Le mois de Marie de l'Immaculée conception
17 décembre
Source : Livre "Le mois de Marie de l'Immaculée conception" par A. Gratry
XVIIe MÉDITATION.
Mère du Sauveur, priez pour nous !
O
Marie, vous êtes la Mère du Sauveur et la Mère du salut. Dieu seul est
le Père du salut, mais vous, ô Vierge sainte, en êtes la Mère.
En
quoi pouvons-nous et devons-nous imiter la Mère du Sauveur ? En ce que
chaque âme, en un sens, doit être mère de son salut. Dieu seul en est le
Père, mais l'âme en est la mère, c'est-à-dire la coopératrice. Dieu a
pu nous créer sans nous, mais il ne nous sauve pas sans nous. Pour
l'œuvre du salut de chaque âme Dieu veut un aide. Cet aide est l'âme
elle-même, sa volonté, sa liberté, ses efforts, son travail, ses
mérites.
Mère
du Sauveur, Mère du salut de tous, priez pour nous, afin que les
chrétiens apprennent de plus en plus, par vous, la nécessité de
l'effort, du combat, du travail, des mérites.
Nous sommes à peine sortis des siècles où nos frères
déplorablement séparés enseignaient à mépriser l'effort de l'homme, son
travail, ses mérites, et où, à force de s'écrier : « Dieu seul et Jésus
seul, » ils oubliaient l'homme, et son libre choix, et ses mérites ;
ils oubliaient la ruineuse puissance du péché aussi bien que l'admirable
puissance de l'effort et des œuvres produites en Dieu.
Quatre
choses se liaient dans leur doctrine pleine de ténèbres : le mépris du
péché comme obstacle au salut ; le mépris des bonnes œuvres comme moyen
de salut ; le mépris de la raison humaine et de la liberté humaine comme
ministres du salut de chacun, et l'oubli de la Mère du Sauveur, Mère du
salut. Ils ne savaient pas que chaque âme est mère de son propre salut,
comme vous, ô Mère du Christ, êtes la mère du salut de tous.
Or
ces doctrines mortelles, dont la plus légère trace, là où elle passe,
éteint la vie, ces doctrines n'ont-elles pas laissé quelque trace jusque
chez les chrétiens fidèles ? La France n'a-t-elle pas vu des docteurs
très-timides, très-réservés à l'égard de votre
culte, ô Marie, et en même temps tres découragés sur la portée de
l'effort de l'homme ? « Restons assis, disaient-ils, dans la bassesse et
les ténèbres de cette vallée de larmes, jusqu'à ce que la lumière
vienne d'en haut. » C'était bien dit ; mais n'oubliaient-ils pas que la
lumière est déjà venue, et que depuis longtemps le Christ nous dit : «
Levez vous et marchez ? » Pourquoi donc ne pas se lever et marcher,
quand Jésus nous l'ordonne ? C'est qu'on oublie que la volonté libre
doit coopérer au salut, que Marie est Mère du salut, que l'âme est mère
de son salut. Les mêmes docteurs, malheureusement très-rapprochés des
protestants, ne supportaient pas la pensée de l'Immaculée Conception.
Ils croyaient que le mal avait infecté l'œuvre de Dieu jusqu'en son
centre, jusqu'à l'âme de la Mère de Dieu, et ils croyaient aussi que le
péché originel avait infecté toute la masse, au point de ne laisser à
l'homme aucune étincelle de raison et aucune trace de liberté. Ils
exaltaient la prédestination de manière à détruire la justice ; ils
glorifiaient la grâce de manière à supprimer la liberté. Ils croyaient
trop au mal ; ils accordaient à l'enfer trop d'âmes, et leur doctrine
découragée augmentait en effet le nombre d'âmes qui refusaient de se
lever et de marcher, parce qu'elles ignoraient le mystère de la Mère du
salut et leurs devoirs comme enfants de cette Mère.
