Le mois du Sacré-Cœur de Jésus

Le mois du Sacré-Cœur de Jésus

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PRÉFACE

ORIGINE DU MOIS DU SACRE CŒUR
Le mois du Sacré Cœur fut la pensée et l'œuvre d'une enfant dont le naturel ardent, élevé, impétueux, fut en quelque sorte transformé par la religion, surtout par l'amour des pauvres et la dévotion à la sainte Vierge : Angèle de Sainte-G.
« Elle avait passé plus de huit ans au couvent sans avoir pu obtenir le seul titre qu'elle ambitionnât : celui d'Enfant de Marie. 
Que faire pour toucher le Cœur de la sainte Vierge, et par elle celui desassociées ?
—Suggérez-moi donc, dit-elle à l'une des religieuses qui avait sa confiance, tout ce qu'il est possible d'inventer et de faire pendant lemois de Marie, et je l'exécuterai pour obtenir mon entrée dans la congrégation.
— II me semble, répondit la Mère, qu'un moyen de plaire au cœur de Marie est d'honorer celui dessus ; le priez-vous tous les jours ?
— Oui, ma Mère ; il y a déjà longtemps que je ne passe aucun jour sans répéter l'acte de consécration qui se trouve dans nos cantiques. C'est, je crois, ce qui a contribué à m'inspirer un peu d'amour pour le sacré Cœur et de zèle pour le faire connaître aux autres. Je ne sais même pas trop pourquoi, avec la grâce d'être enfant de Marie, je n'ai pas demandé autre chose à la sainte Vierge, pendant ce mois, qu'une grande dévotion au sacré Cœur. Au fait, ce matin, dans mon action de grâces après la sainte communion, je me suis demandé pourquoi il n'y aurait pas un Mois Du Sacré Cœur comme il y a un mois de Marie. 
— Rien ne s'y oppose, ce me semble ; mais il faut un livre, et il n'en existe pas ; il faudrait proposer cet acte de dévotion au pensionnat, et aviser aux moyens sûrs de le faire agréer. 
Après avoir bien débattu ces deux points, Angèle, qui n'avait pas encore le cordon d'honneur, fut d'avis de laisser au premier médaillon de sagesse le soin de faire les avances auprès de ses compagnes.
"Ainsi, ajoutait-elle, cette proposition aura plus de poids, et personne ne saura de qui en vient l'idée, si ce n'est le bon Dieu et la sainte Vierge, à qui je désire uniquement plaire."
Restait à trouver pour chaque jour un sujet de lecture, une consécration au sacré Cœur, une pratique et une oraison jaculatoire, pour que ce mois fût en quelque sorte calqué sur le mois de Marie. Pour cela, il ne s'agissait que de choisir provisoirement dans les meilleurs auteurs qui ont traité de cette dévotion. Chaque jour du mois de Marie reçut donc l'hommage de l"un des jours du mois du sacré Cœur.
Mais pour introduire ce nouveau mode d'honorer le Cœur de Jésus, il fallait une autorisation, et le temps pressait ; car Angèle voulait que ce nouveau mois fût commencé à l'issue du mois de Marie de cette même année 1834.
Toute permission lui est donnée de faire elle-même ses propositions à Mgr de Quelen, qui devait venir le 20 mai : « car, ajoutait la supérieure, à qui elle s'était adressée, l'entreprise est toute vôtre, et je vous la laisserai conduire seule. »
Cet arrangement ne plaisait qu'à demi à notre petit apôtre du sacré Cœur, qui eût bien voulu se voir appuyé dans ses démarches par quelques voix respectables ; mais il prit bravement son parti : le sacré Cœur, la sainte Vierge l'aideraient ; et puis Monseigneur était si bon !
Le 20 mai arriva enfin. Monseigneur vint célébrer le saint sacrifice à la chapelle des enfants de Marie ; dans la matinée, il voit toute la famille.
Angèle cependant s'occupait de son grave projet, épiant le moment favorable.
Encouragée par un signe de la supérieure, elle s'avance et expose le sujet de sa requête.
Elle fut accueillie au delà de ses espérances.
Non seulement Monseigneur ne se fit point prier, mais il autorisa le nouveau mois avec cette grâce, avec ces expressions bienveillantes qui tombaient si naturellement de sa bouche : Nous le ferons, ajouta-t-il, pour la conversion des pécheurs et pour le salut de la France.
Je laisse à juger combien cette dernière intention devait ajouter à la ferveur. Monseigneur, non content d'approuver l'idée du mois du Sacré Cœur, voulut encore lui-même en régler les pratiques.
— Afin, dit-il, de ne pas faire d'innovation, nous suivrons la coutume déjà établie d'honorer par trente-trois jours de prières les trente-trois annéés de la vie de Notre-Seigneur.
Il y aura un numéro assigné à chacun de ces jours, dont le premier sera cette année le 1er juin, afin, que le dernier tombe le second dimanche de juillet, désigné dans le diocèse pour célébrer la fête du Sacré Cœur de Jésus, à laquelle ces exercices serviront de préparation. 
Chaque numéro sera assigné par le sort aux religieuses et aux élèves de la maison, et même aux personnes du dehors qui désireront honorer ainsi le sacré Cœur. 
Chacune s'efforcera surtout de remplir le jour qui lui sera échu par toutes sortes de bonnes œuvres, communions, prières, mortifications, actes de vertu, etc. 
Enfin, ajouta Monseigneur en terminant, tous les vendredis de ce mois, je vous permets le salut du saint Sacrement ; et tenons-nous-en là pour cette année ; car plus tard qui sait ?
Angèle était au comble de la joie ; son ambition ne s'était pas portée si haut, et ces derniers mots : « Plus tard qui sait ? » sortis de la bouche d'un saint, lui donnérent l'espoir, ainsi qu'elle le disait, qu'un jour ce nouveau mois du Sacré Cœur pourrait être célébré avec autant de ferveur et de publicité que le mois de Marie.


Le 11 juin arrivé, les élèves, qu'Angèle n'avait pas eu de peine à faire entrer dans ses vues, commencèrent donc solennellement ce mois de leur choix. A l'issue de la messe se faisait chaque jour l'acte de Consécration au sacré Cœur, suivi de la lecture de quelqu'un des passages recueillis sur cette dévotion ; on terminait par le chant du Cor Jesu, qui remplaçait aussi le Monstra te au commencement des principaux exercices de la journée.
Durant tout le mois, un cantique en l'honneur du Cœur de Jésus, chanté au commencement de la messe, venait rappeler les hommages qu'on se proposait de lui rendre.
Dès la veille, la maîtresse du pensionnat s'était occupée de placer dans chaque classe, au-dessus du petit autel consacré à Marie, l'image en relief du sacré Cœur de Jésus couronné d'épines et surmonté d'une croix. Autour se lisait cette devise : Gloire et amour aux sacrésCœurs !
Cette exposition nouvelle, quoique fort simple, rappela souvent à plus d'une enfant ses bonnes résolutions.
Angèle, au reste, ne les leur laissait pas oublier.
Tous les vendredis, pendant le déjeuner, et plus souvent, si besoin était, notre prédicateur montait au réfectoire dans la chaire de la lectrice, et de là faisait entendre ses homélies, plus attentivement écoutées et mieux accueillies peut-être que Ies discours de bien des orateurs.
Il faut dire qu'Angèle prêchait par l'exemple, de toutes les leçons la plus efficace ; aussi le zèle avec lequel chacune se portait à remplir la fonction de réparatrice, au jour qui lui était indiqué par le sort, était-il vraiment édifiant.
Il avait été statué par notre petit missionnaire que toutes celles à qui était échu le même numéro se réuniraient la veille ; là on convenait des pratiques particulières qu'on ajouterait à celles qui étaient communes à toute la maison.
Au jour assigné, on s'efforçait de s'entretenir dans un esprit de recueillement et d'adoration perpétuelle au milieu même des études et des jeux ordinaires.
Les plus jeunes, privées du bonheur de s'approcher de la Sainte Table, y suppléaient autant que possible par la communion spirituelle.
Ce beau mois, célébré avec tant de ferveur, se termina cette année (1834) le 15 juillet ; toute la maison se rendit à la chapelle des enfants de Marie pour la clôture.
On ne pouvait mieux faire que d'honorer Jésus par Marie, et l'on voulait ne pas oublier que c'était à la sainte Vierge qu'était due l'idée de ce mois. 
Là, après la consécration au sacré Cœur, on brûla avec l'encens au pied de l'autel les billets qui contenaient le nombre d'actes de vertu pratiqués chaque jour par la petite famille. 
Le chant d'un cantique au sacré Cœur accompagna ce pieux holocauste, dont la simplicité dut plaire à la meilleure des mères.
Telle fut l'humble origine de cette salutaire pratique de dévotion. » (Vie d'Angèlede Sainte-C, comtesse de P; chez Poussielgue-Kusand.)
APPROBATION
MONSEIGNEUR L'ARCHEVÊQUE DE PARIS
Nous avons approuvé et approuvons par les présentes la publication d'un livre de piété, du format in-32, ayant pour titre Mois du Sacré Cœur de Jésus, lequel a été soumis à notre examen par l'éditeur, le sieur Poussielgue-Rusand, libraire à Paris.
Nous croyons ce petit ouvrage propre à augmenter la dévotion des fidèles envers Notre-Seigneur Jésus-Christ, et nous désirons qu'il puisse produire ce fruit de salut.
Donné à Paris, sous le seing de notre vicaire général, le sceau de nos armes et le contre-seing du secrétaire de notre archevêché, le 21 mai 1836.
Tresvaux , vicaire général.
Par mandement de Monseigneur :
Molinier, chan., secrétaire.
 AVIS
La fête du Sacré Cœur de Jésus, d'après laquelle on s'était réglé jusqu'à présent pour commencer le mois destiné à l'honorer, n'étant pas fixée au même jour dans tous les diocèses, les explications données n'avaient pas été généralement comprises, et l'on ne pouvait se trouver en union de prières ; désormais on engage donc les fidèles à commencer le mois le 1er juin.
GLOIRE ET AMOUR
AUX SACRES CŒURS DE MARIE ET DE JÉSUS
SUPPLIQUE A LA TRÈS-SAINTE VIERGE MARIE
MÈRE DE DIEU, TOUJOURS IMMACULÉE
O Marie ! la tendre mère, l'avocate et le refuge des pauvres pécheurs, par qui nous sont venus tous les biens, si nous avions été assez heureux pour vous procurer quelque gloire en faisant connaître de plus en plus le Cœur de votre divin fils par ce petit recueil, qu'il nous serait doux de le déposer a vos pieds ! Mais puisqu'il appartient à vos serviteurs dans les écrits desquels nous l'avons puisé, ne permettez pas du moins qu'il perde, en passant par nos mains, toute son onction et tous les fruits qu'il pourrait produire.
0 Cœur de notre mère, de la Mère de notre Dieu, le premier sanctuaire, le premier autel où s'immola le cœur de Jésus, vous êtes le seul Cœur digne de lui être uni, le seul qui ayez pénétré les secrets de son amour, que nous n'apercevons qu'à travers les ténèbres de la foi, et que dérobent encore chaque jour à nos yeux les ténèbres bien plus déplorables de nos péchés.
0 Cœur de Marie ! daignez instruire vous-même tous ceux qui chercheront à aimer le Cœur de votre fils ;
daignez les introduire dans ce sanctuaire du salut, dans cette forteresse dont l'ennemi ne saurait approcher, et à l'abri de laquelle nul ne saurait périr.
Ah ! pourquoi tous ne veulent-ils pas entrer dans ce divin Cœur, puisqu'il est ouvert à tous, et que vous inventez chaque jour, ô doux refuge des pécheurs ! de nouveaux moyens de les y introduire ?
Car ne dirait-on pas que vous multipliez vos bienfaits à mesure que nous multiplions nos crimes ?
Qu'au moins, ô Marie ! tous ceux qui ont pénétré dans ce divin Cœur, qui désirent y habiter et qui y habiteront, n'en sortent jamais !
Soyez vous-même, ô la meilleure de toutes les mères, la gardienne de cette sainte demeure, et maintenez-y tous vos enfants.
Que tous les jours de notre vie nous honorions et aimions autant qu'il est en nous ce Cœur sacré uni au vôtre,
que l'ardeur de notre foi, de notre dévouement et de nos respects, répare les outrages dont l'affligent chaque jour ses ennemis, et qu'il ne soit pas dit que leur haine impie soit plus puissante que notre amour ?
Que les cœurs de tous ceux qui vous sont dévoués, ô sacrés Cœurs de Jésus et de Marie ! brûlent sans cesse du feu de Totre amour ;
qu'ils soient tous comme autant d'autels où vous soyez offerts vous-mêmes continuellement à Dieu le Père, comme le seul holocauste digne de lui !

 0 Marie, bénissez comme vos enfants chéris et bien-aimés tous ceux qui sont dévoués au Cœur de votre fils.
Ainsi soit-il dans le temps et dans l'éternité !

 MOIS DU SACRÉ CŒUR DE JÉSUS
PRATIQUE DU MOIS DU SACRÉ COEUR.
Cet exercice de dévotion au sacré Cœur de Jésus, établi sur le modèle du Mois de Marie, a pour fin principale d'honorer les trente-trois années que Jésus-Christ a passées sur la terre, et qu'il a consacrées tout entières au salut des hommes comme à la gloire de son Père ; c'est pourquoi l'on a porté jusqu'au nombre de trente-trois les jours qui doivent composer le Mois du Sacré Cœur de Jésus,
Voici comment on peut pratiquer cette dévotion.
D'abord on récite chaque jour avec ferveur l'Acte de Consécration au Sacré Cœur de Jésus ci-après indiqué ; vient ensuite une considération, qui peut servir de sujet de méditation, et qui se termine, par une oraison jaculatoire, qu'on répétera plusieurs fois dans la journée ;
2° par une pratique analogue au sujet de la considération ; 
3° par une triple invocation aux sacrés Cœurs de Jésus et de Marie.


On peut faire cet exercice dans tous les temps de l'année, en particulier ou en commun, selon l'attrait de sa dévotion ; mais l'époque la plus favorable nous semble être le mois de juin, dans lequel se rencontre le plus souvent la fête du Saint Sacrement, et toujours celle du Sacré Cœur de Jésus.
Il succéderait ainsi au mois de Marie, qui lui servirait de préparation et d'introduction.
Nous ne craignons pas d'assurer que les âmes pieuses y trouveront un puissant moyen d'avancement dans la pratique des vertus chrétiennes, de l'humilité, de la douceur, de la pureté, mais surtout de l'amour divin, qui est l'âme de toule la religion, et dont la dévotion au Sacré Cœur de Jésus renferme l'exercice le plus parfait.
Comme on sait le pouvoir qu'ont auprès de Dieu les prières faites en commun, on engage les âmes pieuses à se réunir autant que possible pour s'acquitter de cet exercice.
De plus, afin de rendre au Cœur de Jésus tous les hommages qu'il a droit d'attendre de nous, on pourrait, avec les personnes de sa connaissance, ou en se réunissant à des communautés religieuses, tirer au sort chacun des jours de ce mois, et, le jour qui serait échu, faire la sainte communion en l'honneur du sacré Cœur ; pratiquer aussi deux ou trois actes de vertu à son choix, se regardant ce jour-là comme chargé de rendre au Cœur de Jésus tout l'honneur et tout l'amour qui lui est dû par tous les cœurs. On pourrait encore s'unir à de pieux ecclésiastiques qui voulussent bien dire, s'ils le pouvaient, la messe du Sacré Cœur le jour qui leur serait échu, ou tout au moins en faire mémoire. De cette façon le sacré Cœur de Jésus serait chaque jour honoré de la manière qui lui est la plus agréable, puisque nous ne pouvons douter que l'adorable sacrifice et la sainte communion ne soient, de tous les actes de religion, les plus glorieux à Dieu comme les plus profitables aux fidèles.
Une objection s'est présentée de la part des serviteurs dévoués de la sainte Vierge, et elle ne nous a pas étonné, puisque nous aussi nous avions conçu un instant cette crainte : Ce nouveau Mois, a-t-on dit, fera tort au Mois de Marie. S'il fallait qu'en effet ce mois pût ralentir le dévouement à la sainte Vierge, nous ne craignons pas de le dire, nous serions le premier à l'abandonner.
Et par qui les pauvres pécheurs iraient-ils donc à Jésus, si Marie leur manquait ? Mais ce mois, nous en avons la confiance, c'est Marie elle-même qui l'a inspiré ; c'est le désir de glorifier Marie par le Cœur de Jésus qui suggéra à l'un des cœurs les plus dévoués à la sainte Vierge cet hommage nouveau à son divin fils.

 Et d'ailleurs, quel est le but du culte rendu à Marie, si ce n'est d'obtenir par elle la faveur de son fils ? Quel est son premier titre à notre vénération, à notre amour ? N'est-ce pas celui de Mère de Jésus ? Pourquoi Dieu l'a-t-il rendue si grande, si parfaite, si miséricordieuse, si puissante, sinon parce qu'elle devait être la mère de Celui par qui nous sont venus tous les biens ? Si Marie elle-même daignait nous faire connaître les désirs de son Cœur, si cette voix qu'elle sait si bien faire entendre au cœur de ceux qui l'aiment retentissait à nos oreilles, que demanderait-elle de nous ? que nous prêcherait-elle ? La connaissance, l'amour de Jésus. Or, si la dévotion au Sacré Cœur est un des moyens les plus prompts, les plus eflicaces pour arriver à ce but, ne sommes-nous pas assurés qu'en l'honorant nous honorons Marie, nous répondons à l'un des désirs les plus ardents de son Cœur ? et n'est-ce pas dire assez à qui lui est dévoué ?

 ACTE DE CONSÉCRATION AU SACRÉ CŒUR DE JÉSUS
A RÉCITER CHAQUE JOUR PENDANT LE MOIS
« 0 Jésus ! je vous consacre mon cœur, placez-le dans le vôtre.
C'est dans votre Cœur que je veux habiter, et par votre Cœur que je veux aimer ;
c'est dans votre Cœur que je veux vivre inconnu du monde et connu de vous seul ;
c'est dans ce Cœur que je puiserai les ardeurs de l'amour qui doit consumer le mien ;
c'est en lui que je trouverai la force, la lumière, le courage, la véritable consolation.
Quand je serai languissant, il m'animera ; triste, il me réjouira ; inquiet et troublé, il me rassurera.
0 Cœur de Jésus, que mon cœur soit l'autel de votre amour ; que ma langue publie votre bonté ;
que mes yeux soient sans cesse fixés sur votre plaie ;
que mon esprit médite vos perfections adorables ;
que ma mémoire conserve à jamais le précieux souvenir de vos miséricordes ;
que tout en moi exprime mon amour pour votre Cœur, ô Jésus, et que mon cœur soit prêt pour vous à tous les sacrifices.


O Cœur de Marie ! après le Cœur de Jésus le plus aimable, le plus compatissant, le plus miséricordieux de tous les cœurs, présentez au Cœur de votre fils notre consécration, notre amour, nos résolutions.
Il s'attendrira sur nos misères, il nous en délivrera ;
et après avoir été notre protectrice sur la terre, ô Mère de Jésus ! vous serez notre reine dans les cieux.
Ainsi soit-il.
PREMIER JOUR.
Origine et établissement de la dévotion au Cœur de Jésus.
La dévotion au sacré Cœur de Jésus est aussi ancienne que l'Église.
Elle a commencé sur la croix, où ce Cœur divin, percé par le fer de la lance, ouvrit dès lors aux fidèles un asile inviolable.
Quand les premiers chrétiens, quand les martyrs baisaient, avec cette foi et cet amour qui les faisaient triompher des supplices et de la mort même, les plaies de Jésus crucifié, qui peut douter qu'en appliquant leurs lèvres au côté blessé de leur Rédempteur, en méditant sa passion, ils ne se ressouvinssent en même temps de son Cœur et de l'amour infini de ce Cœur, dont les flammes semblaient s'échapper par cette ouverture ?
Aussi les plus grands saints de tous les siècles, saint Augustin, saint Bernard, saint Bonaventure, sainte Gertrude, sainte Mechlilde, sainte Catherine de Sienne, ont-ils pénétré dans le secret de cette dévotion avant même qu'elle fût révélée d'une manière plus spéciale.
Mais il était réservé au dix-septième siècle de voir le sacré Cœur de Jésus honoré d'un culte public, et à notre France de donner naissance à ce culte.
La personne dont Dieu se servit pour manifester ses desseins de miséricorde dans l'établissement de cette dévotion était une simple religieuse de la Visitation de Paray-le-Monial en Charolais, connue sous le nom de Marguerite-Marie.
Jésus-Christ, qui l'avait déjà favorisée de ses dons les plus précieux, lui apparut un jour, et lui dit : « Mon divin Cœur est si rempli d'amour pour les hommes, que, ne pouvant plus contenir en lui-même les flammes de son ardente charité, il faut qu'il les répande par ton moyen, et qu'il se manifeste à eux pour les enrichir des trésors qu'il renferme. Je te découvre le prix de ces trésors : ils contiennent les grâces de sanctification et de salut nécessaires pour les tirer de l'abîme de perdition. »
 Les desseins du divin Sauveur furent manifestés à la vénérable Marguerite-Marie quelque temps après d'une manière plus claire encore.
« Étant, dit-elle, devant le saint Sacrement, un jour de son octave, je reçus de mon Dieu des grâces excessives de son amour. Me sentant touchée du désir de lui rendre amour pour amour, il me dit : « Tu ne peux m'en rendre un plus grand qu'en faisant ce que je t'ai déjà tant de fois demandé. »
Alors, me découvrant son divin Cœur : « Voilà, me dit-il, ce Cœur qui a tant aimé les hommes qu'il n'a rien épargné, jusqu'à s'épuiser et se consumer pour leur témoigner son amour ; et pour reconnaissance je ne reçois de la plupart que dès ingratitudes, par les mépris, les irrévérences, les sacrilèges et les froideurs qu'ils ont pour moi dans mon sacrement d'amour. Mais ce qui m'est encore plus sensible, c'est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés. C'est pour cela que je te demande que le premier vendredi après l'octave du Saint Sacrement soit dédié à une fête particulière pour honorer mon Cœur, en lui faisant réparation d'honneur par une amende honorable, communiant ce jour-là, pour réparer les indignités qu'il a reçues pendant le temps qu'il a été exposé sur les autels : je te promets que mon Cœur se dilatera pour répandre en abondance les influences de son divin amour sur ceux qui lui rendront cet honneur, et qui procureront qu'il lui soit rendu. »
L'humble religieuse répondit : « Mais, mon Seigneur, à qui vous adressez-vous ?
à une si chétive créature, à une si pauvre pécheresse, que son indignité serait même capable d'empêcher l'accomplissement de votre dessein.
Vous avez tant d'âmes généreuses pour l'exécuter !
— Eh quoi ! lui répondit Notre Seigneur, ne sais-tu pas que je me sers des sujets les plus faibles pour confondre les forts, et que c'est ordinairement sur les petits et sur les pauvres d'esprit que je fais voir ma puissance avec plus d'éclat, afin qu'ils ne s'attribuent rien à eux-mêmes ?
— Donnez-moi donc, reprit la sœur, donnez-moi le moyen de faire ce que vous commandez. »
Alors Notre-Seigneur ajouta : « Adresse-toi à mon serviteur (c'était le P. de la Colombière), et dis-lui de ma part de faire son possible pour établir cette dévotion et pour donner ce plaisir à mon Cœur. Qu'il ne se décourage pas des difficultés qu'il y rencontrera, car il n'en manquera pas ; mais il doit savoir que celui-là est tout-puissant qui se défie de lui-même pour se confier entièrement en moi. »

Le P. delà Colombière, qui avait éprouvé avec grand soin la sainteté de cette âme et reconnu par des marques sensibles la vérité de ses communications avec Dieu, crut devoir contribuer à l'établissement d'une dévotion si sainte, et qui d'ailleurs n'avait rien qui pût la rendre suspecte.
Il commença par lui-même, et il voulut être le premier disciple du Cœur de Jésus-Christ et le premier adorateur de son amour, selon les règles prescrites à la sœur Marguerite-Marie. Il se consacra donc à ce Cœur sacré et à l'amour qui lui est dû, le vendredi qui suivait l'octave du Saint Sacrement, 21 juin 1673, jour qu'on peut regarder comme celui où le Cœur de Jésus fit sa première conquête..
Depuis ce temps, cette dévotion, blâmée, combattue, comme le sont toutes les œuvres de Dieu, s'est enfin établie dans le monde entier avec un succès prodigieux, surtout depuis qu'elle eut été solennellement approuvée par les Souverains Pontifes.
Ainsi ft justifiée la confiance qui faisait dire à la vénérable Marguerite- Marie: « Quand je verrais tout le monde déchaîné contre cette dévotion, je ne désespérerais jamais de la voir établie, depuis que j'en ai reçu l'assurance de la bouche même de mon Sauveur. » ( Vie de Marguerite-Marie, par Languet.)
Pratique. 
Engager toutes les personnes sur lesquelles on a quelque ascendant à célébrer la fête du Sacré Cœur de Jésus le vendredi après l'octave du Saint Sacrement, à communier ce jour-là, et à faire l'amende honorable dans le dessein de réparer les négligences, les scandales, les sacrilèges et toutes les fautes commises contre l'adorable Eucharistie.
Oraison Jaculatoire. 
Cœur de Jésus, attirez-moi : nous courrons après vous à l'odeur de vos parfums. 
Divin Coeur De Jésus, Ayez Pitié De Nous.
Coeur Immaculé De Marie, Priez Pour Nous.

