AVRIL Le mois de la Passion de Jésus-Christ

AVRIL
Le mois de la Passion de Jésus-Christ

Le mois de la Passion de Jésus-Christ

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Méditations sur la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ
pour tous les jours du mois
On fera tous les jours la Prière suivante, avant de commencer la Méditation du jour.
Mon Sauveur Jésus-christ, puisque vous êtes mon unique espérance, je me jette aux pieds de vôtre Croix, pour y méditer tous les jours de ma vie, les excessives douleurs que vous y avez endurées amoureusement pour moi, et pour y pleurer amèrement tous mes péchés, qui vous ont causé toutes ces souffrances.
Détachez-moi donc de toutes les choses de ce monde, imprimez dans mon cœur l'amour de votre croix, afin que je ne soupire qu'après elle, puisqu'elle est toute ma gloire, mon unique trésor et mon bonheur éternel, Ainsi soit-il.
Divin Jésus, ne permettez pas que l'injuste mépris que le monde insensé fait de votre croix, me fasse rougir des confusions que son orgueil y trouve ; qu'elle soit au contraire l'unique objet dont je me glorifie avec S. Paul, et qu'à l'exemple de S. André, je ne voie nulle autre grandeur ni nulle autre beauté sur ta Passion, que celles qu'elle a reçues de vos souffrances.
Enfin, mon aimable Sauveur, rendez-moi insensible à tout autre plaisir qu'à celui que donne l'amour de votre croix ; et que mon cœur ne soit touché d'aucune autre joie que de celle qu'une âme sainte goûte dans les souffrances, afin que disposé par cet esprit crucifié à méditer souvent votre Passion, j'apprenne à souffrir toutes sortes de peines pour l'amour de Vous.
Ainsi soit-il

MEDITATION POUR
LE PREMIER JOUR DU MOIS.
Jésus instituant le très-Saint Sacrement de l'Autel,
Considérons avec un transport d'amour et d'étonnement, la bonté infinie du Fils de Dieu, lequel nous a donné le plus grand témoignage d'amour, qu'il lui a été possible, en l'institution du très-saint Sacrement de l'Autel, où il a comme prodigué et épuisé les trésors de son divin amour.
Ce qui fait encore davantage éclater cet amour, c'est la circonstance du temps auquel il l'a institué, car ça été la même nuit en laquelle les Juifs étaient assemblés pour conspirer sa mort.
Lorsque les hommes se préparaient par leur malice à lui faire le plus grand mal, il se disposait à leur faire un très-grand bien ; quand ils ne pensaient qu'à se défaire de lui, il méditait le secret de demeurer toujours avec eux jusqu'à la consommation des siècles, dans la divine Eucharistie, où il habite de la plus aimable manière qu'un Dieu puisse jamais se rendre présent parmi les hommes.
Considérons les fins admirables que Jésus se propose venant dans le saint Sacrement. Il y vient pour nous témoigner l'excès de son amour, pour s'unir à notre âme, pour lui servir de nourriture spirituelle, pour la faire vivre de sa vie toute divine, pour lui communiquer le germe de l'immortalité, pour la fortifier, la consoler, l'éclairer, la conduire et lui appliquer toutes les graces et les trésors infinis de sa vie et de sa mort.
AFFECTIONS.
O amour de mon Dieu, que vous êtes admirable ! et que vous êtes grand à l'égard des hommes. Quelles actions de graces vous dois-je rendre pour un si signalé bienfait ! O trésor infini, qui vous saurait assez estimer. Ne dois-je pas vous préférer à toutes les richesses du monde ? Si une âme qui vous posséde est toute remplie de votre divinité, doit-elle désirer quelqu'autre chose dans le ciel et sur la terre que ce qu'elle posséde ?
Résolutions
De s'approcher de Jésus avec un grand amour ; de se préparer à recevoir ce Sacrement d'amour, par des actes de foi, d'espérance, de charité, d'humilité, de respect, d'un ardent désir de nous unir à lui, et d'une faim sacrée de le recevoir. Après la Communion, de le remercier de la visite qu'il a daigné nous rendre ; lui offrir toutes nos passions pour les sanctifier et les consacrer à son culte, et lui demander avec une humble confiance, ce qui convient à notre état et à nos besoins tant spirituels que corporels, nous en rapportant à sa providence, et nous soumettant avec respect à sa volonté.
Je soupirerai nuit et jour pour ce sacré festin d'amour.

MEDITATION pour le même jour.
Du saint Sacrifice de la sainte Messe.
Considérons avec un profond respect, l'excellence du Sacrifice de la sainte Messe, qui est le même que celui qui fut offert sur le Calvaire, la même victime qui fut immolée, le même sang qui y fut répandu ; pour le salut de tous les hommes, par lequel les mérites du Sacrifice de la Croix sont appliqués aux vivants et aux morts.
Considérons l'excellence de la Victime de ce Sacrifice adorable. C'est le Fils de Dieu fait homme, qui se trouve présent sur nos Autels, au même moment que le Prêtre a prononcé les paroles sacramentales, accompagné d'un grand nombre d'Anges qui témoignent leur profond respect pour ce Dieu caché dans le Sacrement par de continuels actes d'adoration.
Considérons les quatre fins admirables de cet excellent Sacrifice, que nous devons nous mettre en mémoire, toutes les fois que nous y assistons. C'est un Sacrifice d'holocauste, où Jésus-Christ est entièrement immolé, et où il honore son Père éternel autant qu'il le mérite. C'est un Sacrifice de propitiation, où il satisfait à sa Justice beaucoup plus qu'il ne lui est dû, pour tous les péchés des hommes, et qui serait capable de satisfaire pour des mondes infinis, s'il était nécessaire. C'est un Sacrifice Eucharistique ou d'actions de grace, où il remercie son Père éternel dignement pour nous. C'est enfin un Sacrifice impétratoire, lequel étant offert au Père Eternel , il ne saurait nous rien refuser en vue de son Fils bien aimé qui en est la victime, aussi bien que le principal Ministre.
Affections.
O mon Dieu, que j'ai bien peu connu jusqu'à présent l'excellence de ce Sacrifice ! hélas avec quelle négligence y ai-je assisté ! avec combien de distraction d'esprit ? C'est une marque du peu de foi que j'ai de ces redoutables Mystères.. Ah, mon Dieu ! donnez-moi une véritable foi, faites que je m'en approche avec un grand respect ; et si les Anges tremblent en votre sainte présence, faites que je tremble toutes les fois que j'y assisterai, et que je sois saisi d'une sainte frayeur. J'ai bien peu connu jusqu'à présent le prix infini de ce divin Sacrifice ; si je l'avais bien connu, je n'aurais pas perdu si souvent  l'occasion d'y assister.
Résolutions.
Je fais résolution, ô mon Dieu, avec votre sainte grace, d'assister à la sainte Messe tous les jours de ma vie, avec une grande foi et une grande pureté d'intention, de rappeller dans ma mémoire les fins adorables de ce divin Sacrifice ; de l'offrir à votre Père éternel avec les mêmes fins que vous l'offrîtes dans le Cénacle et sur le Calvaire, et  d'entrer dans les saintes intentions que vous avez pour mon salut, vous allant immoler sur la Croix.
Offrons à Dieu ce sacrifice, qui sera pour nous très propice.
Méditations pour le même jour.
Pourquoi Jésus veut demeurer sur nos Autels dans le saint Sacrement.
Considérons et admirons le grand amour de notre Seigneur envers nous, qui non content de nous avoir donné son corps et son sang, pour nourrir spirituellement nos âmes et s'être offert à Dieu son Père en sacrifice, a voulu encore par une bonté incompréhensibIe, demeurer avec nous jusqu'à la consommation des siécles, et se trouver présent dans un nombre innombrable de lieux, de temps et de moments, afin de demeurer avec nous.
C'est par le saint Sacrement de l'Eucharistie, que nous jouissons de sa présence corporelle ; que Jésus-Christ veut de plus près s'unir avec nous ; qu'il a la bonté de nous parler intérieurement, de nous écouter, de nous consoler, de nous fortifier, de nous enseigner, de nous donner les moyens de goûter les mêmes douceurs que ressentent les Bienheureux dans le ciel. C'est là enfin qu'en tout temps, en tous lieux et en toutes nos nécessités nous pouvons le trouver.
Considérons les grands trésors qu'il ne tient qu'à nous d'acquerir aux pieds des Autels à la vue du S. Sacrement ; combien de bonnes âmes s'y sont enrichies de dons excellents : les unes y venaient boire comme à une source d'eau vive, où leur amour se désaltérait de la soif qu'elles avaient de sa présence. C'est à cette source céleste qu'elles prenaient des forces pour réprimer leurs passions et en sanctifier l'usage ; aussi sortaient-elles d'auprès du très-saint Sacrement avec des transports de dévotion et des mouvements de ferveur qui marquaient bien les avantages qu'on retire de sa visite.
D'autres s'y présentaient comme devant une fournaise ardente, qui les échauffait de ses flammes, brûlait leur cœur d'un feu dévorant dont elles étoient toutes pénétrées : de là venait leur zéle, leur amour, leur ardeur à courir dans la voie de leur vocation, ne comptant pour rien la répugnance et les difficultés qu'il y avait à vaincre, tant ce feu divin leur inspirait de résolution.
Affections.
Divin Jésus, quelle est l'étrange différence des sentiments de ces vrais fidéles d'avec mon indisposition, lorsque je suis en votre présence ! de leur piété, de leur culte et de leur amour envers vous, comme présent sur nos Autels, tandis que je tombe en langueur, froid et indiffèrent dans les hommages que je dois à la divine Eucharistie ! Leur esprit occupé de vous et des merveilles que vous opérez dans ce grand Mystère, fait un juste reproche au desordre de mon intérieur et à mon indévotion. Aimable Jésus, fondez la glace de mon cœur par une étincelle du feu qui enflamme le vôtre ; augmentez ma foi pour ce Sacrement, lequel étant un pain de vie et de lumière, me fera vivre de votre amour, et m'en donnera plus d'intelligence, alors plus éclairé à vous connaître et plus ardent à vous aimer, je vous rendrai aussi un hommage plus pur dans l'adorable Eucharistie.
O mon aimable Jésus, que l'amour que vous avez pour nos âmes est grand et qu'il est fort ! puisqu'il vous tient amoureusement attaché sur la terre pour nous tenir compagnie jusqu'à la fin du monde. Hélas, que j'ai bien peu de foi de cette vérité car si je croyais que vous fussiez sur nos Autels, ne porterais-je pas mille et mille fois le jour, mon esprit du côté de l'Eglise pour vous y adorer et vous rendre le respect qu'une créature doit à son Créateur ? je ne penserais qu'à vous et je ne soupirerais qu'après vous ; je vous visiterais plusieurs fois le jour, afin de me prosterner humblement devant votre divine Majesté ; je consacrerais mon honneur à vos humiliations et tous mes biens au service de vos Autels. Mais quelles actions de graces ne vous dois-je pas rendre de ce que vous m'avez donné un moyen si favorable de vous recevoir, de m'unir à vous, de vous parler et de recevoir vos consolations dans toutes mes peines.
Résolutions
De rappeller souvent dans notre esprit l'avantage de nos Eglises, qui ont l'honneur de posséder réellement la présence de Jésus-Christ ; se tourner de ce côté-là pour l'y adorer, et s'il s'y dit encore des Messes, faire en sorte, quoiqu'on soit absent, d'y être présent par la foi, et d'y faire intérieurement la Communion spirituelle avec les Actes qui lui sont propres ; enfin de visiter aussi souvent qu'il sera possible, ces mêmes Eglises pour y faire nos dévotions, et ne passer jamais devant ces lieux saints sans les saluer et donner quelques marques sensibles de Religion.
Je veux vous adorer continuellement,
O mon divin Sauveur, dans le Saint Sacrement.

Méditation pour le second jour du mois.
Jésus priant dans le Jardin des Oliviers.
Considérons attentivement l'excellence de la Prière de Jésus.
1) Elle a été la plus sainte, la plus agréable et la plus efficace qui ait jamais été offerte au Père Eternel, et Elle a été très-sainte, puisqu'elle a été faite par Jesus-Christ, qui est sa sainteté même.
2) Elle a été agréable au Père Eternel, puisqu'elle lui a été offerte par son Fils bien-aimé, pour qui il avait des complaisances infinies.
3) Mais elle a été très-efficace, puisqu'elle nous a attiré sa miséricorde, et nous a délivré de la mort éternelle.
Considérons les circonstances admirables de la divine prière de Jésus, afin d'apprendre à prier à son exemple.
La première : Il prie dans un jardin éloigné du bruit du monde, pour nous apprendre, dit saint Chrysostome, à pratiquer ce qu'il nous Conseille dans son Evangile, qui est de choisir un lieu écarté ; d'entrer dans nos cabinets et d'en fermer les fenêtres ; en un mot à rechercher la solitude dans nos maisons.
La seconde : Il se prosterne profondément devant la Majesté de son Père, la face contre terre, dit saint Matthieu, et cet abbaissement extérieur était l'effet de son humilité intérieure, du profond respect et du très-haut sentiment qu'il avait de la grandeur infinie de son Père Eternel.
La troisième : Il ne dit que peu de paroles, et après s'être entretenu dans l'oraison pendant trois heures, il s'écrie : Mon Père que votre volonté soit faite pour nous apprendre à ne pas beaucoup parler dans l'Oraison, mais à écouter Dieu qui, dans un silence respectueux, où l'on doit se tenir, se communique à nos cœurs, pour nous apprendre à ne demander dans nos prières que sa sainte volonté.
La quatrième : Il prie avec de saintes dispositions ; au lieu de la Foi, il avait la lumière de gloire ; il fait paraître sa grande confiance par ce mot de Père ; sa charité y éclate, voulant souffrir et mourir pour l'amour de Dieu son Père et pour ses ennemis ; sa persévérance y paraît, persévérant pendant trois heures, nonobstant la tristesse extrême qui le mettait à l'agonie ; sa ferveur est si grande, qu'elle lui fait suer le sang à grosses gouttes, sa résignation à la volonté divine est ravissante, car il ne demande d'être affranchi de ses souffrances, que sous le bon plaisir de Dieu son Père ; son intention est très-pure, puisqu'il ne prie pas pour y chercher du goût et des consolations sensibles, mais pour honorer son Père céleste.
Enfin, la cinquième circonstance de l'Oraison de Jésus-Christ, c'est qu'après l'avoir finie, il est tout embrasé de l'amour des souffrances, et s'expose lui-même à la rage de tous ses ennemis.
Affections.
O Jésus ! que vous êtes admirable dans votre Prière ! Hélas, que je vous ai bien peu imité depuis si longtemps que je fais oraison ! O que je suis bien éloigné de vos saintes dispositions ! Donnez-moi , s'il vous plaît, votre esprit d'oraison ; faites que j'aie une vive Foi , que je sois pénétré de votre présence, ô mon Dieu ! car la cause de mes distractions, et de mon peu de recueillement et de mortification pendant le jour, produit ce défaut. J'ai besoin de confiance, d'amour pour Dieu et pour le prochain, de courage et de persévérance dans les dégoûts, répugnances, sécheresses et autres tentations que le diable, le monde et la chair me donnent contre l'oraison. L'humilité et la révérence, la ferveur, la résignation, la pureté d'intention me sont nécessaires. O Jésus , donnez-les moi, s'il vous plaît.

