Le mois de Marie de l'Immaculée conception
19 décembre
Source : Livre "Le mois de Marie de l'Immaculée conception" par A. Gratry
XIXe MÉDITATION.
Vierge fidèle, priez pour nous !
Vierge
fidèle, vous à qui le Verbe incarné a voulu être soumis pendant trente
ans, et qui avez usé de ce trésor de toutes les grâces avec une
perfection et une fidélité qui ouvrait à tous les élus la source de la
vie ; qui fondait et qui dilatait cet indivisible cœur de l'Église,
composé du cœur de Jésus et de votre immaculé cœur ; qui préparait, par
les premiers battements de ce cœur, le genre humain à recevoir la
parole, le sang et l'esprit du Sauveur, ô Marie, vierge fidèle, priez
pour nous, afin que nous soyons fidèles ! Envoyez-nous aussi les
impulsions de votre cœur, afin que les hommes apprennent à recevoir avec
une fidélité toute nouvelle les dons de Dieu, et à user de ces trésors
pour préparer la gloire du règne de Jésus-Christ.
Comprenons
donc enfin que tout dépend maintenant de notre fidélité. Dieu nous a
confié son trésor, c'est à nous de le faire valoir. C'est à nous de
choisir celui des serviteurs de l'Évangile auquel nous voulons
ressembler. Serons-nous ce bon et fidèle serviteur qui fit valoir le
talent confié par le maître de manière à le décupler, ou serons-nous ce
serviteur méchant et paresseux qui enfouit ce talent dans la terre et
l'y laissa dormir ?
Le
genre humain continuera-t il à enfouir dans son sein le trésor du Verbe
incarné, et à laisser dormir jusqu'à la fin son Évangile, sa croix, sa
vie même, et toute la vertu de son sang versé pour nous ?
Le
grand pape saint Grégoire a d'effrayantes paroles sur ce sujet.
Commentant ce passage de l'Évangile où le maître vient, pour la
troisième fois, visiter le figuier stérile, et ordonne à ses serviteurs
de le couper, il s'écrie : « Oui, le maître de la vigne, de nos jours,
vient pour la troisième fois visiter son figuier ; car il est venu
appeler la nature humaine, l'attendre, l'avertir, la
visiter avant la loi, sous la loi, sous la grâce. « Il est venu avant
la loi, parce que, par la raison naturelle, il nous dit ce que chacun de
nous doit à ses frères. Il est venu par la loi nous donner ses
préceptes formels. Il vient, après la loi, par la grâce, donner aux
hommes la présence même de sa divine bonté. Et voici pourtant qu'il se
plaint de ne trouver de fruit dans aucune de ces trois années, puisque
tant de méchants ne se rendent ni à l'inspiration de la loi naturelle,
ni aux préceptes de la loi écrite, ni au miracle de l'Incarnation.»
O
Vierge fidèle ! reine et mère de l'humanité, souffrirez-vous que, par
nos infidélités continuées, nous soyons le figuier stérile qu'aucun
effort de la culture ne rend fécond ? Le genre humain finira-t-il dans
cette stérilité ? Dieu sera-t-il forcé de dire du genre humain ce que le
maître de la vigne disait du mauvais arbre : « Arrachez-le, car
pourquoi occupe-t-il la « terre ? » Ou plutôt, Vierge fidèle, reine et
maîtresse du genre humain, ne direz-vous pas à Dieu même ce que le
jardinier disait au maître : « Seigneur, ayez
patience encore un an ; je vais creuser la terre autour de l'arbre,
engraisser ses racines, et peut-être donnera-t-il du fruit ; sinon vous
l'arracherez. »
Oui,
c'est notre espérance ; oui, de nouveaux efforts de culture peuvent
guérir cette stérilité. Par vous, Vierge fidèle, par votre connaissance
plus lumineuse, par votre imitation, par votre culte plus développé dans
les âmes, l'homme, devenu plus fidèle, peut encore préparer à la terre
les fruits du règne divin. L'homme peut encore faire valoir le talent
sacré, et Dieu, qui, selon l'admirable expression de saint Grégoire,
Dieu qui attend la nature humaine, Dieu peut encore trouver une moisson
sur la terre quand il y enverra ses moissonneurs.
Mais
en quoi donc consistent ces nouveaux efforts de culture à l'égard du
germe divin ? Que sera cette plus abondante fidélité de l'homme à
l'égard du trésor qui est entre ses mains ? Et qu'est-ce que Dieu attend
?
