conduite, les promesses de la sainte prière. Faites que bientôt, plus unis à ce céleste cœur du genre humain, à cette source de vie, par où vous entrâtes dans le monde pour vivifier le monde, nous usions de vos forces, de vos lumières et de vos dons pour faire aussi les choses que vous avez faites, ô Seigneur, et pour en faire même de plus grandes, selon votre parole.
Et ne semble-t-il pas en effet, Seigneur, que vous parlez d'une voix claire et forte à ce siècle, et que vous lui dites, comme autrefois à vos Apôtres : « Je vous le dis maintenant, levez les veux et voyez les campagnes déjà blanches sous la moisson mûre ? » O Jésus, n'est-ce pas là une de ces paroles visiblement divines, que toute intelligence et que tout cœur est forcé d'entendre aujourd'hui ? Cette merveilleuse parole ne fait-elle pas partie de l'inspiration providentielle que reçoit le monde à cette heure, et dont abuse le mauvais siècle, pendant que le siècle saint la médite et en développe le divin germe ?

D'autres ont semé, dit encore le Sauveur ; vous, vous entrez dans leurs travaux. Les Apôtres ont recueilli ce qu'avaient semé les Prophètes ; mais les Apôtres aussi ont semé, et l'Église a déjà recueilli plus d'une fois de riches et saintes moissons. Et comment ne verrait-on pas que nous touchons à l'époque d'une moisson, et que peut-être ce sera la plus belle de toutes ?

La terre est ensemencée depuis dix-huit cents ans de la semence divine ; semence qui ne s'épuise pas, qui ne cesse de multiplier ses racines et que chaque moisson fortifie. Le fruit divin, plus que jamais, s'est étendu au globe entier. Au centre du monde, chez les peuples chrétiens, il a déjà produit une grande merveille. Comme il nourrit les hommes d'un aliment divin, il les rend plus forts que les autres et les fait rois du monde. Les anciens rois du monde ont été écrasés par les barbares, plus forts qu'eux. Les nouveaux rois n'ont point à craindre de barbares ; tout ce qui n'est pas membre du peuple roi est vaincu sans ressource. Les peuples chrétiens unis disposent du globe entier. Pour diriger, régénérer le globe, ils ont des sciences, des arts, des découvertes, des instruments que les siècles passés n'avaient pu soupçonner. Ce sont les fruits de la force de cœur et de raison que leur donne l'aliment divin. Donc la moisson est manifestement mûre, et elle est grande aussi, car c'est le globe entier qu'il nous faut moissonner aujourd'hui.

Seigneur Jésus ! que manque-t-il donc pour que cette belle moisson commence ? Il manque l'union. Aussi vous avez demandé l'union, ô Seigneur ! « Qu'ils soient un comme nous sommes un ! » C'est votre dernier vœu ; et en ces jours vous faites un effort, ô mon Dieu ! pour qu'il se réalise. Vous nous resserrez tous vers le cœur des âmes, vers le cœur de l'humanité, ce cœur composé de deux cœurs, comme doit l'être le cœur humain : ce cœur qui est l'Homme-Dieu et la Mère de l'Homme-Dieu. Vous voulez nous réunir tous en ce centre, autour du Chef visible de votre Église.

Ah ! si nous consentions à un peu plus d'humilité, à un peu plus de pureté, notre union serait bientôt bénie et cimentée. Sans doute il y aura toujours des méchants et des pauvres de cœur qui n'aimeront point ; il y aura toujours des esprits renversés, des ennemis de la lumière. Mais il peut survenir, sous la puissante inspiration de Dieu, pour les âmes qui agissent, qui influent, pour les esprits qui pensent, qui parlent et dirigent, un moment de majorité triomphante dans la lumière du christianisme. N'est-il pas visible qu'alors la pensée des chrétiens, unie, multipliée par les prodigieux instruments qui centuplent mille fois ses forces, qui les transportent avec la vitesse même de la lumière, enveloppera le globe entier comme d'un réseau ? C'est alors que l'on apportera les gerbes à vos pieds, ô Reine du siècle, Mère de l'humanité nouvelle.

O Reine, obtenez-moi de Dieu la grâce de devenir un de vos moissonneurs. La moisson est grande, et il y a peu d'ouvriers. Mais comment ceux qui comprennent ces choses pourraient-ils n'être pas ouvriers ? Pour moi, ô Mère du siècle, je vous offre mes forces et le travail de toute ma vie. Assez longtemps j'ai consumé mes jours en des travaux stériles qui ne sauveront pas une âme, n'essuieront pas une larme, et n'apporteront pas aux pauvres hommes un seul épi. Maintenant je connais l'objet du travail et sa fin. Mon cœur trouvera sa joie dans son œuvre : heureux si je puis dire un jour au tribunal de Dieu, avec Jésus : Seigneur, j'ai achevé l'œuvre pour laquelle vous m'aviez placé sur la terre. 






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