Resolutions.

D'aller toujours à l'oraison comme Jésus, c'est-à dire, avec une grande pureté d'intention, non pas pour y avoir des goûts et des plaisirs, mais purement pour l'imiter et l'honorer, ou faire son possible pour entrer dans les dispositions de Jésus faisant oraison.
Jesus priant , accordez-nous
Le don de prier comme vous.

MEDITATIONS
Pour le troisième jour.
Jésus affligé jusqu'à la mort.
Considérons l'infinie bonté d'un Dieu, d'avoir voulu ressentir dans son âme toutes les peines et les douleurs, dont les nôtres peuvent être capables. Ces peines étaient si grandes, qu'au rapport de saint Marc, elles le réduisirent à l'agonie, d'où vient qu'il dit : Mon âme est triste jusqu'à la mort.
Considérons que ce n'était pas tant la crainte des souffrances et de la mort, qui causait à Jésus cette excessive tristesse, comme c'était, au rapport de saint Ambroise, la vue de tous les crimes qu'avaient commis et devaient commettre les hommes contre sa divine Majesté. C'était aussi, dit saint Jerôme, la perte d'un Judas qui le devait trahir, le péché d'un saint Pierre qui le devait renier, la fuite de ses Apôtres, qui le devaient abandonner, la damnation des Juifs, qui le devaient mettre à mort ; c'était enfin le peu de profit, et l'abus que Jésus prévoyait que tant de Chrétiens feraient de sa Passion, de son Sang, de sa mort et de toutes ses graces. Voilà les tristes et funestes sujets de la tristesse de Jésus affligé jusqu'à la mort.
Affections.
O mon Sauveur, que vous êtes digne de compassion dans cette excessive tristelle, qui vous réduit à l'agonie ! Hélas, ce sont mes péchés, qui vous ont mis dans cet état ; c'est l'abus que j'ai si souvent fait de vos graces et de votre mort. Vous vous affligez pour l'amour de moi et pour satisfaire pour mes joies dissolues et pour mes plaisirs criminels : je vous en demande mille fois pardon. Mettez, ô mon aimable Sauveur ! dans mon âme les mêmes sentiments de tristesse et de crainte pour toutes mes offenses, qui vous ont réduit à l'agonie et vous ont fait suer sang et eau.
Considérons que Jésus-Christ avait tant à cœur le salut des hommes, et la damnation d'un nombre infini d'âmes le touchait si sensiblement, que considérant le péché comme la cause de leur perte, comme le seul obstacle qui s'oppose à ses intentions, comme l'occasion funeste de tous ses déplaisirs et de son supplice, il tomba dans une agonie si rude que tout son corps s'ouvrit et fut couvert de sang et de sueur. Hé quoi ! Seigneur, vous considériez le péché hors de vous comme un ennemi impuissant qui ne pouvait vous offenser, et néanmoins l'horreur qu'il vous fit et le frisson qu'il vous causa, vous jetta dans des convulsions si cruelles, que toutes vos veines s'ouvrirent pour marquer de leur sang l'horrible image du péché ; et moi bien loin de m'épouvanter d'un tel monstre, loin de fuir avec horreur ses funestes approches, je le recherche avec soin, je prens plaisir d'être avec lui des journées entières, je me nourris de ce venin mortel, je porte cet aspic dans mon sein sans craindre le péril affreux où je m'expose, je lie commerce avec l'ennemi de Jésus, dont la seule vue le fait agoniser : où est ma raison, ma foi ? où est l'attention sérrieuse que je dois au salut de mon âme, que je sacrifie au péché et que je perds pour une Eternité, sans espérance et sans ressource ?
Affections.
Divin Jésus, puisque le péché vous fait tant d'horreur, que sa malice épuise le fonds infini de votre bonté, qu'il est l'ennemi implacable qui vous poursuit à mort, le cruel bourreau qui vous l'a donnée, que c'est pour le punir que votre justice a creusé des abîmes et allumé des feux éternels, où il sera sans fin l'objet irréconciliable de votre colère, je le hais et je le déteste de toutes mes forces, je me repens de tout le commerce que j'ai eu avec lui, parce qu'il vous offense, qu'il est contraire à votre sainteté, à l'amour que je vous dois et à celui que vous me portez.
Résolutions.
Je me résous, o mon Dieu, moyennant votre grace, de ne passer aucun jour de ma vie sans réfléchir sur mes péchés, avec douleur de les avoir commis, de vous en demander pardon et de tâcher plusieurs fois le jour de m'exciter à la contrition, pour m'attirer votre miséricorde.

Afflige-moi Seigneur, réduit à l'agonie,
Et faites-moi pleurer tout le temps de ma vie.

MEDITATION
Pour le quatrième jour.
Jésus suant sang et eau.
Considérons notre aimable Sauveur prosterné la face contre terre devant la Majesté de son Père Eternel dans le Jardin des Oliviers, où il ne paraît pas seulement la confusion sur le visage et la douleur dans le cœur, mais il paraît encore tout couvert de son sang. Une sueur de sang distille par toutes les parties de son corps, et il arrose le lieu où il est à genoux ; la terre, les herbes et tout ce qui est autour de lui rougit de son sang. O que ce spectacle est digne de nos admirations ! O qu'il est capable de nous attendrir et de nous faire verser des larmes !
Affections.
D'où vient ce Sang, ô mon aimable Sauveur ! Lorsque je vous considére tout rouge de sang dans votre Circoncision ; j'aperçois que c'est la main du Ministre de cette cérémonie, qui vous a blessé avec ce glaive de pierre. Quand je vous vois avec un corps déchire et ensanglanté dans le Prétoire et sur le Calvaire, je vois en même temps une multitude de bourreaux, qui comme des tigres et des lions, sont acharnés sur votre adorable Personne. Ah je vois des clous, je vois des fouets, je vois des épines et une infinité d'instruments dont la cruauté sert pour vous tirer le sang des veines. Mais qui vous tire le sang que vous avez répandu dans ce Jardin ? vos ennemis n'y sont pas encore entrés, je n'y apperçois point de fouets ni d'épines. Ah, je vois bien ce que c'est ! c'est ce desir ardent que vous aviez pour le salut de tous les hommes. O mon divin Sauveur, qui a tiré le sang de vos veines ! c'est cet amour infini qui vous mettant dans une sainte impatience de répandre votre sang sur le Calvaire et de mourir pour nous, a ouvert tous les pores de votre corps, d'où est sorti une si prodigieuse quantité de sang. Helas ! quelle confusion pour moi, considérant que bien loin de répandre mon sang, je n'ai pas encore versé une larme pour expier mes péchés.
Considérons que l'agonie de Jésus est de tous les actes de sa Passion celui qui l'a fait souffrir davantage et où il a paru plus sensible : il ne faut pas s'en étonner, c'est qu'il souffrit alors en esprit sans interruption et tout à la fois, toutes les peines et les douleurs qu'il ne souffrit depuis que successivement et par intervalles ; ce fut un torrent de souffrances, dont le cours rapide entraîna, ce semble, son humanité, et lui fit quelque violence.
Cette agonie fut donc l'effet violent d'une douleur universelle, une impression excessive que fit sur l'esprit de Jésus l'idée qu'il se forma de tout ce qu'il devait souffrir à Jérusalem et sur le Calvaire ; son âme sentit alors sans doute la peine infinie que lui devait faire cette foule d'humiliations, de mépris et d'opprobres, dont sa personne devait être avilie, son honneur flétri et sa réputation perdue. O Dieu ! quelle dut être la honte et la confusion de cette âme divine, de se voir traitée si indignement, elle qui avait le goût si vif et si délicat pour la belle gloire !
Il crut entendre dans ce triste moment toutes les huées, les cris de fureur et de moqueries et les voix insolentes de ce Peuple acharné contre lui, qui demandait sa mort. Il se vit sali de tous les crachats, meurtri de tous les coups, couvert et déchiré de toutes les plaies que ses bourreaux lui préparaient, les fouets sanglants, la couronne d'épines, la Croix, les clous et tous les instruments que la cruauté devait employer, se présentèrent à lui sous des caractères terribles et des traits si funestes, que son imagination vive et pénétrante se formant une profonde idée de tous ces objets effroyables, son âme parut y succomber en demandant suspension de peines ; mais ce fut toujours avec la respectueuse subordination de sa volonté à celle de son Père, à laquelle il sacrifiait toutes ses répugnances.
Affections.
Divin Jésus ! qui osera se plaindre de la Providence dans ses afflictions, Vous voyant traité avec tant de rigueur ? Nous tombons dans le chagrin et le murmure à l'occasion d'une seule douleur, et vous en êtes accablé, nous fuyons les souffrances et vous les prévenez ; votre n'attendez pas la main des bourreaux pour tourmenter votre corps innocent, votre esprit par avance lui fait un supplice qui le met tout en sang et le réduit à l'agonie. Ce n'est que par nécessité que nous supportons nos disgraces, et vous les acceptez volontairement par le consentement que vous y donnez, nous murmurons contre ceux qui nous font souffrir, les traitant d'ennemis et de persecuteurs, et vous appeliez Père l'auteur de vos souffrances, vous soumettant avec respect à ses volontés. Divin Jésus, quel éloignement infini de notre conduite à la vôtre ! faites-nous la grace de nous y conformer en suivant votre exemple, et recevant toutes nos peines avec le même esprit que vous reçutes le Calice qui vous fut présenté et qui contenait tant d'amertumes, qu'il vous causa une crise de sang.
Résolutions.
Demandons instamment à Jésus-Christ par le mérite de cette effusion, qu'il nous purifie dans ce précieux sang, et qu'il nous fasse la grace de pleurer nos péchés qui ont causé toute ses souffrances, avec des larmes d'une parfaite et amère contrition.
Pleurons, mon âmes, nos offenses,
qui causent toutes ces souffrances.

MEDITATION
Pour le cinquième jour.
Jésus trahi par Judas.
Considérons le cœur endurci de Judas, qui ayant été choisi par Jesus-Christ pour être un de ses Apôtres, et ayant été délicieusement nourri de sort sacré Corps, qu'il lui donna le soir avant que d'avoir commencé le Mystère douloureux de sa passion, ne laissa pas, nonobstant cet excès d'amour, de le trahir et de le livrer aux Juifs pour un lâche intérêt et un excès de cupidité.
Considérons la douceur, et la bonté ineffable de Jésus à l'endroit de Judas. Il avait connu depuis longtemps son méchant dessein, et néanmoins il le fait asseoir à sa table : il boit et il mange avec lui, il le communie comme les autres Apôtres, il lui lave les pieds, il l'embrasse, il l'appelle son ami, et approche sa bouche sacrée, de sa bouche infame et sacrilége, en lui disant ces paroles remplies de douceur et de charité, qui étaient capables d'amollir un cœur de bronze et de diamant : Ah Judas, mon ami, est-ce ainsi que vous me trahissez, après vous avoir donné de si grands témoignages d'une sincère affection ?
Affections.
O bonté, ô douceur, ô patience d'un Dieu ! que vous êtes admirable. Judas s'approche de vous pour vous livrer aux bour  reaux, et néanmoins vous l'embrassez, vous lui donnez le baiser de paix, et vous le traitez du nom d'ami, comme si vous ignoriez son méchant dessein. O qu'il est bien vrai ce que vous avez dit par la bouche d'un Prophétè ; que vous ne voulez pas la perte du pécheur, mais au contraire vous ne desirez rien tant que sa conversion. Ah ! Seigneur quoique je sois pire que Judas, et que je vous aie trahi si souvent en commettant, non pas un péché, mais plusieurs que j'aie fait ainsi autant de Déïcides, je me jette néanmoins avec confiance entre vos bras, non pas comme ce malheureux Apôtre, avec un si méchant dessein, mais avec celui de vous satisfaire par une véritable pénitence, de corriger ma vie criminelle que je condamne ; et de recevoir le baiser de paix, que vous donnates à Judas pour le convertir, s'il n'eût apporté empêchement et résistance à votre grace.

Résolutions

D'imiter votre douceur, ô Jésus ! et votre patience envers ceux qui me feront quelque mal, de renoncer à toute avarice, puisqu'elle a été la cause de la perte de Judas, et de vous prier instamment tous les jours de ma vie, de ne permettre pas que je vous trahisse jamais par mes péchés.
Jésus, ne permettez pas,
De vous trahir comme Judas.