On répète ces invocations trois fois après chaque méditation.
Plusieurs personnes ont reconnu devoir à la récitation fréquente de cette oraison jaculatoire leur avancement et leur persévérance dans le service de Dieu.
SECOND JOUR.
Abondance des grâces promises à ceux qui embrassent cette dévotion.
Nous ne pouvons mieux commencer ce mois et nous exciter à le célébrer avec ferveur qu'en nous rappelant les promesses magnifiques que Jésus-Christ lui-même a faites à tous ceux qui embrasseront la dévotion à son Sacré Cœur. 
Notre-Seigneur s'en expliqua lui-même très-clairement à la vénérable Marguerite-Marie.
« Je veux l'apprendre, lui dit-il, que tu ne dois pas t'approprier ces grâces, qui sont préparées aussi pour d'autres ; je veux me servir de ton cœur comme d'un canal pour les répandre dans les âmes selon mes desseins. »
Puis il lui fit entendre que c'était par un dernier effort de son amour envers les hommes qu'il avait résolu de leur découvrir les trésors de son Cœur en leur inspirant cette dévotion, qui doit faire naître l'amour de Jésus-Christ dans le cœur des plus insensibles, et embraser celui des moins fervents. 
« Publiez partout, inspirez, lui dit Jésus-Christ, recommandez cette dévotion aux gens du monde, comme un moyen sûr et facile pour obtenir de moi un véritable amour de Dieu ; aux personnes ecclésiastiques et religieuses, comme un moyen efficace pour arriver à la perfection de leur état ; et enfin à tous les fidèles, comme une dévotion des plus solides et des plus propres pour obtenir la victoire des plus fortes passions, pour remettre la paix et l'union dans les familles les plus divisées, pour se défaire des imperfections les plus invétérées, pour obtenir un amour pour moi très-ardent et très-tendre, enfin pour arriver en peu de temps et d'une manière fort aisée à la plus sublime perfection. »
Quoi de plus capable de nous engager à embrasser cette dévotion que de telles promesses sorties de la bouche de Jésus-Christ lui-même ?
 « Que ne puis-je, » dit aussi dans une de ses lettres la vénérable Marguerite-Marie, dépositaire des secrets du Cœur de Jésus, «que ne puis-je raconter tout ce que je sais de cette dévotion, et découvrir à toute la terre les trésors de grâces que Jésus-Christ renferme dans ce Cœur adorable, et qu'il a dessein de répandre avec profusion sur tous ceux qui la pratiqueront !
Notre-Seigneur prétend redonner par ce moyen la vie à plusieurs en les retirant du chemin de la perdition, et ruiner l'empire de Satan dans les âmes pour y établir celui de son amour, qui ne laissera périr aucun de ceux qui lui seront consacrés.
Oui, je le dis avec assurance, si l'on savait combien Jésus-Christ a pour agréable cette dévotion, il n'est pas un chrétien, pour peu d'amour qu'il eût pour cet aimable Sauveur, qui ne la pratiquât d'abord.
Faites en sorte que les personnes religieuses l'embrassent ; car elles en retireront tant de secours, qu'il ne faudrait pas d'autre moyen pour rétablir la première ferveur et la plus exacte régularité dans les communautés les moins bien réglées, et pour faire monter au comble de la perfection celles qui vivaient dans la plus exacte régularité !
Mon divin Sauveur m'a fait entendre que ceux qui travaillent au salut des âmes auront l'art de toucher les coeurs les plus endurcis, et travailleront avec un succès merveilleux s'ils sont pénétrés eux-mêmes d'une tendre dévotion à ce divin Cœur. »

Le P. de la Colombière en fit le premier l'épreuve. Il conseilla ce puissant moyen de salut à beaucoup de personnes qui s'adressaient à lui pour la conduite de leur âme, à des protestants même auprès desquels avaient échoué toutes les autres ressources du zèle ; et ce fut avec un succès qui l'étonna lui-même.
Les uns obtinrent dans la pratique de cette dévotion, qu'ils avaient d'abord repoussée, la conversion entière de leur cœur ; d'autres y trouvèrent un moyen de s'avancer dans la perfection par les grâces abondantes qu'ils reçurent de Dieu.
« Rien ne m'étonne, » écrivait une grande âme de notre siècle, » quand je pense à l'adorable Cœur-de notre divin Maître. En lui nous pouvons tout, même mener une vie pauvre, humble et aimante, au milieu du monde sans qu'il y paraisse.
C'est ce divin Cœur qui s'empresse d'intercéder pour nous auprès de son Père, de nous suggérer de saints désirs ; qui vient à notre aide quand il nous voit près de succomber. Sans que nous y pensions, pour ainsi dire, il arrache de notre cœur les obstacles qui s'opposaient à la gloire de son Père ; il nous fait surmonter les difficultés qui nous effrayaient encore un moment auparavant ; c'est ce Cœur adorable qui nous ôte l'attrait du monde, nous en fait découvrir les ruses, les faux principes.
"Enfin tout nous vient de ce Cœur trois fois saint. Qu'il nous soit donc tout en toutes choses : offrons-lui tout notre être ; qu'il ne reste rien en nous qu'il n'ait consumé, jusqu'à ce qu'enfin il retire pour l'éternité et place dans cette fournaise d'amour notre âme passée au feu de cette flamme purifiante. Amen, amen ! »
« Un jour, dit sainte Mechtilde, le Fils de Dieu m'apparut tenant entre ses mains son propre Cœur, plus éclatant que le soleil et jetant de tous côtés des rayons de lumière : ce fut alors que cet aimable Sauveur me fit connaître que c'était de ce Cœur divin que sortaient toutes les grâces que Dieu répand sans cesse sur les hommes. »
Pratique. 
Ne passer aucune semaine de ce mois sans parler du Cœur de Jésus, et sans publier les trésors immenses de grâces qu'il a promis à ceux qui l'honorent d'un culte particulier.
Oraison Jaculatoire. 
Votre amour seul, ô Cœur de Jésus ! et je suis assez riche. (S. Ignace.)
TROISIÈME JOUR.
Principal effet de la dévotion au sacré Cœur :  l'amour divin.
Toute la loi de Notre-Seigneur Jésus-Christ est renfermée dans ce seul mot : Diliges, vous aimerez.
0 douce loi, loi admirable, digne du Dieu qui la donne, et seule digne de l'homme auquel elle est intimée !
Celui qui a fait le cœur humain sait bien qu'il n'est pas de liens assez forts pour l'enchaîner, si ce ne sont ceux de l'amour. Il a pu imposer d'autres obligations à sa créature ; mais elles se résument toutes dans celle-ci : Vous aimerez. 
C'est là le précepte de Jésus-Christ par excellence : Hoc est prœceptum meum, ut diligatis. (Joann., c. xv, v. 11.) 
Mon précepte le plus grand, l'unique commandement que je vous fasse, est que vous m'aimiez, que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés. C'est le précepte à l'accomplissement duquel on reconnaîtra que vous êtes mes disciples : Celui qui aime a accompli la loi : Qui diligit legsm implevit. (Rom., ch. XIII, V. 8.) Celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu, et Dieu en lui. Celui qui n'aime pas demeure dans la mort : Qui non diligit, manet in morte.(Joann.,1 Ep., c. III, v. 14.)


0 Jésus, que vous rendre pour nous avoir ordonné de vous aimer, pour nous avoir assuré si souvent et si solennellement que vous nous aimez !
Si tous nos devoirs, tous nos travaux, tous nos combats, tous nos triomphes se réduisent à l'acquisition de ce bien unique, l'amour de Dieu, il est précieux sans doute d'avoir à sa disposition un moyen doux, facile, infaillible, d'y arriver.
Ce moyen, à la portée de tous, c'est la dévotion au Sacré Cœur ; et Celui qui nous a promis un résultat si digne d'envie est JésusChrist lui-même, nous l'avons vu.
« Je te promets, dit-il à Marguerite-Marie, que mon Cœur se dilatera pour répandre avec abondance les influences de son divin amour sur ceux qui lui rendront cet honneur. »
Et ailleurs : « Cette dévotion fera naître l'amour dans les cœurs les plus insensibles, et embrasera celui des moins fervents. »


« Dieu régnera malgré ses ennemis, écrivait la vénérable Marguerite-Marie, et il se rendra le maître et le possesseur de nos coeurs ; car c'est là la principale fin de cette dévotion, savoir, de convertir les âmes à son amour. »
On concevra facilement que tel soit l'effet de la dévotion au Sacré Cœur. 
En effet, tout y respire l'amour. Son objet est le cœur de Jésus-Christ embrasé d'amour ; sa fin, réparer les injures faites à l'amour ; sa pratique, des exercices d'amour. Elle engage à une considération attentive de tout ce qui peut enflammer cet amour : le souvenir et la reconnaissance de l'amour et des bienfaits de Notre-Seigneur, surtout dans le Sacrement de l'Eucharistie.
Que n'eût pas fait Jésus-Christ pour celui qui lui eût tenu fidèle compagnie durant sa douloureuse passion, tandis que tous l'abandonnaient ! ou plutôt que ne fit-il pas pour saint Jean, qui seul l'accompagna jusqu'à son dernier soupir ! Il en fit en quelque sorte un autre lui-même, lui laissant les derniers et les plus touchants gages de son amour : sa divine Mère pour être la sienne, sa croix pour souvenir, son Cœur pour séjour.
Ces dons inestimables de sa libéralité, il les réserve aussi à ceux qui, touchés de l'abandon, de la solitude de ses temples, des outrages, du mépris, de la froideur des chrétiens pour le sacrement de son amour, se feront un devoir de lui tenir compagnie, de le recevoir dans leur cœur, et de réparer chaque jour, par leur assiduité, leur anéantissement devant lui et leur ferveur, tant d'indignités. Il ne se laissera pas vaincre en générosité : l'amour sera la récompense de leur amour. Il le leur donnera non avec mesure, non ad mensuram (Joann., c. III, v. 34 ), mais avec une profusion qui comblera, qui surpassera l'ardeur des désirs que lui-même aura formés en eux. Il l'a promis, il en a donné sa foi. Si quelqu'un m'aime, mon Père l'aimera ; moi-même je l'aimerai, et je me manifesterai à lui. (Joann., c. XXIV, V. 21.)
La foi donnée. Si à ce mot toutes les craintes se dissipent dans les promesses de la terre, que dire de la foi donnée par Jésus-Christ ? Ah ! désormais répétons donc, pleins de confiance, avec l'Apôtre : Je vis en la foi de Jésus-Christ, qui m'a aimé, qui m'a promis son amour, et qui, dans ces derniers temps, m'en a donné son Cœur lui-même pour gage.
On lit dans la Vie de sainte Gertrude, qu'un jour qu'elle fut favorisée d'une apparition de saint Jean l'Évangéliste, elle lui demanda pourquoi, ayant reposé sur le sein de Jésus-Christ durant la Cène, il n'avait rien écrit pour notre instruction des mouvements de son Cœur ; et que ce saint lui répondit par ces paroles remarquables : « J'étais chargé d'écrire pour l'Église naissante la parole du Verbe incréé de Dieu le Père ; mais la suavité des mouvements de ce Cœur, Dieu s'est réservé de la faire connaître dans les derniers temps, dans la vieillesse du monde, afin de rallumer la charité, qui sera notablement refroidie. »
Nous sommes arrivés à ces temps dont le disciple bien-aimé parlait à cette sainte. 
Le feu de la charité est éteint dans presque tous les cœurs ; mais, pourquoi n'en aurions-nous pas la confiance ? la dévotion au sacré Cœur, qui se répand de toutes parts, va le rallumer.
Pratique. 
Le Cœur de Jésus a un désir infini d'être connu et aimé ; il veut qu'on s'adresse à lui avec une grande confiance, surtout par l'entremise du saint Sacrifice de la Messe.
Songez, pour réchauffer votre dévotion, qu'une seule messe procure plus de gloire à Dieu que ne lui en pourront jamais procurer les mérites réunis de tous les saints, et que les fruits de bénédiction qui sont attachés à cet adorable sacrifice surpassent ceux que vous pourriez retirer de vos autres prières en toute votre vie.
Bien des gens ne savent comment s'occuper pendant la messe. Quels progrès ne feraient-ils pas dans l'amour de Jésus-Christ s'ils s'appliquaient à méditer sa passion et les douleurs de son Cœur toutes les fois qu'ils assistent a ce divin sacrifice !

 Oraison Jaculatoire. 
Qui nous séparera de votre amour, o Cœur de Jésus ? (Rom., c. VIII, V. 35.)

QUATRIÈME JOUR.
Objet et fin de la dévotion au Cœur de Jésus. Différences et rapports entre cette dévotion et celle du Saint Sacrement.
« La dévotion au Cœur de Jésus est un exercice de religion qui a pour objet le Cœur adorable de Jésus-Christ embrasé d'amour pour les hommes, et outragé par l'ingratitude de ces mêmes hommes. » (galliffet.)
Il est aisé de voir que cette dévotion au Sacré Cœur de Jésus ne consiste pas à aimer seulement et à honorer d'un culte singulier ce cœur de chair, semblable au nôtre, qui fait partie du corps de Jésus-Christ. 
L'objet et le motif principal de cette dévotion sont, comme on l'a déjà dit, l'amour immense de Jésus-Christ pour les hommes ; et parce que nous avons besoin dans l'exercice des dévotions, même les plus spirituelles, d'objets sensibles qui nous en renouvellent le souvenir et nous en facilitent la pratique, Jésus-Christ lui-même nous a offert son Cœur comme l'objet le plus capable de nous rappeler cet amour qui l'a porté à s'immoler pour nous et à demeurer avec nous jusqu'à la fin des siècles dans l'adorable Eucharistie.
En effet, le cœur de l'homme étant en quelque manière la source et le siège de l'amour, on lui attribue avec raison les plus tendres sentiments de l'âme. Jésus-Christ a un Cœur ; or, si son corps et son sang précieux méritent toutes nos adorations, qui ne conviendra que son Sacré Cœur demande encore plus particulièrement nos hommages ?


La fin qu'on se propose dans le culte rendu à ce divin Cœur est :
1° De reconnaître et d'honorer autant qu'il est en nous, par nos fréquentes adorations, par un retour d'amour, par une reconnaissance et un dévouement sans bornes, l'amour infini du Cœur de Jésus pour les hommes, surtout dans l'adorable Eucharistie, où il est si peu connu, on du moins si peu aimé de ceux mêmes dont il est connu,
2° De réparer par toutes tes voies possibles les indignités et les outrages auxquels son amour l'a exposé durant le cours de sa vie mortelle, et l'expose encore tous les jours dans le Saint Sacrement.
Le Cœur de Jésus embrasé d'amour pour nous, voilà donc l'objet de cette dévotion ; la réparation du mépris qu'on fait de cet amour, surtout dans l'Eucharistie, en voilà la fin ; un amour très-ardent pour le Sauveur et des grâces sans nombre en seront le fruit et la récompense.
La dévotion au Cœur de Jésus est différente de celle qu'on rend à son corps dans l'Eucharistie : l'une a pour objet le cœur de Jésus, sans une relation particulière à son corps adorable ; l'autre a pour objet le corps entier de Jésus-Christ sous les espèces sacramentelles, sans aucun rapport spécial avec son Cœur. 
Dans la dévotion au Très-Saint Sacrement, le motif est d'honorer la chair sacrée de Jésus-Christ unie avec le Verbe, et vraiment digne par cette union de l'adoration des anges et des hommes.
Dans la dévotion au Sacre Cœur, le motif essentiel est d'honorer son Cœur uni à la Divinité, surtout de reconnaître l'amour dont il est embrasé pour les hommes, et de lui faire amende honorable de ce qu'il a souffert et de ce qu'il veut bien souffrir encore chaque jour de ces mêmes hommes dans son Sacrement d'amour, l'invention la plus merveilleuse qui soit sortie de son Cœur divin.
On le voit, la dévotion au Cœur de Jésus et celle du SaintSacrement, quoique différentes dans leur objet, sont intimement liées ; et, bien loin de détruire la dévotion au Saint Sacrement ou de la diminuer en partageant nos hommages, la dévotion du Sacré Cœur l'embellit et la perfectionne.
O le grand trésor que le Cœur de Jésus au Saint Sacrement ! Si nous n'en profitons pas, c'est que nous ne savons pas nous en prévaloir.
Notre Seigneur, ayant apparu à sainte Mechtilde, lui commanda d'aimer ardemment et d'honorer autant qu'il lui serait possible dans le Saint Sacrement son Sacré Cœur, qu'il lui donna comme gage de son amour et pour être son lieu de refuge pendant la vie et à la mort.
Depuis ce temps, cette sainte fut pénétrée d'une dévotion extraordinaire pour le Sacré Cœur, et elle en reçut tant de grâces, qu'elle avait coutume de dire : « S'il me fallait écrire toutes les grâces que j'ai reçues du très-aimable Cœur de Jésus, je ferais un livre plus gros que celui du bréviaire. »
Pratique. 
L'offrande de nos actions à Dieu chaque jour n'est pas seulement une pieuse pratique, mais un véritable devoir, puisque le Seigneur ne nous a donné l'existence que pour le servir. Soyez-y donc fidèles.
Mais pour rendre vos actions encore plus méritoires, offrez-les par le Cœur de Jésus à peu près de cette manière :
« Mon Dieu, je vous offre toutes mes actions unies aux mérites du Cœur de Jésus, de la sainte Vierge et des saints, en union à tout le bien, en opposition à tout le mal passé, présent et à venir. »
Ou bien, avec sainte Mechtilde, à qui Notre-Seigneur lui-même enseigna cette formule :
« Très-aimable Jésus, c'est à vous que j'adresse le premier soupir aujourd'hui sorti de mon cœur : daignez accepter toutes mes actions, afin que, perfectionnées et purifiées dans votre très doux Cœur, elles soient unies à vos mérites et offertes en louanges éternelles à votre divin Père. »
Oraison Jaculatoire. 
Le passereau s'est trouvé une demeure, et la tourterelle un nid pour déposer ses petits ; votre Cœur, ô Jésus ! sera mon asile.
CINQUIÈME JOUR.
De la noblesse et de l'excellence du Cœur de Jésus.
« Je remarque plusieurs prérogatives du sacré Cœur de Jésus qui nous en feront connaître l'excellence et la noblesse.
« Le Cœur de Jésus est animé de la plus belle âme que Dieu ait jamais tirée de ses trésors.
Elle lui a apporté dès le premier  moment de leur sainte alliance toutes les richesses de la grâce et de la gloire, et dès lors elle lui a donné des mouvements si généreux, des inclinations si nobles, des qualités si royales, qu'il n'y a rien dans tous les cœurs qui les égale. Il ne s'en trouvera aucun qui nous ait tant aimés, ou qui ait ressenti nos misères avec tant de tendresse, ou qui ait conçu des desseins si grands et si avantageux pour nous, ou enfin qui ait eu tant de joie de notre bien. » (Nouet.) 
« Quand les cœurs de tous les hommes se fermeraient pour vous, ne vous troublez pas, puisque le cœur de Jésus vous sera toujours fidèle et toujours ouvert. » (Lansperge.)
Oui, Seigneur Jésus, quand les ennemis de mon âme rangeraient contre moi leurs légions, retiré dans votre cœur, le mien ne saurait craindre quand le combat s'engagerait, ma confiance en votre Cœur m'en ferait sortir victorieux ; quand j'aurais même un pied dans l'enfer, j'espérerais encore en votre Cœur.  (Ps. XXVI, V. 5 et 6.)
"Le Cœur de Jésus est saint de la sainteté de Dieu même ; aussi tous les mouvements de ce saint Cœur, tous ses soupirs, toutes ses affections, toutes ses demandes, toutes ses actions, tous ses désirs, suivant la dignité de la personne qui les opère, deviennent-ils infinis dans leur prix et dans leur valeur. Il est donc juste qu'il soit honoré d'un culte singulier, puisqu'en l'honorant nous honorons sa divine personne.
« C'est dans le Cœur de Jésus qu'ont été formés tous les desseins de notre salut, et c'est par l'amour dont brûle ce même Cœur qu'ils ont été exécutés. Je puis dire, en effet, que je suis redevable à cet aimable Cœur de toutes les obligations particulières que j'ai à chaque partie de son corps, qui a travaillé à mon salut.. C'est le Cœur de Jésus qui pleurait par ses yeux sur le sépulcre de Lazare et sur la ville de Jérusalem, tristes figures du pitoyable état où était le monde avant sa passion, et auquel il sera réduit à la consommation des siècles. C'est lui qui publiait par sa bouche les vérités évangéliques, et nous enseignait le chemin du ciel ; c'est lui qui guérissait les malades et ressuscitait les morts par l'attouchement de ses mains ; c'est lui qui conduisait tous les pas et ordonnait tous les voyages de ce bon Pasteur pour chercher sa brebis égarée ; c'est lui qui fit couler cette sueur sanglante de toutes les parties de son corps au jardin des Oliviers, qui pâlit et trembla de tous ses membres, et qui cria sur la croix d'une voix si puissante, qu'il ébranla la terre et pénétra les cieux, où il fut exaucé pour la révérence qui lui était due : Et exauditus est pro sua reverentia.»(Hebr., c. v, v. 7.) (nouet.)

 Quel culte, quel amour ne devons-nous donc pas à ce Cœur, par qui nous sont venus tous les biens ! Oh ! si l'on présentait à notre vénération le cœur d'un Augustin, d'un François de Sales, d'un Louis de Gonzague, d'une Thérèse, quels ne seraient pas notre foi, notre ferveur, nos transports ! Voici le Cœur de Jésus..., ce Cœur auprès duquel tous les autres ne sont qu'imperfection; le voici réellement présent dans son sacrement d'amour, ce cœur qui n'a battu et qui ne bat encore que pour notre bonheur, et nous demeurerions froids et insensibles ! Non, Seigneur, non ; je crois, j'adore et j'aime ; mais augmentez ma foi et mon amour.

 Sainte Claire ne laissait jamais passer un jour sans saluer le sacré Cœur de Jésus et sans lui rendre ses hommages avec un soin et une diligence extraordinaires ; et Dieu, pour récompenser la ferveur de son humble servante, ne manquait jamais, tandis qu'elle vaquait à ce saint exercice, de combler son âme des plus pures délices.
Pratique. 
Imitez sainte Claire, et ne laissez passer aucun jour sans honorer le Cœur de Jésus ; si vous êtes membre de l'association qui lui est consacrée, soyez fidèle au rendez-vous de neuf et quatre heures, et que votre cœur accompagne les paroles de votre bouche ; car Jésus ne veut que le cœur et ne regarde que le cœur.
Oraison Jaculatoire.
Je dormirai et je me reposerai en paix dans votre Cœur, ô Jésus !  (Ps.IV,V. 9.)
SIXIÈME JOUR
De la noblesse et de l'excellence du Cœur de Jésus.
« Le Cœur de Jésus est le roi de tous les cœurs, et par sa grandeur, et par son pouvoir, et par son mérite. »
Il est le plus grand de tous les cœurs, parce qu'il les porte tous renfermés dans le sien. Il est le plus puissant, parce qu'il en peut disposer comme bon lui semble. Il en connaît tous les secrets, il en sait tous les ressorts, et peut leur donner tel mouvement qu'il lui plaît. Il est le plus digne décommander, parce qu'il est le plus obligeant, le plus aimable et le plus aimant ; car c'est par amour qu'il a voulu être blessé pour guérir tous les cœurs et leur faire un bain de son sang.
Sa plaie est sa couronne ; le droit qu'il a sur nous ne peut être plus légitime. Nous ne pouvons lui refuser obéissance sans injustice, puisque nous lui devons tout ; ni sans folie, puisqu'il ne commande rien qui ne soit pour notre bien, son unique but, dans les pressantes invitations qu'il nous fait de nous donner à lui, étant de nous rendre aussi beureux que saints.
Honorons donc ce sacré Cœur, puisqu'il a tant de noblesse et d'excellence ; rendons-lui nos adorations, puisque c'est le Cœur d'un Dieu ; suivons tous ses mouvements, puisqu'il est la règle infaillible et le principe de tout le bien qui se fait au monde ; soumettons-lui nos volontés, puisqu'il est le Roi des cœurs. Regardons-le comme un cachet royal et divin ; imprimons-le sur le notre, afin d'en recevoir tous les traits.
« Mettez-moi, dit Jésus-Christ, comme un cachet sur votre cœur : « c'est-à-dire, selon l'explication de saint Anselme, laissez-moi gouverner votre cœur et vos pensées, afin que je sois le directeur de toutes les actions de votre vie.
« II faut mettre Jésus-Christ comme un cachet sur notre front, sur notre cœur et sur notre bras, dit saint Ambroise : sur notre front, pour faire profession publique de notre foi ; sur notre cœur, pour y faire régner son amour ; sur notre bras, pour travailler sans cesse à l'accroissement de sa gloire par la pratique des bonnes œuvres.
Faisons donc éclater l'image de sa grandeur dans nos paroles, dans nos affections et dans nos œuvres, et, s'il est possible, tâchons d'exprimer en nous ses vertus ; car il est le cachet de la sainteté incréée, que le Père éternel a gravé avec la pointe des clous, des épines et de la lance, pour marquer nos âmes du sceau de son humilité, de sa douceur, de sa patience, de son amour et de ses autres perfections.
« Donc, quand vous sentirez, âme chrétienne, que l'ambition du siècle flattera votre cœur d'une trompeuse douceur, ou que le monde éblouira vos yeux d'un vain éclat, élevez votre esprit dans le ciel, et, suivant le conseil de saint Jérôme, prêtez l'oreille à ces paroles de l'Époux : Mettez-moi comme un sceau sur votre bras et sur votre cœur » (Cant., c. VII, V. 6.)(nouet.)
Si tel est le désir de Jésus-Christ, prions-le donc qu'il tourne nos cœurs et ceux de tous les hommes vers le sien ; qu'il les rende dociles à cette pressante invitation qu'il nous fait de nous dévouer à son divin Cœur, quand il dit : « 0 vous tous qui demeurez altérés parmi les faux plaisirs du siècle, venez à mon Cœur, le centre des vraies joies, la source des eaux vives ; pauvres indigents des dons de la grâce, approchez, buvez et désaltérezvous ; venez, prenez sans argent ; pourquoi vous épuisez-vous à la recherche de biens trompeurs qui ne peuvent contenter votre cœur insatiable ? Voici les vraies richesses, mon Cœur en est la source ; plus vous y puiserez, plus il sera satisfait. »(Is., c. XLV, V. 1.)

 Oui, c'est véritablement parmi l'heureuse nation des chrétiens que s'est accomplie cette prédiction du même prophète : « Vous puiserez des eaux avec joie dans les fontaines du Sauveur. (Is., c. XII, V. 3.) Mais si toutes ses plaies sont autant de sources de grâces, on peut bien dire que celle du Cœur est la plus vive et la plus abondante.
Sainte Françoise Romaine rapporte qu'elle vit la plaie du sacré Cœur de Jésus, d'où il sortait une source d'eau vive, et qu'elle entendit ces paroles : « Je suis cet amour qui crie à haute voix : Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi, et qu'il boive ; je veux rassasier ceux qui se rendent à mon invitation ; c'est pour cela que j'ai ouvert mon Cœur, afin de les y recevoir comme dans un asile. (Liv. III. ch. 4)
Pratique. 
Offrez à Dieu chaque jour vos prières par le Cœur de Jésus : c'est le moyen de les rendre aussi méritoires qu'efficaces.
Voici la formule qu'employait à cet effet Marguerite-Marie :
« Mon Dieu, je vous offre le Cœur de Jésus, votre Fils bien-aimé, pour me servir d'action de grâces pour tous les biens que vous m'avez faits, pour ma demande, pour mon offrande, pour mon adoration et pour toutes mes résolutions. Recevez-le, Père éternel, pour suppléer à tout ce que vous désirez de moi, puisque je n'ai rien à vous offrir qui ne soit indigne de vous, sinon Jésus, mon Sauveur, dont vous me donnez la possession et la jouissance. »
Oraison Jaculatoire. 
0 Cœur de Jésus, victime d'amour ! soyez favorable à ce pauvre pécheur ! 

 SEPTIÈME JOUR.
De la faiblesse et de l'excellence du Cœur de Jésus.
Le Cœur de Jésus est l'autel sur lequel il a offert le sacrifice du monde le plus agréable au Créateur.
C'est sur ce même autel que nous devons mettre tous nos vœux et offrir tous nos cœurs, parce que c'est de là qu'il les reçoit et qu'il les écoute.
Tout l'honneur que les créatures lui ont jamais rendu, toutes leurs louanges, leurs sacrifices, leurs adorations et leur amour sont des effets qui en dépendent ; ces effets ne sont rien en comparaison de l'honneur qu'il rend tout seul à la souveraine Grandeur, vu qu'il n'y a que lui seul qui l'aime et qui l'honore selon son mérite.
Ce que nous pouvons donc faire de plus agréable à Dieu, c'est de lui offrir les hommages et les adorations du Cœur de son Fils ; le moyen le plus assuré d'obtenir l'effet de nos demandes, c'est de les lui adresser par le Cœur de Jésus, en lui disant dans le même esprit que le prophète roi : « Seigneur, abaissez vos yeux sur moi dans votre miséricorde ; mais, comme vous n'y trouverez rien qui ne soit à punir, reportez-les sur le visage, sur le Cœur de votre Fils bien-aimé. (Ps.LXXXIII, V. -10.)
Ne me regardez, pour ainsi dire, qu'a travers ces plaies qui vous demandent grâce, et qui sont toutes puissantes pour l'obtenir; souvenez-vous de l'amour immense de votre Cœur pour cette pauvre créature, et ne perdez pas le chef-d'œuvre de votre miséricorde, le fruit de vos travaux.
Sainte Gertrude connut un jour que toutes les religieuses de sa communauté qui étaient devant le saint Sacrement recevaient la grâce divine. Quelques-unes semblaient tirer les sacrées influences du Cœur de Jésus, les autres de ses mains, de ses pieds percés de clous, mais toujours avec cette différence que plus elles puisaient loin du Cœur, pluselles avaient de peine à obtenir l'accomplissement de leurs désirs : au lieu que celles qui puisaient directement dans le Cœur adorable de Jésus y trouvaient plus promptement et plus facilement ce qu'elles désiraient.

