Le mois de Marie de l'Immaculée conception
25 décembre
Source : Livre "Le mois de Marie de l'Immaculée conception" par A. Gratry
XXVe MÉDITATION.
Santé des infirmes, priez pour nous !
Apprenez-nous
donc, ô Marie, quels sont les biens incompréhensibles dont on se prive
en refusant d'aller à vous par le renoncement complet, et quels sont les
trésors de vie, de joie, de lumière, de bonheur, que les hommes
pourraient attendre, dès cette vie, s'ils savaient mourir à eux-mêmes
pour se donner à vous, et vous trouver, Porte du ciel.
Et
d'abord, pour commencer par ce qu'il y a de moindre, quelles
bénédictions les hommes n'attireraient-ils pas sur leur corps s'ils vous
servaient, ô vous qui êtes la santé des infirmes !
Quelle
est la principale prière que l'Église, ô Marie, adresse à Dieu par vous
? quelle est la prière qu'on peut appeler l'oraison de la Vierge ? La
voici : « Donnez-nous, ô mon Dieu, à nous qui sommes vos serviteurs, la
grâce de la santé dans l'âme et dans le corps, et par la très-glorieuse
intercession de la bienheureuse Marie, toujours vierge, délivrez-nous de
la tristesse présente, et donnez-nous l'éternelle joie.
Si
l'on comprenait cette prière, et ce qu'est la santé venue de Dieu et
donnée à Dieu ! Mais non. Les hommes négligent leur corps comme tout le
reste. Ils n'ont pas même assez de vertu pour conserver leur corps,
auquel cependant ils tiennent tant ! Ils vivent dans l'esclavage des
passions qui les tuent ! Les hommes ne meurent point, ils se tuent ! Ils
diminuent la vie humaine, la force humaine et la beauté humaine, et la
transmettent toujours diminuée. Frappés par le péché présent
d'innombrables plaies corporelles, de coups visiblement portés par leurs
passions, les plus savants ne savent même pas reconnaître cette cause
des maux du corps. On attribue à toutes les causes les souffrances et
les maladies, excepté à la cause première et principale, et l'on cherche
partout le remède, excepté à la source même de la vie.
Ne
viendra-t-il donc pas un temps, ô Santé des infirmes, où les malades
sauront aller, par vous, à la source même de la vie, et où ceux qui
possèdent la force sauront vous la donner, pour que vous la gardiez et
la retrempiez dans sa source !
Or,
en parlant de ce secret du culte de Marie, qui consiste à se donner à
Marie tout entier, que nous disent ceux qui nous enseignent cette
touchante et puissante pratique ? Donnez-lui, disent-ils, donnez, à
Celle qui est la santé des infirmes, votre corps avec tous ses sens et
ses membres. Et Bossuet, en parlant de l'acte qui régénère tout l'homme,
ne dit-il pas que : « Cet acte livre tout l'homme à Dieu, son âme, son
corps, toutes ses pensées, tous ses sentiments, tous ses désirs, tous
ses membres, toutes ses veines avec tout le sang qu'elles renferment,
tous ses nerfs, jusqu'aux moindres linéaments, tous ses os et jusqu'à
l'intérieur, jusqu'à Ia moelle ! »
Que si cet acte offre en effet à Dieu tout le corps si pleinement, croit-on que Dieu ne l'acceptera pas pour le bénir et le retremper dans sa source ?
Que
ceux qui sont malades et languissants essayent, avec une foi pleine ?
d'offrir aussi leur corps à Dieu par Marie, en récitant l'oraison de la
Vierge ; qu'ils offrent leur corps sans réserve, pour la vie ou la mort,
pour la souffrance ou la santé ; qu'ils l'offrent tout entier, dans le
détail que Bossuet n'a pas craint d'en donner ; qu'ils recueillent en
quelque sorte, par je ne sais quel effort de prière, tout ce détail de
leur corps dans son centre, qui est le cœur, afin d'offrir à Dieu, à sa
bénédiction et au souffle de son Saint Esprit, ce cœur physique, en même
temps que le cœur de l'âme ; qu'ils cherchent, par un ardent élan, un
instant d'unité de leur corps, de leur âme et de Dieu, qu'ils essayent
cette offrande au moment du sacrifice du matin ! Je ne crois pas trop
dire en affirmant qu'un très-grand nombre de malades, que rien n'aurait
guéris, trouveront la santé dans cette offrande de tout leur corps à
Dieu, par Celle qui est la Santé des infirmes.