MEDITATION
Pour le sixième jour.
Jésus lié et garroté.
Considérons avec le dévot saint Bernard les grandes souffrances que Jésus endura à l'approche des Juifs. Qui est-ce, ô bon Jésus ! s'écrie ce grand Saint, qui pourrait considérer sans gémir, comment les Juifs mirent leurs mains meurtrières sur vous à cette heure-là pour lier vos innocentes mains, et vous entourer le col d'une grosse corde, comme au plus infame de tous les criminels ? qui pourrait raconter sans verser des torrents de larmes, les coups de pieds et de batons dont ils chargèrent votre sacré dos, les soufflets réitérés dont ils couvrirent votre face adorable ; et comment, après vous avoir longtemps tiré par la barbe et par les cheveux, ils vous menèrent ignominieusement comme un agneau innocent à la mort ?
Considérons les raisons pourquoi Jésus a voulu être lié, et garroté ; ça été afin de rompre les liens funestes de nos crimes qui nous doivent malheureusement tenir captifs et attachés, et pour nous unir à lui du lien sacré de son amour. Voilà l'excessive charité d'un Dieu, de vouloir n'être garroté pour rompre et briser nos liens : Voilà son amour infini, de passer pour le plus grand de tous les criminels, afin de nous unir à lui, et nous rendre innocents en nous faisant part de sa sainteté par le mérite de ses souffrances.
Affections
O mon divin Jésus ! que votre patience est admirable dans cette circonstance de votre sainte Passion.
Vous pouviez avec une seule de vos paroles, abîmer dans les Enfers tous ces Satellites, que se jetèrent sur vous comme des loups affamés, et néanmoins vous ne donnates aucune marque d'impatience, mais au contraire, vous leur rendites le bien pour le mal, en remettant l'oreille à Malcus, qu'on lui avait coupée pour votre défense.
Que votre amour est grand à l'égard des hommes ; puisque vous avez voulu pour l'amour d'eux passer pour un malfaiteur en permettant aux Juifs de vous lier les mains, et de vous mettre une corde au col. Ces liens, ô mon aimable Sauveur ! me figuraient les divines chaînes, et les liens sacrés, avec lesquels vous promettez chez le Prophéte Osée de nous attirer à vous. O quelle différence de vos chaînes d'amour et de douceur, d'avec celles dont vous avez été lié ! Ah, Jésus ! rompez, je vous supplie, les funestes chaînes de mes péchés, et attirez-moi après vous avec les liens sacrés de Votre sainte crainte, et de votre amour divin, que vous m'avez mérité.
Résolutions
De prier Jésus de rompre les liens funestes, qui nous attachent malheureusement au monde, et à nous-mêmes : de faire tous nos efforts pour rompre et détruire en nous nos mauvaises habitudes, et de nous unir étroitement à Jésus par sa sainte grace, par sa sainte présence, et par sa crainte, qui nous doivent attacher à lui, sans jamais nous en séparer.
Rompez mes liens et mes chaînes,
O Jésus accablé de peines.

MEDITATION
Pour le septième jour.
Jésus abandonné de ses Apôtres
Considérons l'étrange malheur qui arriva aux Apôtres pour s'être séparés de Jésus, qui leur avait donné mille fois des marques de son amour. Hélas ! ils ne se furent pas plutôt séparés de lui, qu'ils tombèrent dans l'infidélité. Judas commit une trahison exécrable en le livrant aux Juifs : Saint Pierre le rénia par trois fois , et les autres Apôtres l'abandonnèrent, comme si ç'eut été un homme qu'ils n'eussent jamais connu.
Considérons que cet abandon représentait l'abandon déplorable que les pécheurs font de Dieu par le péché. Car toutes les fois qu'ils le commettent, ils se séparent de Dieu, puisque le péché, selon le témoignage d'un grand Prophéte, met la division entre Dieu et notre âme.
Affections.
O l'étrange et terrible malheur que d'abandonner Dieu ! 'puisque, selon l'Ecriture sainte, tous ceux qui se séparent de lui par le péché, périront malheureusement. Seigneur, s'écrie saitn Augustin, où peut aller celui qui vous abandonne, si ce n'est à la mort éternelle ? Helas ! que j'ai donc bien sujet de craindre, puisque je me suis si souvent éloigné de vous par mes péchés ; ô mon Jésus ! convertissez-moi à vous, par un de vos regards amoureux, comme vous convertîtes saint Pierre, et unissez-moi à vous si étroitement, que je ne m'en sépare jamais.
Résolutions
De craindre le péché comme le plus grand de tous les malheurs, puisqu'il nous sépare de Dieu, qui est notre souverain bien, et la vie de notre âme : de faire notre possible, pour nous conserver en état de grace ; et de prier Jésus tous les jours à la sainte Messe avec le Prêtre, qu'il ne permette pas que nous l'abandonnions en commettant le péché. 
Ne souffrez pas, ô doux Jésus,
Que je vous abandonne plus.

MEDITATION
Pour le huitième jour.
Jésus traîné par les rues de Jerusalem, et souffrant de grandes fatigues
Considérons avec les senriments de compassion les plus sensibles de notre âme, les grands travaux, et les étranges fatigues que Jésus endura durant toute la nuit , qu'il fut traîné par tous les coins de la ville de Jerusalem. Ce fut à la faveur des ténèbres, comme dit l'Ecriture, que les Juifs armés de bâtons, d'épées, de coutelas et d'autres armes, se jettèrent sur lui, et le frappant de plusieurs coups de bâtons, le traînant ignominieusement de maison en maison durant toute la nuit. Saint Bonaventure ajoute, que dans toutes ces fatigues ; la Populace mutinée poursuivait Jésus à coups de pierre, avec de grands cris, huées et moqueries.
Considérons les saintes et adorables dispositions de Jésus dans toutes ces fatigues.
Pendant que son corps était abandonné à la puissance, et à la malice des Juifs, son cœur était appliqué à l'oraison, et il priait pour tous ses ennemis ; il s'entretenait avec son Père Eternel, il lui offrait tous ses outrages en satisfaction de tous nos péjchés ; il offrait les grandes fatigues qu'il endurait pendant tout le chemin qu'il fit depuis le Jardin des Oliviers jusques à la Ville, pour nous délivrer des peines excessives que nous avons méritées de souffrir dans l'enfer durant toute l'Eternité pour tant de mouvements que nous nous donnons à courir au mal et à contenter nos passions ; il satisfaisait pour tant de démarches inutiles et criminelles, qu'il prévoyait que nous ferions pendant notre vie ; il nous méritait les graces pour souffrir toutes les fatigues, et les travaux pénibles que nous devions endurer.
Affections.
O mon aimable Jésus ! qui pourrait comprendre les douleurs, les calomnies, et les affronts atroces, que vous ressentites durant cette nuit. Hélas ! pénétrez mon cœur d'un véritable sentiment de compassion, et faites-moi la grace de vous accompagner par ces rues avec les larmes aux yeux et les regrets dans le cœur, puisque ce sont mes crimes qui vous ont cauqé toutes ces fatigues, et ces grands travaux.
O que vous me donnez un rare exemple de patience ! et que vous m'apprenez bien comment je me dois comporter dans toutes les afflictions qui m'arriveront ; donnez-moi la gracee de les endurer avec la même soumission à la volonté de votre Père Eternel, que vous souffrites celles qui n'ont fini que par votre mort, et qui sont la cause de toutes les bénédictions que vous m'avez méritées par votre divine patience.
Résolutions
De remercier Jésus de nous voir délivrés des peines éternelles de l'enfer ;
se proposer de l'imiter dans tous les états de souffrances où sa providence a dessein de nous exercer ;
d'etre soumis à sa sainte volonté, comme il I'était lui-même à celle de son Père, dans nos maladies, afflictions, disgraces et tous les autres travers de la vie ;
et enfin proposer d'éviter le péché qui est souvent la cause de tous les maux qui nous arrivent, et que la justice divine punit toujours d'une peine sans fin, quand il n'est pas expié par la pénitence.
Suivons le Sauveur pas à pas,
Par ces rues jusqu'au trépas.

MEDITATION
Pour le neuvième jour.
Jésus flagellé.
Considérons avec une très grande compassion, ce Corps adorable de Jésus, l'ouvrage du Saint-Esprit, formé du plus pur sang de la Sainte Vierge, ce Corps tout nu, attaché à une colonne avec des cordes, par les pieds et par les mains, en cette manière exposé pour mieux recevoir une grêle de coups de fouets.
Considérons une compagnie de soldats, qui ont été gagnés et corrompus par l'argent que les Prêtres et les Pharisiens leur ont donné, afin de les porter à traiter cruellement cet Innocent.
Cette troupe insolente entre dans la sale du Prétoire et s'anime par des cris de fureur, pendant que trois bourreaux armés de trois sortes de fouets différents, l'un de verges, l'autre de cordes et le troisième de chaînes de fer, déchargent leurs coups de toutes leurs forces, sur ce Corps le plus tendre et le plus déficat qui fût jamais : ils frappent sur le Corps du Fils de Dieu comme sur une enclume.
Considérons ces épaules déchiquetées, ou plutôt toutes labourées, comme porte la Version Hébraïque, de ces grands sillons arrosés de sang. Leur rage se lasse, mais l'amour de Jesus ne se lasse point de souffrir pour notre salut.
Après avoir reçu, dit saint Augustin, plus de cinq mille coups de fouets, étant détaché de la colonne et affbibli par la perte de son sang, il tombe à terre.
Cet objet le plus pitoyable qui fut jamais, n'inspire aucune pitié à ces cœurs inhumains ; au lieu de lui tendre la main pour le relever, ils s'approchent de lui, ils le foulent aux pieds et ils le renversent dans son sang, dit S. Augustin dans la Méditation qu'il en a faite.
Considérons la patience adorable de Jésus ; il endure une si rude et si cruelle flagellation, sans se plaindre ; il offre à son Père Eternel tous ces coups, toutes ces plaies et tout le sang qui en découle de toutes parts, pour le satisfaire, pour toutes nos impuretés, sensualités et plaisirs criminels.
Affections.
O mon aimable Jésus, que vous êtes digne de compassion dans cet état pitoyable. Hélas ! n'est-ce point moi, qui ai ainsi déchiré votre corps et qui l'ai couvert de toutes ces blessures ? Ce sont ô mon Sauveur, toutes mes impuretés, qui vous ont causé tant de douleur ; c'est le trop grand amour que j'ai eu pour mon corps, que j'ai flaté et caressé si longtemps, qui vous a causé tous ces maux et vous a réduit dans un état si pitoyable. Donnez-moi une sainte haine contre cet ennemi mortel de mon salut, et une grande aversion pour le péché, puisqu'il vous a mis dans cet état pitoyable.
Résolutions
D'offrir souvent au Père Eternel son Fils flagellé pour l'expiation de nos péchés ;
de concevoir une sainte haine contre notre corps, qui a causé à Jesus par ses plaisirs illicites, tant de souffrances ;
de lui faire ressentir quelques coups de discipline, ou quelque autre mortification que nous unirons à la flagellation sanglante de Jesus ; de lui refuser les plaisirs même innocents, au coucher, au boire, au manger, étant bien juste que, s'il s'est porté à des plaisirs illicites, il s'abstienne, en voyant Jesus flagellé, des plaisirs qui sont même permis.
Hélas, divin Jésus ! quelle grêle de coups,
Ces inhumains bourreaux ont chargé sur vous.
Méditation
pour le dixième jour
Jésus tout couvert de son sang après la flagellation
Considérons notre aimable Sauveur tout couvert de son sang, après une si cruelle flagellation.
O Dieu, que ce spectacle est digne de compassion ! Le Prophéte nous assure qu'il ressemblait à un lépreux, tant il avait de plaies sur son corps affligé. Parcourons en esprit toutes les parties de ce corps affligé ; comptons, s'il est possible, toutes ses plaies ; sondons-en  la profondeur ; voyons cette chair déchirée, ces côtes décharnées ; et avouons que le Prophéte a raison de l'appeller l'Homme de douleur par excellence.
Considérons cette pénitence sanglante que Jésus à souffert pour la satisfaction de tous nos péchés. Adorons ces sacrées plaies, ce précieux sang ; ayons honte de nous-mêmes, en considérant que les pénitences que nous exerçons sur nos corps, sont bien différentes de celles de Jésus , et toutefois c'est pour l'amour de nous, qu'il a reçu toutes ces plaies, qui sont comme autant de témoignages de l'amour qu'il nous porte. C'est dans cet état qu'il nous a mérité de puissants secours contre la rébellion de notre propre chair et contre les mouvements impurs et déréglés de notre corps.
Affections
O mon aimable Sauveur ! vous paraissez tout autre au milieu de ce Prétoire, que vous n'étiez avant que de vous abandonner à la cruauté des Juifs. Vous étiez, selon le Prophéte Roi, le plus beau de tous les hommes et l'objet de la complaisance des Anges, et maintenant au rapport du Prophéte Isaïe, vous êtes le sujet de leurs pleurs et de leur tristesse.
Hélas ! ce sont mes crimes, qui se sont déchargés sur votre dos sacré et vous ont mis dans ce pitoyable état. Si votre Père Eternel permet qu'on vous traite si rudement, quoique vous soyez innocent et l'objet de ses complaisances, de quelle crainte ne doit pas être saisie mon âme, se considérant comme la cause criminelle d'un si cruel et indigne supplice.
Père Eternel, en considération de votre Fils bien-aimé, tout couvert de son sang adorable que je vous offre, je vous demande le pardon de mes offenses. Regardez d'un œil de bienveillance ce Sang précieux, qui crie plus hautement pour moi miséricorde que tous mes péchés ne crient vengeance. Appaisez votre colère en vue de tant de gouttes de sang répandu pour l'amour de moi, et lavez mon âme dans ce Sang précieux, et me purifiez de toutes mes impuretés.
Résolutions
De porter toujours sur nous quelques marques des douleurs de la Passion de Jesus Christ, à son exemple, puisqu'il porte sur tout son corps tant de plaies, qui sont les marques de l'amour qu'il a pour nous, de faire une sincère et véritable penitence, pendant que nous en avons le temps, et de ne pas attendre la Justice de Dieu qui paraît si terrible sur le Corps adorable de son fils Bien-aimé ; et de travailler avec tant de courage à notre salut que ces plaies et tout ce Sang du Sauveur répandu ne nous soient pas un jour inutiles et ne nous servent pas de condamnation.
Profitons du Sang adorable
De notre Sauveur tout aimable.