 C'est dans le Cœur de Jésus que l'Église a pris naissance ; par conséquent les fidèles doivent l'aimer comme leur berceau, et n'en sortir jamais. Jésus étant endormi du sommeil de la mort, l'Église fut tirée de son Cœur ; il voulut que ce Cœur fut ouvert, pour lui donner sujet de se glorifier d'être sortie du côté de son Sauveur.
Heureuse l'âme qui pourra dire, sur le point d'entrer dans son éternité, avec l'un des plus ardents apôtres de la dévotion au sacré Cœur :
« Je m'étais dit souvent, songeant à l'amour du Cœur de Jésus pour moi : Le Cœur de Jésus est mon berceau, mon séjour pendant la vie : puisse-t-il être mon tombeau à la mort ! il m'a fait comprendre le sens de ces trois mots : berceau, séjour, tombeau. »
« Le Cœur de Jésus est le cœur de l'Église, qui veille pendant qu'elle dort.» (Canl., c. v, v. 2.)
« L'Écriture sainte dit que les premiers chrétiens n'avaient qu'un cœur et qu'une âme : je ne m'en étonne pas ; c'est le Cœur de Jésus qui vivait en eux et qui leur inspirait à tous l'amour des choses célestes. » (nouet.) 
Cet heureux temps, ce concert général pour le bien ne pourront-ils pas reparaître parmi ceux qu'une même dévotion va réunir dans le Cœur de Jésus ?
Employons-nous-y du moins de toutes nos forces en donnant nous-mêmes l'exemple d'un dévouement entier au Cœur de Jésus ; efforçons-nous d'obtenir par nos prières et par nos bonnes œuvres, unies à celles de ce divin Cœur, que tout ce qui reste de vrais chrétiens ne fasse plus aussi, comme aux premiers siècles de l'Église, qu'un seul cœur pour aimer le Cœur de Jésus, qu'une seule voix pour le louer et pour le bénir, qu'une seule et même âme dont les mouvements réunis soient consacrés à l'amour et à la gloire du Cœur de Jésus.

 Pratique, 
Le Cœur da Jésus est le berceau de tous les fidèles ; c'est en lui et par lui que vous avez été appelé à la naissance spirituelle du saint baptême. 
Vous ferez donc une chose agréable à ce divin Cœur de renouveler tous les matins à votre réveil les engagements que vous y avez contractés.
Vous pourrez vous servir de cette formule ou de toute autre semblable :
« 0 Cœur de Jésus ! je renonce de nouveau à Satan, à ses pompes, à ses œuvres, et je m'engage tout à vous pour tous les instants de ma vie !. »
Oh ! que cette pratique vous attirera de grâces ! Elle est capable de déconcerter tous les efforts du tentateur.

 Oraison Jaculatoire. 
Si quelqu'un ne vous aime pas, ô Cœur de Jésus ! qu'il soit anathème : (I Cor.,c. XVI,V. 22.)
HUITIÈME JOUR.
Tendresse du Cœur de Jésus pour les hommes.
A des qualités éclatantes, à des titres magnifiques, Jésus-Christ joint une tendresse qui va pour nous jusqu'à l'excès.
« Mes délices, dit-il, sont d'être avec les enfants des hommes » (Prov., c. VIII, V. 31.)
Sa douceur est si aimable, qu'elle a charmé ses plus mortels ennemis. Amène-t-on à ses pieds une femme adultère, il refuse de la condamner, et couvre de honte ses accusateurs. Il se laisse approcher par les pécheurs, il se confond avec eux, il veut bien se laisser appeler, et il est en quelque sorte l'ami des pécheurs. Il s'asseoit à la table des publicains et des pécheurs. Qui voyez-vous à ses pieds, qui semblent être devenus son asile ? Madeleine, une pécheresse de profession, à laquelle, pour un seul acte d'amour, il a pardonné toute une vie de désordres et de scandales. 0 Madeleine ! ce n'est pas vous qui avez fait vers ce bon maître les premiers pas, les premières démarches ; il a frappé, il a attendu à la porte de votre cœur avant de vous voir courbée à ses pieds, les baigner de vos larmes, les essuyer de vos cheveux. » Beaucoup de péchés vous sont remis, parce que vous avez beaucoup aimé ; » mais bien plus encore parce que vous avez été beaucoup aimée. Jésus étend ses soins jusque sur les petits enfants incapables encore de le connaître, mais que sa douceur attire à lui.
Les apôtres les repoussent : « Laissez, laissez venir à moi ces enfants, » leur dit-il, et il les caresse, les bénit, et daigne les embrasser.
Si leur père et leur mère venaient à les abandonner, il prendra soin d'eux ; car lors même qu'une mère oublierait ses enfants, Lui, il ne saurait les oublier.
Aussi voyez comme il reçoit le prodigue qui, prosterné à ses pieds, confesse qu'il n'est plus digne d'être appelé son fils ; comme il court au-devant de lui, comme il le serre entre ses bras, comme il le baigne de ses larmes, et le rétablit, dès la première marque de repentir, dans tous ses droits à l'héritage et à l'affection paternelle.
Cet incomparable Pasteur a passé en répandant les bienfaits. Sa bergerie, hélas ! n'offre que trop de malades ; de sa main il panse leurs plaies, guérit leurs blessures, y répand l'huile et le vin ; il rend la vue aux aveugles ; les paralytiques, les boiteux se lèvent et marchent à sa voix. Une mère pleure son fils unique ; le Cœur de Jésus en est touché ; il sait ce que lui coûteront de douleurs et de larmes tant de fils bien-aimés tombés dans la mort affreuse du péché : « Jeune homme, levez-vous, je vous le commande ! » et il le rend à sa mère.
Voyez-le assis sur le bord du puits de Jacob, fatigué du chemin qu'il lui avait fallu faire pour arriver jusque-là ; il attend la Samaritaine, son Cœur la poursuit, son Cœur l'amène chercher les eaux qui jaillissent jusqu'à la vie éternelle, là où elle ne cherchait que des eaux corruptibles ; il excite en son âme une soif délicieuse qu'elle ne connaissait pas ; il révèle à cette insigne pécheresse le secret de sa mission divine. Voyez-le au tombeau de Lazare, qu'il veut bien appeler son ami ; il pleure, et les Juifs ne peuvent s'empêcher de s'écrier dans leur admiration : « Voyez donc comme il l'aimait !  » (Joann., c. XI, V. 36.)
Plus tard, la ruine prochaine de Jérusalem, de cette ville coupable qui doit un jour demander qu'on le crucifie, lui arrachera, avec ses larmes, cette touchante plainte : « Jérusalem ! Jérusalem ! combien de fois n'ai-je pas voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses petits sous ses ailes, et tu ne l'as pas voulu ! »
Avec ses apôtres comment en use-t-il ? Avec quelle patience il les supporte ! Judas le trahit, et il daigne encore l'appeler du doux nom d'ami  (Matth., c. XXVI,V. 50. )
C'est le nom qu'il leur avait donné a tous dans le touchant discours qu'il leur adressa après la Cène ; car il leur avait dit : « Je ne vous appellerai plus mes serviteurs, mais mes amis (Joann., c. xv, v. -15.)
Pierre le renie, et Jésus, par la douceur d'un seul de ses regards, sans plaintes, sans reproches, fait fondre en larmes cet apôtre infidèle. En un mot, toute la vie du Sauveur n'est que douceur et amour pouf les hommes.
Mais ce n'est point encore assez de ses sueurs, de ses fatigues, de ses veilles.
Il l'a dit, cet aimable Sauveur : "Le bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis. » Il la donnera, il se laissera égorger par ses brebis et pour ses brebis.
Avant de consommer son sacrifice, comme il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu'à la fin.
Il assemble donc les apôtres, et dans cette dernière cène que fait-il ? Ah ! qui saurait ce don de Dieu ne trouverait pas d'expressions pour en parler dignement ! 0 invention amoureuse de cet aimable Cœur, au-dessus de toutes ses œuvres !... Les autres pasteurs se nourrissent de leurs brebis ; mais Jésus trouve moyen de se donner en aliment aux siennes ; il les aime avec un tel excès, qu'il ne veut faire qu'un avec chacune d'elles, et demeurer jusqu'à la consommation des siècles le consolateur et le compagnon de leur exil.
Cependant ces brebis ingrates se sont jetées sur leur pasteur ; elles l'ont réduit à un tel étai, qu'il peut dire avec vérité que depuis les pieds jusqu'à la tête il n'est que plaies. Jésus se vengera-t-il ?... Oui : par des bienfaits... Il va expirer, il ne lui reste plus rien de lui-même ; il nous a tout donné, tout sacrifié.
Mais il possède une mère, elle sera la nôtre.
Jésus regarde du haut de sa croix le disciple bien-aimé qui pendant la Cène a reposé sur son Cœur : « Voilà votre mère, » lui dit-il ; et Marie nous adopte.
Il est mort pour les péchés des hommes, il ressuscitera pour leur justification, afin d'assurer par cet incontestable prodige tous ceux de sa vie et de sa mort.
S'il monte au ciel, c'est pour répandre ses grâces avec plus d'abondance sur son peuple chéri.
Ce qu'il a de plus précieux dans ses trésors, son Saint-Esprit, il le leur envoie, et actuellement encore il ne cesse de faire parler ses plaies, et surtout celle de son Cœur, comme autant de bouches éloquentes qui crient miséricorde pour les pécheurs, grâce et amour pour les justes.
Pratique. 
Un jour que sainte Gertrude exposait à Notre-Seigneur une peine dont elle était vivement affligée, le divin Maître, la faisant reposer sur son Cœur, lui dit : « C'est ici que vous respirerez à l'abri de toute affliction ; mais toutes les fois que vous vous éloignerez de ce lieu, l'amertume de cœur vous ressaisira comme un antidote salutaire, pour vous avertir que je suis le seul consolateur tout-puissant. »
Profitez de cet exemple : dans tous vos doutes, dans tous vos ennuis, dans vos afflictions, adressez-vous au Cœur de Jésus comme un enfant a son père, comme un ami à son ami ; le priant d'être votre lumière, votre appui, votre consolateur, et de ne pas permettre que vous trouviez paix ou consolation ailleurs qu'en lui.
Oraison Jaculatoire. 
J'ai trouvé le Cœur de mon roi, de mon frère, de mon très-doux ami Jésus : que puis-je désirer au ciel et chercher sur la terre ? (S. Bern.)
NEUVIÈME JOUR.
Tendresse du Cœur de Jésus pour les hommes.
Le feu n'a point autant d'activité pour consumer une matière inflammable, la pierre autant la vitesse pour arriver à son centre, ni les fleuves les plus rapides autant d'impétuosité pour s'unir à la mer, que le Cœur de Jésus n'a d'ardeur pour se communiquer aux âmes, lorsqu'elles s'y disposent en ôtant l'obstacle du péché, qui arrête en quelque façon avec violence les effets de son divin amour.
Notre-Seigneur fit voir à sainte Catherine de Gênes qu'à raison du grand amour qu'il porte à l'homme, il ne s'irrite jamais tellement contre lui qu'il ne l'aime toujours et ne recherche sans cesse de s'unir à lui ; qu'il ne manque jamais de sa part d'exciter en l'âme l'inclination naturelle qu'il lui a donnée pour cette union. Il lui fit voir enfin comment il est toujours prêt à enflammer et à pénétrer le cœur des hommes de ses plus ardents rayons d'amour.

 Je n'étais pas encore, que déjà le Cœur de Jésus ne respirait que pour moi, ne soupirait qu'après mon salut, n'aspirait qu'à se donner à moi, ne pensait qu'à moi, ne veillait que pour moi, ne s'inquiétait que de moi. Ce Cœur est si amoureux du mien, qu'il ne fait pas difficulté de venir frapper à sa porte et de lui en demander l'entrée.  (Apoc., c. III.)
Notre-Seigneur fit un jour connaître à sainte Gertrude deux admirables et très doux battements de son Cœur divin, et lui dit :
« Par chacun de ces deux mouvements s'opère le salut des hommes. Le premier est pour les pécheurs, le second pour les justes.
Par le premier battement de mon Cœur, je parle sans interruption d'abord à Dieu mon Père, je l'apaise et l'incline à la miséricorde envers les pécheurs ; ensuite je m'adresse a tous mes élus, les portant à excuser par la charité fraternelle les fautes des pécheurs, et à prier pour eux ; enfin je parle au pécheur lui-même, l'appelant miséricordieusement à la pénitence, attendant sa conversion avec un ineffable désir.
Par le deuxième battement de mon Cœur, je parle de même à Dieu mon Père et l'engage à me congratuler du sang que j'ai répandu si utilement pour la rédemption de mes justes, dans le cœur desquels je trouve mes délices en tant de manières ; ensuite j'engage toute la milice céleste à me louer de l'admirable vie de mes saints, afin qu'elle me rende grâces pour eux de tous les bienfaits dont je les ai comblés et dont je les comblerai.
Enfin je m'adresse aux justes eux-mêmes, les caressant de diverses manières et les excitant à croître de jour en jour et d'heure en heure dans mon amour.
Et comme les battements du cœur humain ne sont arrêtés ni par les opérations de la vue, de l'ouïe, ni d'aucun autre sens ; de même, ni le gouvernement du ciel, de la terre, de l'univers entier, ni aucune autre chose au monde ne pourra arrêter, tempérer, ralentir un seul instant jusqu'à la fin des siècles ces deux mouvements de mon Cœur pour les hommes. (Inst., III, 52.)
Ah ! Seigneur, vous avez dit : Là où est votre trésor, là aussi est votre cœur. Il faut donc que nous soyons votre trésor, puisque votre Cœur est si continuellement occupé du nôtre.
0 amour incompréhensible d'un Dieu connu d'un si petit nombre d'âmes !
pourquoi ne le seriez-vous pas de toutes ? pourquoi ne seriez-vous pas publié par le monde entier, aux savants, aux ignorants, aux justes, aux pécheurs, àceux qui vous cherchent, a ceux qui vous fuient, puisque tous sont aimés de vous?

 « Les saints sont dans le ravissement de l'excès de cet amour ; et véritablement ils auraient lieu de s'en étonner si tous les cœurs étaient faits comme les nôtres ; mais c'est que Dieu a mis tant de mérites dans le Cœur de son Fils, qu'il chérit même les nôtres en sa considération.
« Non, Seigneur, je ne m'étonne plus si vous voulez être appelé Dieu de mon cœur, Deus cordis mei, si vous êtes jaloux de son amour, si vous cherchez ses affections avec tant d'empressement ; mais je m'étonne qu'il vous rebute, qu'il puisse hésiter à se donner à vous. » (nouet.) 
Hé quoi ! Seigneur, votre Cœur si grand, si saint, si parfait, peut m'aimer ! Que dis-je ? il me fait un commandement de l'aimer, et je ne l'aimerais pas, moi qui devrais le supplier à genoux de me le permettre ! car, hélas, que suis-je pour être élevé à un tel honneur, pour que vous daigniez unir votre Cœur au mien, pour que vous vous souveniez seulement de moi ?  (Job, VII, V. -17.) Quid est homo, quod memor es ejus? (Ps. VV, 5.)
Mon corps n'est qu'un amas de poussière ; mon âme est le tombeau de vos bienfaits ; mon cœur n'est qu'ingratitude, ma mémoire qu'oubli, mon entendement que ténèbres.(nouet.) 
Ah ! comment donc pouvez-vous m'aimer, mon Dieu, mon amour ? Comment pouvez-vous m'aimer et me permettre de vous aimer ? (S. Bernard.)
Cet amour incompréhensible d'un Dieu envers ses créatures fait non-seulement l'étonnement et le ravissement des anges et des saints qui le méditent ; mais il est la terreur des démons, l'objet de leur continuelle jalousie, le seul bien qu'ils estiment en ce monde et dont ils voudraient priver les âmes.
Forcé par la puissance des prières de l'Église de faire cet aveu remarquable, Satan dit un jour : « Je cours par toute la terre, je vois les grandes affaires des hommes, les guerres, la politique, le gouvernement des États ; je considère les édifices qu'ils élèvent, leurs arts, leurs sciences ; je me moque de tout cela comme d'une fourmilière : ce qui m'occupe principalement, uniquement, c'est de traverser les amours de Dieu envers ses créatures ; et je quitte volontiers les empires où règne l'idolâtrie, pour venir dans le christianisme importuner et troubler une âme dès qu'elle a entrepris de servir Dieu. Notre joie est d'inquiéter un cœur qui tend à l'union divine. » (surin.)

 Rendez vains les efforts du tentateur en soumettant pleinement à Dieu ce cœur, dont il est si jaloux ; aimez-le donc, âmes qu'il chérit, non de tout le cœur, mais de tout votre cœur, de tout ce cœur qu'il ne vous a donné si grand, si généreux, si tendre, si dévoué, et si insatiable dans ses affections, que pour que vous le tourniez vers Celui-là seul qui est capable de le remplir, et répondez ainsi pleinement à l'invitation qu'il vous adresse par ces paroles : « Mon fils, donnez-moi votre cœur » (prov., C. XXIII, V. 26.)

 Pratique.
Il est rapporté dans la Vie de Marguerite-Marié que les anges ne dédaignaient pas de s'associer à elle pour rendre au Cœur de Jésus un hommage non interrompu d'amour, d'adoration et de louange.
Adressez-vous donc aux saints anges, et surtout à cet ange gardien qui veille à vos côtés, priant sans cesse avec vous et pour vous ; conjurez-les de suppléer par leur ardent amour et par leur continuelle union avec le Cœur de Jésus, à la froideur et à l'insuffisance de vos prières.
Priez aussi quelquefois les anges gardiens de ceux auxquels vous avez affaire, de leur inspirer la dévotion à ce divin Cœur.
Oraison Jaculatoire. 
Comme le cerf soupire après les fontaines d'eau vive, ainsi mon âme soupire après votre amour, ô Cœur de Jésus ! (Ps.IV,l.)

DIXIÈME JOUR.
Richesses du Cœur de Jésus.
Notre-Seigneur me fit connaître, dit la vénérable Marguerite-Marie, que le grand désir qu'il avait d'être aimé parfaitement des hommes lui avait fait prendre le dessein de leur manifester son Cœur et de le leur donner dans ces derniers temps comme le dernier effort de son amour ; qu'en cela il leur ouvrait tous les trésors d'amour, de grâce, de miséricorde, de sanctification et de salut que ce Cœur contient, afin que tous ceux qui voudraient lui rendre et lui procurer tout l'amour et l'honneur qu'il leur serait possible, fussent enrichis avec profusion des trésors dont ce Cœur divin est la source, source féconde et inépuisable. 
« Voici mon Cœur, dit-il une autre fois à lanterne sainte ; il est si passionné d'amour pour les hommes, que, ne pouvant contenir en lui-même les flammes de sa charité, il faut qu'il les répande par ton moyen. Il veut se manifester à eux pour les enrichir de ces précieux trésors que je te découvre, et qui contiennent les grâces sanctifiantes propres à les retirer de la perdition. »

 « Le sacré Cœur de Jésus, dit un grand serviteur de Dieu, est le siège de toutes les vertus, la source des bénédictions, la retraite de toutes les âmes saintes ; ce Cœur adorable est toujours brûlant d'amour pour les hommes, toujours ouvert pour répandre sur eux toutes sortes de grâces, toujours touché de leurs maux, toujours disposé à nous recevoir, à nous servir d'asile, de demeure, de paradis dès cette vie. Venez-y donc, vous surtout qui êtes chargés de croix, de tentations, de misères ; le sacré Cœur vous invite, il vous attend, il vous presse ; il désire vous soulager ; c'est à vous qu'il s'adresse quand il dit : « Venez à moi, vous tous qui travaillez et qui êtes chargés, et je vous donnerai de nouvelles forces  » (Matth., c. XI, V. 28.)
« C'est dans cet adorable Cœur, dit le cardinal Pierre Damien, que nous trouvons toutes les armes propres pour notre défense, tous les remèdes pour la guérison de nos maux, les secours les plus puissants contre les assauts de nos ennemis, les consolations les plus douces pour soulager nos souffrances, les plus pures délices pour combler notre âme de joie. Êtes-vous affligé, vos ennemis vous persécutent-ils, le souvenir de vos péchés vous trouble-t-il, votre cœur se sent-il agité d'inquiétudes, de craintes et de passions, ah ! venez vous prosterner au pied des autels ; jetez-vous entre les bras de Jésus-Christ, entrez jusque dans son Cœur ; c'est un asile, c'est la retraite des âmes saintes et un lieu de parfaite sûreté : c'est le trésor du ciel. S. Thomas dit que, de son temps, on peignait aux pieds du Crucifix une vierge qui recevait le sang de la plaie du côté dans une coupe, et une autre qui le répandait : l'une portait une riche couronne sur la tête, l'autre laissait tomber la sienne ; l'une avait un visage riant et tout rayonnant de lumière, l'autre triste et ténébreux.
La première représentait l'âme fidèle, qui par la méditation reçoit du Cœur de Jésus la joie, la lumière et la couronne de gloire ; l'autre représentait l'âme infidèle, qui par le péché perd ces trois biens incomparables : la lumière de la grâce, la joie d'une bonnes conscience et la couronne de gloire. »
« 0 très-doux Jésus, s'écrie S. Bernard, que vous renfermez de richesses dans votre Cœur, et qu'il nous est aisé de nous enrichir, puisque dans l'Eucharistie nous possédons ce trésor infini ! et que nous perdons de richesses faute d'en savoir user ! Jésus-Christ lui-même a promis que ceux qui demanderaient des grâces par son Cœur en recevraient en abondance : aussi voit-on ceux qui ont pratiqué cette dévotion avec une foi vive et ardente obtenir par ce moyen ce qu'auparavant ils n'avaient pu obtenir par des prières réitérées et persévérantes. »
Sainte Gertrude, entendant un jour à, la messe ces paroles de l'Écriture : Tibi et semini tuo dabo has regiones. Je te donnerai ainsi qu'à ta postérité ces régions : Notre-Seigneur, posant la main sur son Cœur, lui fit comprendre de quelles régions sa libéralité sans bornes envers ses créatures foulait parler. Sur quoi la sainte, entrant dans ce mystère d'amour, s'écria : 0 bienheureuse et béatifiante région, champ de délices ! vous renfermez une affluence de béatitudes telles, que le plus petit grain pourrait suffire à l'avidité de tous les élus, et surpasser tout ce que le cœur humain saurait jamais imaginer de désirable, d'aimable, d'agréable, de délectable et de doux.

 Pratique. 
Vous savez en quels termes sera conçue la sentence de vie que prononcera au dernier jour le Fils de Dieu sur ses élus : Venez, les bénis demon Père ; j'ai eu faim, vous m'avez donné à manger ; j'étais nu, vous m'avez revêtu. Ces paroles s'appliquent dans leur vrai sens au soin que nous aurons pris des pauvres, ses membres souffrants ; et nous ne saurions trop les méditer, puisque le Fils de Dieu fait de notre charité envers nos frères la règle et la mesure de la miséricorde éternelle à notre égard.
Mais il faut avouer que, par suite de l'indifférence de la plupart des chrétiens pour Jésus-Christ, cet aimable Sauveur est bien réellement dans l'Eucharistie le premier pauvre que nous devons soulager. Veillez donc, surtout dans les églises de campagne, à ce que tout ce qui approche de cet adorable sacrement soit tenu avec la propreté et la décence convenables. Travaillez de vos mains, ou faites travailler pour les églises ; et, préférablement à de brillantes décorations, offrez le linge nécessaire au service des saints autels. Votre offrande sera d'autant plus agréable à Jésus-Christ, qu'elle sera moins susceptible d'ostentation, et qu'il y verra une preuve du respect que vous portez à son sacré corps.
C'est là cette bonne œuvre dont il daigne être personnellement l'objet : c'est là le parfum qu'il veut voir répandre sur son corps déifié, et dont il loua l'effusion la veille de sa mort. 
Oraison Jaculatoire. 
0 Cœur de Jésus, que j'ai tardé à vous aimer !  (S.Aug.)

 ONZIÈME JOUR.
Douleurs du Cœur de Jésus.
« Ce n'est point le fer de la lance qui blessa le premier le Cœur de Jésus : l'amour l'avait blessé dès le premier moment de sa vie ; ce fut la première et la plus grande de ses plaies, qu'il ne put dissimuler lui-même : Vous avez blessé mon Cœur, ma sœur, mon épouse ; vous avez blessé mon Cœur » (Cant., v. 9. — Nouet.)

 Le Cœur de Jésus fut encore blessé de la compassion de nos misères, qui lui fit autant de plaies qu'il voyait en nous de maux qui nous affligent.
Il fut blessé de la douteur de nos péchés, portant lui seul le regret et la contrition de tous les crimes du monde, comme son corps en porta depuis la peine. Cette croix fut beaucoup plus pesante que celle du Calvaire où il mourut, vu qu'elle commença avec sa vie et ne finit que par sa mort.
« Ces peines qui lui étaient réservées, nous dit la bienheureuse Angèle de Foligno, se découvrirent à son esprit et attristèrent son Cœur dès le premier moment de son existence, non pas confusément, mais de la manière la plus claire et la plus distincte. Il prévoyait qu'après une triste et pénible vie de trente-trois ans, dont il avait sous les yeux toutes les circonstances, il serait vendu et livré par un de ses disciples, renié par un autre, abandonné de tous, enchaîné, frappé, souffleté, accusé, blasphémé, calomnié, flagellé, couronné d'épines, conduit au Calvaire chargé de sa croix, crucifié, détruit par la mort et percé d'un coup de lance : voilà ce qu'il vit et ne cessa de voir et de méditer durant sa vie tout entière.
Une semblable prévision ne pouvait avoir lieu sans une tristesse amère, sans une incommensurable douleur de cœur et d'esprit. » Jugez de là combien furent vives et continuelles les douleurs du Cœur de Jésus.
Écoutons encore sur ce sujet la vénérable Marguerite-Marie, ou plutôt Jésus-Christ lui-même :
Un jour que j'étais devant le saint Sacrement exposé sur l'autel, Jésus-Christ, mon divin maître, se présenta à moi tout éclatant de gloire avec ses cinq plaies brillantes comme cinq soleils. De son humanité sacrée sortaient des flammes de toutes parts, mais surtout de son adorable poitrine, qui ressemblait à une fournaise : au milieu de cette fournaise ardente, il me fit voir son aimable Cœur, qui était la source de ces flammes. Ce fut alors qu'il me découvrit les merveilles, inexplicables de son amour, et jusqu'à quel excès il l'avait porté en aimant les hommes, dont il ne recevait que de la méconnaissance et des ingratitudes. « C'est là, me dit-il, ce qui m'est plus sensible que tout ce que j'ai souffert dans ma passion, d'autant que s'ils, rendaient du retour à mon amour, je compterais pour peu de chose tout ce que j'ai fait pour eux, et je voudrais, s'il se pouvait, faire encore davantage ; mais ils n'ont que des froideurs et du rebut pour tous mes empressements à leur faire du bien. »
Le Cœur de Jésus ne souffrit pas seulement à toutes les heures, mais à tous les instants de sa vie mortelle ; car, ainsi qu'il l'apprit à la vénérable Marguerite-Marie, toute sa vie s'écoula dans l'amour et dans la privation, comme elle se consomma dans le sacrifice.
Oh ! que cette vue nous devrait donner de courage ! que nos peines sont légères, qu'elles sont de courte durée en comparaison de celles du Cœur de Jésus ! Je ne m'étonne plus, Seigneur, qu'un S. Jean de la Croix, qui les avait méditées et à qui vous demandiez ce qu'il désirait pour récompense de ses services, vous ait répondu : Souffrir et être méprisé pour vous ; qu'une sainte Thérèse, animée des mômes sentiments, se soit écriée : Ou souffrir ou mourir. Si la terre stérile de mon cœur ne produit pas de si généreux sentiments, qu'au moins, ô Jésus ! je forme celui d'une parfaite résignation dans toutes les peines que me ménagera votre amour.
Pratique. 
Notre-Seigneur demanda lui-même à la vénérable Marguerite-Marie de consacrer au souvenir des douleurs de son Cœur le premier vendredi de chaque mois.
Prenez donc la résolution de faire, autant que possible, tous les premiers vendredis du mois, avec l'amende honorable, une communion que vous offrirez au Cœur de Jésus, en réparation de toutes les négligences qui se seraient glissées dans celles que vous aurez faites dans l'intervalle. Il serait même très-agréable à Notre-Seigneur que vous eussiez l'intention de réparer non-seulement vos propres négligences, mais celles de tous les chrétiens.
Oraison Jaculatoire. 
Cœur de Jésus, rassasié d'opprobres, apprenez-moi à supporter patiemment les mépris et les contradictions.