A
mesure donc, ô Marie, que les chrétiens vous connaîtront mieux comme
Mère du salut, et comprendront mieux leur devoir de vous suivre et de
vous imiter, de s'attacher à vous, non-seulement par leur amour et par
leur connaissance, mais encore par leurs actes et leurs efforts,
n'est-il pas manifeste qu'un plus grand nombre correspondra aux grâces
de Dieu ? N'est-il pas vrai que l'âme chrétienne en qui le Christ
commence à se former, par les Sacrements de l'Église, prendra des
sentiments de mère, et en aura les inquiétudes, la vigilance et le
courage ? On comprendra mieux l'un des sens des suprêmes paroles du
Sauveur lorsqu'il proclame la règle du jugement dernier et nous apprend
que les âmes seront glorifiées ou rejetées selon leurs œuvres, ou plutôt
selon l'œuvre unique que voici : J'ai eu faim et vous m'avez nourri ;
j'ai eu soif et vous m'avez désaltéré ; j'ai été nu et vous m'avez
revêtu ; j'ai été faible et vous m'avez secouru. » Qu'est-ce à dire ? En
ce sens vrai et fondamental que nous suivons ici, cela veut dire, comme
l'explique le Sauveur, que c'est lui-même que, comme une tendre mère,
vous avez secouru, revêtu et nourri, toutes les fois que vous avez agi
en mère à l'égard de sa divine naissance dans la moindre des âmes,
c'est-à-dire dans la vôtre, ô chrétiens !
Oui,
cela même est la règle du jugement dernier. Il ne suffit pas de dire : «
Un enfant nous est né, c'est le Sauveur ; » il faut encore, ô âme
chrétienne, vous écrier avec transport : « Je suis sa mère. » C'est à
moi maintenant de veiller, de travailler, d'agir pour lui ; car il a
faim et je dois le nourrir, il a soif et je dois le désaltérer, il est
faible et je dois le porter, il est nu et je dois le vêtir.
Et
que seriez-vous donc, ô âme chrétienne, s'il avait faim et soif et le
laissiez sans nourriture ; s'il était faible et nu et si vous le
laissiez sans soins ? Que seriez-vous dans
l'ordre de la grâce ? Les mères, parmi les hommes, que dis-je ? parmi
les animaux, les mères prennent aussitôt, comme par un infaillible
instinct, toutes les forces, tous les courages, toutes les patiences,
toutes les intelligences de la maternité. Qu'êtes-vous, ô âme
chrétienne, fille de Marie, si vous ne savez pas que vous êtes aussi
mère du Sauveur, si vous ne savez pas ou ne voulez pas prendre pour
Jésus-Christ, en union avec la divine Vierge, la force, l'intelligence,
la vigilance de la Mère du salut ?
Marie,
Mère du Sauveur, priez pour nous ! Chassez des âmes chrétiennes et du
milieu des peuples chrétiens le sommeil, la langueur, la paresse et le
découragement. Puisque le Sauveur est né, levons-nous et marchons.
Veillons et agissons pour l'élever et le faire grandir parmi nous.
Connaissons l'éternel mérite et le divin pouvoir des œuvres opérées en
Dieu et du travail pour Dieu.
O
mon Dieu, je ne veux plus jamais vous dire : « J'attends la grâce,
j'attends la foi ou la « lumière, » car la grâce est déjà donnée. J'ai
assez de grâce, assez de foi, assez de lumière, aujourd'hui même, pour
faire la volonté de Dieu. Et si je fais cette volonté, j'aurai demain la
grâce et la lumière qu'il me faudra pour obéir demain. Oui, Seigneur,
vous donnez le pain quotidien, et vous n'en donnez pas d'avance, par
grande sagesse et grande miséricorde. La première grâce veut une
première réponse. qui est suivie d'une autre grâce, laquelle attend une
nouvelle réponse de l'âme intelligente et libre ; et celui qui travaille
avec la grâce reçue, et l'ait valoir le talent qu'on lui donne, recevra
toujours davantage ; mais la première grâce est donnée depuis longtemps
et suivie de mille autres.
Donc,
ô mon Dieu, je n'ai rien à attendre : j'ai déjà tout. C'est vous qui
m'attendez. Pourquoi mon âme, pourquoi le inonde n'avancent-ils pas vers
la lumière, la justice, la vie, la sainteté, sinon parce que l'homme
attend, lui qui est attendu ? Il y a dans mon âme comme dans le monde
une incessante opération de Dieu qui veut y
naître et y grandir ; mais le germe divin rencontre-t-il souvent ce cœur
actif, généreux, courageux, infatigable, qui caractérise les vraies
mères ? O vous, Mère admirable, priez pour nous ; obtenez-nous l'ardeur,
le courage, l'activité pour Dieu.
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