MEDITATION
Pour le onzième jour.
Jésus couronné d'épines.
Considérons l'étrange supplice que les Juifs inventèrent pour affliger le Chef adorable de Jésus. Ces bourreaux prirent des joncs marins, garnis de pointes et de longues et fortes épines, ils en firent une couronne qu'ils mirent sur sa tête ; ils enfoncèrent ensuite ainsi que le rapporte saint Matthieu, ces épines à coups de bâtons : quelques-unes se brisèrent dans la chair, les autres étant plus fortes pénétrèrent jusqu'au cerveau. Il falut sans doute que Jesus-Christ fît alors un miracle pour ne pas mourir dans ce tourment. Une pluie de sang sortit de cette multitude inombrable de plaies, et coulant le long de ses cheveux se répandit sir ses épaules ; plusieurs autres ruisseaux de sang coulèrent sur son front et lui offusquèrent la vue. Ce sang se figeant et se mêlant avec les crachats qu'on lui avait vomis, cacha tout l'éclat de son visage, et le couvrit d'une si grande difformité que les Prophétes le regardant dans cet état, ne l'ont pas reconnu ; mais ils ont pris le plus beau des enfants des hommes pour un lépreux et pour un homme frappé d'anathème et humilié sous la main de Dieu, dans une figure la plus honteuse et la plus confuse à la vue d'un peuple malin, qui se réjouissait de l'avoir plongé dans cette mer d'opprobres.
Considérez avec saint Jerôme, que Jésus voulut porter cette Couronne d'épine sur sa tête, pour nous mériter la couronne de gloire, et que pour acquerir cette couronne de gloire, nous devons être disposés à souffrir, n'étant pas juste et bienséant, dit le dévot saint Bernard, que les membres soient délicats sous un Chef couronné d'épines. Cette Couronne enfin nous fait connaître que Jésus est Roi, et qu'il veut régner dans nos cœurs par sa crainte, sa grace et son amour.
Affections.
O Jésus, mon aimable Roi, quelle confusion pour vous, qui êtes le Roi de gloire, de passer pour un Roi de théatre devant les Juifs !
Hélas ! si, aux sentiment des saints Pères, je vous ai couronné d'épines autant de fois que j'ai commis le péché, ne suis-je pas plus coupable que les Juifs ?
Je vous demande pardon de toutes les pensées de vanité et d'impureté auxquelles je me suis si souvent arrêté avec complaisance, pour lesquelles vous avez été couronné de ces piquantes épines.
Si les Juifs vous donnent le nom de Roi pour se moquer de vous, je m'humilie à vos pieds, pour vous reconnaitre comme le Roi de mon cœur : régnez-y donc durant ma vie, par votre sainte grace, et pendant l'éternité, par votre saint amour.
Résolutions.
De souffrir amoureusement à l'imitation de Jésus, tous les maux de tête qui nous arriveront ;
de nous corriger de nos péchés, puisqu'ils ont couronné d'épines le chef adorable de Jésus, et de le prier instamment qu'il établisse dans notre âme son saint Royaume.
O Jésus ! mon aimable Roi,
Régnez, vivez toujours en moi.

MEDITATIO N
Pour le douzième jour.
Jésus moqué et frappé.
Confidérons la malice enragée des Juifs et des Princes des Prêtres, qui après avoir accusé Jésus des crimes les plus énormes que leur rage pût leur suggerer, après l'avoir jugé digne de mort et après lui avoir donné une couronne d'épines, lui bandèrent les yeux, lui mirent un roseau en main, et lui crachant sur la face et lui donnant des soufflets, lui disaient par dérision, devine qui t'a frappé.
Considérons et admirons la patience la douceur et le silence de Jésus, pour les imiter. Il souffre toutes ces moqueries et ces injures, il endure ces soufflets sans se plaindre, il ne dit mot, et s'il dit quelques paroles, c'est avec tant de douceur, qu'il est capable d'amollir les cœurs les plus endurcis.
Affections.
O Jesus ! comment est-ce que le Ciel ne lance pas ses foudres sur les têtes criminelles de tous ces impitoyables Juifs, qui frappent votre face adorable et la couvrent de sales crachats ? Que votre esprit est différent de celui des hommes ? Vous ne respirez qu'amour, que douceur et que patience, pendant qu'ils ne respirent que haine, que colère et que vengeance. Hélas ! donnez-moi cet esprit de patience et cet amour des mépris et des confusions, que vous m'enseignez par votre divin exemple.
Résolutions.
D'endurer tous les mépris et les confusions, toutes les souffrances et les persécutions, à l'exemple de Jésus, qui nous en a mérité la grace : prions-le de vouloir nous la donner.
Jésus, j'aimerai le mépris,
Comme vous me l'avez appris.

MEDITATION
Pour le treizième jour.
Jésus présenté au Peuple,
Ecce Homo.
Considérez et portez compassion à cet Homme de douleurs tout couvert de plaies, depuis la tête jusqu'aux pieds. Son sacré chef est couronné d'épines, son visage est couvert de sales crachats et tout meurtri de soufflets ; ses mains qui tiennent un roseau, sont garrotées ; son corps est tout déchiré de coups de fouets. Enfin, il a perdu toute la beauté, dont il charmait auparavant les yeux de tous ceux qui le regaardaient. Voilà l'état ou le Fils de Dieu fut présente aux Juifs par Pilate : Ecce Homo : voilà l'Homme.
Considérons les raisons pourquoi Jésus fut présenté aux Juifs dans ce pitoyable état. Pilate, dit saint Chrysostome, fit paraître Jésus de la sorte, afin d'adoucir la rage des Juifs, croyant qu'en le voyant tout couvert de blessures et de sang, ils seraient touchés de compassion. Jésus voulut encore être présenté aux Juifs, afin de reprocher en eux la rage et la furie diabolique de la plupart des Chrétiens, qui sont plus cruels que les Juifs ; il se présente à eux, non-seulement tout couvert de blessures, mais encore le cœur ouvert pour les y recevoir, les pieds et les mains percés, et étendu sur la croix pour les embrasser ; et dans cet état, il leur dit : Ecce Homo ; voici cet Homme dans le triste état où il est réduit , il n'est plus connaissable. Pilate ne sert que d'interpréte à son amour ; car ce Juge en le montrant à ces cruels et perfides Juifs, il dit : Ecce Homo , comme leur voulant dire, aussi bien qu'à nous, ces mots : Moi qui suis descendu du ciel en terre, qui ai enduré pendant trente-trois ans de grandes fatigues et essuyé de grands travaux : Ecce Homo ; c'est moi encore une fois qui fuis cet Homme qui ai été condamné à la mort et qui ai versé mon sang sur le Calvaire, et tout cela pour l'amour de vous, pour vous delivrer de l'Enfer et vous acquerir la gloire éternelle ; et cela n'est-il pas capable et suffisant pour amollir votre cœur, pour vous faire détester vos crimes, pour l'expiation desquels il a fallu que j'aie perdu la vie ?
Affections.
O Jésus, que votre silence est adorable ! vous souffrez une extrême confusion exposé à la vue de toute une populace, et vous ne dites mot. Ah ! que vous m'apprenez bien à garder le silence et à ne jamais me plaindre quand on me fera quelque affront, ou quand on me dira quelque injure. Faites-moi la grace de vous bien imiter et de vous envisager sans cesse, tous les jours de ma vie, non pas pour vous faire mourir comme les Juifs, mais pour vous porter compassion, et vous demander pardon de mes péchés, qui ont causé toutes ces souffrances, afin que je vous puisse regarder avec confiance à l'heure de ma mort, lorsque vous vous présenterez à moi avec vos plaies ouvertes pour m'appliquer les mérites de votre sang adorable qui en est découlé. C'est toute mon espérance, ô mon aimable Sauveur.
Résolutions.
Faisons une ferme résolution d'envisager plusieurs fois dans la journée Jésus attaché à la Croix, de nous unir à lui intimement, de lui demander pardon de nos péchés, et enfin de le prier qu'il nous reçoive dans les plaies adorables, maintenant à l'heure de notre mort, quand on nous le présentera et quand on nous le donnera à baiser.
Voyez que cet homme a souffert
Pour nous délivrer de l'enfer.

MEDITATION
Pour le quatorzième jour.
Barrabas préféré à Jesus,
Considérons qu'après que Pilate eut présenté Jesus aux Juifs, tout couvert de son sang, il leur dit : Nous avons coutume tous les ans à la Pâque de délivrer un malfaiteur, lequel voulez-vous des deux que je délivre, ou Jésus ou Barrabas ? Ils crièrent aussitôt : Nous voulons que Barrabas soit mis en liberté et que Jésus meure ; ôtez-le de devant nos yeux, et faites-le mourir sur une croix.
Considérez combien grand fut le deshonneur et l'infamie que Pilate causa alors au Fils de Dieu, en le mettant en paralléle avec un insigne brigand et un infame meurtrier, comme était Barrabas, lui qui était l'innocence même, le Saint des Saints, et dont la vie était toute miraculeuse. Mais considérez que le déshonneur fut bien plus grand pour Jésus, quand ces misérables Juifs en firent moins d'état que de Barrabas, demandant que celui-ci fût mis en liberté et que Jesus fût mis à mort.
Affections.
O le rare exemple d'humilité et de patience que vous me donnez, mon divin Sauveur, dans cette circonstance de votre sainte Passion ! Vous voulez être moins estimé qu'un insigne voleur, et j'ai tant de peine à souffrir un petit mépris, quand on m'estime moins que les autres. Hélas ! donnez-moi, ô mon divin Sauveur , une parfaite connaissance de mes péchés et de mes misères spirituelles, afin de m'humilier.
Résolutions
D'aimer les mépris et les humiliations ; de se réjouir quand on fera moins d'état de nous que des autres ; de faire un grand état de Jésus, et de préférer sa grace et son amour à toutes les choses de ce monde, quelques grandes et charmantes quelles nous paraissent.
Jésus, moins estimé qu'un indigne voleur,
gravez l'amour sacré des mépris, dans mon cœur.

MEDITATION
Pour le quinzième jour.
Jésus demandé a mort,
Considérons quels mouvements d'inclination devaient produire dans le cœur de Jésus les clameurs tumultueuses de ce Peuple agité d'une fureur diabolique : que devait-il penser d'un déchaînement si universel ? Ah, divin Jésus ! si nous jugions de vos sentiments par les nôtres, votre cœur devait être alors dans une violente émotion contre des ingrats qui vous traitaient si, indignement. Car c'est ainsi que nous autres pécheurs frémissons de vengeance contre un ennemi qui nous persécute, en repoussant de toutes nos forces l'insulte qu'il nous fait, et si par impuissance nous ne pouvons lui résister, nous le haïssons dans le cœur, ou nous le déchirons par des discours malins, qui apprennent au public notre droit et son injustice. Ah, divin Jésus ! vous avez bien raison de dire par un de vos Prophétes, que vos sentiments et vos maximes ne sont pas les nôtres, puisqu'au moment que ces furieux demandent la mort de votre corps au Juge, vous vous disposez charitablement à mourir pour leur mériter la vie de l'âme : quelle bonté, quelle clémence pour des misérables !
Affections
O doux Jésus ! nos ennemis n'ont pas la malice des vôtres, ils n'en veulent pas à nos vies, et le tort qu'ils nous font est de beaucoup moins important que les outrages dont on vous accable ; et néanmoins le cœur rempli de fiel et de ressentiment, la bouche d'injures et de reproches, nous publions avec aigreur notre innocence et leur injustice. Divin Jésus, ce ne sont pas là les régies de conduite que votre exemple nous propose aujourd'hui. Accordez-nous la grace d'imiter la douceur et la miséricorde que vous pratiquez envers des scélérats et des homicides acharnés contre vous, et que le silence, la patience et la prière soient les seules armes que nous opposerons à ceux qui nous offensent et qui nous humilient.
Résolutions.
De se représenter souvent Jesus-Christ dans le Prétoire de Pilate, entendant sans émotion les cris insolents de ceux qui demandaient sa mort et la grace de Barrabas ; et nonobstant des procédés si injurieux, compatir à leur aveuglement, aimer leurs personnes, les regardant comme des instruments dont Dieu se servait pour exercer sur lui sa justice, ne cedant point par ses souffrances de travailler à leur salut. C'est à ce grand modéle que nous tâcherons de nous conformer à l'égard de ceux qui nous traiteront mal, et plus ils en seront indignes et moins nous aurons pour eux de ressentiment, afin de vous imiter, adorable Jésus, dans un mystère de votre Passion, qui exerça rudement votre efprit et vous donna sujet de pratiquer de grandes vertus.
MEDITATION
Pour le seizième jour.
Jésus reconnu innocent par son Juge, et néanmoins traité en criminel
Considérons et adorons l'innocence de Jésus. Il était, selon l'Apôtre, le plus saint et le plus juste de tous les hommes, et parmi toutes les fausses accusations que les Juifs firent contre lui, il fut reconnu de son Juge, innocent de tous les crimes dont on l'avait auparavant accusé Mais, ô l'étrange malheur que d'être élevé dans les charges et d'être conduit par l'honneur et par l'intérêt ! Pilate avait reconnu l'innocence de Jésus, il avait proposé aux Juifs de le mettre en liberté ; mais quand il eut ouï les Juifs qui lui répondirent : Si vous délivrez cet homme, vous ne serez pas ami de César, il fut alors saisi de cette maudite crainte qui s'empare ordinairement du cœur des mondains ; il appréhenda d'être démis de sa charge et d'encourir la disgrace de César, et c'est ce qui fut cause qu'il commit le plus grand de tous les crimes, en condamnant à la mort celui qui était l'auteur de la vie.
Considérons que nous faisons très souvent tout le contraire de ce que Jésus a fait. Il était innocent, et néanmoins il voulut être traité en criminel ; nous sommes criminels, et nous voulons passer pour justes et innocents ; nous tâchons par mille excuses de nous justifier devant les hommes ; nous cachons nos défauts à leurs yeux par quelques belles apparences d'hypocrisie, et nous voulons être estimés, loués, caressés, et bien traités. O fils des hommes s'écrie un Prophéte, jusqu'à quand serez-vous si insensés que de vous amuser à la vanité et au mensonge ? il est tems maintenant de sortir de votre aveuglement, et de reconnaitre que vous n'êtes que des pécheurs criminels et coupables de la mort d'un Dieu.
Affections.
O la grande injustice qu'on vous fit, o mon aimable Jésus ! votre innocence fut reconnue, et vous fûtes traité en criminel et c'est que vous étiez la caution de tous les hommes qui étaient coupables, et vous voulûtes par un effet de votre extrême bonté être traité en criminel pour expier leurs péchés, O Dieu, quel rare exemple d'humilité, de patience et de charité vous nous avez donné ! mon divin Sauveur, accordez-moi la grace de les imiter.
Résolutions

De nous traiter en toutes choses comme on traite les criminels ; de nous humilier en nous soumettant à tout comme des criminels, et de subir les peines proportionnées à nos crimes comme des criminels.
Mon doux Jésus, Fils du Père Eternel,
Hélas ! c'est moi qui suis le criminel.