Le trésor, ou le germe divin, c'est le Verbe incarné ; la culture qu'il attend est celle qu'il a demandée
lui-même dans l'Évangile, et qui décide, comme il l'affirme, du salut
de chaque âme et du salut du monde. Il a faim, et veut être nourri ; il
est nu, et veut être vêtu ; il est faible, et veut être porté. Mais en
quoi et comment Jésus-Christ peut-il donc être faible et nu, et souffrir
la faim et la soif ? J'avoue que, s'il ne le disait, ce serait
incroyable, mais il l'a dit : « J'ai eu faim et soif, j'ai été faible et
nu ; et il ajoute : « Toutes les fois que vous aurez fait ces choses au
moindre de ces petits, c'est à moi-même que vous les aurez faites. »
Oui, voilà ce que Dieu attend.
Et
pour parler plus clairement encore, Jésus-Christ attend que son corps
mystique, qui est l'Église, et, en un sens, le genre humain entier,
comme le dit saint Thomas d'Aquin, il attend que ce corps mystique, qui,
dans un si grand nombre de ses membres, souffre la faim, la soif, la
nudité, la maladie et la captivité, soit, de la part de ceux qui
peuvent, et qui ont la grâce et la force, l'objet d'un culte tout
nouveau. Il veut que nous traitions son corps mystique comme Marie, la
Vierge fidèle, a traité son enfance Oui, le Christ demande à être
nourri, guéri, vêtu, élevé dans les pauvres, dans les malades, dans les
enfants et dans les ignorants. Il demande que l'on ôte les obstacles qui
empêchent sa croissance vers l'âge parfait. Il demande pour lui-même
ces soins et ces travaux. Et pourquoi ? Parce que ces soins et ces
travaux développent les vertus de la Vierge fidèle dans l'âme de celui
qui s'y livre, aussi bien que dans l'âme de ceux qui les reçoivent,
c'est-à-dire qu'ils préparent la croissance du Verbe parmi les hommes.
Il
attend de l'humanité une autre éducation de l'enfance, de l'ignorance,
de la faiblesse, et un autre culte des pauvres. Il attend une autre
éducation de son enfance, un autre culte de sa pauvreté. O Vierge
fidèle, priez pour nous, obtenez-nous la fidélité. Donnez-nous, pour
l'enfance du Verbe, ce cœur de mère qui seul renferme la vraie fidélité.
Soyons mère et servante fidèle de Jésus-Christ Qu'il ne nous arrive
plus jamais d'abandonner ou de négliger son enfance, sa faiblesse, sa
faim, sa soif, sa nudité, sa pauvreté.
Qu'il
ne nous arrive plus jamais d'abandonner le moindre de ces petits qui
souffrent la captivité, soit dans notre âme, soit dans les autres
hommes, en qui le Fils de l'homme nous attend, pour être délivré, pour
grandir, pour régner.
Oui,
Seigneur, je veux entreprendre de nouveaux efforts de culture pour mon
âme, et je veux travailler à de nouveaux efforts de culture pour le
monde. Je l'avoue, je n'ai jamais compris le délaissement où le genre
humain laisse ses pauvres, ses malades, ses mourants, ses enfants. Ses
enfants, il les scandalise ; ses mourants, il les trompe en leur cachant
la mort ; ses pauvres, il les regarde sans les comprendre, sans y voir
Dieu. Mais, grâce à Dieu, ce que je dis ici n'est presque déjà plus vrai
pour les peuples chrétiens. Là où l'esprit de saint Vincent de Paul,
envoyé de Dieu en ces siècles, a pénétré, et il a pénétré partout, ces
efforts de culture, déjà tentés partant de saints, dans tous les siècles
de l'Église, ont redoublé. Un nouveau culte de
l'enfance de Jésus dans les enfants, un nouveau culte de sa pauvreté
dans les pauvres et les malades, se manifeste et attire les hommes. Ces
formes du culte catholique conquièrent les peuples adultes, comme les
splendeurs visibles du culte gagnent les peuples enfants. Courage donc,
sainte piété chrétienne ! Allez toujours de plus en plus fermement vers
le culte de Jésus pauvre, de Jésus enfant, de Jésus captif, de Jésus
malade et souffrant. Ce culte sera la vraie culture du globe, celle que
Dieu bénira, celle qui tirera le monde de sa stérilité morale, et qui
peut préparer aux derniers siècles de la vie des hommes sur la terre une
riche moisson.
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