Pour
ne pas parler des miracles et des grandes guérisons subites qui certes
ne manquent pas sous nos yeux, quand donc ceux qui se croient savants
commenceront-ils à compter l'âme parmi les forces qui agissent sur le
corps ? Quand donc sauront-ils que, si l'âme, séparée de Dieu par le
péché, est une force épuisée, isolée de la source des forces, unie à
Dieu, c'est un courant puissant, un fleuve de vie, qui pénètre le corps
entier jusqu'à la moelle des os. Eh quoi! vous voyez de vos yeux que,
pour dompter la terre inerte, l'espace et la distance, les plus grandes
forces ne sont point la matière elle-même, ni le fer, ni l'airain, mais
le feu et l'électricité, et vous ne comprenez pas encore que, pour
maintenir dans la vie le corps vivant, la force principale c'est Dieu,
c'est la prière, c'est l'âme !
Que
s'il en est ainsi dans l'ordre purement naturel des forces du corps,
que sera-ce du chrétien nourri des sacrements de Dieu ? Que sera-ce du
chrétien en qui vous venez, ô Marie, lorsque le Christ donne à nos corps
son sang, sa chair et sa divinité ! Car, comme le disent les Saints, celui
qui reçoit la chair du Christ reçoit aussi la vôtre, car la chair du
Christ est la vôtre. Et si c'est vous qui avez donné cette chair
vivifiante au Verbe incarné, n'êtes-vous pas alors en effet la Santé des
malades ? Quand le prêtre communie à la messe, quelle est la dernière
prière avant la communion : « Que la réception de votre corps, ô
Seigneur Jésus-Christ, que j'ose prendre malgré mon indignité, ne soit
pas ma condamnation, mais que, par votre grâce, ce soit la force de mon
âme et de mon corps, et le remède à tous mes maux. »
Que
ceux qui croient se demandent comment il est possible que cette chair
vivifiante, entrant dans l'homme, ne guérisse pas plus souvent son corps
en même temps que son âme, sinon parée que l'homme ne répond que trop
rarement aux deux questions que le Christ adresse à ceux qu'il veut
guérir : « Pouvez-vous croire, et voulez-vous être guéris ? » Ceux qui
croient à la présence réelle comprennent que, si la foi était plus vive,
te chair du Christ opérerait bien plus souvent ce que Jésus disait à
ses disciples. Allez, guérissez les malades et ressuscitez les « morts. »
Oh
! si l'on connaissait la toute-puissante ressource que porte en lui
l'homme qui reçoit le corps du Christ, l'homme en qui vient ce sang
immaculé et vivifiant, qui est le vôtre, ô Marie, Mère de Dieu, en même
temps que celui de Jésus ! Si l'on savait le mystère de régénération, de
résurrection corporelle, qui s'opère en cet homme, par la Vierge qui
conçoit Dieu, et par Dieu conçu en Marie et habitant le centre de cette
âme ! Je ne l'oserais dire, si un autre ne me prévenait ; mais écoutons
Bossuet sur cet admirable secret : « Si je vous dis, chrétiens, que
Jésus sortant dit sépulcre est un gage de notre résurrection, je vous
dirai une vérité qui n'est ignorée d'aucun fidèle. Mais si j'ajoute à
cette doctrine que ce grand et divin ouvrage se commence dès à présent
dans nos corps mortels, vous en serez peut-être surpris, et vous aurez
peine à comprendre que, durant ce temps de corruption, Dieu avance déjà
dans nos corps l'ouvrage de leur bienheureuse immortalité. Mais écoutez, terre
et cendre, et réjouissez-vous en Notre Seigneur ! Pendant que ce corps
mortel est accablé de langueurs et d'infirmités, Dieu jette déjà en lui
les principes d'une consistance immuable ; pendant qu'il vieillit, Dieu
le renouvelle ; pendant qu'il est tous les jours exposé en proie aux
maladies les plus dangereuses et à une mort certaine, Dieu travaille par
son Esprit-Saint à sa résurrection glorieuse.»