MEDITATION
Pour le dix-septième jour.
Jésus condamné à la mort.
Consîdérons que Pilate ayant prêté l'oreille aux cris et aux menaces des Juifs, et craignant d'encourir la disgrace de César s'il mettait Jésus en liberté, le condamna enfin à la mort. Voici la teneur de son injuste Sentence, recueillie des Annales anciennes de Jerusalem, par un Historien de la Terre-sainte. Conduisez Jésus de Nazareth sur le Calvaire, après l'avoir traité comme un Roi de théâtre ; attachez-le à une croix entre deux larrons ; pour avoir semé le trouble parmi le peuple, pour être contrevenu aux Lois et Ordonnances de César, et pour avoir voulu passer pour Messie. Méditez l'injustice de cette Sentence.
Considérons et imitons la soumission adorable de Jésus. Il écouta et reçut cet injuste arrêt de mort comme venant de la bouche de son Père-Eternel, sans s'aigrir aucunement, ni trouver à redire à l'injustice de Pilate, ni à la malice des Juifs, agréant la mort pour nous donner la vie de la grace et de la gloire.
Affections.
O mon âme ! vous êtes indignée d'entendre cette injuste Sentence ; vous détestez avec horreur l'énorme crime de Pilate.
Cependant vous êtes plus coupable que cet injuste Juge qui le condamna, parce qu'il ne le connaissait pas : mais vous le connaissez, la Foi vous apprend que c'est votre Dieu, votre Créateur, votre Sauveur, et votre souverain Juge, duquel vous devez attendre votre bonheur éternel, et vous l'avez condamné à la mort toutes les fois que vous avez commis le péché ; vous avez dressé un Calvaire au milieu de votre cœur, au sentiment de l'Apôtre, pour l'y faire mourir avec ignominie. Hélas, quel regret et quelle confusion n'en devez-vous pas avoir !
Résolutions
Je fais résolution, ô mon Dieu ! d'imiter votre grande soumission dans toutes les peines, les travaux et les maladies auxquelles vous me condamnerez : j'accepte par avance la mort que j'ai méritée déja depuis si longtemps, de quelle façon, en quel lieu, en quel temps et à quelle heure qu'elle m'arrive, avec une entière soumission de ma volonté à la vôtre ; pour pouvoir accomplir cette sainte résolution, je vous supplie ô mon Jésus, de me faire la grace que j'aie toujours cette dernière heure présente, qui me serve de guide pour conduire mes pas jusques dans l'éternité. Ainsi soit-il.
Je me soumets à la mort de bon cœur,
à l'exemple de mon divin Sauveur.

Méditation
pour le dix-huitième jour
Jésus revêtu de ses habits , et abandonné aux Bourreaux
Considérons avec saint Matthieu, que les Juifs s'étant moqués du Fils de Dieu, et l'ayant traité comme un fou, et comme un Roi de théatre, ils le dépouillèrent de cette robe de pourpre qu'ils lui avaient donnée par moquerie, ils le revêtirent de ses habits, et l'abandonnèrent à la rage de puissance des Bourreaux, pour le conduire au supplice. Avant que de passer plus avant, considérons avec compassion les grandes douleurs que Jesus endura dans ce dépouillement. On renouvella toutes ses plaies en le dépouillant de cette robe qui était collée à son corps tout déchiré par la sanglante flagellation qu'on lui avait fait endurer.
Mais qui pourrait expliquer les tourments que les Bourreaux lui firent souffrir dès aussitôt qu'il fut abandonné à leur rage ? qui pourrait raconter les coups de bâton, de pied et de poing dont ils le chargèrent pour assouvir leur cruauté ?
Considérons que Jésus a voulu être abandonné aux Bourreaux ; premièrement pour satisfaire pour tous nos crimes, pour lesquels nous avions mérité d'être abandonnés pendant toute l'éternité à la furie des démons, qui sont les Bourreaux de la Justice de Dieu : secondement, pour nous apprendre par son exemple à nous abandonner pour l'amour de lui à toutes les misères de cette vie, qui sont comme autant d'exécuteurs de cette divine Justice.
Affections.
Ah, Jésus ! on renouvelle toutes vos douleurs, en vous arrachant avec force votre robe collée avec votre corps adorable. Accordez-moi par le mérite de ce dépouillement si sensible, la grace de me dépouiller de toutes mes méchantes habitudes, qui renouvellent tous les jours vos plaies, et vos douleurs. J'accepte dés à présent toutes les misères de cette vie, desirant d'obéir aux ordres de votre divine Justice. Donnez-moi la grace de m'y abandonner avec une parfaite résignation à votre divine volonté, que vous m'avez méritée, lorsque vous avez été abandonné aux Bourreaux pour l'amour de moi.
Résolutions
De se dépouiller, avec la grace de Dieu, de ses méchantes habitudes ; de s'abandonner entièrement à Dieu pour disposer de nous selon sa sainte volonté, et de recevoir avec joie tout ce qui nous arrivera de fâcheux tout le temps de notre vie, comme venant de sa main divine.
Mon aimable Jésus, on vous livre aux Bourreaux,
Pour vous faire souffrir toutes sortes de maux.

Méditation
pour le dix-neuvième jour
Jesus chargé de sa Croix, et la portant avec un grand courage.
Considérons le grand amour que Jésus avait pour la Croix ; ce fut tout le temps de sa vie l'objet de ses plus douces pensées, ne s'entretenant dans tous ses discours que du desir qu'il avait d'y mourir, considérant combien elle donnerait de gloire à son Père, et combien elle nous serait utile. Mais combien est-ce que cet amour qu'il avait pour la Croix s'augmenta, quand il se vit condamné à la porter sur le Calvaire, et quand elle se présenta à ses yeux ? Ce fut alors qu'il l'embrassa avec amour, qu'il l'arrosa de ses larmes, qu'il la prit comme venant des mains de son Père éternel, et la porta avec un courage digne de l'admiration des hommes et des Anges.
Considérons que pour être sauvés, il faut par une nécessité indispensable porter sa Croix jusqu'au dernier soupir de notre vie, à l'exemple de Jésus : quiconque veut venir après moi, dit cet aimable Sauveur, qu'il renonce à soi-même, qu'il porte sa Croix, et qu'il me suive. Il n'y a point d'autre moyen pour être sauvé que celui de la Croix, il n'y a point d'autre chemin, royal de la Croix.
Considérons que les Croix que Dieu veut que nous portions, ne sont autres que les souffrances, la pauvreté, la confusion, la faim, la soif, le chaud , les maladies, les tentations, et toutes les autres misères de la vie. Voilà les Croix auxquelles il nous condamne, qui seront toujours très légères, si nous les comparons à celle de Jésus. Choisissons de toutes les Croix celles qui seront longues, très pésantes, très sensibles, et perpétuelles ; car elles sont les meilleures, comme étant plus conformes à celle de Jésus.
Affections.
O Jesus ! qui ne s'animerait de souffrir amoureusement toutes les misères de cette vie, en vous considérant porter votre Croix avec tant de courage ! Ah ! que vous m'apprenez bien à porter ma Croix avec amour, patience et résignation à la volonté du Père éternel : Vous m'enseignez par votre exemple, à ne pas murmurer, et à ne pas me fâcher quand il me faudra supporter quelque Croix. Hélas, je suis confus quand je considère que j'ai tant d'aversion pour la Croix, et que je suis si paresseux et si négligent à la porter, pendant que vous êtes si courageux et si fort. C'est que je n'ai point d'amour, comme vous, pour les Croix. Ah, Jésus ! donnez-moi cet amour, s'il vous plaît.
Résolutions.
Je fais resolution, o mon Dieu, avec la grace que vous m'ayez méritée en portant votre Croix, de recevoir celles qu'il vous plaira m'envoyer, comme venant de votre divine main, de l'accepter avec action de graces ; de la porter patiemment avec joie, d'y établir toute ma gloire à l'exemple de l'Apôtre, et de la porter tous les jours de ma vie sans jamais la quitter.
O mon Sauveur en qui je crois,
Donnez-moi l'amour de la Croix.

MEDITATION
Pour le vingtième jour.
Jésus tombant de faiblesse sous le poids de sa Croix, et aidé à la porter afin qu'il pût être crucifié par avance.
Considérons notre aimable Sauveur, qui, ayant été injustement condamné à la mort, sort du Prétoire, chargé du pésant fardeau de sa Croix, la corde au cou, la tête et les pieds nus, entouré d'une troupe de Bourreaux, et au milieu de deux infames voleurs, suivi d'un Peuple forcené et transporté de furie, qui crie :. Tolle, tolle,crucifige. Pilate, otez-nous cet homme de devant les yeux, condamnez-le à mourir sur une Croix. Cet injuste Juge le condamne donc ; on le charge de sa Croix ; il arrose les rues par où il passe, de son Sang  qui coule abondamment de ses plaies et tombe de faiblesse presque à tous les pas qu'il fait sous ce pesant fardeau. Quelle merveille ! que le Tout-puissant ait voulu se rendre faible et succomber sous un faix si douloureux, qu'il porte pour l'amour de nous.
Considérons avec le Prophéte Isaïe, que bien que Jésus fût tout-puissant, il voulut néanmoins succomber sous le fardeau pénible de sa Croix  afin de nous fortifier dans toutes nos faiblesses, et nous faire sentir par ces marques de langueur et d'accablement, jusqu'où va l'excès de la malice du péché, dont sa Croix était la figure, et combien une âme qui en est coupable, doit gémir du poids de son iniquité,  puisque le Dieu même de la force est accablé de sa pesanteur : cessons donc de le voir réduit à cet état de défaillance où il a peine à se traîner, puisque ce sont nos péchés dont il est chargé, suivant ce qu'en dit un Prophéte : supra dorfum meum fabricaverunt peccatores. Les Pécheurs ont travaillé à faire un fardeau de leurs crimes, qu'ils m'ont fait porter, et sous lequel mes forces succombent.
Considérons que Jésus permit qu'on lui donnât Simon de Cyréne pour lui aider à porter sa Croix, pour nous apprendre qu'il faut que tous les hommes représentés par ce Cyrénéen, suivent son exemple ; qu'en portant la Croix de Jésus, ils portent la leur propre, unissant leurs souffrances aux siennes ; ne perdons pas courage dans celles que Dieu nous envoie, considérant que le Sauveur chargé de sa Croix, nous a acquis la grace de porter la nôtre avec mérite, que sa faiblesse a fait notre force, et que daignant bien partager avec nous ce qu'il a de dur et de pesant dans les travaux de cette vie, sa providence ou sa justice ne nous charge point d'une Croix, que son amour ne s'y intéresse et ne la porte avec nous, par un commerce de souffrances, dont les nôtres tirent toute leur gloire et leur onction , si nous savons les unir aux siennes.
Affections.
O Jésus ! que vous êtes à plaindre accablé de ce fardeau indigne dont la pesanteur vous trouvant déja tout épuisé de sang et de force, vous fait tomber de langueur et de lassitude ! mais ce n'est pas la Croix seule, mon aimable Jésus, qui vous a réduit à cette extrémité ; ce sont mes péchés dont votre amour s'est bien voulu charger, qui fait sur votre sacré Corps un poids si accablant, que vous y succombez. Eh ! qui aurait jamais pensé, sans cette triste expérience, que le péché fût un si grand mal et qu'il eût tant de force dans sa malice, qu'un Dieu-homme n'a pu le porter, sans donner des marques de faiblesse ! Divin Jésus, faîtes-moi la grace de vous décharger de ce pesant fardeau, en cessant de vous offenser, et d'expier par la pénitence tant de péchés que j'ai commis, et qui font la cause de votre accablement : donnez-moi le courage de porter avec joie toutes les croix qu'il vous plaira de m'envoyer ; je sens que je suis faible ; mais vous êtes ma force, et j'espère que vous me soutiendrez d'un esprit de foi et de ferveur, pour me sanctifier dans les souffrances, en regardant ma croix inséparable de la vôtre.
Résolutions
De compatir à Jésus accablé sous le pesant fardeau de la Croix ; d'expier, et de diminuer nos fautes, qui ont ce poids qui l'a fait succomber ; de nous unir à lui et de le prier qu'il nous fortifie par sa grace dans toutes nos faiblesses, afin que nous ne tombions plus dans le péché.
Jésus succombant de faiblesse,
Fortiez mon cœur sans cesse.