DOUZIÈME JOUR.
De la plaie du Cœur de Jésus.
« Toutes les plaies de Notre-Seigneur sont autant de portes de salut ouvertes à tout le monde ; mais celle du Cœur est la plus large.
« Toutes ses plaies sont des fontaines d'où découlent les grâces ; celle du Cœur est la plus claire et la plus délicieuse.
« Toutes ses plaies sont autant de ruisseaux de pourpre dans lesquels nous plongeons toutes les puissances de notre âme pour rehausser le prix de nos pensées, de nos paroles, de nos actions ; mais celle du Cœur leur fait prendre une plus haute couleur, un éclat plus vif, une teinte plus précieuse.

 « Toutes ses plaies sont autant de caractères du livre de vie qui contient la science des saints ; mais celle du Cœur nous rend plus savants.
« Toutes ses plaies sont des lieux de refuge où les plus grands criminels trouvent leur retraite ; mais celle du Cœur est la plus favorable et la plus sûre.
« La plaie du Cœur est une langue éloquente qui parle dans le secret des cœurs, pour nous faire souvenir de l'amour que Jésus nous a porté, et pour nous demander le nôtre. » (nouet.)
Écoutons sur ce sujet le dévot S. Bernard :
« Ce Cœur adorable, dit-il, a été percé, afin que par cette plaie visible nous connaissions la plaie invisible que l'amour y a faite. Ah ! comment Jésus pouvait-il nous marquer plus efficacement son amour qu'en voulant que non-seulement son corps, mais son propre Cœur, fût percé ! »
Sainte Catherine de Sienne demandant à Dieu, dans ses communications intimes, pourquoi Notre-Seigneur avait voulu que son Cœur fût ainsi frappé et entrouvert après sa mort, reçut cette réponse remarquable :
« Le désir de sauver le genre humain était infini en mon divin Fils, et son corps ne pouvait supporter la douleur et les tourments que dans une certaine mesure. Ce qui était fini ne pouvait donc montrer l'amour infini dont il vous aimait ; alors il voulut que vous vissiez le secret de son Cœur ; et il vous le montra ouvert, pour vous faire comprendre qu'il vous aimait plus encore que ne le pouvait montrer sa mort. »
Les tristesses et les ennuis que nous ressentons en ce monde nuisent souvent à notre Ame ; c'est pourquoi le Cœur de Jésus a trouvé le secret de nous inspirer d'entrer dans ses plaies, surtout dans celle de son Cœur, pour y trouver une source de joie et de consolation. Le bienheureux Henri de Suson, étant un jour saisi d'une profonde tristesse causée par l'incertitude de son salut, entendit une voix du ciel qui le consola infiniment en lui disant : « Levez-vous, entrez dans mes plaies, car c'est en elles que consiste votre unique félicité. « « Je ne puis être saisi de frayeur à la vue de la multitude de mes péchés, dit S. Augustin, si la mort de mon Seigneur me revient à l'esprit, parce que mes péchés ne peuvent l'emporter sur une telle mort. Les clous, la lance me crient que je suis réellement réconcilié avec Jésus-Christ si je l'aime. Longin m'a ouvert par le fer de la lance le côté de Jésus-Christ ; j'y suis entré, et là je repose plein de sécurité. Qu'il aime celui qui craint ! La charité chasse la crainte. »
« 0 aimable plaie, s'écrie S. Bonaventure, c'est par vous que je suis entré jusque dans les entrailles les plus intimes de la charité de Jésus-Christ. Là je fais ma demeure... Là je trouve une si grande abondance de consolation, que je ne puis l'exprimer. 0 aveuglement des enfants d'Adam, qui ne savent pas entrer dans Jésus-Christ par ses plaies sacrées ! Voilà la félicité des Anges qui nous est ouverte, la muraille qui nous en fermait l'entrée est rompue, et l'on néglige d'y entrer ! Croyez-moi, hommes aveugles, si vous saviez entrer dans Jésus-Christ par ses sacrées ouvertures, vous y trouveriez une demeure admirable. Si le corps lui-même y trouve son repos, quelle pensez-vous que doive être la suavité que l'esprit goûte en s'unissant par ces sacrées plaies au Cœur de Jésus ? Je n'ai pas de paroles pour l'expliquer ; mais faites-en l'expérience, vous y trouverez un trésor de toutes sortes de biens..
« Voilà la porte du paradis ouverte ; le glaive qui enfermait l'entrée a été écarté par la lance du soldat ; le trésor de la sagesse et de la charité éternelle est ouvert : entrez-y donc par l'ouverture de ces plaies divines. 0 heureuse lance qui a mérite de faire une telle ouverture ! Oh!si j'avais été à la place de cette lance, je n'aurais jamais voulu sortir du côté de Jésus-Christ, et j'aurais dit : Voici le lieu de mon repos pour toujours, j'y demeurerai parce que je l'ai choisi. 0 âme fidèle créée à l'image de Dieu, comment ne seriez-vous pas transportée hors de vous-même ! voilà votre aimable époux qui, par un excès d'amour, vous a ouvert son côté, afin de pouvoir vous donner son Cœur ! »
Nous lisons dans les chroniques de saint François qu'un homme de qualité se fit religieux dans un monastère de l'ordre, où, n'ayant pas trouvé l'aisance et les plaisirs qu'il avait quittés, il résolut de reprendre le chemin du monde. La tentation fut si forte, qu'il n'y eut aucune considération qui fût capable de l'arrêter. Néanmoins en s'en allant, comme il aperçut un crucifix dans l'endroit où il passait, il se mit è genoux pour implorer sa miséricorde. Oh ! que le Cœur de Jésus est tendre et que sa bonté est grande ! Il n'eut pas plutôt achevé cette courte prière, qu'il se sentit élevé en oraison jusqu'à l'extase, et en même temps Notre-Seigneur se présenta à lui avec sa bienheureuse Mère, lui demandant la raison de sa sortie. A quoi il répondit qu'ayant accoutumé de vivre délicatement, il ne pouvait supporter l'austérité de la règle. Alors Notre- Seigneur, lui montrant la plaie de son côté, le consola et lui dit : « Mon fils, portez ici votre main, oignez-la du sang de ma plaie, et vous trouverez que toutes choses vous seront aisées, quelque difficiles qu'elles paraissent en elles-mêmes. » Ce novice obéit, et depuis, à toutes les tentations et déplaisirs qui lui survenaient, se souvenant de la passion du Fils de Dieu, de l'amoureuse plaie de son Cœur, il trouvait que toute sa peine se changeait aussitôt en de saintes délices.
Pratique. 
Consacrez un jour toutes les semaines à honorer le Cœur de Jésus d'une manière spéciale : le vendredi, par exemple, qui a été désigné par l'Église à cet effet. Rendez ce jour-là une visite plus longue à Jésus dans son Sacrement ; lisez quelque livre qui traite de son Cœur ; c'est le moyen d'entretenir votre ferveur dans cette dévotion ; car elle s'éteindrait bientôt si vous ne lui donniez pas d'aliment.
Oraison jaculatoire.
Que mes yeux et mon cœur, ô Jésus ! demeurent sans cesse attachés à la plaie de votre Cœur (II. Paral, VII, 46)

TREIZIÈME JOUR.
Des quatre désirs du Cœur de Jésus.
Je trouve quatre vives flammes qui brûlaient continuellement dans le Cœur de Jésus.
La première est le désir qu'il témoigna à ses apôtres le jour de la Cène, lorsqu'il leur dit ces paroles : « J'ai un désir extrême de manger cette pâque avec vous avant de souffrir (Luc, xxn, 25.)
Ce qui nous montre avec quelle ardeur nous devons approcher de la sainte table pour y prendre le pain céleste, que nous ne recevrons jamais avec autant de désir qu'il en a eu de le donner. Car il semble que cet adorable mystère était le centre de ses actions, et que, l'ayant accompli, il crut avoir si heureusement achevé lecours de sa vie, qu'après ce grand chef-d'œuvre d'amour il ne lui restait plus rien à faire qu'à souffrir et à mourir pour nous.
C'est ici le second désir dont ce Cœur, insatiable dans ses témoignages d'amour pour les hommes, fit assez paraître la chaleur quand il dit : « Je dois être baptisé d'un baptême : oh ! qu'il me tarde qu'il s'accomplisse ! «(Luc, XXII, 59.)
Qu'était-ce que ce baptême, sinon un baptême de sang ? Le Cœur de Jésus regardait la croix comme l'autel sur lequel il devait consommer le sacrifice de propitiation pour la rédemption du monde ; voila pourquoi il soupirait après elle, et la souhaitait avec empressement.
L'ardeur qui le pressait de souffrir n'était que l'effet d'un troisième désir, encore plus violent, de cette soif brûlante du salut des âmes qui lui fit dire dans l'extrémité de ses douleurs : « Sitio : j'ai soif ! » 0 Cœur de Jésus! quelle est cette ardente soif qui vous brûle et vous fait languir ? — Je brûle du désir de votre salut, de votre repos, de votre sanctification, de votre bonheur éternel.

 Mais le quatrième et le plus grand de tous ses désirs était de glorifier son Père, et de le faire régner par amour dans le cœur des hommes. « Je suis venu, disait-il, jeter le feu sur la terre ; et que désiré-je, sinon qu'il s'allume ?  » (Luc, XII,49.)
Voilà quelles étaient les saintes ardeurs du Cœur de Jésus ; voilà l'exemple sur lequel tous les saints se forment ; voilà le feu qui échauffe, qui brûle, qui embrase leurs cœurs. (nouet.)
Ils vont avec une faim indicible à la table sacrée, comme sainte Catherine de Gênes, qui, voyant la sainte hostie entre les mains du prêtre, s'écriait : «Vite, vite, apportez-moi le pain de vie. »
Ils désirent souffrir, parce que c'est le moyen de devenir semblable à Jésus-Christ. Ainsi saint André,apercevant la croix qui lui était destinée, s'écriait, transporté de joie : « 0 bonne croix, si longtemps désirée, si tendrement aimée ; croix recherchée sans repos, et maintenant enfin préparée aux ardentes poursuites de mon âme, je vous salue ! » La gloire de Dieu les touche uniquement, et ils s'oublient eux-mêmes pour la procurer, prenant pour maxime la dévise de saint Ignace : Ad majorem Dei gloriam : A la plus grande gloire de Dieu. Le zèle du salut des âmes les presse tellement, qu'à la vue des peines et des travaux qu'ils auront à souffrir, bien loin d'être rebutés, ils s'écrient comme saint François Xavier : « Encore plus, Seigneur, encore plus ! » ou avec une grande âme de notre siècle : « Oh ! qu'il est triste de voir tant d'âmes, rachetées par le sang d'un Dieu, se jeter en enfer en riant, comme des fous qui sauteraient du sommet d'une tour élevée ! A dire vrai, je ne connais que cette peine après celle de mes propres péchés. Le reste est du monde, et ne saurait donc compter. »

 Que nous sommes éloignés de ces généreux sentiments ! que nous avons peu d'ardeur pour la table sainte ! que la croix nous semble dure! que le salut de nos frères et la gloire de Dieu nous touchent peu ! 0 Cœur de Jésus ! que vous avez d'amour pour moi, et que mon cœur est froid pour vous ! Changez-le, vous le pouvez et vous le voulez.
Pratique. 
Aidez Jésus-Christ à satisfaire la soif ardente du salut des âmes qui le dévore. Hélas ! elles se perdent par milliers, tandis que vous êtes enrichi avec profusion de toutes sortes de biens spirituels. Jésus se plaint de votre indifférence pour des âmes qui lui ont coûté si cher ; il n'attend que votre prière pour se laisser désarmer. « J'ai cherché, dit-il un homme qui prit le parti de la terre contre moi, afin que je ne la perdisse pas, et je n'en ai pas trouvé : Quœsivi de eis virwn qui interponeret sepem, et staret oppositus contra me pro terra, ne dissiparem eam, et noninveni. » (Ezech.,XXII,30.) Oh ! si vous êtes insensible à cette amoureuse plainte, non, vous n'aimez pas le Cœur de Jésus. Priez donc pour ces pauvres âmes ; priez, vous serez d'excellents prédicateurs sans vous en douter. Il fut montré à sainte Thérèse qne ses seules prières avaient converti plusieurs milliers d'Indiens.
Oraison Jaculatoire.
0 amour du Cœur de Jésus, qui brûlez toujours, et qui ne vous éteignez jamais, allumez-vous dans mon cœur ! 

L'Europe entière a voulu se joindre à la France pour propager au loin la bonne nouvelle du royaume des cieux. On sait les succès admirables de cette sainte association. Écrions-nous donc avec l'un de ses pieux admirateurs : 0 belle œuvre que celle de la Propagation de la Foi ! œuvre venue du ciel ! Le Seigneur, dans sa miséricorde, en a inspiré l'établissement et favorisé les progrès pour le bonheur des deux mondes.

QUATORZIÈME JOUR.
Ce que le Cœur de Jésus demande aux hommes.
« Le Cœur de Jésus s'est donné, livré tout à nous. Son Cœur, voilà la source de ses dons, de ses bienfaits, et le principe de ses faveurs.
Que souhaite- t-il en retour ?
Une seule chose : notre cœur, cœur pour cœur.
Notre-Seigneur demanda un jour à sainte Ludegarde ce qu'elle désirait de lui : « Ce que je veux, ce que je désire, répliqua-t-elle, c'est votre Cœur.
— Mais,moi, lui répondit cet aimable Sauveur, je veux plutôt avoir le tien. »
C'est vraimenl une chose digne d'admiralion que le Cœur de Jésus, la source de tous les biens, ne cesse de poursuivre l'homme et de lui demander sans cesse, comme s'il ne pouvait se passer de lui. Et que lui demande-t-il ? Son cœur : « Mon fils, donnez-moi votre cœur... Convertissez-vous à moi de tout votre cœur... Jérusalem, lave ton cœur, efface les taches qui le souillent... Vous aimerez le Seigneur de tout votre cœur. » « Le Cœur de Jésus a-t-il besoin de quelque chose, et quand il en aurait besoin, le cœur de l'homme est-il capable de soulager son indigence ? Quel trésor cachons-nous donc sous ce petit monceau de poussière, pour que Jésus en soit jaloux ? Ah ! c'est que le cœur est le premier de tous les dons et celui qui rend tous les autres agréables. Jésus ne considère pas tant ce que nous lui donnons que le cœur avec lequel nous le lui donnons. Il est jaloux de notre cœur ; un seul regard, une seule élévation de ce cœur vers lui est capable de le ravir ; c'est qu'il n'y a rien qui appartienne plus à Jésus que ce cœur ; il est sa conquête : Jésus est un roi guerrier et généreux, qui se plaît à donner des batailles et à remporter des victoires. Or il n'y a rien qui lui résiste que le cœur. Le cœur gagné, tout est gagné ; c'est pourquoi il met sa gloire à le vaincre ; et, s'en étant rendu maître, je ne m'étonne pas s'il en fait son royaume, son ciel, son paradis sur la terre.



« Ce ciel lui coûte bien plus que les autres ; il ne se contente pas d'une parole pour l'acquérir, dit saint Bernard, il l'achète au prix de son sang et de sa vie. En effet, que cherche-t-il dans la crèche et sur le foin de l'étable ? que demande-t-il par ses larmes et ses gémissements ? un cœur qui le veuille aimer. Que cherchet-il dans la Palestine, courant de province en province ? que prétend-il par tant de travaux et de sueurs ? gagner le cœur des hommes et se faire aimer. Que cherchet-il sur la croix ? au saint Sacrement ? que cherche-t-il enfin en offrant aux hommes de ce siècle, par un dernier excès d'amour, son propre Cœur ? Il cherche des cœurs ; et néanmoins il n'en trouve pas qui le contente. Il regarde la terre, il considère tous les hommes ; et de cette prodigieuse multitude de cœurs qui se donnent chacun à ce qu'il aime, à peine y en a-t-il un seul qui s'attache tout entier à sa honte. » (nouet.)

