Le mois de Marie de l'Immaculée conception
1er décembre
Source : Livre "Le mois de Marie de l'Immaculée conception" par A. Gratry
1ère méditation
Seigneur, ayez pitié de nous ! Christ, ayez pitié de nous ! Seigneur, ayez pitié de nous !
Seigneur,
ayez pitié de tous les hommes ! Seigneur Jésus, pendant votre passage
sur la terre vous avez eu pitié du monde, et vous avez versé des larmes
en contemplant la face du genre humain, en voyant l'immense foule des
hommes assis dans les ténèbres et dans la mort, abattus et foulés aux
pieds par le mal, la douleur et l'iniquité.
Seigneur,
que votre divin regard soit toujours sur nous. Que votre divine
compassion ne cesse jamais. Voyez, chez toutes les nations, la plupart
des âmes dans la mort ! Voyez les hommes privés d'amour, vides de toute
espérance et de toute foi, et, dans leur secret désespoir, abandonnant
tout effort, toute prière vers vous, pour s'enfoncer dans la chair et le
sang. Voyez les âmes, Seigneur, descendre au-dessous de la nature
humaine vers l'état animal, et rejeter non seulement votre grâce, mais
encore presque tout usage naturel de la raison et de la liberté. Voyez
les hommes, dans les ténèbres de la sensualité, dans les fureurs de
l'égoïsme, se détester les uns les autres, se craindre, se trahir, se
tromper et s'égorger entre eux, et, comme le dit l'Écriture sainte,
remplir le monde d'adultère et de sang (osée, IV, 2). Voyez, Seigneur,
le venin du péché se répandre sans cesse et ruiner les nations et les
individus, les corps, les âmes, les cœurs et les esprits.
Ayez pitié, Seigneur, de ces immenses parties du genre humain qui n'avancent point, qui n'ont pas
encore reçu la lumière, et où le règne des ténèbres se confirme par sa
durée et par sa résistance aux efforts de votre soleil pour se lever sur
ces races endormies !
Ayez
aussi pitié des peuples chrétiens ! Ayez pitié de ceux qui chancellent
dans la foi ; qui ne comprennent pas le haut degré de noblesse où vous
les avez élevés ; qui méconnaissent les forces divines déposées dans
leur sein, les vertus purificatrices et les dogmes réparateurs que vous
présentez à la terre par votre Église ! Ayez pitié des peuples qui, dans
leur tiédeur, hésitent, s'arrêtent, en sorte qu'on se demande si le
moment affreux dont parle l'Écriture sainte n'est pas venu pour eux, ce
moment du dégoût divin, où le Roi des hommes, lassé dans sa patience, va
les rejeter et les vomir hors de son cœur (apoc, III, 16) !
Seigneur,
ayez pitié des peuples qui s'efforcent de vous retrouver, et qui
cherchent à conformer de plus en plus à votre divine parole leurs mœurs,
leurs idées et leurs lois ! Ayez pitié des luttes cruelles qu'ils
soutiennent contre l'hypocrisie et l'ignorance, contre l'esprit du mal, contre les corrupteurs des peuples !
Ayez
pitié des chrétiens séparés qui recommencent à soupçonner les pure
lumières universelles et la source d'où elles émanent, mais que le
mensonge permanent, l'ignorance à peu près invincible, l'avarice
indomptable, exaltée par la possession, la haine invétérée contre le
centre de votre Église, menacent de maintenir bien longtemps encore sous
le joug !
Mais,
Seigneur, ayez surtout pitié des âmes fidèles dans leur lutte contre le
péché ! Ayez pitié des âmes qui vous ont dit instamment, comme saint
Paul : «Délivrez-nous ;» et à qui vous avez répondu : « Luttez encore,
car ma grâce « vous suffit » (II Cor., XII, 9). Eh ! Seigneur, jusqu'à
quand retomberons-nous dans le péché, après quelques efforts, après
quelques courtes victoires ? Jusqu'à quand serons-nous obligés de dire :
« Mon péché est toujours contre moi » (Ps. L, 5) ? Jusqu'à quand notre
face restera-t-elle couverte de confusion ? Jusqu'à quand verrai-je la
lumière et aimerai-je la vie pour me débattre plus cruellement dans les
ténèbres et dans la mort ? Jusqu'à quand, ô Seigneur, serai-je privé de
ces progrès dans la vertu qui développent le grain de sénevé et en font
ce grand arbre où se rassemblent les vertus du ciel ? Jusqu'à quand
serons-nous privés de cette croissance en vous, sans laquelle nul ne
peut vous servir, ni travailler, sous votre conduite, au bien des hommes
? Jusqu'à quand, ô mon Dieu, tant d'âmes que vous appelez à la sainteté
se consumeront elles dans ces luttes douloureuses contre le mal ? O
Seigneur, ayez pitié de nous !
Seigneur, ayez pitié de tous les hommes dans chacun des besoins de leur âme, de leur intelligence et de leur corps !
Ayez
pitié des nouveau-nés que le Baptême n'a pas encore atteints et que la
mort menace ! Ayez pitié des nouveau-nés que l'on va jeter aux rochers,
aux torrents, aux animaux immondes !
Ayez
pitié de ceux qui entrent dans la vie et que le mal entoure et
enveloppe déjà ! Ayez pitié de l'enfant atteint par le premier scandale !
Ayez pitié de l'âge d'ivresse où le premier emportement
des sens frappe de la mort de l'âme la moitié des jeunes hommes, comme
la nature, dans la première année de la vie, frappe de mort corporelle
la moitié des enfants !
Ayez
pitié des âmes livrées aux scandales de l'esprit, à cet âge où le
bizarre essai d'une ignorante et maladroite raison tourne l'intelligence
contre la vérité !
Ayez pitié des vierges que désespère la pauvreté et de celles que le luxe enivre !
Ayez
pitié de ceux qui, parvenus au plein usage de la raison et la liberté,
hésitent entre deux voies : celle du plaisir et celle de la justice et
de la vérité ! Ayez pitié de ceux qui, après avoir commencé, reculent !
Ayez pitié de ceux qui, après avoir commencé, vont par un généreux élan
jusqu'à la moitié de la vie, mais qui, parvenus à l'âge mûr, se
fatiguent, se retournent, et redemandent à la terre les faux biens que
leur pure et noble jeunesse avait su mépriser !
Ayez pitié des malades et des vieillards pour qui l'infirmité décolore tout, et que la perte de toute
lumière et de toute ardeur réduit à l'unique pensée, au stérile et
monotone souci d'être et de durer encore un peu ! Ayez pitié des
moribonds arrivés à la dernière heure sans avoir commencé le travail de
la vie, sans porter encore dans leur cœur le germe de la vie éternelle !
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