MEDITATION
Pour le vingt-unième jour.
Jésus rencontré de sa Mère
Considérons avec compassion la douleur très-sensible du cœur de Jésus et de Marie, se rencontrant dans le chemin du Calvaire. Jésus vit sa chère Mère, qu'il aimait d'un amour très-tendre, toute baignée et noyée dans l'amertume de ses larmes : hélas ! combien grande fut cette douleur ! Mais en quel état se trouva le cœur de Marie, lorsqu'elle vit ce Fils bien-aimé tout épuisé de sang et de forces, succomber sous le pesant fardeau de sa Croix, sans qu'il lui fut permis de le soulager. Ce fut alors qu'elle fut vivement pénétrée de la douleur, que lui avait prédit S. Siméon.
Considérons encore quelle fut la surprise de la sainte Vierge, de voir un si grand changement dans le spectacle que donnait son Fils en ce jour de douleur et de confusion, où il était suivi d'un Peuple furieux, qui avait conjuré sa mort, et qui le traînait à force de coups au dernier supplice.
Quelle différence de cet état d'humiliation qui rendait Jésus si méprisable, d'avec l'éclat de son entrée dans Jérusalem qui lui avait fait tant d'honneur, qu'elle avait eu pour lui toute la gloire ; et la joie d'un triomphe, il fut ce jour là honoré, applaudi, suivi avec acclamation d'un grand Peuple, à qui les noms augustes de Roi, de Messie, et de Fils de David suffisaient à peine pour témoigner leur zéle envers Jésus et Marie le voit aujourd'hui tout couvert d'opprobres, trahi, poursuivi à mort, insulté par ce même peuple, avec des circonstances de dérision et de cruauté incompréhensibles. De quel nouveau genre d'affliction était alors pressé le cœur de Marie, agité de deux passions si contraires, de joie et de tristesse ; de joie, en se ressouvenant de l'état glorieux où elle avait vu Jésus quatre ou cinq jours auparavant ; et de tristesse, en le voyant alors l'objet du mépris et de la fureur d'une multitude insensée ? Mais comme le ressouvenir du plaisir passé, frappe beaucoup moins que le mal présent, la vue de son Fils traîné par les rues, allant à la mort, chargé par un surcroît d'ignominie de l'instrument de son propre supplice, ne laissait à son âme que la douleur et la, compassion.
Affections.
Divin Jésus ! fut-il jamais une douleur égale à celle que souffrit votre cœur, en voyant dans celui de votre chère Mère une sensibilité si tendre pour tous les maux que vous enduriez ; il se faisait entre vous et elle un retour réciproque de peines ; et de compassion, un commerce mutuel de souffrances, que l'amour formait dans vos cœurs par la communication qu'ils se faisaient de toutes leurs peines.
Cependant faites, s'il vous plaît, ô Divin Jésus ! que je ne cesse point de vous compatir dans l'accablement où vous êtes en portant votre Croix ; que je me souvienne toujours que c'est moi qui vous en ai chargé, puisque c'est mon péché qui en est la cause ; je le déteste avec horreur, je mêle mes larmes à votre sang dont vous arrosez le chemin du Calvaire ; accordez-moi la grace d'y marcher avec vous courageusement tout le temps de ma vie, et de vous y accompagner dans les mêmes sentiments de douleur et de compassion qui pénétraient le cœur de votre chère Mère.
Résolutions.
De compatir à la douleur de Jésus et de Marie, de marcher, à leur exemple, dans le chemin des peines et des souffrances, qui sont le véritable chemin de la gloire, et de prier Marie qu'elle nous obtienne de son Fils cette grace.
O Vierge sainte, faites-nous
Souffrir en Jésus, comme vous.

Méditation
pour le vingt-deuxième jour
Jésus dépouillé sur le Calvaire et étendu nu sur la Croix.
Considérons avec saint Bonaventure, combien fut sensible la douleur que Jésus ressentit, lorsqu'on le dépouilla de ses habits sur le Calvaire. Les Juifs renouvelèrent ses plaies, dit ce grand Saint, quand ils lui arrachèrent ses vètements par force, qui étaient collés et attachés à sa chair innocente, à cause du sang caillé, et de ses blessures qui s'ouvrirent de nouveau. C'est dans ce pitoyable état qu'il nous fait cette plainte amoureuse : O vous tous, qui passez par le chemin du Calvaire, considérez et voyez s'il y a quelque douleur au monde semblable à la mienne.
Considérons la grande confusion que Jésus reçut, se voyant dépouillé, et exposé tout nu aux yeux de tout le monde. Ce fut une des plus grandes peines qu'il endura dans toute sa Passion, par rapport à la pureté qu'il chérissait si tendrement, que dans toutes les fausses accusations qu'on fit contre lui, il ne permit jamais qu'on lui reprochat le vice infame de l'impureté, tant il en avait de l'horreur.
Considérons la cause fatale de ce dépouillement si sensible. Jésus fut dépouillé avec douleur pour satisfaire pour les péchés que commettent les filles mondaines qui scandalisent les yeux des âmes les plus pures et les plus chastes, par la nudité honteuse de leur corps infame. Ah ! que cette maudite chair sera tourmentée pour les plaisirs illicites qu'elle prend, et pour le desir qu'elle en inspire aux autres ; que ce sein et ces bras qu'on découvre si facilement sans aucun scrupule, souffriront dans les flammes ardentes, et dans les brasiers de l'Enfer, puisqu'ils sont cause du dépouillement si sensible que Jésus endura avant que d'être attaché à la Croix !
Jésus fut dépouillé avec douleur avant que d'être attaché à la Croix, pour nous donner à connaître combien sera sensible la douleur des pécheurs, qui se seront attachés à la terre, quand ils seront dépouillés par force des biens, des richesses et de la vie même, dont ils auront si souvent abusé. Ce sera alors qu'ils s'écrieront avec un grand Roi, pénétrés de douleur : Est-ce ainsi que la mort nous sépare et nous dépouille de toutes choses ?
Affections
O mon aimable Jésus ! quelle douleur et quelle confusion endurates-vous, lorsqu'ayant été dépouillé avec force de vos habits collés à votre Corps adorable, vous futes étendu tout nu sur la Croix ; donnez-moi cet amour de la pureté dont vous faites tant d'état, et faites-moi la grace de me dépouiller pendant la vie, de toutes les choses de la terre, du moins d'affection, afin de les quitter sans peine, à l'heure de ma mort.
Résolutions
De se dépouiller de toutes choses pour l'amour de Jésus, et principalement de ce à quoi nous sommes plus attachés, nous étudiant pour ce sujet, à nous mortifier tous les jours de quelque chose ; de ne jamais paraître dans des postures messéantes, et contraires à la modestie chrétienne, de couvrir notre corps très modestement, et d'être si circonspects, soit en prenant du linge, soit en se couchant ou en se levant, qu'on ne voie jamais aucune partie du corps, qui pusse tant soit peu blesser la pudeur chrétienne : et à cette fin, il faut toujours être persuadé que Dieu et nos bons Anges nous considèrent, devant qui nous ne voudrions pas paraître dans des postures messéantes, si nous les voyions de nos yeux corporels.
Faites, Jésus, qu'à votre aspect,
Je sois toujours dans le respect.

MEDITATION
Pour le vingt-troisième jour.
Jésus attaché à la Croix
Considérons avec S. Thomas, le grand tourment que Jésus souffrit lorsqu'on l'attacha à la Croix : on lui perça les mains et les pieds avec de gros clous, que l'on fit entrer dans le bois de la Croix à toutes forces, et à grands coups de marteau. Comme ces parties nerveuses sont très-sensibles, il souffrit des douleurs si excessives, qu'on ne les saurait exprimer, ni se les imaginer. Ce fut de ces mains, et de ces pieds sacrés que coulèrent des ruisseaux de sang qui épuisèrent toutes ses veines, et arrosèrent le Calvaire.
Considérons à quelle fin Jésus voulut être attaché à la Croix ; il voulut avoir les mains percées pour satisfaire pour tous les larcins, les assassins, les méchantes actions, les impuretés et les saletés de tous les hommes. Ses pieds furent cloués pour expier tous les égarements, tous les pas, les allées et les venues criminelles qu'ils feraient pour se porter au péché ; et son Corps adorable fut attaché immobile à la Croix, pour nous apprendre à nous attacher amoureusement à l'état où il permettra que nous nous engagions, et à souffrir courageusement toutes les peines qui s'y rencontreront, qui seront toujours très-petites en comparaison de celles que Jésus a souffert pour l'amour de nous sur la Croix.
Affections.
Que vous êtes digne de compassion, ô mon divin Sauveur, étendu avec violence sur cette Croix ! que ces clous, que l'on enfonce avec force dans vos mains, et dans vos pieds sacrés, devraient bien percer mon cœur d'une vive douleur, considérant que c'est pour l'expiation de mes péchés que vous avez été mis dans cet état. Hélas ! ce sont mes mains criminelles et mes pieds qui ont mérité ce supplice, ô mon aimable Jésus ! et non pas les vôtres, dont vous ne vous êtes servi tout le temps de votre vie, que pour nous combler de vos graces, et de vos divines faveurs ! Accordez-moi le pardon de tous les péchés que j'ai commis avec mes mains et mes pieds, par le mérite de cette si sensible douleur que vous avez ressenti dans les vôtres ; par le mérite du précieux sang, qui est découlé de ces sacrées plaies que vous avez voulu recevoir pour mon salut.
Résolutions.
D'attacher spirituellement nos mains et nos pieds à la Croix du Sauveurs c'est-à-dire, de détourner nos mains de toutes les méchantes actions où elles voudraient se porter, et de les faire servir à satisfaire pour nos crimes ; de nous attacher avec amour à l'état où Dieu nous engagera, quelle peine qu'il y ait ; d'y vivre avec patience, et soumission à sa sainte volonté, et de nous attacher entièrement à toutes les Croix qu'il nous enverra, pour y persévérer jusqu'à la fin de notre vie, à l'exemple de Jésus ; et pour en obtenir la grace, demandons-la lui, puisqu'il nous l'a méritée sur la Croix.
Jésus, attachez-nous
A la Croix, comme vous.

MEDITATION
Pour le vingt-quatrième jour.
Jesus élevé en Croix, et souffrant une très grande douleur dans cette élévation.
Considérons la grande confusion que Jésus souffrit dans cette élévation ; après que les Bourreaux l'eurent attaché tout nu sur la Croix, ils rélevèrent à la vue de tout le monde, au milieu de deux insignes voleurs, comme s'il eût été le plus méchant et le plus abominable de tous, et se promenant autour de la Croix, ils vomirent contre lui toutes les injures et tous les blasphèmes que leur rage et leur impiété leur purent suggérer, sans qu'il donnât aucune marque d'impatience ; mais au contraire. il fit paraître une parfaite conformité à la volonté de son Père éternel.
Considérons combien fut sensible la douleur que Jésus endura, lorsque ces impitoyables Bourreaux, par une cruauté inouïe, l'ayant élevé sur le Calvaire, laissèrent tomber la Croix âvec une extrême violence dans l'endroit que l'on avait creusé pour la placer. Quelle étrange secousse, quels élancements, et quelles convulsions ne ressentit-il pas alors ? Toutes ses plaies s'agrandirent, et s'ouvrirent de nouveau, ce qui lui causa une très sensible douleur, et tous ses membres se disloquèrent par la violence d'un si terrible mouvement.
Affections.
O Dieu de gloire ! est-il possible que vous ayez souffert une si grande confusion, et une si sensible douleur dans cette élévation ? C'a été pour guérir toutes nos blessures, ô mon divin Jésus ! que vous avez été élevé sur cette Croix, si nous voulons vous y regarder avec une vive Foi et confiance en votre infinie miséricorde, avec un véritable regret de nos péchés, et un ferme propos de n'y plus retomber. Hélas, Jésus ! donnez-nous cette vive foi, cette espérance et ce grand regret de nos péchés, comme vous le donnates au bon larron, afin que nous fassions un bon usage de votre Sang précieux et de votre mort.
Résolutions
De regarder souvent le Crucifix avec une vive foi et confiances de nous exciter à la douleur de nos péchés ; de souffrir avec patience toutes les afflictions qui nous ébranleront, sans jamais perdre courage. Demandons-en la grace à Jésus, qui nous l'a méritée dans cette élévation sur le Calvaire.
Mon cœur frémit, lorsque je vois Jésus élevé sur Ia Croix.