Ce divin Sauveur dit un jour à sainte Angèle de Foligno : « Si quelqu'un voulait me recevoir dans son âme, je me prêterais à ce désir au lieu de m'y soustraire ; si quelqu'un voulait me voir, je me découvrirais à lui avec bonheur. Si quelqu'un voulait s'entretenir avec moi, je lui parlerais avec une affabilité toute joyeuse ; car les âmes qui ont pour moi de l'amour me sont si chères, que si j'en trouvais quelqu'une qui m'aimât plus tendrement que mes saints du temps passé, dont on raconte tant de merveilles, je lui accorderais des faveurs encore plus signalées. »
Or il n'est personne qui puisse alléguer de justes excuses de ce qu'il est dépouryu de cet amour.
Non, tout homme peut aimer Dieu, car il n'exige rien de l'âme, sinon qu'elle le cherche, sûre de le trouver, puisqu'elle est véritablement aimée de lui, et que lui-même il est l'amour des âmes.
« L'amour que je porte à une âme qui m'aime sans déguisement n'a point de bornes, » poursuivait Notre-Seigneur.
« II me semble, ajoute la sainte, que ce divin Sauveur voulait que l'âme brûlât, selon sa capacité, du même amour dont il se consumait pour elle, et qu'il le lui donnerait, pourvu seulement qu'elle le désirât. »
« Mais, hélas ! qu'il est peu d'âmes qui aspirent à cet amour ! ô mon Seigneur, que vous êtes pauvre, abandonné, délaissé ! et que votre indigence me touche et me donne de compassion ! La piété de vos serviteurs a trouvé le secret de faire des quêtes pour soulager les pauvres ; j'en veux faire une pour vous. Je veux chercher un cœur qui vous aime et qui se soumette à votre empire. 0 homme ! Jésus veut votre cœur. Il est impossible que ce cœur ne se donne à quelqu'un, puisqu'il ne peut vivre sans aimer, ni aimer sans se donner. Or, si votre cœur est à donner, qui mérite mieux de le posséder que Celui qui l'a fait ! Le monde demande votre Cœur pour le changer en un enfer ; le Cœur de Jésus demande votre cœur pour en faire un paradis dès cette vie : choisissez. » (nouet.) Ah ! Seigneur, mon cœur vous appartient, je vous le rends. Que ne suis-je aussi le maître de tous les cœurs, pour les déposer dans le vôtre !
Pratique.
Consacrez chaque année une semaine, et fixez chaque mois un jour uniquement destiné à réparer les forces de votre âme dans la retraite : c'est une des pratiques les plus infaillibles de salut et de perfection, un moyen assuré d'entrer dans l'intérieur du Cœur de Jésus, suivant ces paroles de l'Écriture : Je conduirai l'âme dans la solitude, et je lui parlerai au cœur : Ducam eam in solitudinem, et loquar ad cor ejus, (Os., il, 14.) 0 la douce conversation ! qu'elle vous apprendra d'admirables secrets !
Oraison Jaculatoire.
0 Cœur de Jésus ! vous m'avez cherché quand je vous fuyais; me fuiriez-vous maintenant que je vous cherche ?
Cor Jesu, Cor Mariœ.
QUINZIÈME JOUR.
Le Cœur de Jésus nous appelle tous à lui.
Venite ad me, omnes. (Matth., XI, 28.) « Que ces paroles sont belles ! dit saint Basile de Séleucie : Venez tous à moi, je ne mets point de bornes a mes promesses : mon Cœur est une source inépuisable de bonté, qui peut effacer tous les crimes.
« Venez tous à moi, et je vous soulagerai. A vous les crimes, à moi le remède ; à vous les plaies, à moi la guérison.
« Venez tous à moi, mon Cœur est assez grand pour tous. La mer de ma miséricorde est bien assez vaste pour recevoir tous les pécheurs qui s'y jettent en foule, comme des fleuves, pour y noyer leurs offenses.
« Venez tous à moi, car ma parole ne peut être sans effet. C'est un filet que j'ai jeté dans la mer du monde pour y prendre et pour y enfermer tous les hommes.
« Venez tous à moi. 0 voix puissante, qui a triomphé de toutes les nations du monde ! parole salutaire, parole souveraine, qui a captivé l'univers sous le joug de la foi ! » (nouet.)
Venitead me, omnes. Venez tous à moi, venez tous à mon Cœur. Enfants, venez au Cœur de Jésus ; la mère la plus aimante n'éprouve rien qui approche de la tendresse dont ce Cœur brûle pour vous. Vieillards, venez au Cœur de Jésus ; il renouvellera votre jeunesse comme celle de l'aigle. Justes, venez au Cœur de Jésus ; renfermés dans cet asile, vous irez tous les jours de vertus en vertus. Pécheurs, ah ! pécheurs, venez, venez tous au Cœur de Jésus ; et le vêtement de vos iniquités, fût-il rouge comme l'écarlate, il le rendra plus blanc que la neige. Si fuerint peccata vëstra utcoccinum, quasi nix dealbabuntur. (Is., I,-18,)
C'est, en effet, c'est surtout à l'égard des pécheurs qui ont le plus abusé de ses bienfaits que le Cœur de Jésus se montre plus libéral, se plaisant à vérifier cette parole de l'Écriture : Là où abonda l'iniquité, là abondera la miséricorde. Brebis égarée de la maison d'Israël, pauvre âme qui vous êtes lassée dans la voie de l'iniquité, peut-être vous dites-vous à vous-même, dans le triste état où vous ont réduite vos égarements : Le Seigneur m'a délaissée pour jamais, le Seigneur ne se souvient plus de moi : Dereliquit me Dominus, et Dominus oblitus est mei. (ls., XLIX, 14.) Ecoutez ce qu'il dit à l'une de ces âmes qu'il avait tirées de l'abîmé du péché pour lui faire part des trésors de sa miséricorde, sainte Angèle de Foligno : « Mes enfants qui par le péché ont renoncé à mon royaume et se sont faits esclaves du démon, sont bien reçus de leur père quand ils reviennent à Lui, et, dans le transport de la joie que Lui cause leur retour, il donne à ces pécheurs des grâces qu'il n'accorde pas toujours aux âmes innocentes. Pourquoi cela ? d'abord à raison de l'amour immense qu'il leur porte ; ensuite parce que leur profonde misère l'a rendu miséricordieux à leur égard; enfin à cause de la douleur qu'ils ressentent d'avoir offensé une majesté si haute et une bonté si clémente, dont ils se jugent indignes, reconnaissant qu'ils ont mérité l'enfer. Pour toutes ces raisons, celui qui a le plus péché peut obtenir une plus grande grâce et éprouver une plus grande miséricorde. »
Quand sera-ce, ô Cœur de Jésus, que je répondrai à une si condescendante bonté ? Quand écouterai-je la voix de votre amour ? Quand commencerai-je à vous aimer ? Hélas ! en quelque temps que je vous donne mon cœur, quand ce serait dès le premier moment de ma vie, toujours vous m'aurez aimé le premier, et d'un amour que je ne pourrai jamais payer.
« L'amitié la plus parfaite entre les hommes est celle qu'ils gardent jusqu'à la mort et pour laquelle ils se font gloire de mourir. Mais le Cœur de Jésus est ami à la vie, à la mort et après la mort, car il donne l'éternité à ceux qui l'aiment. Choisissez donc pour ami par préférence à tous les autres cet aimable Cœur, qui seul vous gardera la foi au jour de votre sépulture, lorsque toutes choses vous seront ravies. Soyez assuré qu'il ne vous laissera point, lors même que vous vous verrez abandonné de vos plus fidèles amis, mais qu'il assistera aux derniers combats que vous soutiendrez contre les démons, et qu'il vous délivrera de la puissance des ténèbres et de la fureur de ces lions rugissants qui se préparent à dévorer leur proie à l'heure de la mort. » (S. Augustin.)
Ah ! qu'il est doux, s'écriait au lit de la mort un grand serviteur de Dieu, de tomber entre les bras de Jésus mourant pour nous ! Qu'il vous sera doux aussi de vous jeter, au sortir de cette vie, dans le Cœur de Jésus blessé pour vous, si dès maintenant vous répondez à l'invitation ous fait d'y fixer votre séjour !
Pratique.
Un moyen efficace de consoler le Cœur de Notre-Seigneur, et qui est à la portée de tous, c'est de travailler à délivrer les âmes du purgatoire.
Le saint sacrifice de la messe, l'application des indulgences, les prières, les moindres actions dirigées à cette intention, sont autant de moyens de soulager ces âmes, auxquelles Jésus a un extrême désir d'être uni : désir que sa justice l'empêche de satisfaire, attendant, pour ainsi dire de vous seul, que vous le mettiez dans la douce obligation de faire céder cette divine justice à sa miséricorde.
Oraison Jaculatoire.
Je n'ai demandé qu'une chose au Seigneur, et je la lui demanderai tous les jours de ma vie : c'est d'habiter continuellement dans son Cœur : Unam petii à Domino, hanc requiram. (Ps. XXVI, 7.)
Cor Jesu. Cor Mariœ.
SEIZIÈME JOUR.
Comment nous devons aller au Cœur de Jésus.
En premier lieu, approchez-vous du Cœur de Jésus en esprit de Pénitence, pour pleurer vos péchés, et en obtenir le pardon, l'adorant comme l'apôtre saint Thomas avec un profond respect, lui disant, d'un cœur contrit et humilié :
Mon Seigneur et mon Dieu, Dominus meus et Deus meus. — Mon unique espérance, souffrez que je cherche le remède à mes plaies dans la plaie de votre Cœur.
Permettez que moi aussi je mette la main dans votre sacré côté, non pour m'assurer de la vérité de votre résurrection, mais pour toucher votre Cœur brûlant, et pour reporter ensuite cette main ainsi réchauffée sur mon pauvre cœur, afin de l'embraser de votre puissant amour, et de la consumer de regret au souvenir de ses offenses, de ses oublis, de son ingratitude, qui vous ont rendu triste jusqu'à la mort.
« Cœur infiniment saint, et souverainement amoureux de la pureté, qui ne pouvez souffrir la moindre tache, imprimez dans mon cœur la crainte et l'horreur des plus légères offenses.
Cœur pénitent qui avez payé la rançon de tous les captifs, faites que je rompe mes liens, que je combatte mes mauvaises habitudes, que je mortifie mes sens, et que je répare par ma pénitence la gloire que je vous ai ravie. » (nouet.)
Soyez assuré que cette humble prière attirera la compassion de ce Cœur divin, car s'il veut bien souffrir que sa créature, ce néant révolté, cette poussière animée, l'offense et le méprise, il est certain que, par une générosité sans exemple, le moindre acte d'humilité est capable de lui faire oublier toutes ses lâchetés, toutes ses ingratitudes.
« En second lieu allez au Cœur de Jésus comme à votre asile, en esprit de Confiance, pour noyer toutes vos tristesses, vos dégoûts, vos chagrins, vos peines et vos ennuis dans cet abîme de douceur et de bonté. » (nouet.)
Plus vous êtes pécheur, plus vous devez ranimer votre espérance au Cœur de Jésus : l'amour seul ne se lasse pas de pardonner. Jésus n'est point venu pour les justes, ou du moins pour ceux qui se croient tels, mais pour les pauvres pécheurs ; c'est au milieu d'eux qu'il aime à se trouver ; il se laisse appeler l'ami des pécheurs ; il Court à leur rencontre et les baigne de ses larmes ; il fait plus de réjouissance dans le ciel pour le retour d'un seul d'entre eux que pour la persévérance de quatre-vingt-dix-neuf justes. Oh ! que votre confiance après vos chutes lui est agréable et qu'elle l'honore ! Elle blesse délicieusement son cœur, ainsi qu'il le dit lui-même à sainte Gertrude. Un jour des Saints Innocents, se trouvant empêchée de se préparer à la sainte communion par le tumulte des pensées étrangères qui traversaient son esprit, elle implora le secours divin, et reçut cette réponse de la divine miséricorde : « Si quelqu'un, se trouvant attaqué de quelque tentation, se réfugie avec une ferme espérance sous ma protection, il est de ceux de qui je puis dire : Ma colombe est unique, choisie entre mille ; elle qui par un seul de ses regards a transpercé mon Cœur. De telle sorte que, si je savais ne pouvoir venir à son aide, la désolation de mon divin Cœur serait telle, que toutes les délices célestes ne pourraient l'alléger. »
Et il ajouta : « Ce regard de ma bien-aimée qui transperce mon Cœur, c'est l'imperturbable confiance qu'elle doit avoir en moi : assurée que je puis, que je sais, que je veux lui venir en aide en toutes choses ; confiance qui fait une telle violence à ma miséricorde, qu'il me serait impossible de m'éloigner d'elle. »
Sainte Gertrude répartit : « Mais si cette confiance est un si grand bien et que personne ne puisse se la procurer sans votre secours, que peut donc faire celui qui ne l'a pas ? »
Notre-Seigneur lui répondit : « Il est au pouvoir de chacun de vaincre sa défiance par les paroles de l'Écriture, et de dire sinon de tout son cœur, au moins de bouche avec Job : « Quand je serais enseveli au fond de l'enfer, mon Dieu m'en délivrerait ; quand il me donnerait le coup de la mort, j'espérerais encore en lui ; » et autres paroles semblables.
Aussi un grand serviteur de Dieu, dont la confiance filiale et l'abandon à la Providence avaient, pour ainsi dire, fait le caractère distinctif, éclairé à la mort d'une lumière encore plus vive sur la grandeur des miséricordes de Dieu, s'écriait-il : « Que ne puis-je revenir a la santé pour ne plus vivre que de confiance !
En troisième lieu, approchez-vous du Cœur de Jésus en esprit de recueillement et d'oraison, pour vous retirer de l'embarras des affaires. C'est là que Notre Seigneur, vous cachant à l'ombre de sa protection et s'approchant de vous avec bonté, vous dira au cœur comme à sainte Gertrude :
N'ayez que moi seul en vue, appliquez à moi seul toutes les puissances de votre âme, et jouissez de la douceur de ma grâce. Intende mihi soli, et fruere dulcedine gratiœ meœ. (III Insin., rx.) C'est le Cœur de Jésus qui vous invite à ce repos de la solitude et de l'oraison, comme autrefois ses apôtres après leurs travaux : Venite seorsum in desertum locum, et requiescite pusillum. Venez seul dans cette retraite éloignée du bruit, et reposez-vous un peu sur le Cœur de votre Maître avec le disciple bien-aimé. Oh ! que vos forces seront bientôt réparées, et que vous apprendrez là d'importantes vérités !
Pratique.
Vous avez entendu mille fois la grande maxime de Jésus : Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, Discite a me quia mitis sum et humilis corde ; mais vous n'en comprenez pas encore tout le sens ; demandez-lui instamment qu'il vous en donne l'intelligence.
La douceur et l'humilité, voilà les deux vertus qu'il tire du bon trésor de son Cœur,et qu'il nous enseigne avec une autorité de maître. Nous ne sommes pas ses vrais disciples, nous ne saurions être réellement dévoués à son Cœur, si nous ne sommes fermement résolus de les étudier et de les pratiquer ; car le caractère propre, le fond et l'essentiel de toute vraie dévotion, est l'imitation de ce que nous honorons. Summa religionis imitari quod colimus. (S. Aug.)
Oraison Jaculatoire.
0 amour du Cœur de Jésus, qui n'êtes point connu ; ô amour qui n'êtes point aimé, faites-vous donc connaître et aimer !
Cor Jesu, etc. Cor Mariœ, etc.
DIX-SEPTIÈME JOUR.
Le Cœur de Jésus est un remède assuré à tous les maux de notre âme, en quelque disposition qu'elle se trouve.
Le Cœur de Jésus est un abîme de sagesse, sapientiœ abyssus, la plénitude de tous les biens où vous trouverez le remède assuré aux maux de votre âme ; surtout c'est un abîme d'amour où nous devons abîmer tout autre amour, et spécialement l'amour propre qui est en nous, avec ses mauvaises productions, qui sont le respect humain et le désir de nous élever et de nous contenter. C'est en noyant ces penchants dans l'abîme de l'amour divin que vous y trouverez tous les secours qui vous seront nécessaires, selon vos états différents.
« Si vous êtes dans un abîme de sécheresse et d'impuissance, allez vous abîmer dans le Cœur de Jésus-Christ, qui est un abîme de puissance et d'amour, sans trop souhaiter de goûter la douceur de cet amour que lorsqu'il lui plaira de vous l'inspirer.
« Si vous êtes dans un abîme de privation et de désolation, ce divin Cœur est un abîme de toute consolation, dans lequel il faut nous perdre sans désirer d'en sentir la douceur.
« Si vous êtes dans un abîme de pauvreté et dénué de tout, abîmez-vous dans le Cœur de Jésus ; il est rempli de trésors, il vous enrichira si vous le laissez faire.
« Si vous êtes dans un abîme de faiblesse, de rechutes et de misères, allez au Cœur de Jésus ; c'est un abîme de miséricorde et de forces, il vous relèvera et vous fortifiera.
« Si vous éprouvez en vous un abîme d'orgueil et de vaine estime de vous-même, abîmez-le promptement dans les anéantissements profonds du Cœur de Jésus ; ce Cœur humble est l'abîme de l'humilité.
« Si vous vous trouvez dans un abîme d'ignorance et de ténèbres, le Cœur de Jésus est un abîme de science et de lumière ; apprenez surtout à l'aimer et à ne faire que ce qu'il désire de vous.
«Si vous êtes dans un abîme d'infidélité et d'inconstance, le Cœur de Jésus en est un de constance et de fidélité : abîmez-vous-y, et vous y trouverez un amour constant à nous aimer et à nous faire du bien.
« Si vous vous trouvez comme abîmé dans la mort, allez au Cœur de Jésus ; vous y trouverez un abîme de vie, une vie nouvelle, vie où vous ne regarderez plus que par les yeux de Jésus-Christ, où vous n'agirez plus que par son mouvement, où vous ne parlerez plus que par sa langue, où vous n'aimerez plus que par son Cœur. « Si vous vous trouvez dans un abîme d'ingratitude, le Cœur de Jésus est un abîme de reconnaissance ; puisez-y de quoi offrir à Dieu pour tous les biens que vous avez reçus, et priez Jésus de suppléer pour vous de son abondance.
« Si vous vous trouvez dans un abîme d'agitation, d'impatience et de colère, allez au Cœur de Jésus, qui est un abîme de douceur.
« Si vous êtes dans un abîme de dissipation et de distraction, vous trouverez dans le Cœur de Jésus un abîme de recueillement et de ferveur qui suppléera à tout, qui fixera votre cœur et votre imagination en les unissant à lui.
« Si vous vous trouvez plongé dans un abîme de tristesse, abîmez la tristesse elle-même dans le Cœur de Jésus, qui est un abîme de joie céleste et le trésor de toutes les délices des saints et des anges.
«Si vous êtes dans le trouble et l'inquiétude, ce Cœur divin est un abîme de paix, et cette paix vous sera communiquée.
« Lorsque vous serez dans un abîme d'amertume et de souffrances, unissez-les à l'abîme des souffrances infinies du Cœur de Jésus, et vous apprendrez de lui a souffrir et à être content en souffrant.
« Quand vous serez dans un abîme de crainte, le Cœur de Jésus est un abîme de confiance et d'amour : abandonnez-vous y ; là vous apprendrez que la crainte doit céder à l'amour.
«Enfin, en tout et partout, abîmez-vous dans cet océan d'amour et de charité, et, s'il est possible, n'en sortez plus que vous ne soyez pénétré du feu dont ce Cœur est embrasé pour Dieu et pour les hommes, comme le fer dans la fournaise ou comme une éponge plongée dans la mer et pénétrée de ses eaux. » ( Marc.-marie.)
Sainte Mechtilde, étant un jour fortement occupée de Dieu, vit en esprit la Charité sous la figure d'une vierge qui trempait un diamant dans le Cœur de Jésus-Christ, et réitérait souvent cette action, pour lui apprendre qu'il n'y a pas de cœur si dur et si impénitent que le Cœur de Jésus ne fasse fondre de contrition. Quand nos cœurs seraient aussi durs que le diamant, ils s'amolliront à force d'être trempés dans le sang de l'Agneau sans tache, et d'être unis au Cœur de Jésus.
Pratique.
Ne vous laissez pas aller au découragement, quelque impérieux que soient vos penchants, quelque graves que soient vos fautes ; mais songez aussitôt que vous avez à votre disposition pour les réparer tous les mérites du Cœur de Jésus.
Jetez-vous dans ce Cœur, qui est toujours ouvert pour recevoir même les plus grands pécheurs, et dites-lui : Ah ! Seigneur, que l'abîme profond de mes misères appelle sur moi l'abîme de vos miséricordes : car vous l'avez dit par votre Prophète : Un abîme appelle un autre abime : Abyssus abyssum invocat. (Ps. Xli, 8.)
Une étincelle de feu jetée dans l'Océan ne s'éteindrait pas plus vite que votre faute ne sera effacée par ce moyen. Tant que nous sommes en cette vie, le cœur de Jésus nous invite, il nous appelle, quelque ingrats que nous soyons ; toujours cette porte de la divine miséricorde nous reste ouverte. L'enfer ne peut la fermer que sur les victimes qui lui ont été livrées pour l'éternité.
Oraison Jaculatoire.
Cœur de Jésus, vous serez mon espérance dans le trouble, vous me servirez d'un frais ombrage contre les ardeurs de mes passions. Spes à turbine, umbraculum alœstu. (Is., xxv, 4.)
 DIX-HUITIÈME JOUR.
De l'agonie du Cœur de Jésus au jardin des Oliviers.
Si toute la vie de Notre-Seigneur fut une croix et un martyre continuels, par la vue anticipée des maux qu'il devait souffrir pour le genre humain, on peut dire cependant encore que le plus douloureux instant de cette vie d'amertume fut celui où il voulut réunir à la fois dans son Cœur, par une vive et sérieuse considération, tous ces maux, et en porter le poids et la peine durant cette agonie de trois heures à laquelle il se livra au jardin des Oliviers. C'est là que les âmes dévouées à ce divin Cœur doivent venir le considérer tous les jours et mesurer l'étendue de son amour. Ce moment est celui du martyre de son divin Cœur. Les souffrances physiques de sa passion furent en quelque sorte uu soulagement à sa douleur, une satisfaction à son amour ; mais c'est ici qu'il souffre sans adoucissement, sans consolation ; qu'il refuse même à son esprit toute pensée qui pourrait lui apporter un soulagement : Renuit consolari anima mea. ( Ps. LXXXVI, 4.)
Considérons donc quelles furent ses souffrances durant cette cruelle agonie.
Première souffrance du Cœur de Jésus : Sa compassion pour son Père.
Dieu est amour, Deus charitas est (Joan. IV), nous dit l'apôtre que Jésus aimait.
0 définition digne de saint Jean, digne du Cœur de Jésus, dans lequel il l'avait puisée durant ce repos plein de lumière qu'il goûta sur la poitrine de son divin Maître. Ce Dieu d'amour nous a aimés d'un amour éternel ; de toute éternité nous avons occupé sa pensée, ses desseins de miséricorde : In charitate perpétua dilexite. (Jer., XXXI, 3.) Lorsque l'homme en péchant eut perdu tous les dons que lui destinait sa bonté, Dieu, plus libéral encore, l'aima jusqu'à lui donner son Fils unique, l'objet de ses complaisances et de ses affections, jusqu'à livrer ce divin Fils à la mort la plus douloureuse, la plus ignominieuse, pour sauver l'homme pécheur : Sic Deus dilexitmundum, utFiliwm unigenitum daret. (Joann., III, 16.)
Donner son Fils, c'est plus que se donner soi-même ; aussi ce divin Père se fût-il plus volontiers livré lui-même s'il eût jugé qu'il fût convenable de le faire. Mais le monde a méconnu cet amour incompréhensible, il n'y a pas voulu croire, il l'a oublié : Non crediderunt charitati.
En effet, ce prodige admirable d'amour, l'étonnement des anges et des saints du ciel, qui le médite ? qui l'approfondit ? qui le reconnaît, au moins autant qu'il est au pouvoir d'une créature de le faire ?
Si nul n'est père à l'égal de Dieu, on peut dire aussi que nul n'éprouva jamais pour le père le plus tendrement aimé des sentiments aussi vifs que le Fils de Dieuà l'égard de son Père. Or, dans son agonie, le Cœur de Jésus compatissait au delà de tout ce qu'on peut dire à cet incompréhensible amour outragé par l'ingratitude et les crimes innombrables dont les hommes ont payé l'immense charité de Dieu le Père à leur égard.
Seconde souffrance du Cœur de Jésus : Sa compassion pour les douleurs de sa Mère.
Pour dire ce que souffrit Marie pendant la douloureuse passion de son divin Fils, il faudrait avoir pénétré dans son Cœur. Ce Cœur était doué d'une capacité de sentiment si noble, si profonde, si excellente, que nul autre cœur de mère ne saurait lui être comparé. Elle seule pouvait dire avec vérité que les opprobres de son divin Fils retombaient sur son Cœur : Et opprobria exprobrantium tibi ceciderunt super me. Elle sentait seule toute l'amertume des dérisions, des insultes, des blasphèmes proférés contre Jésus. Elle entendait les soupirs, les gémissements, les dernières paroles de son fils ; elle le voyait abandonné de son Père, étendu, cloué sur la croix, expirer dans la plus cruelle agonie sans qu'il lui fût possible d'essuyer les larmes qui coulaient de ses yeux, d'étancher le sang de ses plaies, de lui rendre aucun de ces tristes soins qui pouvaient adoucir ses dernières souffrances ; sans qu'elle pût surtout verser la moindre consolation dans son Cœur affligé. A ce spectacle, son silence et ses larmes étaient sa seule voix : Stabat Mater dolorosa juxta crucem lacrymosa, dùm pendebat filius.
Voir souffrir ceux que l'on aime, les voir souffrir à son sujet, quel martyre ! Or ces douleurs incompréhensibles de Marie, son divin fils les ajoutait aux siennes, les recevait, les portait dans son propre Cœur par la compassion durant son agonie.
Pesez, sondez tant de douleurs endurées pour vous ; demandez au Cœur de Jésus de verser dans le vôtre une goutte de cette mer d'amertume qui environne et pénètre le sien, afin que l'expérience de tant de maux vous rende généreux à tout souffrir et à tout entreprendre pour répondre à tant d'amour (-1).
(1) PRIÈRE DE BOSSUET
Pour unir nos souffrances à celles de J.C.
■ Mon Dieu, je m'unis de tout mon cœur à votre saint Fils Jésus, qui, dans la sueur de son agonie, vous a présenté la prière de tous ses membres infirmes.
0 Dieu, Vous l'avez livré à la tristesse, à l'ennui, à la frayeur ; et le calice que vous lui avez donné à boire était si amer et si plein d'horreur, qu'il vous pria de le détourner de lui.
En union avec sa sainte âme, je vous le dis, ô mon Dieu et mon Père : Détournez de moi ce calice horrible ; toutefois que votre volonté soit faite, et non pas la mienne.
Je mêle ce calice avec celui que votre Fils notre Sauveur a avalé par votre ordre. Il ne me fallait pas un moindre remède, ô mon Dieu : je le recois de votre main avec une ferme foi que vous l'avez préparé pour mon salut, et pour me rendre semblable à Jésus-Christ mon Sauveur.
Mais, ô Seigneur, qui avez promis de ne nous mettre pas à des épreuves qui passent nos forces, vous êtes fidèle et véritable : je crois en votre parole ; et je vous prie, par votre Fils, de me donner de la force ou d'épargner ma faiblesse. 
Jésus mon Sauveur, nom de miséricorde et de grâces, je m'unis à la sainte prière du Jardin, à vos sueurs, à votre agonie, à votre accablante tristesse, à l'agitation effroyable de votre sainte âme, aux ennuis auxquels vous avez été livré, à la pesanteur de vos immenses douleurs, à votre délaissement, à votre abandon, au spectacle affreux qui vous fit voir la justice de votre Père armée contre vous, aux combats que vous avez livrés aux démons dans ce temps de vos délaissements, et à la victoire que vous avez remportée sur ces noirs et malicieux ennemis, à votre anéantissement, et aux profondeurs de vos humiliations, qui font fléchir le genou devant Vous à toutes les créatures, dans le ciel, sur la terre et dans les enfers : en un mot, je m'unis à votre croix, et à tout ce que vous choisissez pour crucifier l'homme. Ayez pitié de tous les pécheurs, et de moi, qui suis le premier de tous : consolez-moi, convertissez-moi, anéantissez-moi, rendez-moi digne de porter votre livrée. Ainsi soit-il
Pratique.
Notre-Seigneur lui-même, parmi les différents exercices qu'il prescrivit à la vénérable Marguerite-Marie pour honorer son Cœur, lui enseigna celui qui est aujourd'hui connu sous le nom d'Heure sainte.
« Je te demande, lui dit-il, que tu passes en oraison les nuits du jeudi au vendredi, depuis onze heures jusqu'à minuit, pour partager avec moi la douleur que j'eus dans mon agonie, pour apaiser ma colère envers les pécheurs, et pour adoucir en quelque façon l'amertume que je sentis alors de l'abandon qui m'obligea à leur reprocher qu'ils n'avaient pu veiller une heure avec moi. »
Si l'âge, la santé ou vos supérieurs ne vous permettent pas cette pratique salutaire, vous ne pourrez au moins vous excuser d'en former le désir, et d'offrir à Notre-Seigneur tous les jeudis au soir, en supplément de l'oraison que vous ne pouvez faire, celle de tant d'àmes saintes qui sont fidèles à cette pratique, priant vote bon ange de tenir votre place auprès du Cœur de Jésus.
Oraison Jaculatoire.
Oh ! qui me donnera d'entrer dans l'intérieur de votre Cœur, ô Jésus ! Cor Jesu, etc. Cor Mariœ, etc.
  DIX-NEUVIÈME JOUR.
De l'agonie du Cœur de Jésus au jardin des Oliviers.
Un jour que Marguerite-Marie considérait attentivement dans l'oraison la tristesse et l'agonie de Notre-Seigneur au jardin des Oliviers, ce divin Maître lui dit :
« C'est ici que j'ai plus souffert intérieurement que dans tout le reste de ma passion, me voyant dans un délaissement général du ciel et de la terre, et chargé de tous les péchés des hommes. J'ai paru ainsi devant la sainteté de Dieu, qui, sans avoir égard-à mon innocence, m'a froissé dans sa fureur, me faisant boire le calice qui contenait tout le fiel et toute l'amertume desajuste indignation, comme s'il eût oublié le nom de Père pour me sacrifiera sa colère. Il n'y a point de créature qui puisse comprendre la grandeur des tourments que je souffris alors pour le genre humain. »
A cette vue terrible de son Père irrité se joignait encore dans le Cœur de Jésus la compassion pour ses propres maux et pour ceux du genre humain.
Troisième souffrance du Cœur de Jésus : Sa compassion pour lui-même.
L'attente des maux est d'ordinaire plus pénible que les maux eux-mêmes : Jésus-Christ permit donc que durant son agonie tous les tourments de sa passion vinssent à la fois fondre sur lui et se retracer à son esprit avec toutes les circonstances qui les lui rendirent aussi douloureux qu'ignominieux ; il voulut en quelque sorte en savourer toule l'amertume, et les endurer en son Cœur avant de les expérimenter en son corps. Les clous, les liens, la croix, les verges, les épines, le fiel, le vinaigre, les crachats, les soufflets, le manteau de pourpre, le sceptre dérisoire, les insultes de ses ennemis, le délaissement de ses amis, la trahison de l'un de ses apôtres, le reniement de l'autre, il prévit tout, il accepta tout durant celte pénible et douloureuse agonie.
Quatrième souffrance du Cceur de Jésus :
Sa compassion pour le genre humain, qu'il aimait d'un amour souverain. « Or il ne se bornait pas à déplorer sa perte en général ; il compatissait aux maux de chaque personne de cette multitude, s'affligeant de ses péchés, non en masse, mais en particulier ; en sorte qu'il ne fut pas un péché commis ou à commettre, mortel ou véniel, qui ne contribuât, selon sa mesure, à déchirer le Cœur de Notre Seigneur. » (sainte Angèle De Foligno.)
Qui que nous soyons, justes ou pécheurs, tous nous sommes venus jeter notre part d'amertume dans ce Cœur compatissant ; nous avons causé cette cruelle agonie. Il faudrait donc compter la multitude d'hommes qui ont vécu ou qui vivront jusqu'à la fin des temps, le nombre et l'énormité effroyable de leurs crimes, l'amour immense dont brûlait ce coeur pour les âmes, l'ardent désir qui le pressait de les sauver toutes, pour se faire quelque idée des angoisses de l'agonie de ce Cœur divin.
Joignez à cette vue de la perte des âmes, de leur ingratitude, toutes les douleurs, toutes les épreuves physiques et morales du genre humain qui venaient se jeter dans cette amertume, et voulut endurer dans son cœur par la compassion ce divin maître, afin que nous pussions dire avec l'apôtre : nous n'avons pas un pontife qui ne sache pas compatir à nos infirmités.
Telles sont les douleurs incompréhensibles qui environnent de toutes parts et qui déchirent le cœur de Jésus. Aussi l'entendez-vous s'écrier : Mon âme est triste jusqu'à la mort. Mon Père, s'il est possible, que ce calice s'éloigne de moi ! Le voyez-vous délaissé de son Père, livré à la crainte, à l'ennui et réduit à un tel état, qu'une sueur de sang inonde son corps sacré et coule jusque sur la terre par la violence de sa douleur et de son amour, sans qu'il soit besoin de bourreaux, de clous, d'épines, de fouets ? Ah ! c'est que le cœur de Jésus souffre autant ici, à l'éxpérience près que sur la croix, c'est qu'il veut être le modèle, l'asile, la consolation de tous les cœurs affligés. Les juifs, témoins des pleurs que répandait Jésus sur le tombeau de Lazare, s'écriaient dans leur admiration : Voyez donc comme il l'aimait ! Ecce quomodo m nul m t eum I (Joann., XI, 36.)
Que devez-vous donc dire, que devez-vous penser, âme chrétienne, en voyant non, plus seulement les larmes, mais le sang que répand Jésus aujourd'hui pour nous prouver son amour !
Approchez donc de votre Sauveur agonisant ; comparez, si vous l'osez, vos peines à celles qui transpercent son Cœur, et demandez au Père éternel qu'il vous permette, tout indigne que vous en êtes, de prendre la place de l'ange qu'il lui envoya pour le consoler, de demeurer près de lui, de veiller avec lui, comme il vous y invite lui-même : Sustinete hic, etvigilate mecum. (Marc., xiv.)
La patience, la résignation dans vos souffrances sont les soulagements qu'attend de vous le Cœur affligé de Jésus.
Pratique.
Quand vous vous préparez à la confession, suppliez le Cœur de Jésus qu'il veuille bien recevoir le vôtre dans le sien, pour lui faire quelque part de la douleur amère qu'il ressentit des péchés que vous allez accuser, péchés qui lui étaient présents durant sa douloureuse agonie.
Oraison Jaculatoire.
Par votre Cœur transpercé de douleur, ô Jésus, transpercez le mien du regret de ses fautes.
Cor Jesu, etc. Cor Mariœ, etc.
VINGTIÈME JOUR.
Les âmes dévouées au Cœur de Jésus aiment  à méditer sa passion.
Ces flammes ardentes qui consumaient pour nous le Cœur de Jésus, ces inénarrables douleurs qui le plongèrent dans une mer d'amertume, cette immense soif de notre salut qui le faisait languir, tous ces prodiges de l'amour d'un Dieu, qui de nous les eût soupçonnés, qui les eût pénétrés, qui eût voulu y croire, si ce divin Sauveur n'en eût donné quelque preuve éclatante et palpable ?
Souffrir, mourir pour ses amis, c'est la plus grande preuve de l'amour. Majorera hoc dilectionem nerno habet ut animam swam ponat quis pro amicis suis. ( Joan. XV, 13.) Cette preuve, le Cœur de Jésus nous l'a donnée. Mais non, ce n'est point pour ses amis, c'est pour ses ennemis, pour ceux qui lui donnent la mort qu'il expire. Et qui de nous, dit saint Augustin, eût-il pu aimer s'il n'eût aimé ses ennemis ? Il nous a aimés pendant que nous étions ses ennemis pour nous rendre dignes d'être appelés ses amis. Cette inconcevable preuve d'amour, les souffrances, la mort, qu'il a endurées pour nous, ce divin Sauveur souhaite que jamais nous n'en perdions le souvenir : c'est pour cela que tous les jours il veut le renouveler au saint sacrifice de la messe. On ne peut être dévoué à son Cœur, et ne pas se plaire à méditer les moyens si inconcevables, si dignes de notre reconnaissance qu'a inventés ce divin Cœur dans l'excès de son amour pour prouver ce même amour aux cœurs insensibles des hommes.
C'est donc non-seulement au jardin des Oliviers, mais entre les mains des soldats, dans les rues de Jérusalem, devant Anne, Caïphe, Hérode, à la colonne, au prétoire, sur le Calvaire, que les cœurs dévoués à celui de Jésus doivent suivre ce divin Sauveur et s'unir a ses douleurs, qui ne finirent qu'avec sa vie (I).
Quant aux fruits, aux mérites d'une pareille considération, tous les saints n'ont qu'une voix pour les exalter.
Saint Augustin dit qu'une seule larme versée au souvenir de la Passion de Jésus-Christ vaut mieux qu'un pèlerinage à Jérusalem et une année de jeûne au pain et a l'eau.
« Pourquoi le nombre de ceux qui aiment Jésus-Christ est-il si petit ? dit saint Liguori : parce que le nombre de ceux qui méditent les peines qu'il a endurées pour nous est fort restreint ; celui qui les médite souvent ne peut vivre sans aimer Jésus-Christ. Il se sentira tellement pressé par son amour, qu'il ne lui sera pas possible de se refuser à aimer un Dieu si aimant et qui n'a tant souffert que pour être aimé. »
Notre-Seigneur dit lui-même à la bienheureuse Véronique, de l'ordre de Saint-Augustin : « Je désire que les hommes rendent à ma passion le culte d'une douleur sincère et d'une vive compassion pour mes souffrances. Ne verseraient ils qu'une seule larme, ils peuvent être sûrs qu'ils ont beaucoup fait, car la langue humaine ne saurait exprimer la joie que me cause cette seule larme. » Les anges révélèrent à la bienheureuse Jeanne de la Croix que la divine Majesté se complaisait tellement dans les larmes répandues sur la Passion de Jésus-Christ, et qu'une pareille douleur était tellement agréable à ses yeux, qu'elle y attachait un prix égal à l'effusion de notre sang, ou à la souffrance des plus grandes peines.
Notre-Seigneur dit un jour à la bienheureuse Angèle de Foligno : « Quiconque veut trouver la grâce ne doit jamais détourner les yeux de la croix, en quelque état qu'il se trouve, dans la tristesse comme dans la joie. Ceux qui appliquent leur esprit à la considération de ma passion et de ma mort, source de vie et de salut, sont mes vrais enfants ; les autres ne sont mes enfants que de nom. »
La même sainte, ayant été favorisée, d'une apparition de Jésus-Christ crucifié, entendit ce divin Agneau prononcer sur les âmes qui compatissent à ses douleurs et qui aiment à y prendre part, ces bénédictions consolantes : « Soyez bénis de mon Père, vous qui, compatissant à mes peines, partageant mes tribulations et marchant dans ma voie, avez mérité de laver vos robes dans mon sang précieux. Soyez bénis, vous qui, compatissant à mes immenses douleurs et à la mort que j'ai endurée pour vous soustraire aux tortures éternelles, pour satisfaire à votre place et pour vous racheter, avez été trouves dignes de partager ma pauvreté, mes humiliations et mes souffrances. Soyez bénis, vous qui gardez un souvenir fidèle de ma Passion, le plus grand miracle de tous les siècles, le salut et la vie de ceux qui étaient perdus, l'unique refuge des pécheurs, parce que vous entrerez en partage de ma résurrection, du royaume et de la gloire qui sont le prix de mes souffrances, et que vous serez mes héritiers éternels. Soyez bénis du Père et du Saint-Esprit ; soyez bénis de cette bénédiction que je donnerai moi-même au jour de mes justices, parce qu'au lieu de me rebuter lorsque je suis venu dans mon domaine, comme l'ont fait mes persécuteurs, sensibles à ma désolation, vous m'avez donné asile dans votre cœur ; parce qu'en me voyant tourmenté de la faim et de la soif, percé de clous, agonisant et mourant sur la croix, vous avez voulu être mes consolateurs et mes associés, accomplissant ainsi les œuvres de la vraie miséricorde. C'est pourquoi vous entendrez au jour terrible ces paroles, joyeuses pour vous : Venez, les bénis de mon Père, prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la création. Vos titres sont indubitables ; car j'ai eu faim, et  vous m'avez donné à manger le pain de la compassion. »
Pratique.
La très-sainte Vierge, suivant une pieuse tradition, ne passait aucun jour sans visiter les lieux arrosés par le sang de son divin fils ; les apôtres, à son exemple, puis les fidèles de tous les âges s'empressèrent de parcourir cette voie douloureuse.
Le Chemin de la Croix a été institué pour suppléer en quelque sorte à ce pieux pèlerinage. Les souverains pontifes l'ont enrichi des plus abondantes indulgences.
Benoit XIV nous assure que c'est le moyen le plus efficace pour convertir les pécheurs, pour ranimer les tièdes et sanctifier les justes. Faites donc en sorte de vous acquitter de temps en temps de ce saint exercice, surtout à l'époque où l'Église nous invite à méditer les souffrances de Notre-Seigneur.
Oraison Jaculatoire.
Jamais je n'oublierai les souffrances de mon Dieu ; mon coeur en conservera un continuel souvenir, et mon âme en séchera de surprise et de reconnaissance. Memoria mentor ero, et tabcscet in me anima mea. (Thren., III, 20.)