N'est-ce
pas là la pensée de saint Paul lorsqu'il prononce cette étonnante
parole : « Glorifiez Dieu et portez Dieu dans votre corps ? »
O
pauvre malade qui souffrez, peut-être depuis de longues années, voilà
votre ressource ! Au fond de votre être, dans les racines de votre corps
et de votre âme, Dieu travaille par son Esprit-Saint à la résurrection
de votre corps, il commence l'ouvrage de son immortalité bienheureuse ;
il y jette dès à présent les principes d'une consistance immuable. Tout
cet ouvrage s'opère en vous par la force et le sang de Celui qui est le
second Adam, cause de la vie, comme l'ancien est cause de la mort.
Pendant
que l'œuvre du premier Adam, la maladie, la mort, se continue en vous,
le second Adam vivifiant commence la sienne. La seconde Eve, mère de la
vie, opère en vous ; dès à présent vivent dans votre corps ces principes
d'une consistance immuable. C'est une ressource toute puissante pour
vous guérir dès cette vie, si vous voulez être guéri, si vous pouvez
croire, et si cette guérison du corps doit tourner au bien de votre âme ;
sinon l'œuvre du premier Adam ira jusqu'à son terme. Mais sachez
qu'au-dessous de cette chair qui meurt il y a des principes
d'immortalité , il y a un nouvel homme dans votre sein, comme un germe
en un sein maternel, et, au moment de votre mort apparente, le nouvel
homme se déploiera pour vivre dans l'éternité.
Qui
sait si, un jour, par la croissance de la foi divine et universelle,
par un plus grand amour de Dieu et de la Mère très-pure par qui Dieu
veut entrer dans le monde, qui sait si cette Mère de la vie, cette Santé
des infirmes, n'obtiendra pas de Dieu pour des générations nouvelles
une vie plus pleine, une plus forte santé d'âme et de corps,
et si l'on ne puisera pas dans la foi vive, dans la prière et dans les
sacrements, dans l'onction sainte établie aussi pour le corps, la
principale ressource de la vie ?
Qui
sait si ces forces divines, recueillies et conçues par les vertus que
donne Marie : l'humilité, qui ramène la vie en son centre ; la chasteté,
qui en contient, en élève, en transfigure les forces ; la charité, qui
en renouvelle la source et en déploie les pures et vivifiantes ardeurs ;
qui sait si toutes ces forces virginales n'amèneront pas cette époque
du monde annoncé par une Sainte illustre, où il y aura une même science
de l'âme et du corps, parce que les deux vivront en une même vie ?
O
Marie, Santé des infirmes, priez donc pour vos serviteurs. Donnez-nous,
ô Jésus, les vertus virginales ; par ces vertus guérissez nos maux,
même ceux du corps ; délivrez-nous de la sombre tristesse du monde
présent, et donnez-nous les prémices de la joie éternelle.
Seigneur,
je veux essayer maintenant de gouverner mon corps avec plus de sagesse
que je n'ai fait jusqu'aujourd'hui. Je reconnais que j'ai pris le
change. J'ai suivi la sensualité au lieu de la réprimer. Je n'ai pas
introduit dans mon corps la loi du sacrifice, et il est arrivé pour la
vie de mon corps ce que vous dites de la vie de l'âme : « Celui qui veut
conserver sa vie la perd ; celui qui consent à la perdre la trouve. »
Il eût suffi souvent du jeûne et de la prière pour dissiper les germes
de maladies naissantes que j'ai laissés grandir en les alimentant. Plus
j'ai soigné mon corps, plus il est devenu languissant, faible et
rebelle. Plus je veux conserver la vie, plus elle se perd. L'égoïsme du
corps est sa ruine. Le corps, livré à sa pente sensuelle, multiplie en
lui ce qui n'est pas lui, se surchargeait la sainte Écriture, et
accumule sur lui une vie lourde, que le texte sacré appelle une boue
épaisse. » Si j'avais su renoncer à mon corps, le laisser souffrir pour
un temps, j'en aurais conservé les forces. Je veux être plus sage. Je
veux, de tout mon cœur, renoncer à ma vie et la mettre sans cesse en
vos mains, ô Santé des infirmes, pour que vous la portiez à Dieu, qui
est la source, qui seul la renouvelle, la régénère, la prépare à
l'éternité. Je ne veux plus attirer à moi, pour moi, la vie de mon
corps, ce qui la rend de plus en plus terrestre et temporelle ; mais je
veux la livrer de plus en plus à Dieu, pour la rendre éternelle et
céleste.
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