MEDITATION
Pour le vingt-cinquième jour.
Jésus priant pour ses ennemis et les excusant
Considérons avec saint Cyprien, la grande charité de Jésus sur la Croix, qui triomphe de l'impiété, et de la malice des Juifs. Il avait toujours ouvert sa bouche divine pendant toute sa vie, pour prononcer des paroles de miséricorde, et très-rarement de justice et d'indignation ; il avait guéri les malades par sa parole, et ressuscité les morts ; il avait pardonné à la femme adultère, à la Magdeleine, et au bon Larron sur la Croix ; il voulut à la fin de sa vie signaler sa charité et son amour, non seulement envers ses amis, comme dit saint Jean, mais encore envers ses ennemis ; c'est pourquoi étant à l'agonie, après avoir été traité des Juifs si cruellement, il leva les yeux au Ciel, il ouvrit sa bouche, non pour demander vengeance à son Père éternel contre eux, ni des foudres pour les écraser comme ils le méritaient, mais il employa sa langue à prier pour tous ceux qui le blasphémaient, qui l'injuriaient et qui le maudissaient : il excusa ceux qui l'avaient souffleté, fouetté méprisé, couronné d'épines, et qui l'avaient réduit à l'agonie : Mon Père, s'écriat-il, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils font.
Considérons que nous sommes du nombre de ceux pour qui Jésus a prié et demandé pardon à son Père éternel sur la Croix. Combien de fois ne l'avons-nous pas offensé, et combien de temps n'avons-nous pas été de ses ennemis, lorsque nous avons été si malheureux que de croupir dans nos crimes et dans nos mauvaises habitudes ? Remercions cette divine Bonté, de nous avoir si longtemps souffert dans nos desordres, et pardonné si souvent nos péchés.
Considérons l'admirable leçon que notre divin Maître nous a donnée avant que de mourir. Il veut que nous aimions nos ennemis à son exemple, il nous enseigne et nous commande de prier pour eux : Aimez vos ennemis, dit-il dans S. Matthieu, faites du bien à ceux qui vous haissent, et pries pour ceux qui vous persécutent et qui vous calomnient ; afin que, ajoute-t-il, vous soyez les enfants bien aimes de mon Père éternel. Et dans l'oraison toute divine du Pater qu'il nous a laissée, il ne veut pas que nous demandions la rémission de nos péchés, si nous n'avons auparavant pardonné à ceux qui nous ont offensés.
Affections.
O bonté, ô charité infinie d'un Dieu ! qui pourrait vous comprendre ? quelles actions de graces vous dois-je rendre, d'avoir daigné prier votre Père éternel pour moi sur la Croix ; d'avoir eu la bonté de demander à Dieu le pardon de tous mes péchés ? Mais hélas ! combien dois-je craindre, considérant que vous n'avez excusé les péchés des Juifs, que parce qu'ils ne vous connaissaient pas, et ne savaient pas ce qu'ils faisaient : mais je vous connoissais, ô mon Sauveur, quand je vous offensais, je savais que vous étiez mon Dieu, mon Roi, mon Juge, mon Maître et mon souverain Seigneur. Ah ! n'ai-je donc pas été pire que les Juifs, et ne dois-je pas craindre d'être exclus de votre prière ?
Résolutions.
De craindre et d'éviter les moindres péchés, qui seront pour nous très-grands, après tant de lumières qui nous ont fait connaître Dieu, et qui nous ont suffisamment instruits de ses perfections, pour nous donner lieu de le craindre, de l'aimer et de le servir, et ne l'ayant pas fait, de lui en demander pardon, pendant que nous avons le temps, et d'imiter la charité de Jésus, que nous devons aimer de tout notre cœur, si nous voulons avoir le pardon de nos péchés.
Si nous aimons nos ennemis,
Nos péchés nous seront remis.

MEDITATION
Pour le vingt-sixième jour.
Jésus abreuvé de fiel et de vinaigre
Considérons avec St. Matthieu, que Jésus ayant été attaché à la Croix, eut soif, et fut altéré par la violence des souffrances qu'il avait endurées. Mais ces impitoyables Juifs, au lieu de lui donner du vin, ou quelques gouttes d'eau rafraîchissante, qu'on ne refusait pas même aux criminels dans leurs tortures, et qu'on avait accoutumé de leur donner, ils mêlèrent du fiel avec du vinaigre, et le lui présentèrent. O l'étrange boisson que celle-là ! Jésus, dit S. Augustin , avait souffert en tous ses sens, excepté dans le goût, et pour n'épargner aucune partie de son corps, il permit que sa langue fût mortifiée par l'amertume du fiel et du vinaigre.
Entrons dans l'intérieur de Jésus, et considérons les causes de cette soif, et de cette amère boisson. Il voulut être abreuvé de fiel et de vinaigre, pour satisfaire à son Père éternel, pour tous les excès de bouche et pour tous les péchés d'intempérance où tant de personnes se laissent tomber avec scandale, perdant dans la crapule et dans le vin, la raison et la bienséance. Il s'écria, j'ai soif, c'était pour leur faire connaître combien était ardent le desir qu'il avait de leur salut, pour lequel il versait son sang sur le Calvaire. II s'écria, j'ai soif, pour leur apprendre combien il souhaitait de souffrir encore davantage, s'il eût été nécessaire, pour les sauver ; et S. Matthieu ajoute que Jésus ayant goûté le fiel et le vinaigre qu'on lui avait présenté, il n'en voulut point boire. Ce ne fut pas son amertume qui en fut la cause ; mais seulement parce que cette boisson l'aurait rendu insensible aux douleurs qu'il ressentait, et qu'il voulait ressentir jusqu'à la mort, pour l'amour de nous.
Affections.
Ah, mon aimable Sauveur ! expirant sur la Croix ; que de merveilles je découvre dans cette seule parole que vous prononcez sur la Croix : J'ai soif, dites-vous : Mais, hélas ! c'est la soif et le desir ardent que vous avez pour le salut de mon âme, qui vous enflamme. C'est ce grand amour que vous avez pour moi, qui vous fait desirer de souffrir davantage, s'il était nécessaire, pour mon salut ; et dans cette soif ardente, on vous donne à boire du fiel, et du vinaigre, pour expier tous les excès que j'ai commis toute ma vie au boire et au manger. Faites-moi la grace de vivre à l'avenir dans une abstinence chrétienne, selon les régies d'une sobriété toujours accompagnée de quelque mortification secrète que je pratiquerai à table, par un motif de pénitence, me privant toujours ; de quelque chose dans mes repas, pour punir le goût sensuel que j'ai pris dans l'usage immodéré du vin et des viandes : cependant, ô mon Divin Sauveur, pardonnez-moi tous ces excès indignes d'un esprit pénitent et d'une âme qui doit participer aux amertumes de votre passion, je les déteste avec horreur, communiquez-moi ce desir ardent que vous témoignez de vous mortifier en toutes choses, afin que je puifle souffrir à mon tour quelques peines pour l'amour de vous, rendez-moi tempérant au boire, et sobre au manger, et que je ne cherche plus à contenter mon goût en vous voyant abreuvé de fiel et de vinaigre.
Résolutions.
D'éviter tous les excès au boire, et au manger, de ne jamais se plaindre de quoi qu'on nous présente à table, pour insipide, dégoûtant et mal assaissonné qu'il soit ; considérant que quelque mauvais que soit ce que l'on nous donnera, il sera toujours meilleur que le fiel de Jésus, d'observer parfaitement le jeûne, quand il sera commandé, de nous condamner à ne boire et manger qu'à certaines heures, et non pas en tout temps, et de nous mortifier des viandes les plus délicates, et les plus agréables à notre goût, pour l'amour de Jésus, et en satisfaction de nos excès passés.
Qui de Jésus goûte le fiel,
Le trouve doux comme le miel.

MEDITATION
Pour le vingt-septième jour
Jésus abandonné de son Père, et se détachant de sa propre Mère, qu'il remet à saint Jean
Entrons dans l'intérieur de Jésus, et considérons à loisir la tristesse extrême dont son cœur divin fut saisi, quand il se sentit abandonné de son Père. Ce fut alors, au rapport de saint Matthieu et de saint Paul, qu'il jeta un grand cri accompagné de larmes, disant : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné ? Saint Thomas nous assure que Jésus par cette plainte amoureuse, où il répète deux fois, mon Dieu, nous marque une grande affection à l'endroit de son Père éternel, pour l'amour duquel il endurait cet abandonnement intérieur, quant à la partie sensible et inférieure de son âme, non que la Divinité eût abandonné l'humanité, ni qu'il s'ennuyât de souffrir, mais pour nous enseigner de merveilleuses leçons.
Considérons les raisons pourquoi Jésus voulut souffrir cet abandon si sensible.
1° Origène dit, que ce fut pour satisfaire à la justice divine pour tous nos péchés, qui nous avaient fait quitter Dieu, et qui l'avaient obligé à nous abandonner.
2° Il voulut être abandonné de son Père, pour nous servir de consolation quand nous refleurirons des dégoûts, des sécheresses, des distractions et de la répugnance pour l'oraison mentale, pour les vertus opposées à nos tempérament, et pour tous les exercices de dévotion dont la nature se plaint et s'ennuie, rebutée qu'elle est de la peine qu'elle y ressent. Jésus nous apprenant par son exemple, à recourir à Dieu alors, à nous plaindre amoureusement à lui, et à nous ressouvenir des peines intérieures et de l'étrange abandon qu'il souffrit sor la Croix ; imitons-le sans jamais perdre courage, ni quitter le saint exercice de l'oraison, quoiqu'il nous semble que nous y perdions le temps.
Considérons le Fils de Dieu, qui se détache de sa Mère, qu'il aimait si tendrement. Ce divin Jésus regardant avec des yeux noyés de sang, cette chère Mère abîmée dans une mer d'amertume au pied de sa Croix, lui dit les dernières paroles, qui ne servirent qu'à augmenter sa douleur. Il ne lui donne point le nom aimable de Mère, dans la crainte qu'il n'attendrît davantage son cœur ; mais il l'appelle femme ; puis lui disant par ses tristes regards le dernier adieu , il ajoute : voilà votre Fils, en lui montrant St. Jean, comme s'il disait : vous allez maintenant perdre pour le temps ce Fils unique et naturel, le seul objet de votre amour, et  qui seul est capable de vous consoler ; il faut que vous vous contentiez maintenant du Disciple, et qu'un homme tienne désormais auprès de vous le rang & la place qu'y a tenu un Dieu. O Dieu, que cet échange est affligeant, s'écrie saint Bernard.
Affections.
O la plus affligée de toutes les Mères ! s'écrie saint Bonaventure ; où est votre cœur à ce dernier adieu, que votre cher Fils vous fait ? Je cherche votre cœur dans votre cœur, et je ne le trouve plus, puisqu'au lieu de cœur, je n'y rencontre qu'un composé de fiel, de myrrhe et d'absinthe : je cherche la Mère de mon Dieu, et je ne la trouve plus en Marie ; je n'y trouve que des épines, des clous, une éponge, du fiel et du vinaigre ; je n'y découvre plus que des crachats, des opprobres, des plaies et une Croix. O la plus parfaite et la plus chérie des filles de Sion, où pourrais-je trouver des personnes affligées, dont les grandes douleurs pussent entrer en paralléle avec les vôtres ? Hélas ! accordez-moi la grace de ressentir cette douleur dont votre cœur fut pénétré.
Résolutions
De n'appréhender plus rien au monde que le péché, qui nous fait abandonner Dieu ; de ne chercher dans nos oraisons, dans nos communions et dans tous nos exercices de piété, ni le goût, ni la consolation, ni notre satisfaction, mais seulement le bon plaisir de Dieu ; de faire pénitence de nos péchés, afin de n'être pas abandonnés de Dieu à l'heure de notre mort, de se détacher de tout ce qui peut nous faire plaisir, et contribuer à la satisfaction de nos sens, à l'imitation de Jésus et de Marie ; et de prier ce débonnaire Sauveur, de ne nous jamais abandonner, dans le temps ni dans l'éternité.
Jésus ne m'abandonne pas
Dès maintenant jusqu'au trépas !

MEDITATION
Pour le vingt-huitième jour
Jésus mourant en Croix
On baise la terre à la fin de cette Méditation.
Considérons un Dieu qui expire sur le Calvaire pour le salut des hommes ; melons nos larmes avec celles de la Ste Vierge, et de saint Jean, qui sont au pied de la Croix, et adorons la plus sainte et la plus précieuse de toutes les morts ; puisqu'au rapport de son bien aimé Disciple, il meurt d'amour pour le salut de tous les hommes. Saint Augustin nous enseigne, que Jésus incline sa tête un peu avant que de mourir, pour nous témoigner qu'il meurt amoureusement pour nous, nous présentant le baiser de paix et de réconciliation : il a le cœur et les bras ouverts, pour nous embrasser, et nous témoigner son amour.
Considérons les raisons admirables de la mort de Jésus. Il voulut mourir pour nous témoigner l'excès de son amour, pratiquant ce qu'il avait enseigné pendant sa vie, que l'on ne peut pas donner à un ami un plus grand témoignage d'amour qu'en donnant sa vie pour lui. Saint Thomas ajoute que Jésus voulut mourir : Premièrement pour nous délivrer de la mort éternelle, que nous avions méritée par le péché, et pour nous mériter la vie éternelle. Secondement, pour nous apprendre à ne point craindre la mort, puisqu'elle a perdu toute son aigreur, depuis qu'elle a passé par ce canal de vie. Troisièmement enfin, pour nous mériter la grace de mourir tous les jours de notre vie au péché, au monde, à la chair, aux plaisirs et à nous-mêmes.
Affections.
O mon divin Sauveur mourant pour moi sur la Croix ! est-il bien possible que toutes les créatures ressentent votre mort, et que je demeure toujours endurci et insensible à votre grace ? La terre tremble, les pierres se brisent, les morts ressuscitent, et plusieurs se convertissent en voyant tous ces prodiges. Ah mon aimable Jésus ! produisez dans mon âme quelques-uns de ces admirables effets. Faites-moi trembler, et donnez-moi cette crainte salutaire, qui me fasse opérer mon salut. Brisez mon cœur par un véritable regret, et par le mouvement surnaturel et intérieur d'une parfaite et amère contrition ; faites-moi ressusciter à la grace, après avoir enseveli dans votre mort tous mes péchés, et accordez-moi la grace d'une parfaite et véritable conversion.
Résolutions
De pleurer amèrement la mort de Jésus, puisque nos crimes en sont la funeste cause, de le prier tous les jours de notre vie, qu'il nous fasse la grace de la passer dans son amour, pour mériter de la finir de même ; de mourir au péché, au monde, à la chair, à la vanité, à notre sensualité, et à nous-mêmes ; de conserver avec tous les soins possibles la grace, qui est la vie de notre âme, que Jésus nous a méritée par sa mort, d'assister en esprit tous les jours à la mort de Jésus, quand on sonnera l'Angelus à midi, et lui demander la grace de bien mourir, et voici comment mourir comme Jésus, avec Jésus et pour Jésus.
1 °. Comme Jésus, dans une parfaite conformité de sentiments avec lui : Jésus meurt, dans un esprit d'obéissance à la volonté de son Père ; de charité envers tous les hommes, et de bonté pour ses ennemis, de patience et de joie dans ses peines ; dans un entier détachement de toute créature, sans même en excepter la plus chère et la plus innocente, sa très-sainte Mère. Voilà le modéle de la mort que je me propose.
2°. Mourir avec Jésus, en unifiant nos peines à ses souffrances, notre indignité à ses mérites, tous nos maux à sa Passion, notre mort à la sienne, afin que ce qu'il y a d'insuffisant en nous, soit rempli et perfectionné par ce qu'il y a d'abondant en lui ; ses richesses, comme dit l'Apôtre, suppléant à notre indigence. Quelle douceur et quelle consolation pour nous, s'il nous fait la grâce de mourir avec lui ! Le bon Larron profita de cet avantage. Divin Jésus, oserais-je espérer que vous me direz à l'heure de ma mort, comme à cet heureux pénitent, vous serez aujourd'hui en Paradis avec moi !
3°. Mourir avec Jésus, lui consacrer tous les jours de sa vie en reconnaissance du sacrifice qu'il a fait de la sienne pour notre salut.
4°. Mourir pour Jésus, désirer ardemment la grace du martyre, pour verser son sang , et offrir sa mort en retour du sang qu'il a versé, et de la mort qu'il a endurée pour nous délivrer de la mort éternelle.
5°. Mourir pour Jésus, entreprendre de faire mourir pour l'amour de lui, nos passions et nos mauvaises habitudes, mortifier nos sens, pour honorer les peines qu'on fit souffrir aux siens dans sa Passion, et ne passer jamais aucun jour, sans avoir pratiqué quelque mortification spirituelle ou corporelle, comme une marque du souvenir qu'on a de sa mort. C'est ainsi que je me propose de mourir. Je prie Dieu de tout mon cœur de m'en faire la grace.
Faites, Jésus, que quelque jour,
Je meure comme vous d'amour.