VINGT ET UNIÈME JOUR.
Ingratitude des hommes envers le Cœur de Jésus.
« Si le Cœur de Jésus ne reçoit pas des blessures et des plaies, il endure des indignités étranges en sa personne depuis qu'il a institué le sacrement de son amour. Peut-on rien imaginer de plus indigne que les outrages que le juif, l'hérétique, l'athée lui font soufl'rir depuis tant de siècles, et lui feront souffrir jusqu'à la fin du monde ?» (Nouet.)
Mais quelque chose de plus déplorable peut-être, c'est la conduite de ceux-là mêmes qui portent le nom de chrétiens et qui conservent encore quelques pratiques de christianisme. Jésus veut bien habiter parmi les hommes, et habitavit in nobis (Joann., 1), descendre jusque dans leur cœur ; il v a même jusqu'à dire, ô excès incompréhensible d'amour ! il va jusqu'à dire ces étonnantes paroles : Mes délices sont d'être avec les enfants des hommes : Delicke mern case cum filiis hominum. (Prov., VIII, 31.)
Mais, Seigneur, comment êtes-vous traité par ces ingrats ? Vous daignez résider au milieu d'eux, el ils vous refusent jusqu'à une demeure décente ; tandis qu'ils habitent des palais, ils osent vous loger sous le chaume. »
Ne voyez-vous pas, disait avec amertume de cœur le saint roi David au prophèle Nathan, que, tandis que j'habite une maison de cèdre, l'arche du Seigneur mon Dieu reste encore sous la tente !» (II Reg., ch. VII, V. 2.)
0 Arche véritable du Testament nouveau, dont l'arche antique n'était qu'une faible figure ! ô Seigneur ! A Jésus ! qui donc s'inquiète et s'afflige aujourd'hui du sein de son opulence au souvenir de votre dénûment dans nos églises ? Ce serait peu pour vous encore si, à défaut de splendeur dans les temples matériels, vous trouviez au moins dans les cœurs un accueil aussi empressé que respectueux. Mais non, vous êtes jour et nuit dans votre sanctuaire, attendant, appelant les hommes ; et les jours, les nuits, les semaines, se passent sans que vous les voyiez paraître ; ou, s'ils vous font quelques courtes visites, la coutume, la bienséance seule les amène. Leur corps est devant vous, mais que leur cœur en est loin ! Vous êtes dans votre sacrement toujours occupé d'eux, toujours en état de victime devant votre Père, lui offrant pour eux vos plaies ; et en votre présence ils ne songent à rien moins qu'à vous adorer ; ils se tiennent dans une posture si peu respectueuse, que l'hérétique même qui nie votre présence réelle leur en fait le reproche. A la communion de la messe, Jésus s'offre à eux : Voici, leur dit-on, voici l'Agneau de Dieu, voici Celui qui efface les péchés du monde ; venez tous à lui. Jésus lui-même les invite par ces admirables paroles : Mangez, mes amis, et buvez ; enivrez-vous du torrent de mes délices, mes très-chers ; venez, mangez mon pain, buvez le vin que je vous ai préparé : Comedite, amici, et bibite, et inebriamini. charissimi. (Cant., V, 1) Venite, comedite panera meum, et bibite vinum quod miscui ,,obis.(prov.,IV,5.) Mais tous fuient comme s'ils n'avaient pas de plaies à guérir, point de taches à effacer ; ils répondent que d'autres les ont invités, qu'ils ont d'autres amis à servir. Cieux, soyez saisis d'étonnement à la vue de ce prodige d'ingratitude ! Obstupescite, cœli, super hoc ! (Jer., II 12)
0 chrétiens ! ô peuple insensé et pervers ! est-ce là la reconnaissance que vous rendez à votre Seigneur et à votre Dieu ? Generatio prava atque perversa, hœccine reddis Domino, pnpule stulte et insipiens ? (Deut., XXXII)
O Jésus, si tendre, si généreux, si plein d'amour pour nous, pouvions-nous faire une pluie plus cruelle à voire divin Cœur ? Ah ! je vous entends me dire : J'ai attendu que l'un de ceux que j'aime vînt s'affliger avec moi, et il ne s'en est point trouvé ; j'ai attendu que l'un de mes chers amis vînt me consoler, et personne ne s'est présenté : Et sustinui qui simul contristaretur, et non fait ; et qui consolaretur, et non inveni. (Ps. LXVIII, 21.) Non est qui consoletur eum ex omnibus charis ejus.   
Notre-Seigneur témoigna lui-même à la vénérable Marguerite-Marie combien il était sensible à cette indifférence.
« J'ai, lui dit-il, une soif ardente d'être honoré et aimé des hommes dans le saint Sacrement ; et cependant je ne trouve presque personne qui s'efforce, selon mon désir, de me désaltérer en usant envers moi de quelque retour. »
Pratique.
Les bienfaits de Dieu sont comme un fleuve qui coule sans cesse, inondant votre âme, cette cité que Dieu s'est choisie. Fluminis impefus lintifi-at civilatem Dei. (Ps. XLV, 4.)
Il ne vous est permis de découvrir en ce monde que la plus petite partie de ces dons précieux ; et comme la reconnaissance est un des caractères distinctifs de la dévotion au sacré Cœur, vous devez faire en sorte, de ne passer aucun jour sans rappeler à votre mémoire les bienfaits que vous avez reçus de Dieu : création, conservation, appel à la vraie foi, éducation chrétienne, sacrements, grâces particulières, grâces décisives pour le salut, etc. Faites plus, remerciez Dieu de toutes les grâces dont il vous aurait comblé si vous eussiez été plus fidèle, de toutes celles qu'il vous prépare ; remerciez-le pour tous ceux qui, nourris de ses bienfaits, ou ne songent point à lui en rendre grâces, ou ne s'en servent que pour l'offenser. La reconnaissance est le besoin des âmes nobles et généreuses, le plus sûr moyen d'attirer de nouveaux bienfaits ; l'ingratitude, au contraire, en tarit la source.
Oraison Jaculatoire.
Que rendrai-je au Seigneur pour tous les biens dont il m'a comblé ? Quid rétribuant Domino pro omnibus quœ retribuit mihi? (Ps. CXV, 3.) Je prendrai le Cœur de son divin Fils et je le lui offrirai, sûr de m'être enfin pleinement acquitté.
VINGT - DEUXIÈME JOUR
Plaintes du Cœur de Jésus.
Écoutons les plaintes que daigne nous faire le Cœur de Jésus, elles sont une nouvelle preuve de son amour, car il ne se plaint que parce qu'il aime ; et il nous aime uniquement pour notre bonheur, sans aucune considération du sien propre, qui n'est ni diminué par notre perte, ni augmenté par notre salut.
Qu'ai-je dû faire pour vous, nous dit-il, ô peuple chrétien, ô mon peuple, que je n'aie pas fait ? Quid ultra debui facere tibi, et non feci V En quoi -vous ai-je centristé?
Répondez Aut in quo contristavi te ? Responde mihi. Je vous ai distingué entre les nations que j'ai laissées assises dans les ténèbres, à l'ombre de la mort éternelle, pour vous faire part du don incomparable de la vraie foi, et vous l'avez laissé sans fruit dans votre âme indifférente. Vous étiez une belle vigne que j'avais plantée de mes mains, et vous n'avez eu pour moi qu'amertume ; car, dans ma soif, vous m'avez donné du vinaigre à boire, et, par votre ingratitude et votre froideur bien plus que par le fer de la lance, vous avez percé le côté de votre Sauveur. J'ai répandu pour vous tout mon sang jusqu'à la dernière goutte ; et quelle estime en avez-vous faite ? quel profil en avez-vous tiré ? Quœ utilitas in sanguine meo? Je vous ai appelé a mon royaume et à mon héritage ; et vous, vous m'avez donné un roseau pour sceptre, une couronne d'épines pour diadème, par l'inconstance de votre cœur, par l'orgueil et le faste de vos déportements. En prenant votre nature, je vous ai élevé jusqu'à la participation de la divinité ; et vous, vous m'avez suspendu à la croix par vos offenses. Je vous ai nourri non de la manne qu'ont mangée vos pères, et qui ne les a pas empêches de mourir ; mais de ce pain descendu du ciel qui renferme en soi la vie éternelle : et vous avez déchiré mon corps mystique en allant jusqu'à nier ce bienfait ineffable qui est l'admiration des anges.
0 vous tous qui passez par le chemin de la vie, considérez donc, et voyez s'il est une douleur comparable à celle que ressent mon Cœur d'une semblable ingratitude : 0 vos omnes qui transitas per viam, attendite, et videte si est dolor sicut dolor meus. (Thren., I 20.)
Le divin Sauveur se plaint encore à sa fidèle servante Marguerite-Marie d'une manière non moins vive.
« Voilà, lui dit-il en lui découvrant son Cœur, voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes qu'il n'a rien épargné, jusqu'à s'épuiser et se consumer pour leur témoigner son amour. Et je ne recois cependant de la plus grande partie que des ingratitudes, par les mépris, les irrévérences, les sacrilèges, les froideurs qu'ils ont pour moi dans mon sacrement d'amour ; et ce qui m'est encore plus sensible, c'est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés. »
Une autre fois, lui découvrant son Cœur tout déchiré et transpercé de coups : « Voilà, lui dit-il, les blessures que je reçois de mon peuple choisi ; les autres se contentent de frapper sur mon corps, mais ceux-ci attaquent mon Cœur, ce Cœur qui n'a jamais cessé de les aimer. »
Ces âmes ingrates, hélas ! ne sont-ce pas les nôtres ? N'est-ce pas de nous que Jésus se plaint, nous engagés dans sa milice par le saint baptême, nourris si souvent de sa chair sacrée ; nous peut-être voués à son Cœur dans quelque association chargée de réparer tant d'outrages, et nous cependant si froids, si indifférents pour ce divin Cœur ? Ah ! qu'il a bien droit de nous dire par l'organe du roi-prophète :
« Si c'était un ennemi qui m'eût traité de la sorte, je l'eusse encore supporté ; mais être méprisé, délaissé de mes amis, de mes enfants, de ceux que j'aime ! (Ps LIV, 23.)
« Mon Cœur, ajoute le divin Maître à sa fidèle servante, peut se plaindre dans ce mystère (du saint sacrement), comme il le faisait sur la croix, qu'il est exposé aux opprobres et à la douleur sans consolation.
Dans cet abandon, il cherche auprès de toi et d'un petit nombre d'âmes ferventes quelque consolation ; j'attends que vous répariez par vos hommages ces injures que l'on me fait. »
Ah ! si aujourd'hui nous entendons la voix de ses plainles et de ses douleurs, n'endurcissons pas notre cœur : Hodie, si vocem ejus audieritis, milite obdurare corda vestra. (Ps CXIV, 8.)
Et que nous serions heureux si le Coeur de Jésus lui-même daignait nous choisir, comme autrefois ses apôtres, pour le dédommager et pour le consoler de l'abandon où le laissent tant d'ingrats !
Redoublons donc de fidélité dans nos pratiques de dévotion envers cet aimable Cœur, et protestons-lui qu'avec le secours de sa grâce jamais nous ne l'abandonnerons.
Pratique.
C'est dans l'oraison que vous apprendrez jusqu'où a été l'excès de l'amour du Cœur de Jésus pour vous, et de quelle ingratitude vous l'avez payé. Cette connaissance fera naître en vous le regret et l'amour, et vous rendra capable de tout entreprendre pour Jésus. Ne passez donc pas un seul jour sans faire au moins un quart d'heure d'oraison. C'est d'ailleurs l'un des moyens de salut les plus efficaces : si bien que sainte Thérèse ne craint pas de dire qu'elle répond de la persévérance de ceux qui sont fidèles à faire oraison, et que ceux, au contraire, qui négligent ce saint exercice n'ont pas besoin de démons qui les entraînent dans l'enfer, parce qu'ils s'y précipitent d'eux-mêmes. Elle n'avance là rien de trop fort, puisque l'Écriture nous dit que la terre est désolée, couverte de maux, parce qu'il n'y a personne qui réfléchisse, qui rentre en son cœur : Desolationc desolata est omnis terra, quia nullus est gui recogitet corde. (Jer., XII, 11.)
Oraison Jaculatoire.
0 Cœur de Jésus, faites voir ce prodige dans le monde, qu'un cœur aussi ingrat que l'a été le mien devienne un des cœurs les plus embrasés de votre amour !
CorJesu, etc. Cor Mariœ, etc.

VINGT-TROISIÈME JOUR.
Pratique en l'honneur du Cœur de Jésus.
Dieu nous distribue ses grâces en vue des mérites et du sang de son FiIs à chaque moment de notre vie, nous mettant par là même dans l'occasion d'acquérir des trésors immenses pour l'éternité. Mais il faut avouer que nous faisons chaque jour par notre négligence des pertes inconcevables. La plupart de nos actions perdent leur valeur faute d'une droite intention. Il faut enfin sortir de cet assoupissement ; et le meilleur moyen de rendre nos actions aussi méritoires pour notre salut et aussi glorieuses à Dieu que possible, est de nous servir de la pratique suivante, que nous enseigne Blosius.
Elle consiste, dit-il, à offrir vos bonnes œuvres et toutes vos actions au très-doux et très-sacré cœur de Jésus, afin qu'elles soient purifiées par ce divin Cœur ; car il a tant d'amour et de tendresse pour vous, qu'il est toujours prêt a perfectionner d'une manière digne de lui le bien qu'il a mis en vous.
La vénérable Marguerite-Marie, répondant à une personne qui l'avait consultée, lui donnait le même conseil : « Vous vous affligez de mener une vie languissante au service de Dieu ; voici ce qu'il semble me mettre en pensée de vous dire : Ne vous troublez point : pour le satisfaire sur ce sujet vous n'avez qu'à vous unir en tout ce que vous ferez au sacré Cœur de Jésus, au commencement pour vous servir de disposition, et à la fin pour satisfaction. Si, par exemple, vous ne pouvez rien faire à l'oraison, contentez-vous d'offrir celle que ce divin Sauveur fait pour nous au très-saint Sacrement de l'autel, offrant ses ardeurs pour réparer toutes nos tiédeurs, et dites dans chacune de vos actions : Mon Dieu, je veux faire ou souffrir cela dans le sacré Cœur de votre divin Fils et selon ses saintes intentions, que je vous offre pour réparer tout ce qu'il y a d'impur et d'imparfait dans les miennes : en un mot, cet aimable Cœur suppléera à tout ce qui pourra manquer de votre part, Car il aimera Dieu pour vous, et vous l'aimerez en lui et par lui. »
Un jour que sainte Gertrude priait et qu'elle faisait ses efforts pour s'acquitter avec attenlion de ce saint exercice, elle ne laissait pas de souffrir, par un effet de la faiblesse humaine, plusieurs distractions ; ce qui la jeta dans une grande affliction, et elle disait en elle-même : Hélas ! quel fruit peut-on espérer d'une pareille prière faite avec tant d'égarement d'esprit ?
Alors Jésus pour la consoler lui présenta son Cœur, et lui dit : "Voilà mon Cœur, les délices de la sainte Trinité ; je te le présenie afin que tu t'en serves pour suppléer à ce qui te manque : recommande-lui avec confiance toutes tes actions, il les rendra parfaites à mes yeux ; mon Cœur sera désormais toujours prêt à le servir, et suppléera à toute heure pour toi à tes négligences."
Profitez de cette instruction : ainsi, aimez-vous quelque chose, faites-vous quelque prière, quelque travail, endurez-vous quelque souffrance ; aimez, priez, travaillez, souffrez en union désaffections, des prières, des travaux et des souffrances du Cœur de Jésus ; bien plus, quand vous avez fait des fautes, après vous en être humilié, allez prendre dans le Cœur de Jésus la vertu contraire à votre penchant, comme serait l'humilité, la charité, la résignation, le support des défauts du prochain, et offrez-la au Père éternel en expiation de vos fautes. C'est un moyen court et facile de payer vos dettes au même instant que vous les contractez, et d'acquérir d'immenses trésors de mérites. C'était la pratique habituelle de la vénérable Marguerite-Marie. Adressez-vous comme elle simplement au Cœur de Jésus, et dites-lui après vos chutes : Seigneur, vous voyez le mal que je viens de faire ; payez, s'il vous plaît, pour votre pauvre esclave. » Le soir, mettez dans cet adorable Cœur toutes les actions de la journée, afin qu'il purifie ce qu'il y trouvera d'imparfait.
Oraison Jaculatoire.
Je dors, et votre Cœur ? que vous me permettez d'appeler le mien, veille pour moi, sur moi, en moi.

VINGT-QUATRIÈME JOUR.
Dévotion des saints envers le Cœur de Jésus.
« II n'y a personne si pauvre qui n'ait quelque lieu où faire sa demeure. Les oiseaux mêmes ont leurs nids et les renards leurs tanières, comme dit Notre Seigneur : il ne faut pas qu'un chrétien soit seul, sans domicile, errant et vagabond dans le monde. Mais où pourrait-il mieux se fixer que dans le Cœur de Jésus, qui est plus auguste, plus magnifique, plus saint que tous les palais des monarques ? »
Les saints le savaient bien : aussi y établissaienl-ils leur demeure. Saint Bonavenlure portait une sainte envie au fer de la lance qui nous a ouvert l'entrée de cet adorable Cœur, et il disait que, s'il eût été à sa place, il n'en fût jamais sorti. « Si vous voulez me trouver, écrivait saint Elzéar à sainte Delphine, cherchez-moi dans la plaie du côté de Jésus- Christ ; c'est le lieu de ma demeure. »
« Apprenez, dit Lansperge, à demeurer dans cette plaie ; si vous aimez le repos, c'est le lit de l'épouse, semé de lis et de roses. Si vous voulez faire éclore vos désirs et mettre au jour vos bonnes œuvres, c'est le nid de la colombe... Si vous aimez le recueillement, c'est la retraite du passereau solitaire. Si vous aimez les larmes et les soupirs, c'est là que la tourterelle fait retentir ses gémissements. Si vous êtes pressé par la faim, vous y trouverez la manne du ciel qui tombe dans le désert ; et si vous êtes altéré, vous y trouverez la fontaine d'eau vive qui sort du paradis et qui se répand dansle cœur des fidèles avec abondance. Au reste, ne craignez pas d'être mal reçu ; vous n'ignorez pas les caresses que le Fils de Dieu fait à ceux qui l'honorent. Il les invite à se reposer doucement sur son Cœur, comme saint Jean ; il leur montre son côté ouvert, comme à saint Thomas, et il les fait boire à cette source. » (nouet.)
« Approchons-nous, dit saint Bernard. approchons-nous de Jésus ; tressaillons, soyons ravis de joie au souvenir de son Cœur. Oh ! qu'il est bon, qu'il est délicieux d'habiter dans ce Cœur ! J'adorerai et je louerai le nom du Seigneur dans ce temple, dans ce Saint des saints, dans cette Arche du Testament, disant avec David : J'ai trouvé un cœur pour prier mon Dieu, et ce Cœur, c'est celui de mon Roi, de mon frère et de mon très-doux ami Jésus...
« Ayant donc trouvé ce Cœur, qui est aussi le mien, ô très-doux Jésus ! je vous adorerai, vous, mon Dieu. Recevez mes prières dans ce sanctuaire de propitiation ; bien plus, attirez-moi tout entier dans ce Cœur. 0 Jésus ! mille fois plus beau, plus aimable que toutes les beautés de la terre, lavez-moi de plus en plus de mon iniquité ; purifiez-moi de mon péché, afin que je puisse approcher de vous et obtenir d'habiter dans votre Cœur tous les jours de ma vie ; car votre Cœur a été ainsi blessé pour nous offrir une sûre retraite. Oui, votre Cœur a été ouvert afin que, délivrés de l'embarras des affaires, nous y puissions habiter. Qui donc n'aimerait pas ce Cœur ainsi blessé ? qui ne s'enflammerait pas pour Celui dont il est tant aimé ? Nous donc, encore retenus dans les liens du corps, payons de retour autant que possible, aimons, embrassons ce divin Maître blessé pour nous, et dont les bourreaux impies ont percé les mains, les pieds et le Cœur ; tenons-nous constamment près de lui, afin que notre cœur, encore dur et impénitent, obtienne enfin d'être blessé par les traits et lié par les chaines de son amour. »
Saint Thomas de Villeneuve développe ainsi ce texte du roi-prophète : « Le passereau s'est trouvé une demeure et la tourterelle un nid pour déposer ses petits. Comme le divin Fils a fixé son séjour dans le sein de son Père, ainsi l'Église a établi son nid dans le Cœur de son bien-aimé, et, entrant par l'ouverture de son sacré côté, elle s'y repose en paix, elle y cache ses enfants à l'abri des orages. Autel sacré, retraite inviolable où la tourterelle gémissante met en sûreté ses petits jusqu'au jour où, déployant leurs ailes, ils revêtiront d'immorlalité ce corps corruptible. »
Notre-Seigneur fit connaître à la vénérable Marguerite-Marie que saint François d'Assise était particulièrement uni à son Cœur divin, et qu'il avait un pouvoir particulier pour en obtenir des grâces. Saint François de Sales pendant sa vie faisait son séjour dans le sacré Cœur de Jésus, où son repos ne pouvait être interrompu par les plus grandes occupations. Il faudrait rapporter la vie entière de sainte Gertrude et de sainte Mechtilde si l'on voulait citer les endroits où elles parlent du Cœur de Jésus.
Saint François d'Assise, saint François Xavier, saint François de Sales, sainte Gertrude, sainte Mechtilde, sainte Thérèse et un grand nombre d'autres saints, avaient une dévotion toute spéciale à cet aimable Cœur, avant même qu'il se fût découvert comme il a fait de nos jours à la vénérable Marguerite-Marie.
Pratique.
Si vous ne pouvez aller prêcher Jésus-Christ dans les pays lointains, comme les missionnaires, vous pouvez au moins le porter au cœur de vos amis ; c'est là votre mission. Vous êtes obligé d'instruire vos domestiques. Dieu vous demandera compte de leurs âmes. Pour être moins éclatantes, ces fonctions n'en sont pas moins méritoires.
Oraison Jaculatoire.
Heureux habitants du ciel, vous qui voyez à découvert le Cœur de Jésus et qui l'aimez sans partage et sans crainte d'inconstance, obtenez-moi de le connaître et de l'aimer comme vous à jamais.
CorJesu, etc. Cor Mariœ, etc.

VINGT-CINQUIÈME JOUR.
Des images du Cœur de Jésus (I).
Celui qui aime se console en quelque sorte de l'absence de son ami en considérant son poitrail ; il le porte avec lui, il le baise avec tendresse, il le regarde souvent.

Faisons de même à l'égard du Cœur de Jésus.
« Ayez, dit le dévot Lansperge, pour entretenir votre dévolion, quelque image de ce Cœur adorable ; placez-la dans un endroit où vous puissiez la voir souvent, afin que cette vue excite en vous le feu du divin amour ; baisez cette image avec la même dévotion que vous baiseriez le Copur de Jésus-Christ ; entrez en esprit jusque dans ce Cœur déifié, y imprimant avec ardeur votre propre cœur, y plongeant votre âme tout entière, désirant qu'elle y soit absorbée, vous efforçant d'attirer dans votre cœur l'esprit qui anime celui de Jésus, ses grâces, ses vertus, en un mot tout ce qu'il y a dans ce sacré Cœur de salutaire et qui surpasse toute mesure ; car le Cœur de Jésus est une source surabondante de tout bien.»
Au reste, si cette pratique n'était pas salutaire, l'Église enseignerait-elle le culte des saintes images ?
Sainle Thérèse dit dans sa vie, avec cette admirable simplicité qui la caractérise : « Etant fort peu habile à me représenter les objets, j'aimais extrêmement les images. Oh ! malheureux ceux qui perdent par leur faute les secours qu'ils en pourraient tirer ! Il paraîtrait assez qu'ils n'aiment pas Notre-Seigneur ; car, s'ils l'aimaient, ils se réjouiraient de voir son portrait, comme dans le monde on est heureux de considérer celui des personnes que l'on chérit. »

Mais rien n'est plus capable d'exciter en nous cette vénération pour les images du Cœur de Jésus que le plaisir qu'il prend à les voir honorer. Voici ce que rapporte à ce sujet Marguerite-Marie, « Un jour de Saint-Jean l'Êvangéliste, après la sainte communion, le Cœur de Jésus me fut présenté comme dans un trône formé de feu et de flammes rayonnant de tous côtés, plus brillant que le soleil. La plaie qu'il reçut sur la croix y paraissait visiblement, et il y avait une couronne d'épines autour de ce sacré Cœur et une croix au-dessus. Mon divin Sauveur me fit connaître que ces instruments de la Passion signifiaient que l'amour immense de son Cœur pour les hommes avait été la source de tomes ses souffrances ; que dès le premier moment de son incarnation tous ces tourments et tous ces mépris lui avaient été présentés ; que dès ce moment la croix fut, pour ainsi dire, plantée dans son Cœur, qu'il accepta dès lors toutes les douleurs et toutes les humiliations que sa sainte humanité devait souffrir pendant le cours de sa vie mortelle, comme aussi tous les outrages auxquels son amour pour les hommes l'exposait jusqu'à la fin des siècles en demeurant avec eux dans le saint Sacrement. Mon Sauveur, ajoute-t-elle, m'a assuré qu'il prenait une singulière complaisance à voir les sentiments intérieurs de ton Cœur et de son amour honorés sous la figure de ce Cœur de chair tel qu'il m'avait été montré environné de flammes, couronné d'épines et surmonté d'une croix, et qu'il voulait que l'image en fut exposée en public, afin, ajouta-t-il, de toucher le cœur insensible des hommes ; il me promit en même temps qu'il répandrait avec abondance sur le cœur de ceux qui l'honoreraient les trésors de grâces dont son Cœur est rempli, et que, partout où cette image serait exposée pour y être particulièrement honorée, elle y attirerait toutes sortes de bénédictions.


Pratique.
Il est rapporté que les habitants d'Antioche arrêtèrent un grand tremblement de terre en écrivant sur les portes de leurs maisons ces paroles : Christus nobiscum, state : Jésus-Christ est avec nous, arrête.
Portons sur notre cœur l'image du Cœur de Jésus, et, défiant hardiment l'ennemi de notre salut dans toutes nos tentations, nous pourrons lui dire : Le Cœur de Jésus est avec moi, arrête. Mais il ne suffit pas que nous vénérions seuls cette image sacrée. L'impiété a voulu faire disparaître les signes extérieurs de notre foi, il faut que la piété les remette en honneur. Il faut faire en sorte qu'il n'y ait pas d'établissement, de communauté, de maison, dans laquelle le Cœur de Jésus ne soit placé dans un lieu apparent auprès de la croix, autel de son immolation. Il faut obtenir que chaque église ait un autel dédié à cet adorable Cœur.
Oraison Jaculatoire.
Allons avec confiance à ce trône de la grâce, au Cœur de Jésus, afin d'éprouver les effets de sa miséricorde, et d'y trouver la grâce dans le besoin : Adeamus ergo cum fiducia ad thronum graticrut misericordiam consequamur, et gratiam inveniamus in auxilio opportuno. (HeLr., IV, 16.) Cor Jesu, etc. Cor Mariœ, etc.