Méditation
pour le vingt-neuvième jour
Jésus après sa mort, est percé au côté d'un coup de lance
Considérons avec le bien aimé Disciple de Jésus, la cruauté extrême des Juifs, qui n'étant pas contents d'avoir fait mourir le Fils de Dieu sur une Croix, lui firent percer le côté par un Soldat avec une lance. Adorons ce sang précieux qui découla de ce sacré côté de Jésus, et prions-le qu'il en lave et purifie nos âmes. Compatissons à la douleur que ressentit la sainte Vierge, quand elle vit enfoncer cette lance dans ce cœur amoureux. Elle tomba toute pamée, et demi morte, et son cœur pour lors fut blessé du glaive de douleur que lui avait prédit Siméon.
Considérons les raisons pourquoi Jésus permit qu'on lui ouvrit le côté.
1) Saint Augustin nous assure que Jésus ouvrant son côté, nous a ouvert une source de vie à la grace, et à la gloire, où nous devons entrer par les Sacrements qui en tirent leur vertu.
2) Jésus nous a ouvert son côté pour nous y faire entrer, afin d'y être à couvert de toutes les tentations. Et c'est là où se tenait continuellement saint Elzéar, qui étant éloigné de sainte Dauphine son épouse, qui était en peine de sa santé, lui écrivit ces belles paroles ; Si vous me voulez voir , ma chère épouse, cherchez-moi dans le côté de mon aimable Jésus ; c'est là où j'habite, et où vous me trouverez ; en vain me chercherez-vous ailleurs. Voilà le secret dont ce grand Saint s'est servi pour conserver la virginité dans le mariage, et pour se sanctifier.
Considérons les grands avantages que les âmes saintes retirent d'entrer et de demeurer dans ce côté adorable de Jésus. C'est de ce trésor divin que S. Augustin, saint Bernard, saint Bonaventure, et plusieurs autres Saints ont puisé le zéle ardent et l'amour séraphique dont ils ont brûlé pour Dieu et pour le prochain, avec la connaissance merveilleuse qu'ils ont eu de Dieu pour l'aimer ; d'eux-mêmes pour se mépriser et s'humilier, de la vanité des créatures pour s'en détacher, sachant ce qu'a dit l'Apôtre, qu'en Jésus sont renfermés tous les trésors de la sagesse de Dieu. C'était dans ce côté adorable où ils puisaient leur pureté, leur humilité, leur bonté, et toutes les autres vertus ; et saint Augustin nous assure que les plaies de Jesus-Christ sont remplies de miséricorde, et que nous y trouverons l'abondance de notre rédemption. Il ajoute après, qu'il n'a point trouvé de plus puissant reméde contre toutes sortes de tentations et de passions violentes, que d'avoir recours au côté adorable de Jésus.
Affections.
O Jésus, que votre bonté et votre amour sont grands ! Hélas ! il vous restait encore quelques gouttes de sang dans votre cœur amoureux, et vous avez voulu qu'on l'ait ouvert, afin de les répandre pour l'amour de nous : vous avez ouvert votre cœur pour nous y recevoir ; ô quelle tendresse ! Ah mon aimable Sauveur, que je serais heureux, si je pouvais entrer dans votre sacré côté, où vous m'invitez comme l'épouse du Cantique à me cacher ! O bienheureuse lance, s'écrie saint Bonaventure avec des transports d'amour, si j'eusse été en ta place, je n'aurais jamais voulu sortir du côté amoureux de mon aimable Jésus, mais j'aurais dit : J'habiterai ici comme en un lieu que j'ai choisi, et si je ne puis pas y habiter de corps, j'y demeurerai au moins d'esprit et de pensée, car c'est mon unique bonheur d'y être. C'est pourquoi j'y veux faire trois demeures ; une dans les plaies de ses mains, l'autre dans celles de ses pieds , et la troisième serait un séjour éternel dans ce sacré côté, où je voudrais reposer, dormir, boire, manger, lire, prier et mourir.
 Résolutions
De nous accoutumer depuis le matin jusqu'au soir à faire toutes nos actions, ayant notre esprit, notre cœur, notre pensée et nos affections cachées dans le cœur amoureux de Jésus ; de jetter d'abord notre pensée dans ce sacré côté ouvert, comme dans un lieu de refuge, dès aussitôt que nous serons tentés ; de jetter souvent les yeux sur le Crucifix, pour nous en faire souvenir, quand nous sommes froids ou tiédes dans l'amour de Dieu, d'entrer dès aussitôt dans cette fournaise pour nous y échauffer.
Je veux demeurer nuit et jour
Dans ce beau Palais de l'amour.

MEDITATION
Pour le trentième jour.
Jésus détaché de la Croix, et mis entre les bras de sa Mère affligée
Considérons avec quelle dévotion la sainte Vierge, saint Jean et Joseph d'Arimathie vinrent détacher le Corps adorable de Jésus. Ils se prosternèrent au pied de la Croix, et adorèrent ce sacré dépôt avec abondance de larmes. Dès aussitôt qu'il fut détaché de la Croix, la sainte Vierge le reçut entre ses bras, elle pleura amèrement la mort de ce Fils unique et bien aimé, qu'elle avait nourri, et avec qui elle avait si saintement vécu l'espace de trente-trois années. Il est probable que saint Jean se jetta sur le côté de Jésus, et baisa ce cœur amoureux qui avait été ouvert pour le salut de tous les hommes, et sur lequel il avait eu le bonheur de reposer amoureusement dans la dernière céne avant sa Passion. Unissons nos adorations, nos humiliations, notre douleur et nos larmes à celles de la sainte Vierge, de saint Jean et de Joseph d'Arimathie. Baisons avec respect ces sacrées plaies à leur imitation, et entrons dans les saintes dispositions qu'ils avaient au pied de la Croix.
Considérons pourquoi Jésus permit qu'on le détachât de la croix après sa mort.
1°. Il voulut mourir en croix, et n'en voulut pas descendre, pour nous apprendre que, si nous voulons être sauvés avec lui, il faut que nous persévérions avec patience jusqu'à la mort comme lui dans les croix, sans jamais nous en détacher pendant notre vie. Il n'est pas temps, dit saint Augustin, d'arracher les clous pendant notre vie ; il faut attendre après la mort.
2°. Jésus descend de la croix, pour faire place à tous les Chrétiens qui doivent s'y attacher ; n'étant pas juste et convenable, au rapport de saint Bernard, que les membres soient traités plus doucement et plus délicatement que le chef. Recevons donc avec respect cette croix que Jésus-Christ nous laisse en partage, et parcourons-en à loisir toutes les dimensions. Considérons la hauteur, elle pénétre jusques dans le Ciel, elle nous ouvre la porte du Paradis : quelle estime devons-nous faire de cette gloire, qu'un Dieu incarné a voulu nous acquerir par l'excès de ses tourments et de ses souffrances ! Voyons la profondeur de cette Croix, elle perce la terre, elle descend jusques dans les Enfers, pour nous fermer la porte de ces abîmes. Méditons les obligations infinies que nous avons à Jesus crucifié, qui a voulu éteindre par l'effusion de son sang, le feu de l'enfer, qui nous devait brûler. Voyons la largeur de cette Croix ; considérons les graces inestimables et infinies qu'elle enferme, prions notre divin Sauveur de nous les appliquer.
Considérons que le corps de Jésus fut mis entre les bras de la sainte Vierge sa chère Mère, pour nous assurer que c'est en elle que nous devons mettre notre espérance, et lui confier notre âme entre ses mains au dernier moment de notre vie, pour la présenter à son Fils après notre mort, et pour nous obtenir miséricorde de ce Fils bien-aimé.
Affections
O Corps précieux de mon aimable Sauveur, qui étiez l'admiration des hommes et des Anges, à cause de votre charmante beauté ! hélas, en quel, état êtes-vous réduit à présent ! ces yeux sacrés qui ont converti tant de pécheurs par leurs regards amoureux, sont à présent fermés ; cette bouche qui n'a proféré que des paroles de miséricorde, est muette, ce côte et ce cœur tout divin, qui a toujours brûlé d'amour et de charité pour Dieu et pour le prochain, est ouvert, ces mains adorables qui ont guéri tant de malades et ressuscité tant de morts ; ces pieds sacrés, qui ont tant fait de pas sur la terre pour le salut des hommes, ont été percés à jour avec de gros clous, le plus beau de tous les corps, est tout couvert de sang, et meurtri de blessures. C'est votre grand amour, ô mon aimable Jésus qui a opéré ces effets si surprenans. Hélas ! imprimez vivement dans mon âme, les sentiments que je dois avoir de votre sainte Mort et Passion ; accordez-moi la grace de persévérer avec courage dans les souffrances ; et ne permettez pas que je me détache jamais de ma Croix pendant ma vie.
Résolutions
De persévérer avec courage jusqu'à la mort dans nos croix, de nous plaire dans l'état où Dieu nous a mis, et d'en supporter patiemment toutes les peines, sans y jamais nous impatienter, à I'exemple de Jésus. 
Jésus descendant de la Croix,
Attachez-nous à ce saint bois.


MEDITATION
Pour le trente-unième jour
Le Corps de Jésus reposant trois jours dans le tombeau, pendant que son âme va consoler les âmes des saints Pères dans les Limbes
Considérons qu'après que la sainte Vierge, saint Jean et Joseph d'Arimathie eurent détaché de la Croix le Corps adorable de Jésus, ils l'embaumèrent d'un onguent précieux, et l'ensevelirent dans un tombeau neuf, selon le rapport des Evangélistes, où il ne demeura que trois jours, sans avoir jamais été sujet à la corruption.

Rendons à ce précieux dépôt nos derniers devoirs, et nos dernières adorations, à l'exemple de la sainte Vierge, de saint Jean, et de Joseph d'Arimathie ; et arrosons ce sacré tombeau de nos larmes.
Considérons que le tombeau du Corps adorable de Jésus représente le cœur d'un véritable Chrétien, où Jésuss se repose avec amour. Le tombeau neuf représente la pureté que doit avoir son âme ; les suaires blancs représentent les vertus dont elle doit être ornée, et l'onguent précieux dont le Corps adorable de Jésus est oint, est le symbole de la grace qui la doit préserver de la corruption du péché, après l'avoir reçue dans la sainte Communion. Considérons que Jésus a permis que son Corps ait été enséveli dans un tombeau, pour sanctifier le nôtre, et pour nous apprendre à ne le pas craindre, puisque nous en ressusciterons tous glorieux comme lui ; mais à y occuper nos plus sérieuses pensées, à l'exemple de la Magdelaine, et de plusieurs autres Saints qui se sont sanctifiés, considérant qu'ils devaient bientôt mourir, et être ensevelis dans le tombeau.

L'Ame de Jésus descend dans les Limbes pour consoler les âmes des saints Pères, afin de nous apprendre avec quelle charité nous devons soulager par nos prières les ames des Fidéles, qui sont décédées de ce monde, et sont détenues dans les flammes du Purgatoire
Affections

O tombeau de mon aimable Sauveur, mille et mille fois heureux ! quel dépôt plus saint et plus précieux, pouviez-vous enfermer dans votre sein, que le Corps adorable de mon Jésus qui doit faire durant toute l'éternité le bonheur des Bienheureux ! O mon âme ! n'êtes-vous pas plus heureuse de recevoir ce Corps précieux, non pas dans l'état qu'il fut mis dans le tombeau ; mais doué d'une vie et d'une gloire immortelle ? Mais, hélas ! le tombeau de Jésus était pur et net, et peut-être vous avez été déjà souillée de je ne sais combien de péchés. Aucun corps n'avait encore été mis dans ce tombeau, et vous avez été peut-être plusieurs fois la demeure des démons. Ah, mon aimable Jesus ! lavez et purifiez cette âme dans les larmes d'une parfaite et amère contrition, fortifiez-la de votre sainte grace, et ornez-la de toutes les vertus, afin que vous puissiez vous y reposer avec plaisir.
Résolutions.
De penser souvent à la mort, et au tombeau, où nous serons réduits plutôt que nous ne pensons, de soulager les âmes des Fidèles trépassés par nos prières, aumônes, mortifications et autres bonnes œuvres, à l'exemple de Jésus, qui alla consoler celles des saints Pères, de purifier notre cœur, et de préparer notre âme le mieux qu'il nous sera possible, avant que de recevoir Jésus dans la Communion.
Faites, Jésus, de nos cœurs un tombeau,
Et donnez-nous un esprit tout nouveau.

























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