VINGT-SIXIÈME JOUR.
Des quatre obstacles aux fruits abondants
de la dévotion au sacré Cœur.
Je trouve quatre obstacles qui nous arrêtent dans le chemin de la vraie dévotion au sacré Cœur de Jésus.
Le premier est la tiédeur, état bien triste. L'âme tiède ne fait que ce qu'elle ne peut omettre. Sans charité, sans ferveur, elle est à charge à elle-même, et, loin d'avancer dans le chemin de la vertu, elle y recule. L'écueil des personnes à qui les pratiques de la piété sont journalières est de finir par se familiariser en quelque sorte avec ces saints exercices ; elles doivent donc craindre de s'en acquitter sans respect, sans attention, sans ferveur, si elles ne font effort pour s'exciter, se renouveler, se réveiller, pour ainsi dire, par les grandes pensées de la foi et par les vives flammes de l'amour divin, qui ne permet pas que l'âme sommeille jamais.

« L'état de tiédeur est d'autant plus à craindre qu'on le croit moins dangereux ; on évite les péchés grossiers, et par là on se croit en sûreté ; mais c'est qu'on oublie ce que le Seigneur dit dans l'Apocalypse : Parce que vous êtes tiède, je commencerai à tous rejeter de ma, bouche. Comme s'il voulait dire : Vous ne méritez pas de vivre en moi ; vous n'aurez pas d'accès jusqu'à mon Cœur, parce que vous ne payez ma tendresse que par la froideur la plus criminelle. Des confessions sans amendement, des communions sans fruit sont les suites ordinaires de cette déplorable tiédeur. Imaginez-vous donc que Notre Seigneur, voulant vous faire sortir de ce triste état, vous dit comme à sainte Gertrude : "Vous êtes assez longtemps demeuré attaché à la terre avec mes ennemis ; assez longtemps vous avez recueilli le miel des consolations de ce monde entre les épines ; enfin revenez à moi, et je vous enivrerai du torrent de mes délices.» (Ins., c. i.)
Rendez-vous à cette invitation de notre Sauveur, et, vous saisissant de cette main percée de clous pour votre amour, qu'il vous tend dans sa miséricorde, promettez-lui que vous le suivrez désormais, quelque part qu'il vous conduise. Opsri manuum tuarumporriyesdeooteram. (Job, XXIV, 15.) Domine, sequar te quoçumque ieris. (Matth., VIII, 19.)
« Le second obstacle est l'amour propre. La pratique de l'Évangile est toute comprise dans celle parole de Jésus-Christ : « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il se renonce soi-même, qu'il porte sa croix chaque jour, et qu'il me suive. » Mais c'est à quoi peu de gens pensent sérieusement. Ils n'aiment, ils ne goûtent que les verlus qui les accommodent et qui s'accordent à leur humeur ; mais un cœur ainsi disposé comment peut-il s'unir au Cœur de Jésus ?» Ce Cœur divin s'est livré tout à nous, il ne s'est rien réservé lui-même ; il demande des cœurs généreux qui se livrent aussi tout à lui, qui ne craignent point de trop s'avancer, de s'enchaîner, de se mettre dans l'impossibilité de reculer, et & qui toute réserve soit inconnue.

«Le troisième obstacle est quelque passion dominante qu'on ménage, à laquelle on ne saurait renoncer. Les immolerait-on presque toutes, s'il en reste une seule de ce genre, l'union des cœurs ne saurait se faire. Examiner, de bonne foi quelle est celle que vous vous réserver, encore, et sacrifiez-la généreusement au Cœur de Jésus ; soyez sûrs d'ailleurs qu'il vous en coûlera moins pour y renoncer tout à fait que pour la satisfaire à demi.
« Le quatrième obstacle est un orgueil secret. On surmonte, on affaiblit tous les autres ennemis par la pratique des vertus, et l'est trop souvent par de certaines vertus mêmes que celui-ci se fortifie.On peut dire que de tous les vices il n'en est aucun qui ait arrêté autant d'âmes dans le chemin de la piété, aucun qui, de la plus haute perfection, en ait tant replongé dans la tiédteur et même dans le désordre.
« C'est de cet esprit de vanité que vient le désir immodéré qu'on a de paraître, de réussir dans tout ce que l'on fait ; cette tristesse, ce découragement que l'on éprouve après un mauvais succès ; cet épanouissement qu'on ressent à la vue de l'honneur qu'on nous rend, des louanges que l'on nous donne. Ce même esprit se glisse dans l'exercice des plus grandes vertus ; on est mortifié, obligeant, charitable, rempli de zèle pourle salut des âmes ; on aime l'oraison, là prière, etc., mais on est bien aise, pour l'édification du prochain, dira-t-on, d'être connu pour tel.

« C'est de la même source que naissent cette délicatesse sur le point d'honneur, ces petits refroidissements, ces chagrins qui approchent si fort de l'envie ; cette peine secrète que causent les succès du prochain, qu'on trouve toujours moyen de rabaisser ; cet excès même de tristesse et de découragement après quelque rechute dans des défauts humiliants.
« Enfin on passe pour spirituel, on se croit tel, et l'on ne se conduit que par la prudence mondaine, on n'a qu'un peu d'écorce qui cache des passions réelles ; et à l'heure de la mort ces gens que l'on croyait chargés de richesses spirituelles se trouvent les mains vides de bonnes œuvres, cet amour-propre, cette petite ambition, cet orgueil secret ayant tout enlevé ou tout corrompu. C'est la ce levain qui tôt ou tard corrompt toute la masse, ce ver qui fait sécher les plus hauts chênes. » (croiset.) C'est là l'origine de ces chutes éclatantes qui de siècle en siècle sont venues affliger l'Église et donner aux fidèles une triste mais salutaire leçon.
L'instruction suivante, donnée par NotreSeigneur à la bonne Armelle, confirme ce que nous venons de dire des obstacles qui s'opposent en nous au règne du Cœur de Jésus : « La veille de la Présentation, je me trouvai, dit-elle, renfermée dans le Cœur sacré de Jésus avec tant de gloire et de liberté que je ne pouvais le comprendre. Je m'y trouvais au large et à mon aise ; je voyais ce divin Cœur d'une si grande étendue que mille mondes n'eussent pas été suffisants pour le remplir ; je voyais de plus que ceux qui se logent par amour dans ce divin Cœur jouissent de la vraie et entière liberté et d'une paix admirable ; mais, d'autre part, je voyais que la porte pour y entrer était si petite et si étroite, que très peu y trouvaient entrée. Surprise de cela, je disais : 0 mon amour et mon tout, d'où vient que votre Cœur est si grand et si spacieux, qu'on soit si au large quand on est dedans, et que la porte en soit cependant si petite et si étroite ? Alors Notre-Seigneur me fit connaître que c'était parce qu'il ne voulait pas que d'autres que les petits, les nus et les seuls y pussent trouver entrée. Les petits sont ceux qui, de tout leur cœur, s'abaissent et s'humilient pour l'amour de lui ; ceux-là y peuvent entrer ; pour les autres, point du tout car comment est-ce qu'une personne enflée de vaine gloire pourrait passer par une si petite porte ? Les nus sont ceux qui détachent leur cœur de la convoitise des richesses et des commodités de cette vie ; pour les autres, qui sont chargés de grands fardeaux d'or et d'argent ou autres choses, il est impossible qu'ils puissent passer par un lieu si étroit, si ce n'est qu'auparavant ils s'en déchargent. Les seuls sont ceux qui détachent leur amour de toutes les créatures, car l'amour lie et attache le cœur à la chose aimée : or deux personnes liées et attachées ensemble ne sauraient entrer à la fois par un lieu où il n'y a d'espace que pour une seule, et encore bien petit. »
Pratique.
Si vous désirez obtenir une vraie dévotion au Cœur de Jésus, il est important de vous assurer si vous n'avez pas à surmonter en vous quelqu'un des obstacles que nous venons de signaler. Le vrai moyen de réussir dans cette recherche est la pratique journalière et constante de l'examen général, que saint Ignace estimait et recommandait plus encore en quelque sorte que l'oraison. Pour le bien faire, il faut suivre la méthode que lui-même en a tracée, et observer cinq choses :
1° Remerciez Dieu de ses bienfaits.
2° Suppliez-le de vous faire connaître et détester vos péchés.
3° Examinez vos pensées, paroles et actions du jour présent, en parcourant les heures les unes après les autres.
4° Demandez pardon de vos fautes.
5° Terminez par le Pater ou autre prière à votre choix.
Oraison Jaculatoire.
0 Cœur de Jésus, que je vous connaisse, que je me connaisse. Noverim te, noverim me. ( S. Aug.)
Cor Jesu, etc. Cor Mariœ, etc.

VINGT-SEPTIÈME JOUR.
Moyen de surmonter les obstacles à la dévotion du sacré Cœur : la mortification.
Voulez-vous savoir le moyen de surmonter les obstacles que l'examen, vous aura fait découvrir, embrassez courageusement la mortification intérieure et la mortification extérieure : toutes les deux sont absolument nécessaires pour arriver à la perfection ; l'une ne pourrait subsister sans l'autre.
Mais la plus nécessaire est sans contredit l'intérieure, dont personne ne peut se dispenser. C'est cette violence qu'il faut se faire sans cesse pour ravir le royaume des cieux. En effet, vous ne pouvez pas vivre longtemps de la vie de la foi si vous ne mourez mille fois le jour à vos inclinations, aux recherches de votre amour propre, puisqu'il est constant que toute l'occupation d'une âme en cette vie doit être d'aimer et de haïr : d'aimer son Dieu de toute l'étendue de son cœur, de se haïr soi-même sans réserve.
« Or les occasions d'en venir à la pratique se rencontrent à toute heure ; il n'y a personne qui ne puisse mortifier son naturel, ses désirs, ses inclinations, se taire dans une occasion où la vivacité le porterait à répondre et la vanité à parler ; voilà principalement en quoi consiste celte mortification intérieure à l'aide de laquelle, ayant affaibli et réduit à la raison l'amour-propre, on parvient à se défaire de ses imperfections. En vain nous flattons-nous d'aimer Jésus-Christ si nous ne sommes mortifiés ; toutes les pratiques de dévotion, les plus beaux sentiments de piété sont suspects sans cette parfaite mortification. Aussi lorsqu'on parlait à saint Ignace de quelqu'un comme d'un saint : « Il sera tel, répondait-il, s'il est vraiment mortifié. »
Ce n'est pas assez de se mortifier pour un temps et en quelque chose ; il faut, s'il est possible, se mortifier en toutes choses et en tout temps, avec prudence et discrétion. Une satisfaction déréglée que vous donnez à la nature la rend plus fière, pour ainsi dire, et plus rebelle que cent victoires remportées sur elle ne l'auraient affaiblie.
« L'exercice de cette mortification est connu de tous ceux qui ont un véritable désir d'être parfaits. Il n'est rien qui ne leur offre l'occasion de contrarier leurs inclinations naturelles. Il suffit qu'ils aient grande envie de voir ou de parler pour les obliger à baisser les yeux ou à se taire. Le désir d'apprendre des nouvelles ou de savoir ce qui se passe, ce que l'on dit, leur est un sujet continuel d'une mortification d'autant plus méritoire qu'elle est plus ordinaire, et qu'il n'y a que Dieu qui en soit témoin. Un mot dit a propos, une raillerie faite avec esprit peut faire honneur dans la conversation ; mais elle peut être aussi la matière d'un beau sacrifice. Qu'on soit interrompu cent fois dans une occupation fort sérieuse, cent fois on répondra avec autant de patience et de douceur que si l'on n'était point occupé.
« Les incommodités propres du lieu, de la saison, des personnes, etc.. voilà encore autant d'occasions de se mortifier qui sont d'un grand mérite, et l'on peut dire que Les plus grandes grâces et la sainteté la plus sublime dépendent ordinairement de la générosité que l'on met à se mortifier constamment dans ces petites occasions sans cesse renaissantes. » (croiset. )
Au reste, ne croyez pas qu'en vous engageant à la mortilication vous deviez mener une vie bien triste el bien dure :. le joug de Jésus-Christ est doux, et son fardeau est léger. Les saints se trompaient-ils quand ils s'écriaient : Je suis rempli, de consolation , je surabonde de joie au milieu des tribulations ? Repletus sum consolatione, superabundo gaadio in omni tribulatioite. (II Cor., vu, 4.) «Je suis, dit saint François Xavier écrivant à ses frères de Rome, je suis dans un pays où l'on manque de tout pour les commodités de la vie ; mais j'y ressens tant de consolations intérieures, qu'il y a danger que je perde les yeux à force de pleurer de joie. » Quel est l'homme du monde qui, au comble de ses projets ambitieux ou du sein des délices, s'exprime de cette sorte ?
« Un peu de courage ! il n'y a ici que le premier pas qui coûte ; essayez, la chose vaut bien peu si elle ne mérite pas qu'on en fasse l'expérience.
« Si après quinze jours d'une mortification continuelle et parfaite nous ne goûtons point ces douceurs que les autres expérimentent, je consens, disait un grand serviteur de Dieu, qu'on dise que la vie de ceux qui aiment véritablement Jésus-Christ est fâcheuse, et que le joug du Seigneur est pesant. » (croiset.)
Au reste, quelles que soient les difficultés que vous éprouviez à vous renoncer vous-même, recourez au Cœur de Jésus, et elles s'évanouiront. Un jour que la vénérable Marguerite-Marie se sentait pressée par de fortes répugnances, et qu'elle semblait ne pouvoir se résoudre à obéir, tant l'aversion qu'elle ressentait étuit forte, Notre-Seigneur lui reprochant la lâcheté qu'elle mettait à se vaincre pour l'amour de lui : « Que voulez-vous donc que je fasse ? lui dit-elle, ma volonté est plus forte que moi. — Mettez-la, lui dit Notre-Seigneur, mettez-la dans la plaie de mon Cœur, et elle y trouvera la force de se surmonter.— O mon Dieu ! s'écria-t-elle avec transport, enfoncez-la si avant dans votre Cœur, et l'y enfermez si bien, qu'elle n'en sorte jamais. »
Pratique. Joignez à l'examen général l'examen particulier que vous devez faire sur votre défaut dominant ou sur une vertu que vous cherchez à acquérir ; et prenez-vous-y à peu près de cette manière :
1° Dès le lever, ferme propos de se surveiller sur ce défaut.
2° Vers midi, examen des fautes commises sur le point proposé.
3° Le soir, même examen.
Le fruit de cet examen dépend de la ferveur de la résolution du matin, de l'exactitude de la recherche, de la vigilance sur soi-même, de la ferveur de la prière pour appeler le secours divin, et du soin qu'on doit prendre de marquer ses manquements pour se rendre compte de ses progrès d'un jour à l'autre.
Saint Ignace pratiqua cet exercice avec tant d'exactitude depuis sa conversion, que le jour même de sa mort il eut encore soin de marquer ses fautes dans un petit cahier que l'on trouva sous son chevet. Les personnages les plus recommandables de son Ordre imitèrent la fidélité de leur fondateur à cette salutaire pratique. S'ils ne pensaient pas trop faire en prenant de pareilles précautions, pourrons-nous les croire au-dessous de nous ou trop assujettissantes ?
Oraison Jaculatoire.
0 Jésus ! que votre Cœur désolé m'apprenne à fuir, à mépriser, à haïr toutes les satisfactions terrestres. (B. Henri Suzo.)
Cor Jesu, etc. Cor Mario?, etc.

VINGT-HUITIÈME JOUR.
Moyens d'obtenir la dévotion au Cœur de Jésus.
Premier moyen : la prière.
Le premier moyen d'obtenir un ardent amour pour Jésus-Christ est une dévotion tendre à son Cœur sacré, c'est la prière.
« Il y a lieu de s'étonner que les chrétiens ne soient pas, pour ainsi dire, tout puissants, ayant un moyen assuré, infaillible, d'obtenir tout ce qu'ïls désirent, et ce moyen ne consistant qu'à demander. Il n'est rien à quoi Jésus-Christ se soit si souvent, si solennellement engagé qu'a exaucer nos prières. » (croiset.) Demandez, et vous recevrez ; cherchez, et vous trouverez ; frappez, et l'on vous ouvrira. Vous n'avez encore rien demandé en mon nom : demandez, et vous recevrez, afin que votre joie soit parfaite... Tout ce que vous voulez, demandez-le, et il vous sera accordé.
La prière est le premier besoin que suggère l'Esprit-Saint aux âmes qu'il veut retirer de l'abîme de la perdition, la première marque de conversion. Ananie craignait d'aller trouver Saul, auquel le Seigneur l'envoyait : quelle preuve lui donnet-on qu'il n'est plus persécuteur, mais déjà fidèle de cœur et de volonté ? Celle-là seulement : il prie, ecce enim orat. ( Act., ix , 2.) La prière est aussi le premier exercice que l'ennemi des âmes leur fait abandonner quand il veut les attirer dans ses pièges. Aussi sainte Thérèse disait-elle : Je voudrais avoir une voix qui pût retentir par tout l'univers, et répéter sans cesse aux oreilles de tous : Priez, priez. »
Prions donc, et prions avec confiance, avec humilité, surtout avec persévérance ; ne nous lassons, ne nous rebutons jamais. Le moment où nous cessons d'importuner la divine miséricorde est peut-être celui où elle allait se laisser fléchir. La prière, dit saint Laurent Justinien, apaise le courroux de Dieu, qui pardonne au pécheur quand il prie avec humilité. Elle obtient tout ce qu'on sollicite, elle triomphe de tous les efforts des ennemis de notre salut ; elle purifie, elle change les pécheurs et en fait des saints. « Je n'eus pas plutôt recouru à Dieu, dit Salomon, qu'il m'accorda la sagesse.» — « Je n'eus pas plutôt ouvert la bouche pour prier, dit David, que je reçus du secours de Dieu. 
Notre-Seigneur dit à sainte Brigitte qu'il surpasse toujours avec beaucoup d'excès nos demandes et nos vœux, et qu'il donnerait à tout moment si nous y apportions les dispositions convenables.
« Mais de toutes les prières il n'en est pas qui puisse être plus agréable à Jésus-Christ que celle par laquelle nous lui demandons l'amour de son sacré Cœur. Prions, conjurons ; il est impossible de le demander instamment sans l'obtenir. Le moyen est aisé, il est efficace, et l'on peut dire qu'en ceci c'est obtenir ce qu'on demande que de le demander. Servez-vous de ce Cœur lui-même pour appuyer votre requête, et ne doutez point qu'elle ne soit favorablement acceptée.» (croiset.)
Sainte Hechtilde a assuré, peu de temps avant sa mort, qu'ayant un jour demandé à Notre-Seigneur quelque grande grâce pour une personne qui l'en avait priée, Jésus-Christ lui dit : « Ma fille, dites à la personne pour laquelle vous me priez que tout ce qu'elle désire elle le doit chercher dans mon Cœur, où elle l'y trouvera infailliblement. Qu'elle ait une grande dévotion à ce sacré Cœur ; qu'elle me demande tout ce qu'elle désire dans ce même Cœur, comme un enfant qui ne sait d'autre artifice que celui que l'amour lui suggère pour demander à son père tout ce qu'il veut. »
Pratique.
Vous ne pouvez rien faire de plus agréable au Cœur de Jésus que de vous unir souvent à lui par la communion spirituelle, qui consiste, selon saint Thomas, dans un désir ardent de recevoir Jésus-Christ et dans un sentiment affectueux, comme si on l'avait, en effet reçu : désir et sentiment qu'il vous est libre d'exciter en vous à toutes les heures du jour et de la nuit. Notre-Seigneur fit connaître à la fondatrice du couvent de Sainte-Catherine de Sienne à Naples la satisfaction que lui donnent ces communions spirituelles en lui montrant deux vases précieux, l'un d'or, l'autre d'argent, et lui disant que dans le vase d'or il conservait ses communions sacramentelles, et dans celui d'argent ses communions spirituelles.
Oraison Jaculatoire.
Si je t'oublie, ô Cœur de Jésus, que ma droite soit livrée à l'oubli ; et que ma langue s'attache à mon palais si je perds ton souvenir : Si oblitus fitero fui, ,oblivioni detur dextera mea; adhrereut lingua mea faucibus meis, si non meminero tuf. (Ps. cxxxvi, 5.)
Cor Jesu, etc. Cor Mariœ, etc.
VINGT-NEUVIÈME JOUR.
Deuxième moyen d'obtenir la dévotion au sacré Cœur de Jésus : la fréquente Communion.
La dévotion envers le Sacré Cœur de Jésus est proprement un exercice d'amour. Or le mémorial de toutes les merveilles d'amour qu'a accomplies le Seigneur Jésus, c'est cette nourriture qu'il a donnée dans l'excès de sa douceur à ceux qui le craignent : la divine Eucharistie. La plus grande preuve de reconnaissance que nous puissions donner à Celui qui se donne à nous, c'est de le recevoir. La plus savante école de la charité, c'est la table eucharistique.
En effet, il suffit de savoir ce que c'est que de communier pour concevoir qu'il n'est point de moyen plus sûr pour être bientôt embrasé d'amour pour Jésus-Christ, que de s'approcher souvent de ce divin sacrement.
Il n'est pas possible, dit le Sage, de porter du feu dans son sein, et de n'en être pas brûlé. Ce feu sacré, c'est l'adorable Eucharistie, qui, comme le dit saint Bernard, est l'amour des amours.
Oh ! si l'âme considérait attentivement ce qui se passe dans ce divin sacrement, dit sainte Angèle de Foligno, il est certain qu'en se voyant si étrangement aimée, toute la glace de son cœur se changerait en flammes d'amour et de reconnaissance. »
Allons donc souvent à cette source de tous les biens ; c'est là qu'unis et incorporés à Jésus-Christ, l'auteur même de la grâce, nous la verrons couler tous les jours sur nous avec de nouvelles profusions ; c'est là que nos passions, insensiblement affaiblies, finiront par disparaître ; que la pente à tout mal que nous apportons avec nous sera changée en un doux attrait pour toutes les vertus, dont le Cœur de Jésus est le sanctuaire et dont il nous donne l'exemple dans ce sacrement. C'est là que, possédant, quoique caché à nos yeux, le trésor du ciel, nous recevrons le gage du bonheur éternel promis à ceux qui s'approchent dignement de ce sacrement d'amour ; car celui qui possède Jésus-Christ dans le saint Sacrement ne peut manquer de rien pour sa perfection et pour son salut éternel : si bien qu'après avoir communié, l'âme fidèle peut dire, selon sainte Madeleine de Pazzi : Tout est consommé. En effet, cette nourriture céleste contient tous les biens, dépose dans l'âme toutes les grâces, tous les dons, toutes les vertus ; de sorte que le fidèle qui en jouit n'a plus rien à désirer.
Hélas ! que nous perdons de grâces en ne nous mettant pas en état de communier plus souvent ! les fidèles de la primitive Église le faisaient tous les jours : aussi quelle n'était pas leur foi, leur ferveur ! Ah ! si nous savions quelle peine nous causons au Cœur de Jésus par notre indifférence pour la sainte Eucharistie ! Un jour ce divin Sauveur dit à la vénérable Marguerite-Marie : « J'ai une soif ardente d'être honoré el aimé des hommes dans le saint Sacrement, et cependant je ne trouve presque personne qui s'efforce selon mon désir de me désaltérer en usant envers moi de quelque retour. »
Ne soyons plus du nombre de ces âmes ingrates ; approchons fréquemment avec les dispositions requises de la table sainte, c'est le moyen le plus sûr de dédommager Jésus-Christ et de gagner son Cœur : la dévotion à ce divin Cœur étant établie pour réparer, entre toutes nos ingratitudes, celles là surtout dont il est l'objet dans l'Eucharistie. Mais si nous avons déjà le bonheur de communier souvent, ah ! pourquoi ne savons-nous pas faire un meilleur usage d'un si puissant moyen de perfection et de salut ? Pourquoi après tant de communions, sommes-nous toujours les mêmes, toujours tièdes, toujours glacés, sans énergie pour vaincre nos défauts ? Hélas ! ne serait ce pas parce que nous allons à Jésus-Christ avec un cœur attaché à la créature, rempli d'estime pour les biens, les honneurs, les joies de ce monde ; avec un cœur fermé, impénétrable aux traits de l'amour divin ? Ne serait-ce pas que, si Jésus reçoit bien notre cœur dans le sien, nous, au contraire, nous lui fermons l'entrée du nuire ? car, il l'a dit, celui-là seul qui demeure en moi et en qui je demeure pourra porter des fruits abondants : Qui manet in me, et ego -in eo, hic fert fruetum multum. (Joanu., xv, 15.)
Pourquoi donc, animés de foi et de confiance, ne nous tenons-nous pas aux pieds de Jésus-Christ réellement présent en nous, et ne lui dirons-nous pas du fond du cœur : Non, Seigneur, je ne vous laisserai point aller que vous ne m'ayez béni ; je ne me relèverai point que vous ne m'ayez donné la force de surmonter les penchants qui m'éloignent si souvent de vous, que vous ne m'ayez donné un désir efficace et insatiable de tout faire et de tout souffrir pour votre amour, d'accomplir à toute heure et en toute occasion votre sainte volonté. Disons-lui enfin qu'il y va de sa gloire de rendre digne de lui un cœur qui est devenu son sanctuaire. Et que pourral-il nous refuser après s'être donné tout à nous ?
Pratique.
Tâchez de vous rendre digne autant que possible de communier souvent, et n'oubliez pas que de la préparation et de l'action de grâces qui doivent accompagner cette grande action en dépend tout le fruit. Sainte Thérèse dit qu'une des causes du peu de grâces qu'on en retire est qu'on ne profite pas assez des instants auxquels Jésus-Christ est réellement présent en nous, et qu'à peine est-il entré dans notre cœur, que nous lui tournons en quelque sorte le dos pour nous entretenir de pensées étrangères.
Oraison Jaculatoire.
Quand irai-je, quand paraîtrai-je devant mon Dieu ? Quand me sera-t-il donné de le posséder dans mon cœur ? Quando veniam, et appareboante faciem Dei? (Ps. Xli, 3.)

TRENTIÈME JOUR.
Troisième moyen d'obtenir la dévotion au Cœur de Jésus : les visites au saint Sacrement.
La divine Eucharistie ne profile pas seulement à ceux qui la reçoivent. Pour recueillir quelqu'un des fruits de vie qui y sont attachés, il suffit de visiter Jésus-Christ dans cet adorable sacrement, de le désirer, d'y penser, de se tourner en esprit vers quelque église où il repose. C'était la pratique d'un grand nombre de saints, et du bienheureux Alphonse de Liguori, entre autres. Il n'est rien qui nous gagne plus sûrement le Cœur de Jésus que ces fréquentes adorations et ces visites. Ce Cœur adorable est dans son sacrement comme une vive source qui coule jour et nuit sans interruption, et qui ne demande qu'à se répandre dans les cœurs pour les purifier, les fertiliser. Lui-même invite tous les hommes à venir y puiser, et semble s'écrier du fond de ses sanctuaires, comme il lit autrefois du milieu de la foule des Juifs accourus à Jérusalem, pour une grande solennité : Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi, et qu'il boive : Siquis sttit, veniat ad me, et bibat. (Joann., VII, 3".)
Mais la solitude de ses temples nous apprend assez qu'il n'est pas plus entendu aujourd'hui qu'il ne le fut alors. Aussi semble- t-il se dédommager auprès du petit nombre d'âmes fidèles à répondre à sa voix de l'insensibilité des autres ; car c'est ordinairement durant ces visites qu'elles lui rendent, qu'il se plait à répandre sur elles ses grâces avec plus d'abondance ; et l'on peut dire que de toutes les faveurs qu'il y fait, la plus ordinaire c'est la grâce de son amour ; car si l'amitié se conserve et s'augmente parmi les hommes par les visites et par les conversations fréquentes, c'est par ce moyeu aussi qu'on aimera plus ardemment Jésus-Christ.
Parlez-lui donc, âme fidèle, durant ces visites que vous lui rendez, comme un enfant à son père, comme un ami à son ami, comme une épouse au plus aimable des époux : tantôt lui exposant vos infirmités spirituelles : Seigneur, celui que vous aimez est malade : Ecce quem amas infirmatur. (Joann., xi, 3.) Tantôt le remerciant de ses bienfaits : Mon âme, bénis le Seigneur, et que tout ce qui est en moi bénisse son saint nom : Benedic, anima mea, Domino, et omnia quœ intra me sunt, nomini sancto ejus. (Ps. en, H.) Louant tantôt sa bonté : Que le Dieu d'Israël est bon ! Quam bonus Israël Deus! (P?. Lxxii, 1); tantôt sa miséricorde : 0 Seigneur, votre miséricorde surpasse toutes vos œuvres : Misericordia ejus super omnia opéra ejus. Tantôt son amour : 0 Cœur de Jésus blessé d'amour, languissant d'amour, que dirai-je de vous, des excès de votre amour ? 0 cor.... amore nostri saucium, amore nostri languidum... quid dicam de te ? Anéantissez-vous devant lui : Parlerai-je à mon Seigneur, moi qui ne suis que cendre et poussière ? Loquar ad Dominum meum, cum sim puivis et cinis ? (Gen., xvni, 27.) Enfin entrez jusque dans le tabernacle, établissez-y votre demeure. Là, jetez-vous aux pieds de Jésus avec Madeleine, arrosez-les de vos larmes, baisez ses mains percées de clous pour votre amour, reposez sur son Cœur avec le disciple qu'il aimait, et protestez-lui que c'est la que vous voulez prendre à jamais votre repos et en ce monde et en l'autre, sans chercher nulle part ailleurs joie ou consolation.1 Hœc requies mea in sœculum sœculi: — hic habitabo, quoniarn elegi eam. (Ps. CXXXI, 14.)
Vous ne pouvez vous excuser sur le temps de votre peu d'assiduité a visiter Notre-Seigneur. On sait si bien en trouver à perdre en des entretiens inutiles ! n'y aura-t-il que pour Jésus qu'on ne saurait sacrifier cinq minutes ? Oui, cinq minutes au moins tous les jours d'entretien avec lui dans son sacrement, voilà de quoi satisfaire son Cœur. Quoi ! peut-être demeurez-vous sous le même toit que lui, vous n'avez tout au plus que quelques pas à faire pour aller le visiter, et vous lui refusez cette légère marque de reconnaissance, qu'il est prêt à récompenser par les plus signalées faveurs ! Est-il bienséant de passer devant la demeure d'un ami, de loger si près de lui sans entrer au moins pour le saluer ? disait un saint religieux.
Le P. Salés, de la compagnie de Jésus, se sentait rempli de consolation dès qu'il entendait parler du saint Sacrement ; il ne pouvait se rassasier de le visiter : si on le demandait à la porte, s'il retournait à sa chambre, s'il avait à faire quelques pas dans la maison, il faisait toujours en sorte de redoubler dans ces occasions ses visites à son bien-aimé Sauveur, de telle façon qu'a peine se passait- il une heure de la journée qu'il ne le visitai. Par là il mérita enfin de mourir de la main des hérétiques, en défendant le dogme de la présence réelle de Jésus-Christ au saint Sacrement. »
Louis de Gonzague, Stanislas Kostka, Berchmans, ces anges de la terre et ces admirables modèles de la jeunesse, ne trouvaient de joie qu'auprès de Jésus dans son sacrement. Ils y laissaient leur cœur quand ils étaient obligés de s'en éloigner. C'était là que Xavier venait se délasser des travaux de l'apostolat, et puiser du nouvelles forces pour courir à de nouveaux combats.
En un mot, la dévotion envers Jésus anéanti sur nos autels a été la dévotion de tous les saints. Que ce soit donc aussi la vôtre.
Pratique.
Prenez la ferme résolution de ne passer aucun jour sans visiter plusieurs fois Jésus-Chist au saint sacrement, si vous habitez un lieu où il repose ; et, si vous n'avez pas ce bonheur, d'entrer au moins une fois dans une église à cet effet. Proposez-vous dans ces visites d'honorer spécialement le Cœur de Jésus, et de lui faire réparation pour tous ceux qui n'ont pour lui que de l'indifférence ou qui s'opposent au progrès de la dévotion envers ce Cœur adorable.
Oraison Jaculatoire.
0 Jésus ! ô mon Dieu ! vous dont les discours ne sauraient lasser, dites une parole à mon âme, dites aujourd'hui, dites toujours, ne vous taisez jamais. Tantum die verbol
TRENTE ET UNIÈME JOUR.
Quatrième moyen d'obtenir la dévotion an sacré Cœur : une grande dévotion envers le Cœur immaculé de Marie.
Marie a tout pouvoir sur le Cœur de Jésus ; elle est la Mère du parfait amour, Mater pulchrœ dilectionis. C'est à elle que nous devons nous adresser pour en être embrasés.
Les sacrés Cœurs de Jésus et de Marie sont trop conformes et trop unis pour que l'un ne nous conduise pas infailliblement à l'autre, avec cette différence que le Cœur de Jésus favorise plus particulièrement les âmes pures, et que le Cœur de Marie purifie par les grâces qu'elle obtient celles qui ne le sont pas, et les met en état d'être reçues dans le Cœur de Jésus. Les pécheurs mêmes ne doivent pas désespérer d'obtenir cette grâce par Marie ; elle est l'asile de tous les misérables, la ressource du monde entier. Sans un tendre amour pour cette Mère de miséricorde on ne doit guère s'attendre à obtenir l'entrée du Cœur de Jésus.
Un jour que sainte Gertrude disait avec beaucoup de dévotion ces mots du Salve Regina : lllos tuos miséricordes oculos ad nos couverte, Tournez vers nous vos yeux de miséricorde, la sainte Vierge lui apparut, et lui monlrant les yeux de l'enfant Jésus, qu'elle tenait dans ses bras : « Voilà, dit elle, les yeux très-miséricordieux que je puis tourner à mon gré vers ceux qui m'invoquent. » Ayons donc un amour tendre pour Marie ; nous serons bientôt embrasés d'un ardent amour pour son fils. C'est là la récompense infiniment grande qu'elle obtient à tous ceux qui lui sont dévoués. Tous les biens ne nous sont venus et ne nous viendront que par Marie : Omniaper Mariam. Celui qui l'a trouvée a trouvé la vie et le salut.
- Au reste, il n'est pas difficile de s'approcher de celte tendre mère, puisqu'elle dit elle-même qu'elle prévient ceux qui la recherchent, et qu'elle se montre à eux la première. Oui, c'est elle qui nous inspire le désir de l'aimer et de la servir, afin de pouvoir nous enrichir de tous les trésors dont elle est la dépositaire. C'est par ses mains que doivent passer toutes les grâces dont le Cœur de Jésus veut nous combler. Adressons-nous donc à Marie, adressons-nous surtout à son Cœur, la parfaite image du Cœur de Jésus, à ce Cœur qui fut si continuellement uni à celui de son divin fils, qu'il partagea de moment en moment ses sentiments, ses joies, ses travaux, ses douleurs, son amour pour nous. Jamais nous ne trouverons Jésus sans Marie, ni Mûrie sans Jésus. Invenerwil puerum cum Maria, maire ejus.
Prions Marie, surtout par sa Conception Immaculée, le plus cher de ses priviléges, celui qui l'exempta de la dure nécessité d'ètre un seul instant l'ennemie de son Dieu, et soyons sûrs qu'elle ne saura rien nous refuser. Ne séparons jamais, dans notre dévotion, le Cœur de Marie de celui de Jésus ; honorons-les, aimons-les tous deux du fond de notre cœur ; dévouons-nous, consacrons-nous tout entiers à ces aimables Cœurs ; adressons nos demandes à Dieu le Père par le Cœur de Jésus ; demandons à Jésus par le Cœur de Marie ; nous obtiendrons tout du Père par le Cœur du Fils, et tout du Fils parle Cœur de la Mère.
Le bienheureux Hermann honorait tous les jours de sa vie le Cœur de Marie, et tous les jours de sa vie il en recevait des faveurs signalées.
La bienheureuse Marie de l'Incarnation n'en usait pas autrement ; elle se servait du Cœur de Marie pour demander à Jésus, et du Cœur de Jésus pour demander au Père éternel. La sainte Vierge elle-même daigna faire connaître à sainte Gertrude combien cette pratique lui était agréable, et combien elle était méritoire aux yeux de Dieu. La veille de Noël cette sainte songeait avec amertume de cœur qu'elle avait laissé s'écouler le temps de l'Avent sans rien faire de particulier pour honorer la sainte Vierge, quand, instruite par l'Esprit-Saint, elle offrit à Marie en réparation de cette négligence le très-noble et très-doux Cœur de Jésus, son divin fils. La mère de miséricorde lui fit connaître qu'elle recevait avec gratitude et très-grande joie ce précieux don, et qu'il surpassait sans comparaison en mérite tous les autres actes qu'elle eût pu faire pour l'honorer.
0 Marie, mère de grâce ! voyez notre misère et les ennuis qui nous accablent dans cette vallée de larmes : priez Jésus de nous ouvrir son Cœur, et de nous apprendre à noyer nos tristesses et nos peines dans son divin Cœur, qui a été sur la terre, une mer d'amertume. Qu'il nous suffise de jeter les yeux sur cet aimable Cœur, comme autrefois les Juifs sur le serpent d'airain, pour être aussitôt guéris de toutes les maladies qui affligent nos âmes.
Pratique.
Quand vous assistez à la sainte messe, offrez au Cœur de Jésus les dispositions de la sainte Vierge au pied de la croix, et, quand vous allez à la communion, Offrez-lui pareillement les dispositions de Marie et ses saints transports au moment de l'Incarnation. Lui-même enseigna cette pratique à la vénérable Marguerite-Marie ; vous ne pouvez donc douter qu'elle ne lui soit très-agréable, et qu'elle ne répare très-avantageusement toutes vos froideurs et vos lâchetés dans ces actes, les plus importants de la vie spirituelle.
Oraison Jaculatoire.
0 Marie, je ne me donnerai pas de repos que je n'aie obtenu de vous la connaissance et l'amour du Cœur de Jésus !
Cor Jesu, etc. Cor Mariée, etc.

TRENTE-DEUXIÈME JOUR.
Cinquième moyen d'obtenir la dévotion au sacré Cœur de Jésus : une dévotion particulière à S. Joseph, à S. Jean I'évangéliste et à S. Louis de Gonzague.
Les saints dans le ciel se plaisent à obtenir pour ceux qui les honorent la vertu dans laquelle ils ont eux-mêmes excellé et les moyens de salut qui les ont plus puissamment aidés à atteindre la perfection. Nous avons fait remarquer quelle avait été de tout temps l'ardente dévotion des saints envers le Cœur de Jésus ; indiquons ici ceux dont l'intercession semble plus efficace pour obtenir l'esprit de cette salutaire dévotion, parce qu'ils l'ont eux-mêmes mieux connue et plus constamment pratiquée.
Le premier est saint Joseph. Qui peut douter, en effet, que ce glorieux saint, ayant eu le privilège de porter si souvent Jésus enfant dans ses bras, de vivre familièrement avec lui pendant trente années ; qui peut douter, dis-je, que, dans le silence de la vie d'oraison continuelle que Joseph menait à Nazareth, le divin Sauveur ne lui ait découvert tous les trésors de son Cœur, comme au premier et au plus favorisé entre tous les saints après sa divine mère ? Allez donc à Joseph si vous voulez connaître et aimer le Cœur de Jésus ; car il a remis entre les mains de ce grand saint, qu'il a aimé comme un père, tous les trésors de son Cœur, pour qu'il les répande sur ses fidèles serviteurs.
Après Joseph, allez au disciple que Jésus aimait, à saint Jean L'Évangéliste. A qui pouvez-vous mieux vous adresser, en effet, pour être embrasé d'une, tendre dévotion au Cœur de Jésus qu'au disciple bien-aimé qui reposa durant la Cène sur ce divin Cœur, et qui le premier en pénétra tous les secrets ; qu'à ce disciple qui, seul entre tous les autres, reçut les derniers soupirs de ce Cœur sur la croix ; qui seul partagea les douleurs de Marie lorsqu'elle vit percer ce Cœur sacré par le fer de la lance ; qui en vit couler le sang et l'eau, comme il en rend témoignage, et qui le premier entra dans cette plaie d'amour pour y fixer sa demeure ?
Quant au B. Louis De Goszague, la dévotion au sacré Cœur de Jésus, dans l'exercice d'une vie intérieure et d'une union continuelle avec Dieu, a fait son caractère distinctif. « Oh ! combien Louis a aimé sur la terre ! s'écrie sainte Madeleine de Pazzi, à qui il avait été donné de voir la gloire dont ce saint jouissait dans le ciel. Oh ! combien Louis a aimé ! Quand il était dans cette vie mortelle, il décochait continuellement des flèches d'amour dans le Cœur du Verbe ; maintenant qu'il est dans le ciel, ces flèches retournent vers son propre cœur et y demeurent, parce que les actes d'amour et de charité qu'il faisait alors lui donnent une joie extrême.
« Oh ! quelle est la gloire de Louis, fils d'Ignace ! Je ne l'aurais jamais cru si mon Jésus ne me l'avait fait voir ! Je voudrais pouvoir parcourir tout l'univers et dire que Louis est un grand saint ; je voudrais faire connaître sa gloire à tout le monde, afin que Dieu en fût glorifié. Il n'est si élevé dans le ciel que parce qu'il a mené une vie intérieure. Qui pourrait jamais apprécier le mérite et la vertu de la vie intérieure ? Non, il n'y aura jamais aucune comparaison à faire entre les actes intérieurs et tes actes extérieurs. »
Cet aimable saint est votre modèle, âmes intérieures ; jeunesse chrétienne, il est spécialement votre patron ; vous ne pouvez douter qu'il ne s'intéresse particulièrement à vous. De plus, il a si bien témoigné lui-même combien il désirait voir s'étendre la dévotion au Cœur de Jésus, que vous êtes sûre de lui être agréable, en vous adressant à lui pour l'obtenir. Le trait suivant ne pourra qu'augmenter votre confiance.
Dans l'année 1765,un novice de la Compagnie de Jésus, Nicolas-Louis Célestini, étant attaqué d'une maladie très-grave et presque à l'agonie, vit venir auprès de son lit l'angélique Louis de Gonzague, qui lui adressa les discours les plus consolants, et l'exhorta à aimer le sacré Cœur de Jésus et à en propager la dévotion comme très agréable au Ciel. Nicolas le lui promit, et reçut pour récompense non-seulement la guérison de sa maladie, mais aussi l'affranchissement de toutes ses suites fâcheuses. Ainsi, celui qui, la veille, pouvait à peine remuer dans son lit, put faire le lendemain plusieurs milles à pied par un froid très rigoureux, et suivre la règle comme les autres novices. Cette guérison miraculeuse contribua puissamment à étendre la dévotion du sacré Cœur.
Pratique.
Prenez l'habitude de faire de temps en temps des oraisons jaculatoires à l'exemple de S. Lonis de Gonzague : il n'y a point de moyen plus efficace pour avancer en peu de temps dans l'amour de Jésus. Ces courtes prières sont des traits enflammés qui vont droit à son Cœur, et que ne peuvent arrêter les distractions et la langueur qui se mêlent si souvent à nos autres exercices de piété.
Oraison Jaculatoire.
Qui me donnera de vous trouver seul, ô Cœur de mon Jésus ! Quis mihi det ut i-nveniam tesolum! (Cant. vui, 1.)
CorJesu, etc. CarMariœ, etc.

TRENTE-TROISIÈME JOUR.
Du zèle qu'attend le Cœur de Jésus de ceux qui lui sont dévoués pour répandre partout la dévotion envers son sacré Cœur.
Il ne suffît pas que vous ayez conçu une grande dévotion envers le Cœur de Jésus, il faut encore que vous travailliez de tout votre pouvoir à la répandre ; et la chose ne sera pas difficile si vous aimez : la preuve la moins équivoque de l'amour, c'est le zèle. Celui qui n'a point de zèle n'a guère d'amour. Qui non zelal non amat, dit saint Augustin.
Mais quels sont les moyens d'exercer le zèle ? J'en trouve trois, qui sont à la portée de tout le monde. Le premier est l'exemple : donnez vous-même l'exemple d'une tendre dévotion au Cœur de Jésus ; c'est la plus courte et la plus efficace des leçons. Le deuxième moyen est de la conseiller, de la faire connaître à ceux qui l'ignorent ; de l'entretenir, de l'augmenter en ceux qui en ont quelque commencement. Le troisième et le plus sûr comme le plus facile, c'est de prier ardemment ce sacré Cœur que lui-même se fasse connaître et aimer par ces lumières, par ces touches secrètes qui éclairent et qui changent les cœurs ; car cette dévotion semble être le fruit de la prière, l'une de ces grâces de choix que le Seigneur s'est réservé à lui seul de répandre dans les cœurs.
Nul ne peut s'excuser d'employer un expédient aussi facile : les saints savaient bien quel est le pouvoir de la prière sur le cœur de Dieu dans les entreprises de zèle ; aussi ne manquaient-ils jamais de la joindre à leurs prédications, se rappelant ce que dit saint Paul, que ce n'est ni celui qui plante ni celui qui arrose, mais Dieu seul qui donne l'accroissement : Neque qui plantat est aliquid, neque qui rigat, sed qui incrementum dat, Deus. (I Cor., ni, 7.)
Il est rapporté d'un Père de la Compagnie de Jésus qu'il ne prêchait jamais qu'il n'eût passé trois heures dans une oraison fervente accompagnée de larmes. Un frère coadjuteur de la même société, interrogé sur les moyens qu'il prenait pour gagner tant d'àmes à Dieu dans sa charge de portier, répondit : J'adresse une parole aux hommes, et cent à Dieu. » Prenons-nous-y de même, et soyons sûrs du succès.
Prions donc, et si nos péchés nous rendent indignes d'être les instruments dont Jésus-Christ veuille se servir pour faire connaître son Cœur, demandons-lui qu'il en substitue d'autres à notre place. Conjurons-le d'envoyer à sa moisson des apôtres de son Cœur, qui, pénétrés des avantages de cette dévotion, se consacrent à l'augmenter et à la répandre. Prions, oui, prions ; tout est promis à la prière. Une sainte àme demandant à Dieu pourquoi , dans ce siècle corrompu, il ne suscitait pas quelqu'un de ces saints dont le zèle change en quelque sorte le monde : « On ne me prie pas assez, lui fut-il répondu.
Le moyen assuré de réussir dans les prières que nous adressons à Dieu pour le bien, l'avancement des âmes, c'est de les lui offrir par l'entremise du Cœur de Jésus, ainsi qu'il fut enseigné à la vénérahle Marie de l'Incarnation, fondatrice des Ursulines dans le Canada. Voici ce qu'elle rapporte à ce sujet au deuxième livre de sa vie écrite par elle-même : « Une nuit que je représentais au Père éternel la grande affaire du salut des âmes, je connus par une lumière intérieure que sa divine Majesté ne m'écoutait pas et qu'elle ne se rendait pas propice comme à l'ordinaire aux vœux et aux instances que je lui faisais. Je me consumais à ses pieds, je m'abîmais au centre de ma bassesse et de mon néant, afin qu'il plût à la divine bonté de mettre en moi ce qui lui plaisait davantage pour être exaucée. Alors j'entendis ces paroles : « Demande-moi par le Cœur de Jésus, mon très-aimable Fils ; c'est par lui que je t'exaucerai et que je t'accorderai tes demandes. Depuis ce temps, dit la sainte, c'est par cette pratique que j'achève mes dévotions du jour, et je recueille chaque jour par ce moyen de nouvelles profusions de grâces qu'il m'est impossible d'exprimer (I). »
(I) Prière de la Mère Marie de l'Incarnation.
C'est par le Cœur de mon Jésus, ma voie, ma vérité et ma vie, que je m'approche de vous, ô Père éternel. Par ce divin Cœur, je vous adore pour cent qui ne vous adorent pas, je vous aime pour ceux qui ne vous aiment pas, je vous reconnais pour tous les aveugles volontaires qui, par mépris, ne vous reconnaissent pas. Je veux, par ce divin Cœur, satisfaire au devoir de tous les mortels. Je fais en esprit le tour du monde pour chercher toutes les âmes rachetées du sang très-précieux de mon divin Époux, afin de vous satisfaire pour toutes par ce divin Cœur. Je les embrasse pour vous les présenter par lui, et par lui je vous demande leur conversion. Hé quoi ! Père éternel, voulez-vous bien souffrir qu'elles ne connaissent pas mon Jésus, et qu'elles ne vivent pas pour lui, qui est mort pour tous ! Vous voyez, ô divin Père, qu'elles ne vivent pas encore. Ah ! faites qu'elles vivent dans ce divin Cœur.
Vous savez, ô Verbe incarné, Jésus mon bien-aimé, tout ce que je veux dire à votre Père par votre divin Cœur et par votre sainte âme. Je vous le dis en le lui disant, parce que vous êtes dans votre Père et que votre Père est en vous ; faites donc tout cela avec lui. Je vous présente toutes ces âmes ; faites qu'elles soient une même chose avec vous.
Ajoutons ici les magnifiques promesses de Jésus-Christ pour ceux qui s'emploieront avec zèle à faire connaître son divin Cœur : « Notre-Seigneur, dit la vénérable Marguerite-Marie, m'a découvert des trésors de grâces et d'amour pour les personnes qui se consacreront et se sacrifieront à rendre et à procurer à son Cœur tout l'honneur, tout l'amour et toute la gloire qui sera en leur pouvoir, mais des trésors si grands, qu'il m'est impossible de les exprimer. »
Et dans un autre endroit : « Notre-Seigneur m'a fait voir que les noms de quantité de personnes étaient écrits dans son sacré Cœur, à cause du désir qu'elles ont de le faire aimer et honorer, et que pour cela ils n'en seront jamais effacés. Mais il ne me dit pas, ajoute-t-elle, que ses amis n'auront point de croix, car il veut qu'ils fassent consister leur plus grand bonheur à goûter ses amertumes. » Rappelons-nous surtout que, pour être fructueux, notre zèle doit être prudent et éclairé. « Les affaires qui regardent Dieu sont bien différentes de celles du monde : dans celles-ci il faut beaucoup agir ; dans celles de Dieu il faut se contenter de suivre ses inspirations, et puis laisser agir la grâce et suivre ses mouvements de tout notre pouvoir. La dévotion au sacré Cœur doit s'insinuer doucement par l'onction de la charité dans les cœurs que Dieu s'est destinés. » (marguerite-Marie.)
Pratique.
Employez une partie de vos économies à vous procurer des livrets et des médailles du sacré Cœur, et tachez de les répandre de tous côtés. Les méchants trouvent toujours des fonds et des moyens pour propager les livres corrupteurs ; nous laisserons-nous surpasser par eux ?
Oraison Jaculatoire.
0 Cœur de Jésus, que le zèle de votre gloire me dévore ! Zelus domus luœ comedit me. (Ps. LXVIII, 10.)
Cor Jesu, etc. Cor Mariée, etc.
CONCLUSION
Persévérance dans la dévotion au Sacré Cœur.
« Un grand secret pour l'exécution de vos bons propos pendant ce mois est d'apprendre à entrer dans le Cœur de Jésus, à sortir du Cœur de Jésus, et à rentrer dans le Cœur de Jésus.
« -1° Entrez dans le Cœur de Jésus par le recueillement et l'oraison ; faites état toute votre vie de l'oraison, et jamais n'y perdez Jésus de vue. Souvenez-vous combien sainte Thérèse la recommande ; entrez-y comme elle par Jésus-Christ.
« 2° Sortez du Cœur de Jésus pour aller travailler pour Jésus ; sortez-en comme les Séraphins sortent du paradis sans le quitter ; conservez au moins le désir d'y rentrer au plus tôt. Demeurez en sa présence. Portez Jésus avec Tous pour le mettre au cœur des personnes avec qui vous conversez. Sortez de Jésus comme le rayon sort du soleil pour s'en détacher, et comme Jésus est sorti du sein de son Père sans cesser de lui être uni.
« 3° Rentrez au Cœur de Jésus le plus tôt que vous pourrez en deux manières, la première pardes élévations fréquentes d'esprit et de cœur. Quand vous êtes dans vos occupations, faites d'heure en heure, ou plus souvent, des élans de cœur vers Jésus, en disant, par exemple : Cœur de Jésus, vous êtes toute ma force, ma joie, mon bonheur.
« La deuxième manière de rentrer dans le Cœur de Jésus est par l'examen et la pénitence. Rappelez votre cœur de ses égarements, faites-lui-en porter la peine. Mettez votre tête sous le crucifix ; et si vous avez failli par orgueil, dites-lui : Seigneur, foulez cette tête orgueilleuse. Si c'est par impatience : Eh ! que n'ai-je la lance qui perça votre Sacré Cœur pour en percer le mien et en faire sortir toute l'aigreur ! En quelque faute que ce soit, recourez à Notre-Seigneur, et diles-lui : Mon Sauveur, je sais bien que vous êtes mon juge, c'est pourquoi je veux vous prévenir : heureux si je fais pénitence avant que vous me punissiez, car je sais bien que vous n'aurez pas le courage de me punir deux fois. Entrez, sortez, rentrez ainsi dans le Cœur de Jésus ; c'est le moyen de lui demeurer uni toute votre vie. »
Au reste, vous ne pouvez douter que vous ne soyez toujours bien reçu, en quelque circonstance que vous recouriez à lui, lors même que vous auriez mis quelque négligence à vous rappeler son souvenir. Un vendredi, sainte Gerlrude, se tournant vers son crucifix, dit avec componction : « Hélas ! mon très-doux Créateur, combien de souffrances vous avez endurées pour mon salut à pareil jour ! Et moi, misérable, entraînée par d'autres soins, j'ai laissé passer ce jour sans rappeler à ma mémoire tout ce que vous avez daigné souffrir à chacune de ces heures, ô vous, vie vivifiante, qui, pour l'amour de mon amour, avez daigné mourir  » A quoi Notre Seigneur lui répondit : « J'ai suppléé pour toi à tout ce que tu as négligé, car à chaque instant j'ai réuni dans mon Cœur ce que tu aurais dit repasser dans le tien ; et mon divin Cœur attendait avec impatience ce retour du tien vers moi, afin d'offrir à Dieu, mon Père, tous les mérites que j'ai accumulés, et qui ne pouvaient être appliqués à ton âme sans cette intention de ta part. En quoi, ajoute la sainte, se manifeste l'amour très-fidèle de notre Dieu, qui supplée d'une manière si admirable à nos oublis, et qui apaise son Père en vertu de ce seul regret que conçoit l'âme de ses négligences.
Pratique.
Terminons les différentes pratiques indiquées dans ce mois par celle que Notre-Seigneur proposa lui-même ainsi à la vénérable Marguerite-Marie : « Un vendredi, pendant la sainte messe, je me sentis un grand désir d'honorer les souffrances de mon Époux crucifié : il me dit alors qu'il désirait que je vinsse tous les vendredis, un certain nombre de fois le jour et la nuit, l'adorer sur l'arbre de la croix, qui est le trône de sa miséricorde, me prosterner humblement à ses pieds, m'y tenant en la même disposition qu'était la sainte Vierge au temps de sa passion, offrant ses saintes dispositions.» Notre Seigneur dit pareillement à sainte Madeleine de Pazzi : « En honorant avec une attention particulière tous les vendredis l'heure à laquelle j'expirai sur la croix, vous recevrez en retour des grâces très-spéciales de mon esprit, que je rendis en ce moment à mon Père éternel. Et, bien que vous ne sentiez pas toujours l'effet de cette grâce, néanmoins elle reposera constamment en vous. »
Oraison Jaculatoire.
Que je vive ! non, que ce ne soit pas moi qui vive, que ce soit le Cœur de Jésus qui vive en moi : Vivant ego, jam non ego, vivatveroin me Cor Christi.
CorJesu, etc. Cor Marias, etc.





















  































































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